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Date : 20000619


Dossier : IMM-2753-99



ENTRE :

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-      MEI-HING YUNG


     demanderesse


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED



[1]          Les présents motifs portent sur la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 13 avril 1999 par une agente des visas, qui a refusé la demande de résidence permanente au Canada. Il s'agissait de la deuxième demande présentée par la demanderesse dans une période relativement courte. La première demande avait été rejetée au moyen d'une lettre de refus datée du 5 mars 1997, qui n'avait été envoyée à la demanderesse qu'en juin de la même année.

[2]      Il y a un litige portant sur les communications intervenues entre le consultant en immigration de la demanderesse et le gestionnaire du programme de l'immigration en cause au cours de la période comprise entre mars et juin 1997. Je ne juge pas nécessaire d'y faire référence, car même si le gestionnaire du programme avait pris les engagements qui sont allégués, ces engagements ne seraient pas exécutoires. Le gestionnaire du programme aurait outrepassé son pouvoir en prenant ces engagements.

[3]      Les deux demandes ont été traitées par le bureau des visas de Los Angeles, mais les deux évaluations de la demanderesse ont été faites par des agents des visas différents. La première évaluation a été faite par M. Bokhaut le 12 février 1997, tandis que la seconde l'a été par Mme Dennis le 9 avril 1999.

[4]      Dans la première évaluation, la demanderesse s'est vu accorder 6 points pour sa connaissance de la langue anglaise, 6 points pour l'expérience qu'elle avait dans sa profession (coiffeuse) et 6 points pour ses qualités personnelles en tant qu'immigrante éventuelle. Dans la seconde évaluation, elle s'est vu accorder 0 point pour sa connaissance de la langue anglaise, 0 point pour l'expérience qu'elle avait dans sa profession et 2 points pour ses qualités personnelles en tant qu'immigrante éventuelle. Ces différences dans les évaluations de la même personne dans une période relativement courte par des agents différents sont troublantes.

[5]      Je décris les circonstances pertinentes pour les deux évaluations relatives à la langue. Au cours de l'entrevue avec M. Bokhaut, aucun interprète n'était présent. Elle a parlé anglais avec l'agent des visas et elle a été comprise. M. Bokhaut lui a demandé des renseignements, a écrit ses notes au STIDI et a préparé son évaluation.

[6]      Le consultant en immigration de la demanderesse a indiqué à M. Rankin (le gestionnaire du programme) que celle-ci aurait peut-être été mieux en mesure d'expliquer sa situation financière, son expérience professionnelle et son projet d'entreprise si un interprète avait été présent. Il paraît y avoir eu une entente selon laquelle la demanderesse présenterait une nouvelle demande et amènerait un interprète (le gestionnaire du programme s'était engagé à examiner tout nouveau document fourni).

[7]      De toute manière, la demanderesse a présenté une nouvelle demande et a amené un interprète à la seconde entrevue. Les notes au STIDI de Mme Dennis indiquent que lorsqu'elle a expliqué la définition de travailleur autonome prévue par la loi à la demanderesse, celle-ci n'a pas compris. L'agente des visas l'a fait expliquer par l'interprète.

[8]      La demanderesse s'est alors fait demander de lire un texte portant sur le « permis d'exercice de la médecine » et elle a éprouvé de la difficulté. Les notes au STIDI de l'agente des visas se lisent comme suit :

     [TRADUCTION] [...] À PLUSIEURS REPRISES AU COURS DE LA LECTURE DU TEXTE, ELLE A ADMIS NE PAS CONNAÎTRE CE MOT ET ELLE PRONONÇAIT MAL CERTAINS MOTS MÊME APRÈS PLUSIEURS TENTATIVES. LORSQUE JE LUI AI DEMANDÉ DE ME PARLER DU TEXTE APRÈS QU'ELLE L'A LU, ELLE A ÉTÉ INCAPABLE DE ME DIRE QUOI QUE CE SOIT AU SUJET DU PARAGRAPHE. ÉCRITURE : LECTURE À HAUTE VOIX DE L'ARTICLE 22A DE MANIÈRE À CE QU'ELLE PUISSE ÉCRIRE. L'INTÉRESSÉE EST INCAPABLE D'ÉCRIRE LA PREMIÈRE PHRASE. ELLE ÉCRIT AVEC BEAUCOUP DE DIFFICULTÉ. À LA LUMIÈRE DE CET EXAMEN, J'AI SUGGÉRÉ À LA DEMANDERESSE D'UTILISER LES SERVICES DE L'INTERPRÈTE AUSSI SOUVENT QUE POSSIBLE DE MANIÈRE À CE QU'ELLE COMPRENNE BIEN MES QUESTIONS. [...]

