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Date : 20011109

Dossier : IMM-156-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1236

ENTRE :

FRANCIS ELAWEREMI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision en date du 6 décembre 2000 dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Il faut déterminer si la Commission a porté atteinte aux règles de justice naturelle en ne donnant pas au demandeur la possibilité de présenter son exposé des faits, et ce, parce que le commissaire a interrompu l'interrogatoire principal par des questions.


[3 ]        La Commission a rejeté la revendication du statut de réfugié du demandeur en raison de contradictions et d'invraisemblances dans sa preuve. Cependant, il faut déterminer si l'intervention du commissaire a empêché le demandeur de présenter son exposé des faits. L'avocat du demandeur ne s'est aucunement opposé aux questions du commissaire lors de l'audience. Il concède que rien n'indique qu'il y a eu partialité ou que des questions inappropriées ou sarcastiques aient été posées. À mon avis, le fait que le demandeur ait été représenté par un consultant en immigration, par opposition à un avocat, ne change rien. Comme l'a déclaré le juge Pelletier dans Cove c. M.C.I., [2001] A.C.F. no 482 :

La demanderesse a parfaitement le droit de se tourner du côté d'un consultant en matière d'immigration plutôt que d'un avocat spécialisé dans ce domaine pour régler ses problèmes en matière d'immigration. Il se peut qu'en agissant de cette façon, elle ait épargné des frais et des honoraires, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Elle a également parfaitement le droit de se fonder sur l'avis de son consultant au sujet des mesures à prendre pour présenter sa demande. Toutefois, la demanderesse peut difficilement soutenir qu'elle devrait bénéficier d'une dispense de l'application des règles parce qu'elle n'a pas été représentée par un avocat et qu'elle a été mal conseillée.

Si la demanderesse s'était trouvée dans cette situation par suite d'une erreur de son avocat, cette erreur serait retenue contre elle. Pourquoi ne devrait-il pas en être de même lorsque l'erreur est celle du consultant? Accepter cet argument de la demanderesse inciterait plusieurs personnes à retenir les services d'un consultant plutôt que d'un avocat, convaincues qu'elles pourraient obtenir réparation en rejetant la faute sur le consultant si les choses tournaient mal. Cette façon de procéder ne favorise pas un emploi rationnel des ressources juridiques et judiciaires.

[4]         Dans l'arrêt Hernandez c. M.E.I., [1993] A.C.F. no 680 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a conclu que, bien qu'elles puissent avoir été quelque peu inopportunes, les nombreuses interventions des commissaires n'ont « témoign[é] [...] d'aucune partialité ou d'aucun doute raisonnable de partialité » . La Cour a conclu que les « efforts qu'a faits la Commission pour activer la procédure étaient peut-être déroutants, mais ils n'étaient pas injustes et n'ont pas été au-delà de ce qui est permissible. L'interrogatoire soutenu des commissaires n'a pas non plus empêché le demandeur d'exposer pleinement sa version des faits » .


[5]         À mon avis, la dernière phrase s'applique en l'espèce. Le demandeur était toujours en mesure d'exposer sa version des faits, bien que peut-être de façon plus décousue qu'il ne le ferait dans une situation idéale. Le juge Lutfy a suivi la décision Hernandez, précitée, dans Paramo-Martinez c. M.C.I., [2000] A.C.F. no 261 (C.F. 1re inst.). En particulier, il a affirmé au paragraphe 16 :

Dans leur ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada (Toronto: Canvasback Publishing, 1998), les auteurs Brown et Evans disent, aux pages 11-29 et 11-30 :

[TRADUCTION] Les interrogatoires approfondis et « énergiques » par les membres d'une formation ne susciteront pas, à eux seuls, une crainte raisonnable de partialité. De plus, il est probable qu'on accordera une latitude particulière aux formations qui prennent part à un processus non accusatoire, telles les auditions de revendications du statut de réfugié, dans lesquelles personne ne comparaît pour s'opposer à la revendication. Par ailleurs, une expression d'impatience ou une perte de sang-froid momentanée de la part d'un membre d'une formation ne le rendra pas incapable d'entendre l'affaire dans les cas où il s'agit d'une simple tentative visant à contrôler la façon dont l'instance se déroule.[...]

