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Date : 20040608

Dossier : T-57-03

Référence : 2004 CF 817

Ottawa (Ontario), le 8 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                       KATHERINE McCONNELL

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

                         ET L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                                                                       défenderesses

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Mme Katherine McConnell (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire, en conformité avec la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée, d'une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission ou la CCDP), datée du 19 décembre 2002. Dans cette décision, la CCDP a avisé la demanderesse que sa plainte était rejetée.


CONTEXTE

[2]                La demanderesse a déposé une plainte, le 18 novembre 2000, contre l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC), alléguant que l'ADRC avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique et de son incapacité, contrairement à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi).

[3]                La demanderesse a obtenu un poste d'agent de vérification (PM-02) auprès de Revenu Canada, Douanes et Accise en 1990, à Vancouver. En décembre 1997, elle a commencé à travailler à Calgary, au programme Recherche scientifique et développement expérimental (RS & DE ). Conformément au protocole d'entente signé par la demanderesse le 2 novembre 1999, elle a été retirée du programme RS & DE de son ministère d'attache et affectée aux services des interprétations techniques (SIT) du ministère d'accueil, au sein de la Direction des services à la clientèle de la défenderesse, à Calgary. Selon le protocole d'entente qui avait été signé par Gerry Baker, directeur adjoint, Services à la clientèle, le 22 septembre 1999 et Rob Veltri, directeur, Services de vérification, le 9 août 1999, la demanderesse devait se présenter aux SIT pour y travailler. Selon la clause 6 du protocole d'entente, la demanderesse pouvait être renvoyée à tout moment avec le consentement des services tant du ministère d'attache que du ministère d'accueil, savoir RS & DE et SIT, respectivement.

[4]                La demanderesse ne s'est présentée aux SIT que le 10 janvier 2000, après avoir demandé que la date de son affectation soit reportée. Les deux services en cause ont annulé l'entente relative à l'affectation, dans une lettre datée du 9 février 2000 signée par les directeurs intérimaires de VERO et des services à la clientèle. La lettre mentionne que la demanderesse ne s'était pas présentée au travail le 24 janvier 2000 et pendant [traduction] « près d'un mois » .

[5]                Dans une lettre datée du 17 février 2000 adressée à M. J.B. Rooke, directeur intérimaire de VERO, la demanderesse a exprimé la déception et la douleur qu'elle avait ressenties lorsqu'elle avait reçu la lettre du 9 février 2000. Elle a dit qu'un médecin la soignait et qu'elle n'était pas en mesure de travailler pour des raisons de santé. Elle a également manifesté le désir de se prévaloir de la procédure de règlement des griefs prévu par sa convention collective.

[6]                Le 10 avril 2000, la demanderesse a déposé un formulaire de demande d''assurance-invalidité à Betty Oates. La lettre ne mentionne pas le poste de Mme Oates, mais elle est adressée à la défenderesse, à une adresse de Calgary, savoir le « 200, 4e    avenue SE, pièce 720, Calgary (Alberta) » .

[7]                Dans une autre lettre datée du 19 avril 2000 et envoyée à M. Barry Rooke, la demanderesse a dit qu'elle voulait demander une « rémunération d'intérim » pour le reste de la période de son affectation à RS & DE et également d'être affectée de nouveau aux SIT, comme directrice, à son retour au travail.

[8]                Le 26 avril 2000, la demanderesse a écrit une lettre au Workmen's Compensation Board de l'Alberta. Dans la lettre, elle disait qu'en fait, elle avait été rétrogradée de son poste à RS & DE et qu'elle était soumise à [traduction] « une pression de plus en plus forte » pour qu'elle retourne au travail. Elle a écrit que ces événements, ainsi que les pressions qu'ils exerçaient sur elle lui avaient causé [traduction] « beaucoup de stress et d'anxiété, ainsi qu'une profonde dépression » .

[9]                Le 2 juillet 2000, la demanderesse a écrit à Mme Elaine Routledge, sous-commissaire de la défenderesse responsable des opérations régionales, région des Prairies et des T. N.-O. Dans sa lettre, elle alléguait que son employeur l'avait harcelée. Elle alléguait également de la discrimination et une violation de ses droits en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), ch. 11 (la Charte), de l'abus de pouvoir et elle demandait la mise en oeuvre de mesures correctives, notamment le respect, par son employeur, de sa Politique contre le harcèlement en milieu de travail et la Commission canadienne des droits de la personne.

[10]            Dans une lettre datée du 27 septembre 2000, Mme Jacinta Bélanger, agente des droits de la personne, Plaintes et enquêtes, a fait parvenir à la demanderesse un formulaire de projet de plainte qui avait été préparé en réponse aux diverses allégations de discrimination formulées par la demanderesse contre la défenderesse pour des raisons de race et d'origine ethnique.

[11]            La demanderesse a complété le formulaire de plainte le 18 novembre 2000. Elle a allégué avoir fait l'objet de discrimination fondée sur la race, sur l'origine ethnique et nationale et sur l'incapacité, contrairement à la Loi. Le numéro de dossier 20000775 a été attribué à la plainte. Selon la plainte, les actes discriminatoires allégués avaient eu lieu entre 1993 et le mois de juin 2000. Le formulaire de plainte, ainsi que le dossier 20000775 réunit quatre plaintes déposées par la demanderesse contre la défenderesse et la CCDP, en 2000.

[12]            Dans le formulaire de plainte, la demanderesse se décrit comme [traduction] « une minorité visible au sens de l'article 3 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi » . Elle ne donne aucun détail à cet égard. Elle décrit le traitement discriminatoire allégué sous trois titres différents, savoir :

1.          un traitement différentiel en raison de la race, de la nationalité et de l'origine ethnique, ainsi que de l'incapacité physique;

2.          ne pas avoir fourni un milieu exempt de harcèlement fondé sur la race, la nationalité et l'origine ethnique;

3.          adoption, par le programme de recherche scientifique et développement expérimental de l'ADRC d'une pratique qui prive les employés des minorités visibles d'avancement professionnel.


[13]            La demanderesse allègue, de manière générale, une forme de discrimination de la part de la défenderesse dans ses pratiques de dotation et de gestion, plus particulièrement au bureau de Calgary. Elle décrit les résultats de concours qui, à son avis, démontrent que des employés de race blanche non qualifiés ont obtenu une promotion ou de l'avancement au détriment d'employés qualifiés d'une minorité visible au sens de l'article 3 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, L.C. 1995, ch. 44, modifiée. Elle mentionne des [traduction] « actes continus de favoritisme » qui ont soulevé [traduction] « une forte présomption que la direction accorde toujours un traitement favorable aux employés de race blanche au sein du programme RS & DE » puis, elle décrit en détail ses allégations.