[9]      L'agente des visas a peut-être présumé trop rapidement que la demanderesse n'avait presque aucune connaissance de l'anglais parce qu'un interprète était présent, ou l'agente des visas a peut-être simplement eu moins de patience envers une demanderesse dont l'anglais est moins que parfait que celle dont a fait preuve M. Bokhaut. Je doute de l'opportunité de donner à une coiffeuse un texte portant sur le « permis d'exercice de la médecine » pour vérifier sa capacité de lire (j'admets que je ne savais pas que « licensure » (permis d'exercice) était un mot anglais correct). Je doute également de l'opportunité de donner des textes ou des définitions juridiques aux demandeurs pour évaluer leur compréhension ou leur capacité d'écrire. Ces textes et ces définitions sont souvent difficiles à saisir, même pour ceux dont il s'agit de la langue maternelle.

[10]      Par ailleurs, on peut supposer que la différence peut être due non seulement au fait qu'un agent des visas différent faisait l'évaluation, mais aussi au fait que la demanderesse a eu un rendement différent. Il se peut que, la demanderesse bénéficiant des services d'un interprète, elle s'y soit fiée davantage qu'elle ne l'aurait fait dans d'autres circonstances. Il se peut qu'à la seconde occasion, elle n'avait pas eu la même possibilité de parler anglais avec d'autres personnes juste avant l'entrevue (c.-à-d., de se préparer pour l'entrevue) qu'à la première occasion.

[11]      Quant à l'absence de points accordés à la demanderesse au niveau de l'expérience, l'agente des visas paraît avoir commis une erreur. Elle a évalué l'expérience de la demanderesse dans l'exploitation d'une entreprise plutôt que son expérience en tant que coiffeuse. Le fait que cela constituait une erreur ne m'a pas paru contesté.

[12]      Quant aux différentes évaluations relatives aux qualités personnelles, l'agente des visas a expliqué que son évaluation était fondée sur le fait que la demanderesse n'avait pas fait preuve de motivation et de débrouillardise parce qu'elle n'avait pris aucune mesure pour améliorer son anglais entre les deux entrevues et qu'elle n'avait apporté aucun document supplémentaire à l'appui de son projet d'être coiffeuse autonome au Canada.

[13]      L'avocat de la demanderesse prétend en premier lieu que l'exigence relative à la langue est variable et que la connaissance requise d'une coiffeuse en cette matière n'est pas la même que celle requise d'une personne exerçant une autre profession. L'avocat de la demanderesse prétend également que, de toute manière, le principe de la chose jugée (ou l'irrecevabilité à remettre en cause une question) s'applique de manière à ce que les points accordés à la demanderesse pour la connaissance de la langue, l'expérience professionnelle et les qualités personnelles doivent être adoptés pour les fins de la seconde évaluation.

[14]      J'aborde d'abord les arguments relatifs à l'évaluation des connaissances linguistiques d'un immigrant éventuel. Je ne suis pas convaincue que l'évaluation des connaissances linguistiques doive être faite en fonction d'une norme variable. Le libellé du facteur 8 du Règlement sur l'immigration et la jurisprudence indiquent le contraire. Il y a des motifs de conclure que les évaluations linguistiques doivent être faites en fonction d'une norme commune qui ne dépend pas de la catégorie de la demande ni de la profession envisagée d'un immigrant éventuel.

