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                                                                                                                                 Date : 20021211

 

                                                                                                                      Dossier : IMM‑5903‑00

 

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 11 décembre 2002

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

Entre :

 

 

AUGUSTINE OLIVEIRA

 

                                                                                                                                          demandeur

 

 

                                                                          ‑ et ‑

 

 

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                            défendeur

 

 

 

ORDONNANCE

 

 

VU la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente des visas Hélène Simard en date du 19 octobre 2000, qui avait refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par M. Augustine Oliveira parce que son fils, Francis Oliveira, avait été déclaré non admissible pour des raisons médicales en application du sous‑alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2;

 

ET APRÈS lecture des pièces produites et audition des conclusions des parties;

 


 

 

ET pour les motifs délivrés aujourd’hui;

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, et aucune question n’est certifiée.

 

 

 

 

 

                                                                                                                          « Michael A. Kelen »             

                                                                                                                                                     Juge                       

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


 

                                                                                                                                                           

 

                                                                                                                                 Date : 20021211

 

                                                                                                                      Dossier : IMM‑5903‑00

 

                                                                                                   Référence neutre : 2002 CFPI 1283

 

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

Entre :

 

 

AUGUSTINE OLIVEIRA

 

                                                                                                                                          demandeur

 

 

                                                                          ‑ et ‑

 

 

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                            défendeur

 

                                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE KELEN

 

 


[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agente des visas Hélène Simard en date du 19 octobre 2000, qui avait rejeté sa demande de résidence permanente au Canada parce que son fils, Francis Oliveira, avait été déclaré non admissible pour des raisons médicales en application du sous‑alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2 (la Loi). L’agente des visas a conclu que l’admission de Francis Oliveira entraînerait ou risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens.

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur, de nationalité pakistanaise, est marié et a trois fils. Il a demandé la résidence permanente en 1998. Lorsque sa famille fut soumise à des examens médicaux, on a découvert que son fils Francis, né le 13 juillet 1991, pourrait être non admissible pour des raisons médicales en application du sous‑alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi. Le médecin examinateur, le docteur Shahrukh Hansotia, est arrivé à la conclusion que Francis souffrait d’un trouble cognitif allant de modéré à grave et a recommandé d’autres évaluations de son état de santé.

 

[3]               Francis a d’abord été présenté au docteur Imtiazul Haq, un pédopsychiatre, et à Mme Getee Ara Naeem, psychologue clinicienne. L’évaluation de l’intelligence de Francis par le docteur Haq ne fut pas concluante, en raison surtout de la timidité excessive de Francis. Le docteur Haq a observé cependant que le niveau d’adaptation sociale de Francis était en rapport avec son âge et qu’il n’avait pas de lésion cérébrale évidente ni ne souffrait de troubles comportementaux ou psychotiques. Mme Naeem tenta d’administrer des tests d’aptitude intellectuelle en utilisant l’échelle d’intelligence pour enfants de Wechsler ‑ troisième édition ‑ et le mini‑examen de l’état mental. Francis fut incapable de subir ces tests en raison de sa timidité. Mme Naeem fut en mesure de dire que le niveau d’adaptation sociale de Francis s’accordait avec celui d’un enfant de son âge.

 


[4]               Le docteur Kerry Kennedy, qui travaillait comme médecin agréé auprès du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, a examiné les rapports du docteur Hansotia, du docteur Haq et de Mme Naeem et il a estimé qu’une évaluation complémentaire s’imposait. Il a demandé que Francis subisse une réévaluation psychiatrique. La réévaluation fut effectuée par Mme Saiqa Khan, psychologue clinicienne. Francis était âgé de huit ans et quatre mois au moment de la réévaluation, mais les tests ont révélé qu’il avait le fonctionnement intellectuel d’un enfant de six ans et la maturité sociale d’un enfant de cinq ans et demi. Mme Khan est donc arrivée à la conclusion que Francis n’était pas encore prêt à faire son entrée à l’école, mais qu’un enseignement individualisé allait sans doute améliorer ses résultats scolaires.