[14]            La demanderesse nomme également d'autres personnes qui, selon elle, auraient souffert de ce parti pris de la part de certains cadres supérieurs de Calgary. La demanderesse dit que d'autres employés ont été particulièrement défavorisés dans le concours CO-03 et elle fait les commentaires généraux suivants :

[traduction]

L'examen des listes qui ont été produites au même moment dans d'autres régions du Canada et qui visent les postes de gestionnaires scientifiques du groupe CO-03 dans les concours auxquels Mme Tackaberry a présenté sa candidature révélera d'autres candidats des minorités visibles qui ont été défavorisés. L'examen de ces listes et des candidats permettra en outre de déceler les candidats qualifiés des minorités visibles dont la candidature a été rejetée ainsi que les candidats qualifiés des minorités visibles dont le nom n'apparaît pas sur les listes.

Tous les candidats qualifiés des minorités visibles qui n'ont pas été nommés dans tous les concours relatifs à des postes de scientifiques de 1993 jusqu'à maintenant ont, en fait, fait l'objet de discrimination puisque des candidats de race blanche ont été promus.


[15]            Dans son formulaire de plainte, la demanderesse mentionne également la procédure écrite de règlement des griefs dont elle s'est prévalue, particulièrement le grief qu'elle a déposé dans lequel elle a demandé à la défenderesse de reconnaître que, dans les faits, la demanderesse remplissait les tâches d'un gestionnaire scientifique du groupe CO-03. Elle dit que, jusqu'à la date de sa plainte à la CCDP, elle n'a reçu aucune réponse au grief qu'elle a présenté à plusieurs niveaux de gestion, depuis le directeur, Services de vérification jusqu'au bureau du commissaire, Rob Wright.

[16]            Enfin, la demanderesse dit que [traduction] « les cadres supérieurs connaissent depuis plusieurs années les problèmes de dotation du service RS & DE; ils ont toujours fermé les yeux et n'ont jamais exercé un contrôle à cet égard » . Elle qualifie l'absence de réaction d'abus de pouvoir.

[17]            Dans une lettre datée du 25 avril 2001 provenant de M. Mark Earle, enquêteur de la Direction générale des enquêtes, Direction générale des programmes d'antidiscrimination de la CCDP, la demanderesse a reçu une copie de la défense déposée par l'ADRC en réponse à sa plainte. La réponse n'a pas été déposée au complet dans les documents produits par les parties en cause, mais les documents déposés par la demanderesse comme pièces C, D, E et F jointes à l'affidavit de la demanderesse dans la présente demande de contrôle judiciaire contiennent un extrait de la défense de la défenderesse. Dans cette lettre du 25 avril 2001, il était demandé à la demanderesse de soumettre sa réponse avant le 25 mai 2001.


[18]            Dans une autre lettre datée du 13 juin 2001, Mme Shawna M. Noseworthy, une enquêteuse de la Direction générale des programmes d'antidiscrimination de la CCDP, a écrit à la demanderesse pour l'aviser qu'elle avait été nommée enquêteuse et chargée de l'enquête sur la plainte de la demanderesse contre l'ADRC. Mme Noseworthy a décrit son mandat en ces termes :

[traduction] En tant qu'enquêteuse, je suis responsable de recueillir les faits qui ont trait aux allégations et, lorsque l'enquête est terminée, de faire rapport de mes conclusions aux membres de la Commission.

[19]            Mme Noseworthy a ensuite avisé la demanderesse que la défenderesse avait présenté des objections préliminaires relativement à l'enquête sur les allégations de la demanderesse. Premièrement, selon Mme Noseworthy, la défenderesse s'est objectée au fait que la demanderesse prétende que des tiers, employés non identifiés provenant d'une minorité visible, avaient fait l'objet d'un traitement discriminatoire. À cet égard, la défenderesse s'est fondée sur le paragraphe 40(2) de la Loi qui prévoit que la Commission peut refuser de traiter une plainte déposée par une personne autre que celle qui prétend avoir fait l'objet de la pratique discriminatoire visée par la plainte, en l'absence du consentement de la tierce partie, victime alléguée. Selon la défenderesse, la demanderesse n'a présenté aucune preuve établissant qu'elle avait obtenu ce consentement.


[20]            En second lieu, la défenderesse en l'espèce a déposé une objection, en conformité avec l'alinéa 41(1)b) de la Loi. Cette disposition confère à la CCDP le pouvoir discrétionnaire de refuser de traiter une plainte lorsque la Commission est d'avis que la plainte doit être traitée, en totalité ou en partie, conformément à une procédure prévue par une autre Loi du Parlement. À cet égard, la défenderesse a mentionné plusieurs plaintes et griefs déposés par la demanderesse contre la Commission, à titre d'employeur. La défenderesse a dit que ces autres questions en cours étaient apparentées aux allégations soulevées dans le formulaire de plainte de la demanderesse. La défenderesse a dit que des mesures avaient été prises afin de régler les plaintes et griefs en cours par des processus internes et elle a également souligné que le processus de règlement faisait l'objet d'un examen par la société Personnel Direction Group Inc.

[21]            En outre, la défenderesse a dit que la demanderesse avait soulevé plusieurs questions en matière de relations de travail qui relevaient davantage de la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et de la Commission de la fonction publique. Elle a ajouté que la demanderesse ne pouvait fonder ses allégations de discrimination sur son insatisfaction à l'égard des processus qui réglementent son emploi au sein de la fonction publique.

[22]            La demanderesse a été invitée à répondre aux objections préliminaires de la défenderesse avant le 20 août 2001. La demanderesse a également été avisée que sa réponse serait divulguée à la Commission au moment où elle examinerait le rapport et que ses observations pouvaient être divulguées à [traduction] « l'autre partie » .

[23]            Les observations de la défenderesse concernant le rapport provisoire de l'enquêteur mentionnent à plusieurs reprises sa réponse initiale à la plainte datée du 31 mars 2001.


[24]            La demanderesse a soumis sa réponse ainsi que huit annexes aux objections préliminaires de la défenderesse, dans une lettre datée du 14 août 2001. Ses observations contenaient plusieurs recommandations. Elle a dit que les observations de la défenderesse ne mentionnaient pas les questions de compétence et ne faisaient que reprendre le contenu de la défense initiale datée du 31 mars 2001. Elle a mentionné que puisqu'elle soulevait des allégations de discrimination qui lui étaient personnelles et qu'elle se représentait elle-même, elle n'avait besoin du consentement d'aucune autre personne non nommée.

[25]            La demanderesse a accepté le résumé du contexte préparé par l'enquêteuse et elle a souligné que les pratiques discriminatoires étaient fondées tant sur l'incapacité que sur la race.

[26]            Le 19 octobre 2001, la Commission a décidé de traiter la plainte parce que, suivant son examen du rapport initial, elle avait conclu que la question relevait de sa compétence. La demanderesse a été avisée de cette décision dans une lettre datée du 19 octobre 2001. Dans cette même lettre, la Commission a avisé la demanderesse que la personne chargée de l'enquête entrerait en contact avec elle. Dans une lettre datée du 20 novembre 2001, M. Rod Grainger a avisé la demanderesse que la CCDP lui avait confié la tâche de [traduction] « compléter » l'enquête sur sa plainte et qu'il était en train d'examiner son dossier. La lettre disait en partie :

[traduction]

Par suite de la lettre que vous a envoyée Mme Lucie Veillette, datée du 19 octobre 2001, la présente vous avise que j'ai été chargé de compléter l'enquête sur votre plainte en matière de droits de la personne. Je suis en train d'examiner les six volumes de documents que je viens de recevoir. Lorsque j'aurai effectué ce travail, je serai en mesure de poursuivre l'enquête sur la plainte. Entre-temps, je vous saurais gré de ne plus me faire parvenir de documents puisque cela ne ferait que retarder la fin de l'enquête. Si je conclus que j'ai besoin de renseignements supplémentaires, j'entrerai en contact avec vous. Je m'attends à être prêt à vous interviewer par téléphone au début du mois de décembre.