[15]      La décision rendue dans Alakkad c. Canada (M.C.I.) (1996), 121 F.T.R. 34, indique qu'une seule norme de connaissances linguistiques s'applique. Dans cette affaire, la Cour n'a pas examiné la norme relative à la connaissance de la langue dans le contexte de professions différentes, mais elle a plutôt déterminé si on pouvait tirer la conclusion que la norme pouvait être quelque peu assouplie dans les cas d'examen de la connaissance d'une langue en tant que « deuxième » langue. La Cour a estimé qu'on ne pouvait pas tirer une telle conclusion puisque le Règlement sur l'immigration prévoit clairement que les normes d'évaluation sont identiques.

[16]      Même si la décision Alakkad ne porte pas directement sur la question en litige en l'espèce, une norme invariable m'apparaît être davantage conforme à l'objet et au texte de la loi. L'évaluation linguistique n'est pas liée à la profession envisagée précise d'une personne, mais à sa capacité de s'intégrer dans une société dans laquelle les gouvernements communiquent avec les résidants dans l'une des deux langues officielles (le français ou l'anglais).

[17]      J'aborde maintenant les arguments relatifs à l'application du principe de la chose jugée. Deux décisions sont particulièrement pertinentes sur cette question : Kaloti c. Canada (M.C.I.) (1998), 49 Imm.L.R. (2d) 185, conf. par A-526-98, le 13 mars 2000 (C.A.F.), et O'Brien c. Canada (Procureur général) (1993), 153 N.R. 313. Dans la décision Kaloti, il a été conclu que le principe de la chose jugée s'appliquait à la demande de parrainage d'un conjoint en tant que personne appartenant à la catégorie de la famille car l'intention du conjoint au moment du mariage avait été déterminée lors de la première instance et qu'elle ne pouvait pas changer en présence de circonstances différentes.

[18]      Le juge Dubé a écrit :

     [...] je dois conclure qu'en général, le principe de res judicata s'applique en droit public. Autrement, les demandeurs pourraient présenter de nouveau la même demande ad infinitum et ad nauseam, ce qui constituerait un recours abusif aux tribunaux administratifs. Cependant, cela n'empêcherait pas un demandeur de déposer une deuxième demande fondée sur un changement de situation pourvu que, bien entendu, un tel changement soit pertinent à l'égard de l'affaire à trancher.

     . . .


[19]      Dans l'affaire O'Brien, les avocats des deux parties convenaient que l'irrecevabilité à remettre en cause une question s'appliquait aux décisions du Comité d'appel de la Commission de la fonction publique. La Cour a approuvé le raisonnement suivi par le juge Muldoon dans Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne et autres (1991), 43 F.T.R. 47 (C.F. 1re inst.), aux pages 65 et 66 :

     [...] Il semble n'exister aucune bonne raison de principe de refuser d'appliquer ce principe d'irrecevabilité aux décisions d'offices dotés d'un pouvoir juridictionnel, dans la mesure où leurs déclarations tranchent en fait, du moins pour la forme, des questions litigieuses entre les parties, de la même manière que les tribunaux.
         . . .
     L'objectif que vise le principe de la chose jugée réside dans l'interdiction faite à une partie à un litige antérieur de plaider de nouveau une question tranchée définitivement dans ce litige, à l'occasion d'un nouveau litige engagé contre le même adversaire devant le même tribunal ou un autre qui est compétent pour instruire et trancher à nouveau cette question.
         . . .

[20]      Les évaluations de la demanderesse faites par Mme Dennis en tant qu'agente des visas pouvaient être influencées par des circonstances différentes. Elles ne constituaient pas, « pour la forme, des questions litigieuses entre les parties » qui avaient été tranchées auparavant. Les évaluations étaient requises en raison de la nouvelle demande présentée par la demanderesse, demande qui était régie par le paragraphe 9(2) de la Loi sur l'immigration et par l'alinéa 8(1)b) du Règlement sur l'immigration.

[21]      Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l'irrecevabilité à remettre en cause une question s'applique.