 

[5]               Le docteur Kennedy a examiné les rapports médicaux et préparé un avis médical dans lequel il indiquait que Francis souffrait d’une légère déficience intellectuelle, et dans lequel il décrivait les services sociaux nécessités par son état. Le docteur Kennedy exprima l’avis que l’admission de Francis entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens et que Francis n’était donc pas admissible selon le sous‑alinéa 19(1)a)(ii). Le docteur Jacques Saint‑Germain, deuxième médecin agréé canadien, souscrivit au diagnostic médical du docteur Kennedy et à sa conclusion de non‑admissibilité pour raisons médicales.

 


[6]               L’agente des visas communiqua au demandeur la conclusion du médecin agréé et, dans une lettre datée du 4 mai 2000, l’informa de son droit de produire dans un délai de 60 jours des renseignements complémentaires se rapportant à l’état médical de son fil. Il s’agissait d’une lettre‑type envoyée dans les cas de non‑admissibilité pour raisons médicales, une lettre appelée « lettre de seconde chance ». Était joint à la lettre l’avis médical du médecin agréé, qui renfermait un bref résumé des évaluations psychologiques de Francis, ainsi que la conclusion du médecin agréé.

 

[7]               Dans sa réponse, le demandeur produisit un rapport de l’école de Francis qui indiquait que Francis obtenait de bons résultats dans une classe spéciale pour enfants atteints de troubles légers. Le demandeur produisit aussi une lettre du docteur Haq et du professeur S. Haroon Ahmed confirmant que Francis souffre d’un léger ralentissement cognitif qui exige un encadrement correctif, mais non des soins en établissement. Mme Naeem procéda à une évaluation psychométrique sur Francis, évaluation qui l’amena à conclure que son niveau de fonctionnement était celui d’un enfant de cinq ans et demi. Elle lui administra un test de QI, dans lequel Francis obtint le niveau 55, ce qui range sa fonction mentale dans la catégorie déficiente et classe Francis dans le rang centile 0,1 pour les enfants de son âge. Il y avait aussi un rapport d’Erum Maqbool, psychologue clinicien, qui indiquait que Francis était « éducable » et que, à l’âge adulte, il pourrait vivre d’une manière autonome sans nécessiter un soutien constant.

 

[8]               Le docteur Kennedy et le docteur Saint‑German ont examiné les renseignements complémentaires, mais sont demeurés d’avis que l’état de Francis imposerait un fardeau excessif aux services sociaux canadiens. L’agente des visas a refusé la demande au motif que l’enfant à charge du demandeur était non admissible pour des raisons médicales en application du sous‑alinéa 19(1)a)(ii). C’est cette décision qui est contestée dans la demande de contrôle judiciaire.

 

 


TEXTE APPLICABLE

 

[9]               Le sous‑alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi était ainsi rédigé, avant son abrogation :

 


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

a) celles qui souffrent d’une maladie ou d’une invalidité dont la nature, la gravité ou la durée probable sont telles qu’un médecin agréé, dont l’avis est confirmé par au moins un autre médecin agréé, conclut :

(i) soit que ces personnes constituent ou constitueraient vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques,

(ii) soit que leur admission entraînerait ou risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé;


19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

(a) persons, who are suffering from any disease, disorder, disability or other health impairment as a result of the nature, severity or probable duration of which, in the opinion of a medical officer concurred in by at least one other medical officer,

(i) they are or are likely to be a danger to public health or to public safety, or

(ii) their admission would cause or might reasonably be expected to cause excessive demands on health or social services;

 


 

 

NORME DE CONTRÔLE

 


[10]           La norme de la décision raisonnable, également appelée norme de la décision raisonnable simpliciter, est appliquée à l’examen du refus d’un agent des visas qui est fondé sur un avis médical antécédent. Voir le jugement Fei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 C.F. 274 (1re inst.). Cela signifie que la décision de l’agent des visas doit résister à un « examen assez poussé », voir Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56. M. le juge Dubé a résumé, dans le jugement Gao c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 306, à la page 318 (C.F. 1re inst.), la jurisprudence se rapportant au contrôle judiciaire des décisions de non‑admissibilité pour raisons médicales :