Les membres de la formation ont effectivement posé des questions au demandeur, même pendant son interrogatoire principal. Cependant, je suis convaincu que le représentant de M. Paramo a pleinement eu l'occasion de compléter son interrogatoire (aux pages 19 à 40 de la transcription), avant la pause du milieu de la matinée, et après celle-ci. Chaque membre de la formation a longuement interrogé le demandeur après son interrogatoire principal. Le représentant du demandeur a ensuite eu l'occasion d'interroger son client de nouveau, avant l'heure du déjeuner, et après celle-ci.

Malheureusement, le commissaire en l'espèce n'a pas attendu la fin de l'interrogatoire principal pour poser ses questions. Dans Osuji c. M.C.I., [1999] A.C.F. no 539 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 21, le juge Teitelbaum a déclaré :

[...] Il ressort de cette transcription que les commissaires se sont fréquemment interposés pendant l'interrogatoire mené par l'avocat de la demanderesse. Je ne pense cependant pas que les actions de la Commission vaillent manquement à la justice naturelle en ce sens que la demanderesse se serait vu dénier la possibilité de se faire entendre pleinement ou que les questions posées par la Commission susciteraient une appréhension de préjugé.

[6]         Je note également que le commissaire a demandé à plusieurs reprises si le demandeur avait autre chose à ajouter. À mon avis, le demandeur a eu une possibilité raisonnable de présenter son exposé des faits.


[7]         Selon moi, la vaste majorité des questions n'ont pas été posées par le commissaire comme le prétend le demandeur et la plupart des questions du commissaire visaient à éclaircir la preuve du demandeur et à clarifier les réponses qu'il a données. La présente espèce ne ressemble pas à l'affaire Ganji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1120, 29 août 1997 (C.F. 1re inst.), où la demanderesse a cherché à s'opposer à un interrogatoire même si son avocat ne l'avait pas fait. En outre, dans cette affaire, la Commission a ordonné à la fille de la demanderesse de témoigner malgré l'opposition de cette dernière.

[8]         Je souscris à l'affirmation suivante du juge Heald dans Mahenvran c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991) 134 N.R. 316, aux pages 317 et 318 :

[...] Je qualifierais cet interrogatoire d'intervention énergique visant à clarifier certaines contradictions dans la preuve. On y décèle également un certain sentiment de frustration face à l'impossibilité de bien comprendre l'objet général de la preuve présentée.

[...]

Il faut garder à l'esprit que, aux termes du paragraphe 68(3) de la Loi sur l'Immigration, ce tribunal n'est pas lié par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve, et qu'il doit, pour chaque demande, fonder sa décision sur des éléments de preuve qu'il juge crédibles ou dignes de foi; on peut donc se montrer compréhensif à l'égard des membres du tribunal qui, dans leur enthousiasme à s'acquitter honorablement de leurs fonctions, peuvent à l'occasion donner l'impression d'une agressivité excessive et injuste.

Il n'y a eu aucun manquement aux règles d'équité procédurale ou de justice naturelle de la part de la Commission.


[9]         La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

« W. P. McKEOWN »

Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 9 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                                             IMM-156-01

INTITULÉ :                                                       FRANCIS ELAWEREMI

demandeur

- et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                     

DATE DE L'AUDIENCE :                             LE MERCREDI 10 OCTOBRE 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE McKEOWN            

DATE DES MOTIFS :                                     LE VENDREDI 9 NOVEMBRE 2001

COMPARUTIONS:                                        M. Lorne Waldman

pour le demandeur

M. Greg George

pour le défendeur

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:       Jackman, Waldman & Associates

Avocats

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada       

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20011109

                                                               Dossier : IMM-156-01

Entre :

FRANCIS ELAWEREMI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                     

                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                 


Date : 20011109

Dossier : IMM-156-01

TORONTO (ONTARIO), LE 9 NOVEMBRE 2001

                                                         

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

FRANCIS ELAWEREMI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. P. McKEOWN »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

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