Au plaisir de collaborer avec vous dans l'enquête concernant votre plainte.


[27]            Le 24 novembre 2001, M. Grainger a fait parvenir un courriel à la demanderesse. Dans ce courriel, il mentionnait la lettre du 20 novembre 2001 et il ajoutait :

[traduction]

Vous trouverez ci-joint une copie de la lettre qui vous a été envoyée et qui devrait vous parvenir lundi.

J'ai été étonné d'apprendre que vous aviez toujours l'intention de soumettre une contre-preuve à la défense de la défenderesse. Selon mes dossiers, le 25 avril 2001, on vous a demandé de présenter une contre-preuve avant le 25 mai 2001. Je constate que vous avez l'intention de la soumettre très bientôt. Veuillez vous assurer que cette contre-preuve me parvient avant le 7 décembre 2001 et la faire parvenir à mon attention, à l'adresse indiquée dans la lettre que vous avez reçue de M. Kolk.

À cause de ce délai, l'entrevue avec vous aura lieu plus tard que prévu, au cours du mois de décembre. Ce sera une entrevue téléphonique. Je communiquerai à l'avance avec vous pour en fixer le moment.

Au plaisir de collaborer avec vous dans l'enquête concernant votre plainte.

[28]            La demanderesse a répondu par courriel à M. Grainger, en affirmant qu'on lui avait dit, à plusieurs reprises, de ne pas préparer une contre-preuve avant que la question de compétence ne soit réglée.


[29]            Le 2 janvier 2002, la demanderesse a écrit une lettre à Mme Helgason de la CCDP avec copies à d'autres personnes, notamment M. Kolk, directeur des enquêtes de la CCDP. Elle s'est objectée à la nomination de l'enquêteur, M. Grainger, et elle a prétendu qu'il était biaisé. Elle a demandé que l'enquête soit confiée à un pair, savoir une femme d'une minorité visible ou, à tout le moins, à une femme. Elle a décrit en détail la liste des plaintes en cours qu'elle avait présentées à la Commission et elle a affirmé que M. Grainger refusait de lui accorder une prolongation du délai afin de soumettre sa contre-preuve. Elle a souligné que la défenderesse avait obtenu plusieurs prolongations en 2001.

[30]            M. Grainger a fait parvenir un courriel à la demanderesse, le 3 janvier 2002, concernant le moment où il pourrait l'interviewer.

[31]            Le 17 janvier 2002, la demanderesse a écrit au président de la CCDP, réitérant qu'elle préférait une enquêteuse provenant d'une minorité visible. Elle a également demandé que M. Grainger s'abstienne de lui écrire et de lui téléphoner directement.

[32]            Le 18 janvier 2002, la demanderesse a de nouveau écrit à la CCDP et elle lui a soumis un grand nombre d'observations en réitérant qu'elle voulait un [traduction] « enquêteur neutre impartial » . La lettre disait, en partie :

[traduction]

Instructions à la CCDP

1.              Les renseignements ci-inclus visent l'enquête 20000775 de la CCDP et les huit plaintes qui y sont reliées mais qui ont été déposées séparément :            

2.              le 25 octobre 2001, obligation de tenir compte

3.              le 25 octobre 2001, discrimination systémique 2001

4.              le 1er novembre 2001, discrimination concernant l'enquête de Pickering

5.              le 16 novembre 2001, discrimination concernant la politique en matière de priorité

6.              le 16 novembre 2001, discrimination concernant la formation, l'expérience et le perfectionnement


7.              le 21 décembre 2001, - B Ne pas avoir respecté la procédure de règlement des griefs et de répondre aux griefs

8.            le 21 décembre 2001 - A Préparation et distribution de l'examen du rendement

9.              le 1er janvier 2002 - Plainte concernant les mesures disciplinaires

La demanderesse a également soumis une liste de témoins qui devaient être interviewés pendant l'enquête.

[33]            Dans un courriel et une lettre datés du 18 janvier 2002, Mme Helgason a avisé la demanderesse que la plainte ne serait pas confiée à un autre enquêteur. En outre, elle a avisé la demanderesse que si elle décidait de ne pas participer, l'enquête serait effectuée sans sa participation. La lettre disait, en partie :

[traduction]

On m'a demandé de répondre à votre lettre du 17 janvier 2002 au président.

Dans votre lettre, vous demandez que la Commission confie votre plainte à un autre enquêteur. Nous avons discuté de cette question pendant notre entretien téléphonique du 4 janvier 2002. Je vous ai dit que, compte tenu de tous les facteurs, je n'étais pas convaincue qu'il serait opportun de confier votre plainte à une autre personne et de retarder le processus d'enquête ce faisant, mais que j'examinerais tout de même davantage la question. Je constate que votre plainte a déjà été confiée à sept enquêteurs.

Dans votre lettre, vous présentez plusieurs allégations concernant Rod Grainger. M. Grainger a mené plusieurs enquêtes sur plusieurs années pour la Commission. À ma connaissance, il a toujours effectué les enquêtes d'une manière professionnelle et il n'a jamais manifesté les caractéristiques alléguées dans votre lettre. Nous avons discuté de vos allégations avec M. Grainger. Il dit que, depuis octobre 2001, il tente d'obtenir votre contre-preuve et de communiquer avec vous, sans succès. La Commission vous a demandé de soumettre votre contre-preuve pour la première fois en avril 2001 et celle-ci n'a pas encore été soumise.

Je ne vais donc pas confier votre plainte à un autre enquêteur et je vous demanderais de collaborer au déroulement de l'enquête. Si vous décidez de ne pas fournir de renseignements, l'enquête sera complétée sans votre participation.

[34]            Le 23 janvier 2002, M. Grainger a reçu la contre-preuve de la demanderesse. Cette contre-preuve comprenait quarante-trois volumes, deux disquettes et un CD-ROM. La demanderesse a également suggéré d'interviewer au moins vingt-cinq personnes. Dans un courriel daté du 23 janvier 2002, l'enquêteur a demandé à la demanderesse de préciser les faits que les témoins potentiels [traduction] « pourraient attester » .

[35]            Dans une lettre datée du 3 février 2002 au président de la CCDP, la demanderesse a dit qu'elle n'aurait pas affaire à M. Grainger. Elle a expliqué sa position en ces termes :

[traduction]

Par suite des lettres qui vous ont été envoyées les 2, 17 et du 28 janvier 2002, de plusieurs courriels vocaux affolés et de nombreux appels téléphoniques émotionnels avec vos représentants dans lesquels j'ai mentionné l'angoisse que me causait la participation continue de Grainger, votre bureau n'a rien fait.