 

Le principe le plus important qui se dégage de cette jurisprudence est que les tribunaux de révision ou d’appel n’ont pas compétence pour tirer des conclusions de fait liées au diagnostic médical, mais qu’ils sont compétents pour examiner la preuve afin de savoir si l’avis des médecins agréés est raisonnable, compte tenu des circonstances de l’affaire. Le caractère raisonnable d’un avis médical doit être apprécié non seulement à l’époque où il a été émis mais également à l’époque à laquelle l’agent d’immigration s’en est servi pour rendre sa décision, puisque c’est cette décision qui fait l’objet du contrôle ou de l’appel. Les motifs pour lesquels une décision peut être jugée déraisonnable comprennent l’incohérence ou les contradictions, l’absence de preuve à l’appui de la décision, le défaut d’avoir tenu compte d’une preuve convaincante, ou le défaut d’avoir tenu compte de facteurs énoncés à l’article 22 du Règlement. [notes omises]

 

L’avis du médecin agréé concernant le fardeau excessif ne fait pas l’objet de la présente demande, mais la Cour peut se demander si son avis était raisonnable puisqu’il a été invoqué par l’agente des visas. Si l’avis du médecin agréé est déraisonnable, alors l’agente des visas a eu tort de se fonder sur cet avis.

 

Principes applicables en ce qui concerne le « fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé »

 

[11]           Je résumerai les principes applicables à cette affaire, avant d’exposer mon analyse.

 


1.         Rôle du médecin agréé

 

a)         Le médecin agréé a pour tâche de dire si l’état de santé de l’intéressé est tel qu’il risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé; voir l’affaire Ma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 140 F.T.R. 311, au paragraphe 5.

 

b)         La preuve à laquelle doivent satisfaire les médecins agréés avant d’affirmer que l’état de santé d’une personne entraînera un fardeau excessif pour les services sociaux est plus exigeante dans les cas de légère déficience mentale (ce qui est le cas ici) : voir l’arrêt Deol c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.F.), l’affaire Sabater c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 102 F.T.R. 268, l’affaire Chun c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 154 F.T.R. 300 et l’affaire Prada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 200 F.T.R. 109.

 

2.         Rôle de l’agent des visas

 


a)         Un diagnostic médical de déficience mentale ne signifie pas que l’intéressé n’est pas admissible sur le plan médical; ce qui détermine la non‑admissibilité sur le plan médical, c’est la conclusion de l’agent des visas selon laquelle la déficience entraînera un fardeau excessif pour les services médicaux ou sociaux; voir l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Jiwanpuri (1990), 10 Imm. L.R. (2d) 241 (C.A.F.) et l’arrêt Deol, précité.

 

b)         L’agent des visas doit se demander si une erreur évidente s’est glissée dans le texte de l’avis médical; voir l’affaire Lee c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1986), 4 F.T.R. 86. Sauf une telle erreur, l’agent des visas peut se prononcer en se fondant sur l’avis médical produit; voir l’affaire Gingiovenanu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 31 Imm. L.R. (2d) 55 (C.F. 1re inst.), et l’affaire Ajanee c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1996), 110 F.T.R. 172.

 

c)         Lorsqu’il effectue cet examen, l’agent des visas doit évaluer toutes les circonstances du cas sans tout bonnement accepter la conclusion du médecin agréé; voir l’affaire Poste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 140 F.T.R. 126, au paragraphe 64.

 

3.         Évaluation d’un requérant d’après son « caractère unique »

 

a)         Lorsqu’ils se demandent s’il y a non‑admissibilité pour raisons médicales, les médecins agréés et les agents des visas doivent examiner dans son « caractère unique » chaque requérant qui se présente à eux; voir l’affaire Poste, précitée, au paragraphe 55.

 


b)         L’existence d’un soutien familial devrait être prise en compte, à défaut de quoi il y aurait sans doute erreur sujette à révision; voir l’affaire Lau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 146 F.T.R. 116, au paragraphe 10, l’affaire Poste, précitée, au paragraphe 55, l’affaire Litt c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 93 F.T.R. 305, au paragraphe 4 et l’affaire Tong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 153 F.T.R. 115, au paragraphe 13.

