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Date : 20020130

Dossier : IMM-4109-00

OTTAWA (Ontario), le 30 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE monsieur le juge Rouleau

ENTRE

ZSOLT EHMANN

demandeur

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

[1]              La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« P. ROULEAU »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


Date : 20020130

Dossier : IMM-4109-00

Référence neutre : 2002 CFPI 108

ENTRE

                               ZSOLT EHMANN

                                                                demandeur

ET

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration (la Loi), de la décision datée du 19 juillet 2000 par laquelle Barbara Hodgins, présidente de l'audience de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que le demandeur ntait pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 En l'espèce, les faits allégués par le demandeur sont importants puisque la SSR a estimé qu'ils n'étaient pas crédibles et qu'elle ne s'est pas fiée sur eux.

[3]             Le demandeur, citoyen hongrois de 26 ans, prétend avoir une crainte fondée de persécution du fait de sa race et de son appartenance à un groupe social, les Rom. Il aurait, en effet, été harcelé par une bande de skinheads d'une ville située à environ 30 km de sa résidence. Il a officiellement changé son nom de famille, Barasci ([TRADUCTION] « qui aurait pu permettre de l'identifier comme un Tsigane), et a pris comme patronyme Ehmann. Il a rendu visite à une des ses soeurs en Allemagne, mais a décidé de ne pas rester dans ce pays parce que celui-ci se trouvait trop près de la Hongrie. Il a contacté des amis au Canada en vue d'y effectuer une visite. Avant son départ de la Hongrie, il a obtenu un permis de conduire et un passeport sous son nouveau nom. À cette époque, il habitait avec des amis et non avec sa mère et ses frères et soeurs, mais il a continué dtre employéau même endroit où il avait déjà travaillé, et ce jusquson départ en février 1998. Le 26 mars 1998, trois semaines après son entrée au Canada, il a déposé une revendication du statut de réfugié. Le 14 juillet 2001, la Commission du statut de réfugié a remis au demandeur les motifs écrits à l'appui de sa décision selon laquelle il ntait pas un réfugié au sens de la Convention et sa revendication n'avait pas de minimum de fondement.

[4]             Le demandeur cherche maintenant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision défavorable de la SSR. Il invoque que les conclusions de cette dernière sont déraisonnables. Dans une ordonnance en date du 17 octobre 2001, la demande d'autorisation d'introduire la demande de contrôle judiciaire a étéaccueillie.


[5]             La SSR était d'avis que les questions déterminantes étaient celles de la crédibilité et de la crainte subjective. La conclusion défavorable de la SSR quant à la crédibilité constituait un élément central de sa décision; le demandeur n'avait pas démontré une crainte fondée de persécution. La SSR a fourni des motifs détaillés à l'appui de sa décision selon laquelle le demandeur ntait pas un témoin crédible. Elle a relevé un grand nombre dléments non plausibles et contradictoires dans la preuve du demandeur, qui avaient trait àdes composantes centrales de la revendication du statut de réfugié comme, par exemple, l'identité du demandeur et son appartenance ethnique. La SSR a pris note de plusieurs incompatibilités dans le témoignage du demandeur et a conclu :

Le revendicateur n'est pas d'appartenance ethnique rome. Son témoignage selon lequel il a étéharcelé parce qu'il défendait les Tsiganes en Hongrie n'est pas digne de foi et n'est pas étayé par l'information objective sur le pays. Son omission de présenter une demande de statut de réfugiéen Autriche et en Allemagne démontre une absence de crainte subjective. Ces conclusions permettent à la Section du statut de réfugiéde se prononcer sur la revendication de statut de réfugié, et il n'est pas nécessaire d'examiner les autres questions énoncées au début.

Pour tous les motifs ci-dessus, la Section du statut de réfugié conclut que le revendicateur n'a pas fourni suffisamment dléments de preuve dignes de foi pour établir sa revendication. La Section du statut de réfugié conlut que Zsolt EHMANN, alias Zsolt BARACSI, n'est pas un réfugiéau sens de la Convention. De plus, compte tenu que la Section du statut de réfugiéa conclu que les éléments essentiels de sa demande ntaient pas dignes de foi et que les éléments qui restent ne sont pas objectivement fondés, la Section du statut de réfugiéconclut également qu'il N'Y A AUCUN FONDEMENT CRÉDIBLE en vertu duquel il aurait pu être déterminé que le revendicateur est un réfugiéau sens de la Convention.


[6]             La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de la SSR est celle de la décision manifestement déraisonnable. Il est bien établi que la question à examiner dans une demande de contrôle judiciaire n'est pas de savoir si la Cour serait parvenue à une conclusion différente, mais plutôt de savoir si la SSR était raisonnablement en droit de rendre une telle décision eu égard à l'ensemble de la preuve : Owusu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 64 F.T.R. 13 (C.F. 1re inst.); Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1983] A.C.F. no 129 (QL) (C.A.F.). Donc, « en définitive, la Cour chargée du contrôle devra effectuer un examen approfondi de la décision afin d'évaluer si les motifs de la décision du tribunal sont fondés sur la preuve et de s'assurer qu'ils ne sont pas manifestement illogiques ou irrationnels » : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1283 (QL) (C.F. 1re inst.), au paragraphe 17.