Cette lettre confirme et formalise les objections antérieures déjà formulées par écrit.

Tel que discuté avec Mme Jan Corivo, je vais également déposer une plainte officielle contre la CCDP et Grainger auprès de la Commission des droits de la personne de l'Ontario à cause des événements des dernières semaines.

Je ne vais pas discuter avec Grainger ni avec toute autre personne qui tentera de limiter mes droits ou de marginaliser mon intégrité à cet égard.

[36]            N'ayant pas été informé de cette correspondance, l'enquêteur a envoyé un autre courriel à la demanderesse, le 4 février 2002, pour tenter de déterminer la date à laquelle il pourrait l'interviewer et pour lui demander, encore une fois, des renseignements concernant les vingt-cinq témoins proposés.

[37]            Le 5 février 2002, M. Kolk a avisé M. Grainger que la demanderesse avait informé le président de la Commission qu'elle n'aurait pas affaire à l'enquêteur. Dans son affidavit, M. Kolk dit que, selon les renseignements reçus de M. Grainger, l'enquêteur a complété son rapport sans autre participation de la demanderesse et, le 6 février 2002, le rapport a été soumis au supérieur de M. Grainger pour communication aux parties et à la Commission.

[38]            Dans une lettre datée du 7 février 2002, le rapport d'enquête a été communiqué aux parties en cause. Chacune des parties a été invitée à présenter ses observations dans un document d'au plus dix pages, avant le 8 mars 2002. En outre, les parties ont été avisées qu'elles pouvaient se communiquer leurs observations et que les documents qui avaient déjà été fournis dans le cadre de l'enquête ne seraient pas remis à la Commission s'ils étaient fournis de nouveau.

[39]            Dans une lettre datée du 4 mars 2002 au président de la Commission, la demanderesse a demandé une prolongation du délai afin de présenter ses observations. Elle a justifié sa demande en invoquant sa mauvaise santé. La prolongation a été accordée aux deux parties et la nouvelle date d'échéance de présentation des observations a été fixée au 8 mai 2002.


[40]            La demanderesse a donc soumis ses observations finales le 8 mai 2002 selon une note déposée au dossier par Jacinta Bélanger, le 23 mai 2002. Cette note de service est annexée à l'affidavit de M. Kolk, et on constate que Mme Bélanger y a inscrit qu'elle avait téléphoné à la demanderesse le 22 mai 2002 et qu'elle avait laissé un message accusant réception des observations. Elle a demandé à la demanderesse de communiquer avec elle par téléphone de manière à ce qu'elle puisse lui expliquer les prochaines étapes du processus. La demanderesse a rappelé et a laissé un message disant qu'elle allait s'absenter de nouveau ce jour-là. Mme Bélanger a rappelé le 23 mai 2002, pendant l'après-midi, et elle a laissé un autre message dans lequel elle avisait la demanderesse qu'elle comptait divulguer ses observations à la défenderesse et qu'elle divulguerait les observations de l'ADRC à la demanderesse.

[41]            La demanderesse a rappelé peu après et, selon Mme Bélanger, elle s'est objectée à la communication de ses observations. Dans la note de service, il est dit, en partie :

[traduction] [...] K McC a téléphoné. Mme McC a dit que nous ne devions, en aucun cas, divulguer ses observations et sa contre-preuve à la partie adverse. Elle a dit que c'était tout à fait inhabituel. Elle a dit que ce n'était pas juste, que l'ADRC était remplie de menteurs et de tricheurs. Si ses documents sont divulgués, des employés de l'ADRC seront à risque. J'ai expliqué qu'il s'agissait d'une procédure normale, j'ai également expliqué la notion d'équité procédurale. Mme McC a dit qu'elle voulait que sa cause soit entendue lors de la réunion de juin et qu'elle ne pouvait accepter d'attendre jusqu'en septembre. Elle veut qu'une seule personne voie les renseignements qu'elle a fournis, et personne d'autre.

[42]            Le 24 mai 2002, Mme Bélanger a de nouveau téléphoné à la demanderesse et elle a laissé un message dans lequel elle accusait réception de la lettre envoyée par télécopieur par la demanderesse le 23 mai 2002 et lui faisait part de son intention d'aviser la demanderesse de certaines options concernant ses observations.


[43]            Le 29 mai 2002, Mme Bélanger a préparé une autre note de service au dossier concernant un message téléphonique laissé par la demanderesse, le 28 mai 2002 et une conversation téléphonique avec la demanderesse, le 29 mai 2002. Dans cette conversation téléphonique, Mme Bélanger a présenté trois options dont pouvait se prévaloir la demanderesse concernant ses observations. Les voici :

[traduction]

1.             Retirer ses observations;

2.              Divulguer ses observations à l'autre partie (aviser l'ADRC que si l'organisme voulait connaître le contenu de la contre-preuve mentionnée dans ses observations, le document serait envoyé à l'organisme);

3.              refaire ses observations.

[44]            En outre, Mme Bélanger a avisé la demanderesse que si la décision de la Commission ne lui plaisait pas, elle pouvait demander un contrôle judiciaire. La note de service disait notamment :

[traduction] Mme McC a refusé de reconnaître que les différends qu'elle avait relativement à Sherri Helgason étaient pertinents dans le cadre de l'enquête sur sa plainte. Elle a dit que Catherine Barratt lui avait dit que si elle voulait formuler une plainte concernant la Commission, elle pouvait s'adresser à la Commission des droits de la personne de l'Ontario. Elle a dit qu'elle voulait avoir affaire à la Commission de l'Alberta et que celle-ci lui avait dit qu'elle accepterait d'entendre sa plainte si nous lui conférions compétence. J'ai répondu que je ne connaissais pas ce processus. J'ai expliqué de nouveau le processus de contrôle judiciaire et que ce processus permettait d'examiner également les problèmes soulevés par le processus d'enquête. Elle a dit qu'elle avait présenté la lettre de Sherri Helgason à la Cour fédérale qui avait refusé d'accepter sa plainte puisqu'il ne s'agissait pas d'une décision de la Commission. C'est la raison pour laquelle elle veut que sa plainte concernant les difficultés avec Sherri Helgason soit entendue par les commissaires. J'ai expliqué que ce n'était pas possible. J'ai de nouveau expliqué la divulgation des observations entre les parties, l'équité procédurale et le contrôle judiciaire. Mme McC a insisté pour que sa plainte concernant la Commission et le traitement qu'elle avait subi soit présentée aux commissaires en juin.


[45]            Selon l'affidavit de M. Kolk, la demanderesse a répondu aux conseils donnés par Mme Bélanger en lui faisant parvenir plusieurs courriels, le 29 mai 2002. Elle a demandé que Mme Bélanger conserve ses observations jusqu'à ce que ces observations finales aient été examinées par Mme Brazeau, vice-secrétaire générale, Opérations, CCDP. La demanderesse a justifié cette demande en disant qu'elle s'était plaint de la CCDP dans ses observations du 8 mai.