 

c)         Malgré l’existence d’un soutien familial, un agent des visas peut conclure que des « circonstances imprévues » sont susceptibles de dicter l’obligation de recourir aux services sociaux financés par l’État auxquels a droit un résident permanent; voir l’affaire Sooknanan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 142 F.T.R. 155, au paragraphe 10.

 

d)         L’expression « services sociaux », au sous‑alinéa 19(1)a)(ii), englobe l’éducation spécialisée; voir l’arrêt Thangarajan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 4 C.F. 167 (C.A.).

 

4.         Situation de fortune ou capacité de payer

 

a)         La Section de première instance a rendu des jugements contradictoires sur la question de savoir si la situation de fortune d’un requérant est un facteur à prendre en compte pour savoir si l’admission d’un requérant risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux.

 


(i)         Dans certains cas, la Cour a dit qu’il s’agit d’un facteur pertinent; voir l’affaire Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 141 F.T.R. 62, au paragraphe 29, l’affaire Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 625, au paragraphe 21, et l’affaire Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 844, au paragraphe 15.

 

(ii)        Dans d’autres cas, la Cour a indiqué que la situation de fortune du requérant n’est pas un facteur pertinent ‑ puisque tout résident permanent a le droit de se prévaloir des services sociaux financés par l’État, quel que soit sa situation financière, rien ne justifie la mise à exécution de l’engagement d’un requérant de payer les services sociaux dispensés à sa personne à charge; voir l’affaire Choi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 29 Imm. L.R. (2d) 85 (C.F. 1re inst.), l’affaire Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 86 (C.F. 1re inst.), l’affaire Cabaldon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 140 F.T.R. 296, au paragraphe 8, l’affaire Poon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 198 F.T.R. 56, aux paragraphes 18 et 19, et l’affaire De Jong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1165, au paragraphe 17.

 


b)         S’exprimant sur la pertinence de la situation de fortune lorsqu’il s’agit d’évaluer les contraintes exercées sur les services de santé, la Cour d’appel fédérale a récemment indiqué qu’il n’est pas possible de faire exécuter un engagement de rembourser « tout service utilisé »; voir l’arrêt Deol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 215 D.L.R. (4th) 675, au paragraphe 46. La Cour ne semble pas avoir fait de distinction entre les services de santé et les services sociaux et a cité, à l’appui de cette proposition, les jugements Choi, Cabaldon et Poon, précités, de la Section de première instance. Dans l’affaire Hilewitz, précitée, M. le juge Gibson a estimé que l’arrêt Deol ne concernait que les contraintes exercées sur les services de santé. Dans l’affaire De Jong, précitée, M. le juge Pinard a estimé qu’il visait également les contraintes exercées sur les services sociaux.

 

c)         La Section de première instance est également partagée sur la question de savoir si le fardeau excessif qu’entraînera pour les services sociaux l’admission d’une personne à charge devrait dépendre de la loi d’une province en particulier.

 

(i)         Pour certaines affaires, la Cour s’en est rapportée aux dispositions législatives de la province concernée pour savoir si les services sociaux étaient dispensés selon une formule de recouvrement des coûts; voir l’affaire Wong (1998), précitée.

 

(ii)        Dans l’affaire Hussain, précitée, au paragraphe 23, la Cour a jugé que, puisqu’un requérant ne pouvait être contraint de rester dans une province, l’évaluation ne devrait pas dépendre de la législation d’une province donnée. Voir aussi l’arrêt Deol (2002), précité, au paragraphe 48.

 


d)         Dans l’affaire Koudriachov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 175 F.T.R. 138, le juge Evans a estimé qu’un agent des visas n’a pas à se pencher sur la question du soutien familial ou celle de la situation de fortune à moins qu’il ne soit saisi d’éléments de preuve concernant ces questions.

 

4.         Équité procédurale

 

a)         L’exigence d’équité procédurale est remplie lorsqu’une « lettre de seconde chance » (elle est en général accompagnée du formulaire d’avis médical) est envoyée au requérant; voir l’arrêt Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 2 C.F. 413, 2001 CAF 345.

