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                                                                                                                                 Date : 20050722

                                                                                                                    Dossier : IMM-5150-04

                                                                                                                Référence : 2005 CF 1016

ENTRE :

                                                                KLARA ZAKAR

BERNADETT OLAH

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                La question principale à laquelle nous devons répondre dans le cadre du présent contrôle judiciaire consiste à savoir si la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le Tribunal) a correctement examiné les demandes d'asile de la mère (Zakar) et de sa fille de 14 ans (Olah). La demande d'Olah comprenait des éléments qui étaient distincts de ceux de la demande de sa mère.

L'historique

[2]                Les deux demanderesses sont des citoyennes de la Hongrie qui ont présenté des demandes d'asile au Canada parce qu'elles craignent d'être maltraitées par l'ancien mari de Zakar et père d'Olah.

[3]                Les demandes ont été entendues sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration et ont été acceptées. Dans le cadre du contrôle judiciaire de cette première décision, l'affaire a été renvoyée parce que la Commission avait mal examiné la question de la protection de l'État. La deuxième décision, laquelle fait l'objet du présent contrôle judiciaire, est le résultat de la nouvelle décision ordonnée par la Cour quant à la demande des demanderesses.

[4]                Lors de l'audience du 17 décembre 2003, les demanderesses ont allégué craindre avec raison d'être persécutées pour l'un des motifs prévus dans la Convention, c'est-à-dire l'appartenance à un groupe social, notamment celui des femmes. La fille demanderesse, dans une certaine mesure, a fondé sa demande sur celle de sa mère.

[5]                Comme le Tribunal l'a souligné, les demanderesses ont continué de fonder leurs demandes sur les mauvais traitements infligés par l'ancien mari/père. La crainte fondée sur l'identité rome n'est pas un facteur qui était entré en ligne de compte dans leur présumée crainte de retourner en Hongrie.

[6]                Le Tribunal n'a pas accepté le motif invoqué par Zakar quant à sa crainte subjective. Le Tribunal a jugé qu'il n'était pas crédible que Zakar, qui a vécu en paix, qui était séparée de son mari depuis longtemps, rejoigne de son plein gré son mari censément violent et vienne au Canada. Il a également conclu que l'allégation de la demanderesse selon laquelle elle aurait été contrainte d'accompagner son ancien mari au Canada constitue une exagération.

[7]                Quant à la question de la protection de l'État, le Tribunal n'a pas été convaincu que l'ancien mari constituait une véritable menace. Le Tribunal a souligné que les menaces invoquées étaient vieilles de trois ans, que Zakar ne savait pas où se trouvait son ancien mari et qu'elle n'avait aucun contact avec lui.

[8]                Le Tribunal a de plus conclu que, dans le cas de Zakar, la police avait donné suite à ses plaintes et, comme elle l'a admis, avait fait [Traduction] « tout ce qu'il était possible de faire » .

[9]                Le Tribunal a également conclu que les demanderesses disposaient d'une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable à Orbottyan, la ville de la mère de Zakar.          

[10]            Dans le contrôle judiciaire, en plus de la question de savoir si le Tribunal avait omis de tenir compte de la nature distincte de la demande de la mère, les questions suivantes ont notamment été soulevées :

-          A-t-on contrevenu aux principes de la justice naturelle en refusant la communication tardive de documents?

-           La fille Olah avait-elle droit à une audience indépendante de sa demande?

-           Le Tribunal a-t-il violé les droits des demanderesses conférés par la Charte en limitant la question en litige à la violence familiale et en ne traitant pas de leur origine rome?

-           Le Tribunal a-t-il commis une erreur dans ses conclusions quant à la protection de l'État et la PRI.

[11]            En conséquence de la décision rendue dans le cadre de ce contrôle judiciaire, il est inutile de se prononcer quant à ces autres questions. Toutefois, la Commission peut juger utile d'examiner la deuxième question dans le contexte du droit de l'enfant à ce que sa demande, quant aux éléments qui diffèrent de ceux de la demande de sa mère, soit pleinement évaluée. Quant à la troisième question, un demandeur qui omet de soulever une question comme fondement de la demande, en l'espèce l'identité rome, ne peut guère se plaindre si la Commission ne l'examine pas.

