Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050729

Dossier : IMM-5676-04

Référence : 2005 CF 1047

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                           MAYA GARDANZARI

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Maya Gardanzari est une citoyenne de la Géorgie âgée de 57 ans. Elle a d'abord prétendu craindre d'être persécutée du fait de son appartenance à un groupe minoritaire, à savoir les Kurdes Yezidi, parce qu'elle s'est convertie à la religion chrétienne orthodoxe, et en tant que femme battue par son mari. Dans une décision en date du 7 juin 2004, une formation de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'elle n'était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Elle a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2]                À l'audition de la présente demande, l'avocat de Mme Gardanzari a informé la Cour que la demanderesse contestait seulement la façon dont la Commission avait traité sa prétention portant sur les abus que lui faisait subir son mari et, en particulier, sur l'évaluation que la Commission a faite de son état psychologique.

[3]                L'audition devant la Commission a eu lieu à trois dates différentes : le 3 septembre 2003, le 16 décembre 2003 et le 12 janvier 2004. Un rapport psychologique préparé par le Dr Pilowsky, en date du 21 août 2003, a été présenté au cours de la première audience. Le Dr Pilowsky a examiné Mme Gardanzari à une reprise et a conclu qu'elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) en raison d'expériences traumatisantes qui ont eu lieu dans son pays d'origine.


[4]                L'audience du 3 septembre a été ajournée par la Commission en raison de préoccupations au sujet de la qualité du témoignage de la demanderesse et pour permettre d'effectuer une évaluation plus précise que celle décrite dans le rapport du Dr Pilowsky. Par conséquent, la demanderesse a été examinée par un psychiatre, le Dr Yaroshevsky, à quatre reprises, et ce dernier a déposé un rapport le 12 décembre 2003. Dans son rapport, le Dr Yaroshevsky confirmait le diagnostic de SSPT et notait [traduction] « certains éléments de dépression psychotique » . Il déclarait [traduction] « qu'il n'y avait pas de symptôme de trouble de la perception ... sa mémoire semble bonne ... elle n'est pas sujette au délire » .

[5]                L'audition de l'affaire ne s'est pas terminée le 16 décembre étant donné que d'autres questions ont été soulevées au sujet de la légitimité du seul élément de preuve documentaire déposé à l'appui de la prétention de la demanderesse selon laquelle elle avait été mariée et elle avait laissé sa fille en Géorgie - un document étant soi-disant l'acte de naissance de sa fille. Une expertise judiciaire n'a pas permis de tirer des conclusions probantes, mais elle a soulevé un certain nombre de préoccupations laissant croire à une falsification de documents.

[6]                À la suite du dernier jour d'audience, le Dr Yaroshevsky a réexaminé les notes versées à son dossier et a remis un autre rapport en date du 13 janvier 2004. Il a déclaré que son premier rapport ne renfermait pas d'importants renseignements pouvant jeter une certaine lumière sur l'état mental de la demanderesse au moment où la crédibilité de sa revendication était mise en doute. Selon ces renseignements, la demanderesse était confuse et nerveuse et elle ne pouvait se concentrer sur le sujet de la discussion ni répondre clairement aux questions. Le Dr Yaroshevsky a déclaré que son SSPT pouvait être la raison pour laquelle elle semblait évasive et incohérente quant à ses souvenirs.

[7]                Dans les motifs de sa décision, la Commission a conclu que Mme Gardanzari n'était pas crédible dans son témoignage. En s'appuyant sur les évaluations médicales, la Commission a statué qu'elle était en mesure de livrer son témoignage. Elle a également conclu que la seule corroboration documentaire de la relation qu'elle avait avec son abuseur allégué, soit l'acte de naissance, n'était pas authentique.