 

b)         La lettre de seconde chance doit clairement informer le requérant du diagnostic médical et du pronostic médical, ainsi que des services susceptibles d’être nécessaires. Le ministre n’est pas en principe tenu d’exposer dans la lettre de seconde chance les détails au soutien de la conclusion, dans la mesure où le requérant connaît effectivement les motifs de l’éventuel refus et dans la mesure où il a la connaissance nécessaire pour mener l’affaire plus loin; voir l’arrêt Khan, précité, au paragraphe 29.

 


ANALYSE

 

1.         Rôle du médecin agréé

 

[12]           Je suis impressionné par la manière dont le médecin agréé, le docteur Kerry Kennedy, a effectué cette évaluation. Il a d’abord dirigé Francis vers un pédopsychiatre et une psychologue clinicienne. Après étude de ces rapports, il a jugé qu’un examen complémentaire était nécessaire et a demandé que Francis subisse une nouvelle évaluation psychiatrique. Fort de cette information, le docteur Kennedy a conclu que Francis souffrait d’une déficience mentale allant de légère à modérée et il a décrit les services sociaux requis par son état. Cet avis médical fut soumis à un deuxième médecin agréé canadien, qui a confirmé le diagnostic médical du docteur Kennedy et sa conclusion selon laquelle l’enfant était non admissible pour raisons médicales. J’ai la certitude que le médecin agréé s’est acquitté de l’obligation élevée qu’il avait de prouver que l’état de Francis risquerait d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux canadiens.

 

2.         L’enfant nécessitera une éducation spécialisée au Canada

 

[13]           La preuve produite par les parents de Francis et par son école à Karachi a confirmé que Francis fréquente des classes d’éducation spécialisée pour enfants légèrement retardés. L’école a confirmé que Francis nécessiterait des classes d’éducation spécialisée au Canada.

 


[14]           De même, le demandeur a produit un rapport du centre psychosocial de Karachi, qui indiquait que Francis a un QI de 55 et qu’il aurait besoin d’un encadrement correctif. Par conséquent, il ne fait aucun doute que Francis souffre d’une déficience mentale allant de légère à modérée et qu’il aura besoin d’une éducation spécialisée au Canada dans l’immédiat, puis, dans l’avenir, d’une formation professionnelle et d’un emploi en atelier protégé.

 

3.         Avis du médecin agréé

 

[15]           Le médecin agréé a conclu que les services susmentionnés sont coûteux et pas toujours accessibles dans certaines régions et que les besoins de Francis entraîneront un « fardeau excessif » pour les services sociaux canadiens. Le Petit Robert définit ainsi le mot « excessif » : « qui dépasse la mesure souhaitable ou permise; qui est trop grand, trop important ».

 

[16]           Je suis convaincu que l’avis du médecin agréé est raisonnable. Dans son affidavit, il dit, au paragraphe 34 :

 

[traduction] Le ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario estime que le coût de l’éducation des enfants de l’Ontario qui ont des besoins spéciaux est à peu près le double du coût de l’éducation de l’élève moyen, à savoir 8 000 ‑ 12 000 $ par année pour l’enfant ayant des besoins spéciaux, contre 4 000 ‑ 6 000 $ par année pour la moyenne des élèves. Cet enfant, maintenant âgé de neuf ans, recevrait une éducation spécialisée au Canada jusqu’à l’âge de 21 ans.

 


Le médecin agréé affirme aussi (a) que Francis aura besoin d’une formation professionnelle et peut‑être d’un placement en atelier protégé, (b) que de tels services sociaux au Canada sont limités, en ce sens qu’un enfant n’y aura pas nécessairement accès lorsqu’il en aura besoin, et (c) que les programmes de jour pour adultes qui mettent l’accent sur le développement des aptitudes à la vie active coûtent environ 10 000 $ par année, la moyenne des individus passant environ dix ans dans un tel programme.

 

Spécificité ou « caractère unique »

 

[17]           Le médecin agréé a examiné ce cas dans sa spécificité. Il n’a pas été mis en doute que Francis devra fréquenter des classes d’éducation spécialisée au Canada et qu’un soutien familial ne saurait remplacer de tels services.