[46]            Mme Brazeau a répondu à la demanderesse dans un long courriel, le 21 juin 2002. Dans ce courriel, Mme Brazeau a mentionné qu'en prenant sa décision, la Commission avait plusieurs choix. Elle pouvait rejeter la plainte, la renvoyer à un conciliateur à des fins de médiation, la renvoyer à un tribunal ou demander une enquête plus approfondie, si nécessaire.

[47]            Mme Brazeau a également répondu aux allégations de la demanderesse concernant une enquête incomplète et un parti pris de la part de M. Grainger, l'enquêteur. Elle a exprimé ses préoccupations concernant ces allégations. Elle a également mentionné que la demanderesse avait demandé que son dossier soit confié à un autre enquêteur et que la demanderesse n'avait pas justifié sa demande. Elle a également dit qu'elle n'était pas [traduction] « convaincue » que la demanderesse avait étayé raisonnablement ses allégations de discrimination à son égard, par la CCDP, pour des raisons d'incapacité.

[48]            Enfin, Mme Brazeau a mentionné que si la demanderesse n'était pas satisfaite de la décision de la CCDP, le [traduction] « recours approprié » était une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Elle a demandé à la demanderesse de présenter ses observations révisées au plus tard le 31 juillet 2002.

[49]            Dans une lettre datée du 3 juillet 2002, la Commission a renvoyé deux volumes d'observations à la demanderesse, conformément à sa demande.

[50]            La demanderesse a écrit à la Commission, le 5 août 2002, pour l'aviser qu'elle n'avait pas reçu ses observations. Elle a également mentionné qu'elle ne pouvait pas préparer des documents pour la Commission en raison de son incapacité physique.

[51]            Le 23 août 2002, la demanderesse a envoyé une autre lettre à la Commission dans laquelle elle mentionnait de nouveau qu'elle n'avait pas reçu ses observations. Dans une lettre datée du 20 août 2002, la Commission a de nouveau transmis à la demanderesse ses observations et elle a mentionné que les documents lui avaient été envoyés plus tôt, à son adresse, et qu'ils étaient revenus parce que non réclamés.

[52]            Dans une note de service au dossier, datée du 30 septembre 2002, M. Kolk a inscrit qu'il avait téléphoné à la demanderesse ce jour-là et qu'il avait laissé un courriel vocal l'avisant qu'elle devait présenter ses observations au plus tard le 18 octobre 2002. Selon l'affidavit de M. Kolk, la demanderesse n'a présenté aucune autre observation ou contre-preuve. L'enquêteur a mis fin à son enquête le 6 février 2002 sans aucune autre participation de la demanderesse.

[53]            Dans son rapport, M. Grainger a résumé brièvement les positions respectives de la demanderesse et de la défenderesse. Il a présenté le contexte de la plainte et il a dit :


[traduction] La plaignante a refusé d'avoir affaire à l'enquêteur. Elle n'a donc pas été interviewée et l'enquêteur n'a pas été en mesure de préciser sa race ou son origine ethnique.

[54]            L'enquêteur a ensuite décrit en détail les dix-huit (18) plaintes de la demanderesse. Il a examiné la preuve qu'il avait recueillie et les moyens de défense présentés par la défenderesse. Cette partie du rapport se trouve aux paragraphes 13 à 98.

[55]            La partie analytique du rapport d'enquête se trouve aux paragraphes 95 à 109. En bref, l'enquêteur a conclu que la demanderesse n'avait produit aucune preuve permettant d'étayer sa prétendue incapacité sauf pour dire qu'elle [traduction] « avait été malade pendant une courte période de temps » . L'enquêteur a conclu que, dans ces circonstances, la Commission [traduction] « n'a pas compétence pour faire enquête sur des allégations de discrimination pour des raisons de maladie de courte durée » .

[56]            L'enquêteur a ensuite brièvement mentionné l'absence de preuve concernant les allégations précises de la demanderesse selon lesquelles elle aurait fait l'objet d'actes discriminatoires en raison de sa race, de son origine ethnique ou qu'elle avait été la victime de discrimination systémique parce qu'elle était membre d'une minorité visible. Dans sa conclusion, le rapport présentait la recommandation suivante :

[traduction] Il est recommandé, conformément à l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission rejette la plainte parce que :

_               il n'y a aucune preuve permettant d'établir que la plaignante était frappée d'incapacité lors des incidents allégués;


_               l'enquête n'a révélé aucune preuve que la plaignante avait fait l'objet de harcèlement pour un motif interdit en milieu de travail ni qu'elle a fait l'objet de commentaires de nature raciale;

_               la preuve n'étaye pas l'allégation de la plaignante selon laquelle elle aurait reçu un traitement différent;

_               l'enquête n'a révélé aucune preuve de discrimination systémique.

[57]            Ce rapport d'enquête a été remis à la défenderesse. La défenderesse a envoyé une lettre, datée du 7 février 2002, avisant qu'elle acceptait la conclusion de l'enquêteur qui se trouvait dans la section analytique du rapport et qu'elle appuyait ses recommandations.

[58]            Dans une lettre datée du 7 février 2002, une copie du rapport d'enquête a été envoyée à la demanderesse. La lettre d'accompagnement l'avisait qu'elle pouvait présenter ses observations sur le rapport, avant le 8 mars 2002, dans un seul document d'au plus dix (10) pages. La demanderesse y était également avisée que les documents qu'elle avait déjà soumis pendant l'enquête ne seraient pas remis à la Commission. La demanderesse était également avisée que ses observations pourraient être divulguées à la défenderesse.

[59]            Dans une lettre datée du 19 décembre 2002, la Commission a avisé la défenderesse que la plainte de la demanderesse avait été rejetée. La partie importante de la lettre disait :

[traduction] Avant de rendre sa décision, la Commission a examiné le rapport qui vous avait déjà été communiqué, ainsi que les observations soumises en réponse. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé, conformément à l'alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte aux motifs que :

_               l'enquête n'a révélé aucune preuve que la plaignante avait fait l'objet de harcèlement pour un motif interdit dans son milieu de travail ou qu'elle avait fait l'objet de commentaires raciaux;


_               la preuve n'étaye pas l'allégation de la plaignante selon laquelle elle avait été traitée différemment;

_               l'enquête n'a révélé aucune preuve de discrimination systémique.

Par conséquent, le dossier sur cette question est classé.

[60]            Même si la demanderesse n'a pas fourni une copie du courrier que la Commission lui a envoyé, l'avisant du rejet de sa plainte, elle a, semble-t-il, reçu un avis de la décision puisque la demande de contrôle judiciaire a été instituée le 14 janvier 2003. Voici le premier paragraphe de la demande :

[traduction] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP). La demanderesse, Mme Katherine McConnell, a déposé une plainte auprès de la CCDP selon laquelle elle avait fait l'objet d'actes discriminatoires de la part de l'Agence canadienne des douanes et du revenu (l'ADRC) pour des raisons d'incapacité et de race et qu'elle avait été victime d'une discrimination systémique qui favorise les minorités non visibles. La plainte a été faite en conformité avec la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans une lettre datée du 19 décembre 2002, la Commission a avisé Mme McConnell que sa plainte était rejetée.