[22]      Peu importe les erreurs ou les contradictions contenues dans les évaluations de la connaissance de la langue, de l'expérience professionnelle et des qualités personnelles de la demanderesse, il serait inutile d'annuler la décision faisant l'objet de la présente demande de contrôle et de renvoyer l'affaire pour nouvel examen à moins qu'il n'y ait des erreurs susceptibles de contrôle dans la décision de l'agente des visas selon laquelle la demanderesse n'était pas visée par la définition d'immigrant « travailleur autonome » , c'est-à-dire, qu'elle n'a pas démontré qu'elle « a l'intention et [...] est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise [de coiffure] au Canada, de façon à créer un emploi pour [elle]-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada » .

[23]      L'avocat de la demanderesse prétend que l'agente des visas a fondé sa décision sur trois prémisses erronées, de sorte que cette décision devrait être annulée : 1) elle a présumé qu'il fallait de l'expérience dans l'exploitation d'une entreprise pour être admissible en tant qu'immigrant travailleur autonome; 2) elle a présumé que pour être acceptée en tant qu'immigrant travailleur autonome, la personne doit être prête à commencer à exploiter l'entreprise ou à oeuvrer en tant que travailleuse autonome dès son admission au Canada; 3) elle n'a pas compris qu'une coiffeuse qui loue un poste de travail dans un salon de coiffure pouvait être une travailleuse autonome.

[24]      Même s'il convient que l'agent des visas examine l'expérience du demandeur dans l'exploitation d'une entreprise, l'agent commet une erreur s'il accorde trop d'importance au manque d'expérience du demandeur. (Voir Grube c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 219; Du c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 44 Imm.L.R. (2d) 101.) De même, exiger du demandeur qu'il soit prêt à commencer à exploiter une entreprise ou à oeuvrer en tant que travailleur autonome dès son arrivée au Canada constitue une erreur. (Voir Margarosyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 37 Imm.L.R. (2d) 53.)

[25]      Suivant une lecture attentive des notes au STIDI, de la décision elle-même et du contre-interrogatoire de l'agente des visas relativement à son affidavit, je ne peux pas conclure que la décision de l'agente des visas était fondée sur les erreurs qui ont été alléguées.

[26]      Les notes au STIDI se lisent comme suit :

     [TRADUCTION] AVEZ-VOUS UN PROJET D'ENTREPRISE AU CANADA? OUI, JE PENSE QUE JE VAIS ME LANCER EN AFFAIRES AVEC QUELQU'UN. EN AVEZ-VOUS LA PREUVE? NON, JE NE L'AI PAS APPORTÉE. COMMENT PRÉVOYEZ-VOUS ATTIRER DE LA CLIENTÈLE? PRINCIPALEMENT EN COMMUNIQUANT AVEC MES ANCIENS CLIENTS DE HONG KONG QUI ONT DÉMÉNAGÉ AU CANADA. AVEZ-VOUS DES PREUVES RELATIVEMENT À VOS PROPRES CLIENTS? NON, JE N'EN AI PAS. OÙ SONT VOS ANCIENS CLIENTS AU CANADA? JE VAIS LES CONTACTER UNE FOIS AU CANADA. MAIS COMME JE L'AI DIT, JE VAIS AU CANADA POUR ME LANCER EN AFFAIRES AVEC UNE PERSONNE. QUI EST CETTE PERSONNE ET COMMENT L'AVEZ-VOUS RENCONTRÉE? IL S'AGIT D'UN DE MES ANCIENS COLLÈGUES DE HONG KONG, ET J'AI ENTENDU DIRE QU'IL VENAIT D'IMMIGRER AU CANADA. NOUS ALLONS FOURNIR DES SERVICES DE COIFFEUR-STYLISTE ET DE PERRUQUE AU CANADA. AVEZ-VOUS SIGNÉ UN CONTRAT D'AFFAIRES AVEC LUI? NON, JE NE L'AI PAS FAIT, JE VAIS LOUER UN POSTE DE TRAVAIL DE SA PART AU SALON QU'IL POSSÈDE ET IL A UNE BONNE CLIENTÈLE, DONC JE VAIS INVESTIR 40 000 $ DANS L'ENTREPRISE POUR ACCROÎTRE LA CLIENTÈLE. L'INTÉRESSÉE AVANCE PLUSIEURS CHOSES MAIS NE PRÉSENTE AUCUNE PREUVE À L'APPUI. ELLE N'A FOURNI AUCUN NOUVEAU DOCUMENT. L'INTÉRESSÉE N'A FOURNI AUCUNE PREUVE À L'APPUI DE SES PRÉTENTIONS. ELLE N'A FOURNI AUCUNE PREUVE RELATIVE À SA CLIENTÈLE À HONG KONG. ELLE N'A FOURNI AUCUNE PREUVE À L'APPUI DE SON ENTREPRISE AU CANADA.