 

Situation de fortune ou capacité de payer

 

[18]           S’agissant de la situation de fortune, le demandeur n’a présenté à l’agente des visas aucune proposition par laquelle la famille s’engagerait à financer les services sociaux dont Francis pourrait avoir besoin. Les précédents portés à la connaissance de la Cour sont partagés sur la question de savoir s’il s’agit là d’un facteur pertinent. Quoi qu’il en soit, il est clair que la situation de fortune du demandeur ne suffirait pas à financer les services sociaux particuliers dont Francis aura besoin au cours de sa vie.

 


Équité procédurale

 

[19]           L’avocat du demandeur fait valoir que le droit du demandeur à l’équité procédurale a été nié parce que la lettre de seconde chance ne renfermait aucun des renseignements médicaux sur lesquels le médecin agréé avait fondé sa conclusion. L’avocat soutient que la lettre ne renfermait pas de renseignements suffisants pour permettre au demandeur de la réfuter utilement.

 

[20]           Ce point a été abordé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Khan, précité. Le juge Evans, s’exprimant pour la Cour, écrivait, au paragraphe 29 :

[...] lorsqu’un demandeur est clairement informé du diagnostic médical et du pronostic médical, ainsi que des services susceptibles d’être requis, il a nécessairement connaissance des motifs de l’éventuel refus et il a la connaissance requise pour mener l’affaire plus loin. Dans ces conditions, le ministre n’est pas tenu en principe de divulguer dans la lettre de seconde chance les détails au soutien de la conclusion selon laquelle un visa pourrait être refusé parce que l’admission de l’intéressé est susceptible d’entraîner un fardeau excessif pour les services médicaux ou sociaux.

 

La lettre et le formulaire d’avis médical indiquaient au demandeur le diagnostic médical (déficience allant de légère à modérée), le pronostic médical (aura besoin du solide appui de sa famille et de la collectivité tout au long de sa vie) et les services susceptibles d’être requis (classes d’éducation spécialisée, formation professionnelle et placement professionnel en atelier protégé). Au vu de l’information contenue dans le formulaire d’avis médical, le demandeur avait effectivement connaissance des motifs de refus et il détenait tous les renseignements nécessaires pour produire une réfutation utile. Il n’y a donc pas eu manquement à l’obligation d’agir équitablement.

 


PROPOSITION D’UNE QUESTION À CERTIFIER

 

[21]           L’avocat du demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée : « L’agent des visas a‑t‑il l’obligation de surveiller le médecin agréé pour s’assurer que celui‑ci a devant lui les preuves requises avant d’émettre son avis? » Le défendeur s’est opposé à ce que cette question soit certifiée. Je suis d’avis que la Cour a déjà répondu à cette question par l’affirmative, et, dans le cas présent, le médecin agréé avait effectivement devant lui les preuves requises avant d’émettre son avis, de telle sorte que cette question ne dispose pas de la présente demande.

 

[22]           Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

                                                                                                                          « Michael A. Kelen »            

                                                                                                                                                     Juge                       

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 DÉCEMBRE 2002

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5903‑00

 

INTITULÉ :                                                  AUGUSTINE OLIVEIRA

 

‑ et ‑

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2002

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Cecil L. Rotenberg, c.r.                                               pour le demandeur

 

M. Martin Anderson                                                         pour le défendeur

Mme Alexis Singer

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Cecil L. Rotenberg, c.r.                                               pour le demandeur

Avocat

255, chemin Duncan Mill

Bureau 808

Toronto (Ontario)

M3B 3H9

 

Morris Rosenberg                                                              pour le défendeur

Sous–procureur général du Canada


           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                                                         Date : 20021211

 

                                             Dossier : IMM‑5903‑00

 

 

ENTRE :

 

 

 

AUGUSTINE OLIVEIRA

 

                                                                 demandeur

 

 

 

‑ et ‑

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                   défendeur

 

 

 

 

 

                                                                     

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

 

                                                                      

 

 


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