[8]                La Commission a déclaré que Mme Gardanzari avait des problèmes de mémoire seulement quand elle discutait des détails de sa vie avec son abuseur allégué et elle a conclu qu'elle n'avait pas subi d'abus par son mari, réel ou allégué. Il convient de noter que la Commission a conclu qu'il y avait des contradictions entre le formulaire de renseignements personnels de la demanderesse et son témoignage au sujet de l'année de naissance de son mari. D'après la prépondérance des probabilités, la Commission a conclu que la demanderesse ne connaissait pas la date de naissance de son mari parce qu'elle n'était pas mariée.

[9]                La Commission n'a pas non plus cru que Mme Gardanzari s'était convertie à la religion orthodoxe parce qu'elle n'avait qu'une connaissance vague de la religion et qu'elle ne s'est jointe à aucune congrégation orthodoxe au Canada.


[10]            À l'égard des rapports médicaux, la Commission a préféré le premier diagnostic du Dr Yaroshevsky - dans lequel il a conclu qu'il n'y avait pas de symptôme de trouble de la perception - à son dernier rapport, parce que le premier rapport a été rédigé peu après l'évaluation de la patiente et avant l'audition de l'affaire. La Commission a commis une erreur en déclarant deux fois que le deuxième rapport avait été fait plus d'un an après le premier. Il est difficile de comprendre comment cette erreur a pu se produire autrement qu'en raison d'une simple confusion quant aux années commise par le membre de la formation lors de la rédaction des motifs. De toute façon, je ne crois pas que cette confusion ait été importante dans les conclusions auxquelles la formation est parvenue.

[11]            Il faut faire preuve d'un degré élevé de retenue à l'égard des décisions de la Commission qui s'appuient sur ses conclusions quant à la crédibilité. La norme de contrôle appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable. À moins qu'il ne soit démontré que les inférences et les conclusions de la Commission sont si déraisonnables qu'elles n'auraient pas dû être tirées, ou que la Commission semble les avoir tirées de façon arbitraire sans tenir compte de la preuve, la Cour ne doit pas intervenir, qu'elle souscrive ou non à ces inférences : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


[12]            La demanderesse soutient que la Commission n'a pas accordé à la preuve concernant les effets qu'avait son SSPT sur sa capacité à communiquer l'importance ou la reconnaissance qu'elle aurait dû y accorder relativement à la question déterminante de la crédibilité : Fidan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1606 (C.F.); C.A. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1082 (C.F. 1re inst.); Dink c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 471 (C.F. 1re inst.).

[13]            Je ne peux accepter cette prétention. La Commission était tenue d'examiner les rapports médicaux pour évaluer la crédibilité et elle l'a fait. Elle a accepté l'évaluation selon laquelle la demanderesse souffrait du SSPT, mais elle a conclu que le fondement factuel sur lequel les rapports médicaux s'appuyaient n'était pas crédible. La Commission pouvait suivant son pouvoir discrétionnaire rendre cette décision : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Szoradi, 2003 CFPI 388.

[14]            Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel les rapports médicaux n'ont pas été pris en compte. En fait, la Commission a reconnu la nécessité d'une évaluation appropriée quand des difficultés se sont d'abord posées au cours du témoignage de la demanderesse. Mais le médecin, par ses rapports, ne pouvait usurper le rôle de la Commission qui consiste à juger les faits. Quand la Commission conclut, comme elle l'a fait en l'espèce, que la demanderesse a témoigné d'une façon cohérente ou rationnelle en général, elle peut accorder aux rapports médicaux peu de poids si elle est convaincue qu'il n'y a pas de fondement crédible à la revendication.

[15]            La demande est donc rejetée. Aucune question grave de portée générale n'a été proposée et aucune ne sera certifiée.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                          « Richard G. Mosley »                     

                                                                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-5676-04

INTITULÉ :                                       MAYA GARDANZARI

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 8 juin 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      le juge Mosley

DATE DES MOTIFS :                     le 29 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Arthur I. Yallen                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Todd                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ARTHUR I. YALLEN                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.