[7]             Pour qu'une erreur de fait alléguée donne droit au contrôle, la conclusion de fait du tribunal doit être véritablement erronée, la conclusion doit être arbitraire ou ne pas tenir compte des éléments de preuve présentés et, finalement, la décision doit se fonder sur la conclusion erronée : Rohm and Haas Can. Ltd. c. Anti-Dumping Tribunal (1978), 91 D.L.R. (3d) 212 (C.A.F.); Kuang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1157 (QL) (C.F. 1re inst.). Je suis convaincu qu'aucune de ces trois conditions n'est respectée en l'espèce. Le tribunal était raisonnablement en droit, au vu du dossier, de tirer les inférences et les conclusions auxquelles il est arrivé.


[8]             Tant que le demandeur n'est pas reconnu comme réfugié au sens de la Convention en vertu de l'article 2 de la Loi sur l'immigration, c'est à lui qu'incombe le fardeau de présenter une preuve claire et convaincante du bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. L'évaluation de la crédibilité du demandeur constitue un élément essentiel de la fonction décisionnelle de la SSR. Celle-ci ne pourrait pas s'acquitter de sa fonction à l'audience si elle ne pouvait pas évaluer la crédibilité du témoignage oral du demandeur et rendre une décision défavorable à cet égard sur le fondement de contradictions et d'incompatibilités contenues dans le récit du demandeur ou de l'absence de plausibilité des éléments de preuve présentés. Par conséquent, dans les cas où le tribunal tire clairement de telles conclusions défavorables et expose ses motifs en des termes clairs et non équivoques, la Cour ne devrait pas intervenir, et ce même s'il est concevable que la preuve puisse conduire à une conclusion différente, à moins que la SSR n'ait commis une erreur manifeste : Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 8 janvier 1998, IMM-1156-97 (C.F. 1re inst.); Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 11 janvier 1993, A-26-90 (C.A.F.).

[9]                 Je suis convaincu que la SSR n'a pas fondé son évaluation sur des considérations non pertinentes ou ignoré des éléments de preuve qui n'appuyaient pas ses conclusions.

[10]            La Cour rejette les allégations du demandeur selon lesquelles l'interrogatoire de ce dernier par les membres de la SSR était la preuve que le tribunal manquait d'indépendance ou d'impartialité ou qu'il avait un parti pris contre le demandeur. La Cour estime ces allégations non fondées. Les questions visaient l'obtention de renseignements touchant la crédibilité du demandeur et, à ce titre, la SSR était en droit de les poser. Bien que le demandeur ait soulevé cet argument, aucun élément de preuve ne permet d'étayer l'allégation de partialité.


[11]          La tendance dans la jurisprudence est d'accorder une grande liberté aux membres dans leur façon de mener une audience avant que leur conduite ne suscite une crainte raisonnable de partialité. Le simple fait que les membres de la SSR procèdent à un interrogatoire approfondi et énergique ne suscitera pas une crainte raisonnable de partialité : Peraza c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1994), 85 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.).

[12]            La déclaration du demandeur selon laquelle la SSR avait jugé d'avance sa revendication n'est pas fondée. Le demandeur n'a donné aucun exemple, tiré du procès-verbal de l'audience, démontrant que la conduite de la présidente de l'audience suscitait une crainte raisonnable de partialité.

[13]         Il incombait au demandeur de fournir une preuve claire et convaincante du bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. En l'espèce, le demandeur n'a tout simplement pas présenté suffisamment dléments de preuve crédibles pour démontrer qu'il craignait avec raison dtre persécuté. Il ne s'est donc pas acquitté de son obligation. La SSR a tiré ses conclusions en tenant compte de la preuve documentaire objective et de tous les faits qui lui ont été présentés. S'appuyant sur ces éléments de preuve, elle était raisonnablement en droit de conclure que le demandeur ntait pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la SSR a tiré une conclusion abusive ou arbitraire ayant constituéun élément central de sa décision de rejeter la revendication.

[14]            Pour tous ces motifs, la Cour ne modifiera pas la décision de la SSR et la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            Les parties ont convenu qu'aucune question sommaire ne sera présentée aux fins de certification.

« P. ROULEAU »

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 30 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                          IMM-4109-00

INTITULÉ :                         Zsolt EHMANN c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 15 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          Monsieur le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :            Le 30 janvier 2002

COMPARUTIONS :

M. Anthony Norfolk                    POUR LE DEMANDEUR

Mme Pauline Antoine                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Anthony Norfolk                    POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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