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                                                                                                                                  Date : 20010524

                                                                                                                             Dossier : T-1060-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 513

E N T R E :

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                                           LABIB BOU KHZAM

                                                                                                                                          Défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD :

[1]         Cet appel, en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, (la « Loi » ) vise la décision d'un juge de la Citoyenneté qui, le 25 avril 2000, a approuvé la demande de citoyenneté du défendeur. Le demandeur maintient que le défendeur ne rencontre pas les exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de cette même loi.


[2]         Le défendeur, citoyen du Liban, a obtenu son droit d'établissement au Canada le 30 décembre 1995. Il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne le 8 janvier 1999. Il a été physiquement présent au Canada pendant quelque 205 jours durant la période précédant sa demande. Pendant les premiers 355 jours de cette période (entre le 9 janvier et le 29 décembre 1995), le défendeur n'avait pas encore immigré au Canada. Pour le reste, pendant ses absences, le défendeur se trouvait surtout en Arabie Saoudite et en Espagne où il faisait affaires dans le domaine de la vente pour la compagnie qui l'emploie.

[3]         Les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sont les suivantes :


5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[ . . . ]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[ . . . ]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:


(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

                                            (Emphasis added.)

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

                                               (Mon emphase.)

[4]         Dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la page 260, mon collègue, Monsieur le juge Muldoon, énonce les objectifs sous-tendant cette disposition de la Loi:

[TRADUCTION]

. . . garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de « se canadianiser » . Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo, T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.


(Voir également les décisions de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans Re Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97, M.C.I. c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98, M.C.I. c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98, M.C.I. c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-95, M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98, M.C.I. c. Su-Chen Chiu (9 juin 1999), T-1892-98 et M.C.I. c. Chi Cheng Andy Sun (6 juin 2000), T-2329-98.)

[5]         Cette Cour a statué qu'une interprétation correcte de l'alinéa 5(1)c) de la Loi n'oblige pas une personne à être physiquement présente au Canada pendant toute la période de 1 095 prescrite lorsqu'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. Toutefois, j'estime que la présence réelle au Canada demeure le facteur le plus pertinent et le plus important lorsqu'il s'agit d'établir si une personne avait sa « résidence » au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai dit à maintes reprises, une absence trop longue, quoique temporaire, pendant cette période minimum est contraire à l'esprit de la Loi, laquelle permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant l'une des quatre années précédant la date à laquelle elle demande la citoyenneté.

[6]         Par conséquent, étant donné qu'en l'espèce le défendeur s'est absenté du Canada pendant de longues périodes (il a été absent environ 895 jours des 1 095 jours de présence au Canada requis par la Loi), je conclus que la conclusion tirée par le juge de la Citoyenneté, à savoir que le défendeur remplissait les conditions de résidence prévues par la Loi, est tout à fait déraisonnable et qu'elle résulte d'une application erronée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.


[7]         Par conséquent, l'appel est accueilli et la décision du 25 avril 2000 du juge de la Citoyenneté est annulée pour le motif qu'au moment où le défendeur a demandé la citoyenneté canadienne, il ne remplissait pas les conditions de résidence énoncées à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Par conséquent, la demande que le défendeur a présentée en vue de d'obtenir la citoyenneté canadienne est rejetée.

                                                    

   JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 mai 2001

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