[27]      La décision se lit comme suit :

         . . .
     [TRADUCTION] Au cours de l'entrevue, je vous ai posé plusieurs questions relatives à votre capacité d'être travailleuse autonome au Canada. Vous n'avez pas démontré la capacité d'établir ou d'exploiter une entreprise. Je vous ai demandé au cours de l'entrevue de décrire votre projet d'entreprise ainsi que les exigences d'établissement de l'entreprise. Vous avez indiqué oralement que vous vous lanceriez en affaires et que vous seriez à l'emploi d'un salon de coiffure existant, mais vous n'avez fourni aucun document ou détail sur l'entreprise. Vous n'avez pas expliqué non plus au cours de l'entrevue votre capacité d'exploiter l'entreprise en tant que travailleuse autonome; vous avez seulement été en mesure de dire que vous aviez les instruments nécessaires, comme de la teinture et des ciseaux, de même que des anciens clients de Hong Kong qui ont déménagé au Canada. Je vous ai demandé si vous aviez communiqué avec vos anciens clients qui vivent maintenant au Canada ou si vous saviez où ils étaient au Canada. Vous avez dit que vous communiqueriez avec eux une fois que vous seriez au Canada. Afin d'évaluer votre expérience en affaires, je vous ai demandé de fournir la preuve que vous avez ou avez eu vos propres clients en tant que coiffeuse-styliste. Vous n'avez fourni aucune preuve vérifiable que vous aviez eu votre propre clientèle et vous avez seulement été en mesure de fournir des lettres de référence indiquant que vous aviez été à l'emploi de plusieurs salons de coiffure en tant que coiffeuse-styliste. De plus, depuis votre dernière demande de visa, vous n'avez fourni aucune nouvelle preuve vérifiable pour me convaincre que vous êtes en mesure de devenir travailleuse autonome au Canada. Je ne suis pas convaincue que les services que vous avez fournis suffisent pour faire en sorte que vous ayez les aptitudes requises pour être travailleuse autonome en tant que coiffeuse. Vous avez reçu l'évaluation suivante :
             . . .

[28]      La lecture des documents décrits précédemment m'amène à conclure que l'agente des visas considérait la nature de l'entreprise de la demanderesse à Hong Kong comme pertinente pour la question de la capacité de cette dernière d'établir une entreprise de coiffure au Canada. Je ne peux pas conclure que l'agente des visas a jugé essentiel que cette entreprise constitue un travail autonome. Elle a commis une erreur en disant que les lettres de référence indiquaient que la demanderesse avait été à l'emploi de plusieurs salons de coiffure. Au moins une des lettres fait référence à une entente de location conclue avec le propriétaire de l'établissement. L'interrogatoire de l'agente des visas révèle que cette dernière cherchait à obtenir des renseignements et des détails supplémentaires au sujet de cette entreprise (p. ex., une liste de clients) pour s'assurer que l'entreprise de la demanderesse correspondait à ce que celle-ci prétendait, et non pas parce que l'agente des visas croyait qu'une personne devait être travailleuse autonome dans le pays d'où elle émigrait pour être acceptée en tant qu'immigrant travailleur autonome au Canada.