La décision

[12]            Les faits concernant la fille Olah, bien qu'ils comportent un certain nombre d'éléments en commun avec les faits concernant la mère, ils comportent également des aspects distincts. La preuve a indiqué qu'Olah avait été agressée par son père, que celui-ci lui avait administré des corrections à plusieurs reprises et que, à au moins une occasion, il l'avait étranglée.

[13]            Lorsqu'on examine la décision du tribunal, rien n'indique que le Tribunal a traité ces allégations d'agression sur la fille, bien que les incidents soient rapportés dans le FRP de cette dernière.

[14]            L'élément essentiel de crainte n'était pas le même dans le cas de la mère et dans le cas de la fille. La fille invoquait des motifs différents quant à sa prétention de violence familiale, notamment qu'elle craignait d'être blessée par son père. En tant qu'enfant, elle était dans une position plus vulnérable que sa mère.

[15]            Les questions de la protection de l'État et d'une PRI acceptable examinées par le Tribunal étaient essentiellement les mêmes dans le cas de la fille et dans le cas de la mère. Aucune analyse distincte n'a été faite quant à la position de la fille concernant l'une ou l'autre de ces questions.

[16]            Les problèmes en l'espèce ont été aggravés par le fait que la mère contrôlait le déroulement de l'audience. C'est elle qui a décidé de ne pas faire témoigner sa fille, bien qu'elle l'ait fait témoigner lors de la première audience alors que celle-ci était encore plus jeune.

[17]            Selon moi, le Tribunal n'a pas adéquatement tenu compte de la nature et du motif distincts de la demande d'asile de la fille. Le Tribunal doit être réceptif et attentif aux intérêts spécifiques de l'enfant, particulièrement lorsqu'il existe un certain nombre de différences entre la demande du parent et celle de l'enfant (ou des enfants).

[18]            Bien que, en l'espèce, la mère puisse être un représentant convenable, la question de la représentation adéquate de l'intérêt supérieur de l'enfant doit être prise en compte par le Tribunal (voir l'article 15 des Règles de la SPR). Rien n'indique que le Tribunal a tenu compte de cette question. En disant cela, la Cour ne conclut pas qu'un représentant désigné distinct est toujours exigé - elle ne fait que conclure que la question aurait dû être prise en compte. Il s'agit d'un autre élément de l'omission du Tribunal de tenir compte de la nature et du fondement distincts de la demande de la fille.

[19]            Comme le Tribunal a omis de tenir compte de la demande de la fille, la décision relative à fille doit être annulée. Étant donné le grand nombre de recoupements dans la décision entre la demande de la mère et celle de la fille quant à la question de la protection de l'État et de la PRI, il est impossible de conclure que l'omission de traiter adéquatement la demande de la fille n'a eu aucune influence sur la décision relative à la mère. En raison de cette incertitude, la décision concernant la mère doit également être annulée.

[20]            Par conséquent, la présente décision, dans son intégralité, sera annulée et l'affaire sera renvoyée pour nouvelle décision devant un Tribunal différemment constitué.

[21]            Les parties ont proposé diverses questions à certifier car elles ont présumé qu'il y avait différents motifs pour la décision de la Cour. Comme la présente cause repose sur les faits et sur des principes de droit bien établis, aucune question ne sera certifiée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                                                       

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              IMM-5150-04

INTITULÉ :                                             KLARA ZAKAR et BERNADETT OLAH

            et

            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

            L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 24 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                           LE 22 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

                                                    

Amina Sherazee                                         POUR LES DEMANDERESSES

Martin Anderson                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Galati, Rodrigues, Azevedo & Associates

Toronto (Ontario)                                                                POUR LES DEMANDERESSES

M. John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                      POUR LE DÉFENDEUR



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