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                                         Date: 19990901

                                         Dossier: IMM-6257-98



ENTRE:     

     DOMINGO ESCOBAR AMAYA

     JEYSON LINDOLFO ESCOBAR

     EMILSE JAHAIRA ESCALANTE ESCOBAR

     IRIS LASTENIA ESCALANTE ESCOBAR

     Demandeurs

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié rendue le 2 novembre 1998, selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]      Le demandeur, sa femme et leurs deux enfants mineurs sont citoyens du Honduras. Ils ont quitté leur pays le 9 mars 1995 en direction du Salvador, puis du Guatemala, du Mexique et des États-Unis où ils sont demeurés environ neuf mois avant d'arriver au Canada le 30 décembre 1995, date à laquelle ils ont revendiqué le statut de réfugié.

[3]      En résumé, le demandeur, commerçant qui faisait de la contrebande entre le Salvador et le Honduras pendant trois ans sans problème, allègue avoir été victime d'extorsion lorsque un dénommé Hernandez fut nommé chef du poste militaire local. Ce dernier aurait commencé par prélever des "taxes" que le demandeur a consenti à payer.

[4]      Le demandeur a témoigné que le dénommé Hernandez aurait voulu l'assassiner pour lui voler l'argent qu'il transportait lors de ses voyages, mais qu'Hernandez et ses complices civils auraient été obligés de renoncer à leur projet lorsqu'ils ont constaté, en février 1995, que le demandeur s'était fait accompagner par des amis.

[5]      Le 9 mars 1995, alors qu'il revenait du Salvador, des militaires, sous les ordres du lieutenant Hernandez, ont saisi la marchandise du demandeur et le lieutenant Hernandez a accusé le demandeur de faire de la contrebande, d'être un communiste et d'être en contact avec des extrémistes. C'est alors que les demandeurs auraient quitté le Honduras.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[6]      La Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[7]      La Commission considère que le demandeur a été victime d'actes criminels de la part du lieutenant Hernandez et que sa crainte de retourner au Honduras n'est aucunement reliée à l'un des cinq motifs contenus à la définition de réfugié au sens de la Convention.

ARGUMENTS DES DEMANDEURS     

[8]      Essentiellement, le demandeur a soulevé deux motifs pouvant justifier l'intervention de cette Cour:

     a)      D'abord, le demandeur suggère que la commissaire Davey n'a pas été attentive et se serait endormie pendant l'audition; à cet effet le demandeur suggère que les questions qui ont posées à la toute fin de l'audition par la commissaire confirment le manque d'attention pendant l'audition.
     b)      Le demandeur suggère également que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas apprécié le bien fondé de la crainte de persécution du demandeur en évaluant les éléments objectifs et subjectifs de sa demande.

[9]      Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur en concluant erronément que la revendication n'avait pas de lien avec les motifs de la Convention et que la preuve est très claire à l'effet que le demandeur était accusé par l'armée d'avoir des liens avec les extrémistes salvadoriens et les communistes et d'agir comme courrier entre le Salvador et le Honduras. Il ajoute également que l'un des présumés chefs de la direction des investigations criminelles (DIC) Julio Hernandez cherchait le demandeur en déclarant qu'il avait un dossier sur ses activités extrémistes.

[10]      Le demandeur suggère également que la preuve documentaire confirme que les membres des forces de sécurité sont coupables de plusieurs exécutions extra judiciaires et que l'impunité des militaires amplifiée par un système judiciaire faible et corrompu est la règle au Honduras.

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[11]      De façon générale, le défendeur suggère que la preuve soumise permettait à la Commission de conclure comme elle l'a fait.

[12]      En effet, essentiellement, le revendicateur admet être un contrebandier entre le Salvador et le Honduras et avoir pu conduire son commerce illégal pendant plus de 3 ans sans être inquiété.

[13]      C'est avec l'arrivée d'un nouveau militaire nommé Julio Hernandez au poste de responsable du poste militaire à Mapulaca que la situation a changé.

[14]      C'est à ce moment que vu le commerce illicite du demandeur, les militaires ont commencé à exiger de lui des sommes d'argent s"il souhaitait continuer à pratiquer le même commerce illicite.

[15]      La Commission était bien fondée de considérer que le demandeur a été victime d'actes criminels de la part de membres des forces armées et que sa crainte de retourner au Honduras n"est aucunement liée à l'un des cinq motifs contenus à la Convention.

[16]      Quant à l'argument à l'effet que l'un des commissaires se serait désintéressé du dossier ou se serait endormi, le défendeur suggère qu"une lecture attentive démontre que la commissaire en question est intervenue à plus de dix reprises tout au cours de l'audition et que rien ne supporte la suggestion du demandeur quant au désintéressement de la part du commissaire en question.

ANALYSE

[17]      D'entrée de jeu il m'apparaît utile de souligner immédiatement que la suggestion du demandeur à l'effet que l'un des commissaires se serait désintéressé du dossier et se serait même endormi au cours de l'audition n'est absolument pas supportée par la preuve présentée devant la Cour et que les nombreuses interventions de la part du commissaire, les questions posées ainsi que la décision signée par les deux membres de la Section démontrent tout à fait le contraire.

[18]      Quant au deuxième motif soulevé par le demandeur, il apparaît utile de rappeler que le revendicateur a le fardeau de démontrer que sa crainte, si elle existe, était reliée à l'un des motifs énumérés à la définition de réfugié au sens de la Convention.

[19]      Il est apparu clair pour les membres de la Section du statut que les incidents qui auraient provoqué le départ des demandeurs étaient davantage reliés au commerce illicite du demandeur principal qui a admis qu'il faisait de la contrebande et que ces incidents n'étaient pas reliés à l'un des motifs énumérés à la définition. Tel que le soulignait le juge Joyal dans Morrisseau Alexandre c. M.E.I., A-802-92, 22 août 1994:

     ...il m'apparaît clair qu'à tout événement, qu'il s'agisse de persécution par des actes de violence, des actes discriminatoires, des attentats, des menaces ou du harcèlement, en somme quel que soit l'acte de persécution, il doit être basé sur des motifs de race, de nationalité, d'opinion politique ou d'appartenance à un groupe social.

[20]      En conséquence, il n'était pas déraisonnable suivant la preuve fournie pour la Section du statut, d'en conclure comme elle l'a fait. Il n'y a rien au dossier qui puisse me convaincre que la Section du statut a commis une erreur en rendant sa décision.

[21]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[22]      Le procureur du demandeur a soumis la question suivante pour certification:

     Les commissaires doivent-ils mentionner dans leur décision tous les éléments importants qui supportent la revendication alléguée par le revendicateur?

[23]      Le procureur du défendeur a soumis, jurisprudence à l'appui, que la Cour d'appel et la Cour suprême s'était déjà penchée sur cette question à de nombreuses reprises.

[24]      Je suis d'accord avec les prétentions du défendeur à l'effet que cette question a déjà été traitée à de nombreuses reprises par la jurisprudence et que cette question ne constitue pas une question sérieuse devant être certifiée. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.



                             Pierre Blais

                             Juge



OTTAWA, ONTARIO

1er septembre 1999

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