[29]      De même, je ne peux pas conclure que l'agente des visas a présumé que la demanderesse devait établir son entreprise canadienne immédiatement après son arrivée. Elle était toutefois préoccupée par le fait que les projets de la demanderesse n'étaient pas suffisamment précis pour la convaincre que cette dernière avait la capacité et l'intention de s'établir au Canada. Les notes au STIDI se lisent comme suit :

     [TRADUCTION] J'ESTIME QUE L'INTÉRESSÉE N'A PAS SATISFAIT À LA DÉFINITION DE TRAVAILLEUR AUTONOME. L'INTÉRESSÉE N'A FOURNI AUCUN DOCUMENT POUR PROUVER QU'ELLE AVAIT UNE LISTE DE SES PROPRES CLIENTS. ELLE N'A FOURNI AUCUN DOCUMENT À L'APPUI DE SA PRÉTENTION RELATIVE À CE QU'ELLE A L'INTENTION DE FAIRE AU CANADA MÊME SI ELLE A EU 2 ANS POUR RECUEILLIR CES RENSEIGNEMENTS DEPUIS SA DERNIÈRE DEMANDE D'IMMIGRATION, QUI A ÉTÉ FINALISÉE EN MARS 1997. L'INTÉRESSÉE N'A PAS SATISFAIT À LA DÉFINITION DE TRAVAILLEUR AUTONOME ET N'A PAS FAIT PREUVE D'INITIATIVE, DE DÉBROUILLARDISE, DE MOTIVATION, ETC PUISQU'ELLE N'A PRÉPARÉ AUCUN DOCUMENT D'AFFAIRES POUR PROUVER QU'ELLE SATISFAISAIT À LA DÉFINITION DE TRAVAILLEUR AUTONOME. IL S'AGIT D'UNE NOUVELLE DEMANDE MAIS LES FAITS DE LA PRÉSENTE AFFAIRE ET LES DOCUMENTS PRÉSENTÉS PAR L'INTÉRESSÉE N'ONT PAS CHANGÉ DEPUIS LA DATE DE LA DERNIÈRE DÉCISION DÉFINITIVE.


[30]      J'aborde maintenant la troisième allégation, selon laquelle l'agente des visas n'estimait pas qu'une coiffeuse qui loue un poste de travail dans un salon est travailleuse autonome. L'agente des visas a expliqué que, lorsqu'elle avait questionné la demanderesse au sujet de son expérience et de ses connaissances personnelles, celle-ci lui avait répondu qu'elle connaissait un coiffeur qui louait un poste de travail dans son salon, de sorte qu'elle ne serait pas travailleuse autonome puisqu'elle recevrait des avantages de la part du propriétaire du salon. Je ne peux pas conclure qu'étant donné que l'agente des visas n'avait aucune expérience relativement aux coiffeurs qui louent des postes de travail en tant que travailleurs autonomes, elle était d'avis que cela ne pouvait pas se produire.

[31]      La partie de la transcription que la demanderesse invoque à l'appui de l'affirmation selon laquelle l'agente des visas estimait qu'une coiffeuse ne pouvait pas être travailleuse autonome se lit comme suit :

     . . .

         [TRADUCTION]

     39.      Q. Considérez-vous une personne, une coiffeuse qui loue un poste de travail, comme travailleuse autonome?
         R. Bien, je pense que dans ce sens, j'utilise la définition de travailleur autonome qui est énoncée dans la Loi.
     40.      Q. Considéreriez-vous une personne qui loue un poste de travail comme travailleuse autonome au sens de la Loi, en fait du Règlement?
         R. Non.
     41.      Q. Pourquoi pas?
         R. La Loi indique qu'un travailleur autonome est un immigrant qui ... est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, qui crée un emploi pour lui-même et qui contribue de manière importante à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada. Je ne considère pas une coiffeuse comme travailleuse autonome.
     42.      R. De sorte qu'à votre avis --
         A. Par exemple, dans le cas qui est devant nous, je n'estimais pas qu'elle avait la capacité ou l'intention d'établir une entreprise. [Non souligné dans l'original.]

[32]      Toutefois, un échange subséquent avec l'avocat indique que l'agente des visas a paru confuse lorsqu'elle a répondu « Non » à la question 40, susmentionnée.