[61]            Au début, la demanderesse n'a nommé que la Commission des droits de la personne à titre de défenderesse. Par suite d'une requête déposée par l'ADRC afin d'être partie à l'instance, la juge Tremblay-Lamer a rendu une ordonnance le 12 mars 2003 modifiant le nom et l'intitulé des présentes afin d'ajouter l'ADRC comme partie défenderesse. La Commission canadienne des droits de la personne n'a pas participé à la demande et est demeurée une partie en nom seulement.

[62]            La demanderesse sollicite aujourd'hui une ordonnance en vue d'annuler la décision de la Commission et de [traduction] « renvoyer la question à la Commission pour audition » . En règle générale, la demanderesse allègue que, dans le traitement de la plainte, la CCDP a violé les principes de justice naturelle en refusant notamment de nommer un autre enquêteur que M. Grainger, en omettant de mener une [traduction] « enquête régulière indépendante, comme il se doit » , en omettant d'interviewer les témoins qu'elle avait nommés, en ne lui permettant pas de contre-interroger les témoins interviewés par M. Grainger et en ne lui donnant pas [traduction] « la possibilité de présenter toute sa cause » .

[63]            En outre, la demanderesse fait valoir que la CCDP a commis une erreur de droit en omettant de demander une [traduction] « enquête complète _ relativement à tous les éléments de la plainte et en omettant de conclure que sa décision du 19 octobre 2001, en réponse aux objections préliminaires de l'ADRC, constituait un engagement à conclure à l'existence d'actes discriminatoires.

[64]            La demanderesse prétend également que la Commission a commis une erreur de droit en se fondant sur la conclusion de l'enquête selon laquelle sa maladie n'était pas protégée par la Loi.

[65]            En bref, la défenderesse soutient que la décision visée par le contrôle n'est pas manifestement déraisonnable et que, par conséquent, elle ne doit pas être modifiée. En outre, la défenderesse affirme que la Commission n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle pendant l'enquête ni dans le traitement du rapport d'enquête.


ANALYSE ET DÉCISION

[66]            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en conformité avec la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée. Le paragraphe 18.1(4) décrit les motifs de contrôle et prévoit que :


18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

18.1 (4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.


[67]            La réparation que peut ordonner la Cour, dans une demande de contrôle judiciaire, est prévue au paragraphe 18.1(3) qui est ainsi libellé :


18.1 (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

18.1 (3) On an application for judicial review, the Federal Court may

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or


b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.


[68]          Le traitement d'une demande de contrôle judiciaire est régi par les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS-98/106, modifiées (les Règles), partie 75. Habituellement, une demande de contrôle judiciaire est tranchée compte tenu des documents dont dispose le décideur, en l'espèce, la Commission. À cet égard, j'invoque la décision Ordre des architectes de l'Ontario c. Association of Architectural Technologists of Ontario, [2003] 1 C.F. 331. Toutefois, une preuve supplémentaire peut être présentée sur des questions d'équité procédurale et de compétence.

[69]            En l'espèce, lorsque la Commission a pris la décision visée par le contrôle, elle était saisie d'un dossier contenant les documents suivants :

1.              le formulaire de plainte daté du 18 novembre 2000;

2.              le rapport de l'enquêteur daté du 6 février 2002;

3.              la recommandation de la Commission canadienne des droits de la personne;

4.              une télécopie envoyée à George Kolk, de la CCDP, par Bill Blahun, directeur des projets spéciaux de l'ADRC, bureau régional des Prairies, datée du 7 mai 2002;

5.              la chronologie de la CCDP.

Ces documents ont été présentés par la Commission conformément à l'article 317 des Règles.


[70]            Tant la demanderesse que la défenderesse ont déposé des affidavits dans leurs dossiers de demande. La demanderesse a produit son propre affidavit qui comprenait plusieurs pièces. La pièce A est un document volumineux qui, selon la demanderesse, a été déposé en entier à la CCDP, le 9 mai 2002 et qui contenait les observations finales de la demanderesse.

[71]            La demanderesse a soumis les divers documents de la pièce B à la CCDP, le 18 janvier 2002 et le 9 mai 2002, dans le cadre de son rapport d'observations finales et de sa contre-preuve. Ces documents ont été déposés dans la présente demande dans un volume distinct de l'affidavit de la demanderesse.

[72]            La demanderesse dit que la pièce C est [traduction] « le résultat de la contestation de la compétence de l'ADRC » qu'elle a mentionnée dans ses observations finales.

[73]            La pièce D est la réponse de la demanderesse à la défense de la défenderesse contre l'accusation de discrimination fondée sur la race. Ces documents ont été soumis à la CCDP le 18 janvier 2002 et ils ont été mentionnés de nouveau dans les observations finales soumises le 9 mai 2002.

[74]            La pièce E est la réponse de la demanderesse à la défense présentée par la défenderesse contre les allégations de discrimination en raison de la race et de discrimination systémique. Ce document, qui comprend trente-cinq (35) pages, a été soumis dans son intégralité à la CCDP dans les observations finales de la demanderesse du 9 mai 2002.

[75]            La pièce F est la réponse de dix-sept (17) pages de la demanderesse à la défense de la défenderesse sur la question de discrimination fondée sur la race et de discrimination systémique. La pièce a été soumise à la CCDP le 18 janvier 2002 et a également été mentionnée dans les observations finales de la demanderesse déposées le 9 mai 2002.

[76]            Ces pièces comprennent une partie de la correspondance et des courriels de la demanderesse notamment à la CCDP, de même que certaines copies de la correspondance et des courriels de l'enquêteur et des employés de la CCDP à la demanderesse. Ces pièces comprennent également des documents obtenus par la demanderesse en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21, modifiée, et les décisions rendues relativement aux griefs déposés par la demanderesse en conformité avec la loi qui régit son emploi auprès de la défenderesse.

[77]            La défenderesse a déposé l'affidavit de M. George Kolk, directeur des enquêtes de la CCDP. M. Kolk a joint trente (30) pièces à son affidavit, y compris une copie de la correspondance et des courriels échangés entre l'enquêteur, certains employés de la CCDP et la demanderesse, et les notes de service au dossier préparées soit par l'enquêteur soit par des employés de la CCDP.


[78]            Tel que susmentionné, le dossier dont disposait la CCDP, lorsqu'elle a décidé de rejeter la plainte de la demanderesse, ne comportait que certains documents spécifiques. Le dossier comportait le formulaire de plainte de la demanderesse, ainsi que le rapport de l'enquêteur daté du 6 février 2002. Il est évident que, dans la présente demande de contrôle judiciaire, chacune des parties a produit une preuve dont le décideur n'était pas saisi et qui ne forme pas partie du dossier du tribunal.

[79]            Ni l'un ni l'autre des parties n'a déposé une requête en radiation des affidavits, en totalité ou en partie. Dans ces circonstances, la question qui se pose est de l'importance qu'il faut accorder aux affidavits.

[80]            Dans la décision Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) (1999), 168 F.T.R. 273, la Cour a refusé de radier un affidavit, y compris les pièces, qui n'avait pas été soumis au décideur, mais qui était utile afin d'établir le contexte. Toutefois, à la page 275, la Cour a précisé les circonstances dans lesquelles les affidavits avaient été radiés :

Cette Cour a radié des affidavits, en totalité ou en partie, qui étaient abusifs ou qui n'étaient clairement pas pertinents lorsqu'une partie avait présenté un élément de preuve qui n'était de toute évidence pas admissible ou lorsqu'elle était convaincue qu'il était préférable de régler la question de l'admissibilité au stade préliminaire de façon à permettre le déroulement ordonné de l'audience. Les tribunaux ont également radié des affidavits renfermant une opinion, des arguments ou des conclusions de droit ou causant un retard indu. [Notes de bas de page omises.]


[81]            L'affidavit de la demanderesse contient des pièces qui sont en fait une argumentation et c'est ainsi que la demanderesse le décrit. Dans la présente demande, la Cour n'est pas régulièrement saisie de ces documents, notamment certaines parties des pièces A, B, C, D, E et F qui n'avaient pas été soumises à la CCDP lorsque la décision en cause a été prise. En fin de compte, la demanderesse a retiré ses observations finales et elle a décidé de soumettre son argumentation conformément au processus décrit par la Commission dans les premières lettres qu'elle lui a adressées. Il n'est pas opportun que la demanderesse dépose son argumentation en l'espèce en demandant à la Cour d'en tenir compte dans la présente demande de contrôle judiciaire. La Cour n'est pas autorisée à décider si la demanderesse avait établi que sa plainte devait faire l'objet d'une enquête puisque ce rôle revient à la Commission, conformément à la Loi.

[82]            Dans l'affaire qui nous occupe, la Cour doit déterminer si la Commission a commis une erreur en décidant de rejeter la plainte de la demanderesse. La norme de contrôle applicable dépend de la nature de la question en cause. Selon les décisions de la Cour suprême du Canada dans Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 et Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, la Cour doit effectuer l'analyse pragmatique et fonctionnelle pour déterminer la norme de contrôle appropriée lors du contrôle de la décision d'un tribunal administratif.

[83]            En l'espèce, la décision a été prise conformément à l'alinéa 44(3)b) de la Loi qui est ainsi libellé :


(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

...

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

...

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).


[84]            Lorsque la Commission décide de rejeter une plainte sans renvoyer ladite plainte à un tribunal à des fins d'enquête, il s'agit d'une décision administrative. Cette décision sera annulée s'il est établi que la Commission a commis une erreur soit de compétence soit de procédure ou si la décision est fondée sur une erreur de droit. La Cour suprême du Canada a établi ce critère dans l'arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879 (SEPQA) lorsque le juge Sopinka a dit, à la page 899 :

[. ..] À mon avis, telle est l'intention sous-jacente à l'alinéa 36(3)b) pour les cas où la preuve ne suffit pas pour justifier la constitution d'un tribunal en application de l'article 39. Le but n'est pas d'en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante. L'intention n'était pas non plus de tenir une audience en règle avant de décider de l'opportunité de constituer un tribunal. Au contraire, le processus va du stade de l'enquête au stade judiciaire ou quasi judiciaire dès lors qu'est rempli le critère énoncé à l'alinéa 36(3)a). Je conclus donc de ce qui précède que, compte tenu de la nature du rôle de la Commission et suivant les dispositions susmentionnées, il n'y a aucune intention d'astreindre la Commission à l'observation des règles formelles de la justice naturelle. Conformément aux principes posés dans l'arrêt Nicholson, précité, cependant, je compléterais les dispositions législatives en exigeant que la Commission observe les règles de l'équité procédurale.

[85]            Dans l'arrêt Bell Canada c. Le syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier du Canada, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.), le juge Décary a dit, à la page 136, au nom de la Cour :


Il est établi en droit que, lorsqu'elle décide de déférer ou non une plainte à un tribunal à des fins d'enquête en vertu des articles 44 et 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission a « des fonctions d'administration et d'examen préalable » (Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, à la page 893, le juge La Forest) et ne se prononce pas sur son bien-fondé (voir Northwest Territories c. Public Service Alliance of Canada (1997), 208 N.R 385 (C.A.F.)). Il suffit que la Commission soit « convaincue que compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié » (paragraphes 44(3) et 49(1)). Il s'agit d'un seuil peu élevé et les faits de l'espèce font en sorte que la Commission pouvait, à tort ou à raison, en venir à la conclusion qu'il y avait « une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante » (Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), précité, paragraphe 30, à la page 899, juge Sopinka, approuvé par le juge La Forest dans Cooper, précité, à la page 891).

[86]            En outre, dans cette affaire, la Cour a décrit la grande retenue dont doit faire preuve la Commission dans l'appréciation d'un rapport d'enquête. À la page 137, la Cour a dit :

La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l'exécution de sa fonction d'examen préalable au moment de la réception d'un rapport d'enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d'expressions comme « à son avis » , « devrait » , « normalement ouverts » , « pourrait avantageusement être instruite » , « des circonstances » , « estime indiqué dans les circonstances » , qui ne laissent aucun doute quant à l'intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du Tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d'opinion (voir Latif c. Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687, à la page 698 (C.A.F.), le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu'en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

[87]            Compte tenu de ces décisions et en appliquant l'analyse pragmatique et fonctionnelle, je conclus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[88]            Les diverses allégations soulevées par la demanderesse concernant les erreurs de la Commission dans sa décision ont été catégorisées par la défenderesse comme suit :

a)          ne pas avoir observé les principes de justice naturelle, le positivisme juridique, l'équité et les libertés civiles protégées par la Charte des droits;

b)          décision fondée sur un rapport d'enquête erroné;

c)          comportement de la part de la Commission et de l'enquêteur qui soulève une crainte raisonnable de partialité;


d)          erreur de droit ou de fait.

[89]            Les arguments de la demanderesse concernant le manquement aux principes de justice naturelle et la partialité sont apparentés à la notion d'équité procédurale. Les exigences de l'équité procédurale doivent être évaluées selon la nature de la décision en cause.

[90]            En l'espèce, il s'agit d'une décision administrative discrétionnaire de la Commission de rejeter la plainte de la demanderesse par suite d'une enquête. L'enquête a été menée conformément à l'article 41 de la Loi. Il n'est pas nécessaire, pendant le processus d'enquête, que soient respectés tous les principes de justice naturelle à l'égard du plaignant. Il n'y a aucune obligation d'interroger chaque témoin proposé par la demanderesse ni de l'autoriser à contre-interroger des témoins ou à choisir l'enquêteur. Il y a des questions de procédure et la Commission est libre de fixer sa procédure sous réserve des principes d'équité.

[91]            À cet égard, l'équité comprend l'impartialité. Voir Miller c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1996), 112 F.T.R. 195 dans lequel la Cour a dit ce qui suit, à la page 202 :

Le critère fondamental à satisfaire pour assurer l'équité et éviter de faire naître une crainte raisonnable de partialité a été énoncé en termes clairs dans la jurisprudence. Il s'agit de la question de savoir si une personne raisonnable et sensée qui étudierait la question en profondeur et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet percevrait une forme de partialité de la part d'un arbitre. Les motifs de la crainte doivent être importants. De simples doutes ne suffisent pas.[Note de bas de page omise.]