         [TRADUCTION]

     48.      Q. ... Au sens de la définition de travailleur autonome figurant dans le Règlement sur l'immigration, croyez-vous qu'une coiffeuse peut être visée par la définition de travailleur autonome?
         R. Vous voulez dire n'importe quelle coiffeuse ou cette demanderesse particulière?
     49.      Q. Vous avez dit plus tôt qu'une coiffeuse ne peut pas être visée par cette définition.
         R. Non, je ne crois pas avoir dit cela.
     50.      Q. Bien, c'est ce que vous avez dit. Ensuite, vous avez ajouté --
         R. Je crois que vous m'avez demandé si j'estimais que mon amie était travailleuse autonome.
     51.      Q. Bien, je vous ai demandé cela, mais je vous ai ensuite demandé --
         Avez-vous cela sur votre écran? Pouvez-vous revenir en arrière et trouver cela?
         LE STÉNOGRAPHE : « Question : Considéreriez-vous une personne qui loue un poste de travail comme travailleuse autonome au sens de la Loi, en fait du Règlement?
                 Réponse : Non.
                 Question : Pourquoi pas?
                 Réponse : La Loi indique qu'un travailleur autonome est un immigrant qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, qui crée un emploi pour lui-même et qui contribue de manière importante à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada. Je ne considère pas une coiffeuse comme travailleuse autonome. »
         PAR M. LEAHY :
         * * *
     57.      Q. Pourquoi croyez-vous qu'une coiffeuse ne peut pas être visée par la définition de travailleur autonome figurant dans la Loi ou dans le Règlement?
         R. Une demanderesse est visée par la définition de travailleur autonome décrite dans la Loi.
     58.      Q. Non, une coiffeuse. Une coiffeuse peut-elle être travailleuse autonome au sens du Règlement sur l'immigration?
         R. Si elle satisfait aux exigences, oui. Si lui ou elle satisfait aux exigences. [Non souligné dans l'original.]

[33]      Il y a confusion lors du contre-interrogatoire quant à l'utilisation de l'expression « travailleur autonome » . L'agente des visas a parfois répondu aux questions au sujet d'un immigrant « travailleur autonome » en utilisant l'expression « travailleur autonome » au sens de la définition prévue par la Loi sur l'immigration comme comportant le fait de « contribuer de manière significative à la vie économique [...] du Canada » . À d'autres moments, cette expression a été utilisée dans le sens plus habituel, soit pour décrire les ententes commerciales en vertu desquelles une personne tire des revenus.

[34]      Les notes au STIDI, la décision, l'affidavit et le contre-interrogatoire de l'agente des visas ne font pas ressortir qu'elle était d'avis qu'une coiffeuse ne pouvait jamais être une immigrante travailleuse autonome. Le contre-interrogatoire indique que l'agente des visas était d'avis que la demanderesse n'avait pas fourni suffisamment d'éléments de preuve documentaire à l'appui de sa prétention qu'elle avait oeuvré comme travailleuse autonome à Hong Kong et qu'elle n'avait fourni aucun élément de preuve documentaire à l'appui de sa prétention qu'elle travaillerait à ce titre au Canada. Il n'était pas déraisonnable que l'agente des visas s'attende à des éléments de preuve plus concrets concernant les projets d'avenir de la demanderesse.

[35]      Pour les motifs exposés, la présente demande est rejetée.

     B. Reed

                                     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 juin 2000


Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.





















COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-2753-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MEI-HING YUNG c. LE MINISTRE DE LA

                     CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 7 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :              19 juin 2000

ONT COMPARU

M. Timothy E. Leahy                          POUR LA DEMANDERESSE
M. Martin E. Anderson                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Timothy E. Leahy                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada
















Date : 20000619


Dossier : IMM-2753-99



OTTAWA (Ontario), le lundi 19 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED


ENTRE :



MEI-HING YUNG



demanderesse



et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION



défendeur




ORDONNANCE

         APRÈS avoir entendu la demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario), le mercredi 7 juin 2000;


         ET pour les motifs de l'ordonnance prononcés en ce jour;


         LA COUR ORDONNE :

         La demande est rejetée.



B. Reed

Juge



Traduction certifiée conforme


Pierre St-Laurent, LL.M.

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