[92]            La demanderesse n'avait pas le droit de choisir un enquêteur. Cette question a été examinée par la Cour dans l'arrêt Miller, précité, dans lequel la Cour a dit, encore une fois à la page 202 :

Étant donné qu'aucun règlement n'a encore été promulgué en application du paragraphe 43(4) au sujet de la désignation d'un enquêteur, cette question relève purement du pouvoir discrétionnaire de la Commission. La Loi ne renferme aucune disposition accordant à un plaignant le droit d'influer sur le choix de l'enquêteur. L'existence d'un droit de cette nature irait à l'encontre du patrimoine multiculturel et multiracial du Canada et donnerait même lieu à des résultats injustes. Bref, aucune règle de droit ne permet de dire qu'un enquêteur désigné en vertu de la Loi doit avoir une origine raciale spécifique. Permettre à un plaignant de choisir la race ou l'origine ethnique de l'enquêteur donnerait lieu à une crainte de partialité en faveur du plaignant, ce qui irait manifestement à l'encontre de l'obligation d'équité procédurale due aux personnes (comme l'intimé, M. Goldberg) qui sont visées par une plainte de discrimination.

[93]            Je conclus que la demanderesse n'a pas réussi à démontrer qu'elle n'avait pas eu droit à l'équité procédurale qui lui était due. Elle a eu l'occasion d'examiner la défense présentée par la défenderesse à ses allégations. Elle a eu l'occasion de répondre aux arguments de la défenderesse. Elle a eu l'occasion de présenter sa preuve à l'enquêteur, mais elle a décidé de ne pas s'en prévaloir.

[94]            Cela nous amène aux allégations de la demanderesse selon lesquelles la Commission avait commis une erreur en se fondant sur un rapport d'enquête incomplet. Il est bien établi qu'une plainte en vertu de la Loi doit faire l'objet d'une enquête neutre et complète de la Commission. À cet égard, voir Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), à la page 600, lorsque la Cour a dit :


Pour déterminer le degré de rigueur de l'enquête qui doit correspondre aux règles d'équité procédurale, il faut tenir compte des intérêts en jeu : les intérêts respectifs du plaignant et de l'intimé à l'égard de l'équité procédurale, et l'intérêt de la CCDP à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif. En réalité, l'extrait suivant de l'ouvrage Discrimination and the Law du juge Tarnopolsky (Don Mills : De Boo, 1985), à la page 131, semble aussi s'appliquer à la détermination du degré de rigueur nécessaire pour l'enquête :

[traduction] Avec la lourde charge de travail qui est imposée aux Commissions et la complexité croissante des questions de droit et de fait en cause dans bon nombre des plaintes, ce serait se condamner à un cauchemar administratif que de tenir une pleine audience avant de rejeter une plainte que l'enquête a estimée ne pas être fondée. D'autre part, la Commission ne devrait pas évaluer la crédibilité lorsqu'elle prend ces décisions, et elle devrait être consciente du simple fait que le rejet de la plupart des plaintes entraîne la perte de tous les autres moyens de réparation légale pour le préjudice que la personne invoque.

[95]            En l'espèce, la demanderesse a choisi de ne pas participer à l'enquête. Elle a refusé d'être interviewée. Elle a retiré ses observations finales. Elle a contesté le processus choisi par la Commission et l'enquêteur. La demanderesse a donc été privée de sa participation au processus à cause des mesures qu'elle avait elle-même prises.

[96]            Néanmoins, je ne suis pas convaincue que l'enquête n'ait pas été neutre ou complète dans les circonstances en cause. La demanderesse a choisi de ne pas participer. Elle ne peut maintenant se plaindre que le rapport d'enquête soit incomplet. Elle a institué le processus d'enquête quand elle a déposé sa plainte. Puisqu'elle a volontairement choisi de ne pas participer au processus d'enquête, notamment en refusant d'être interviewée, elle ne peut utiliser cet argument pour étayer son allégation du caractère incomplet de l'enquête. Si le rapport est incomplet, c'est directement à cause du choix de la demanderesse de ne pas y participer.


[97]            La demanderesse prétend que la Commission s'était [traduction] « engagée » à conclure que la défenderesse avait posé des gestes discriminatoires quand la Commission a décidé, le 19 octobre 2001, de confier sa plainte à une enquête. Elle a dit que la Commission avait commis une erreur en omettant d'appliquer le principe de la chose jugée.

[98]            L'argument de la demanderesse ne saurait être retenu. Il est fondé sur un malentendu. La décision du 19 octobre 2001 était une décision préliminaire prise en conformité avec le paragraphe 41(1) de la Loi. Contrairement à l'opinion de la demanderesse, cette décision n'a été prise qu'en réponse à une objection préliminaire de la défenderesse concernant la compétence de la Commission pour entendre la plainte. L'objection préliminaire a été tranchée en faveur de la demanderesse, mais cette décision ne visait pas le bien-fondé de la plainte. Une décision prise conformément à l'article 41 de la Loi s'inscrit dans le cadre du processus de sélection appliqué par la Commission afin de décider si une plainte ira plus loin, voir Price c. Concord Transportation Inc. (2003), 238 F.T.R. 113, à la page 122.

[99]            La demanderesse fait également valoir que la Commission a commis une erreur, notamment en omettant de conclure qu'elle souffrait d'une « incapacité » au sens de la Loi. L'enquêteur n'a trouvé aucune preuve d'incapacité. La demanderesse n'a pas réussi à établir une erreur de sa part en tirant cette conclusion. Ce n'est pas parce que la demanderesse a touché des prestations d'assurance en vertu d'une police d'assurance ou une indemnité pour accident du travail que cela sera décisif dans la décision concernant l'une des questions soulevées dans sa plainte, savoir la discrimination fondée sur l'incapacité.

[100]        Encore une fois, l'absence de preuve concernant la situation personnelle de la demanderesse est attribuable uniquement à sa décision de la demanderesse de ne pas participer au processus engagé en vertu de la Loi après la présentation de sa plainte et après la décision initiale, préliminaire de la Commission, le 19 octobre 2001.

[101]        Dans ces circonstances et eu égard aux documents déposés et aux observations présentées par les parties à l'audience dans le cadre de l'audience relative au contrôle judiciaire, je conclus que la demande doit être rejetée. La demanderesse n'a pas réussi à établir que la décision de la Commission était manifestement déraisonnable ni qu'elle était fondée sur un manquement à l'équité procédurale ou subsidiairement, que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[102]        La demande est rejetée et les dépens accordés à la défenderesse, l'ADRC.

                            ORDONNANCE

La demande est rejetée et les dépens accordés à la défenderesse, l'ADRC.

                                                           _ E. Heneghan _               

                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-57-03

INTITULÉ :                                                                KATHERINE McCONNELL

c.

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 8 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                               LE 8 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Katherine McConnell                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Kerry Boyd                                                                   POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour son propre compte                                                POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional d'Edmonton


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