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                                                                                                                              Date : 20050622

                                                                                                                  Dossier : IMM-1381-05

                                                                                                              Référence : 2005 CF 880

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de MONTIGNY

ENTRE :

JUSTINO JOAQUIM JOAO, MARIA VICTORIANA JOAO PEDRO JOAQUIM,

WELWITSCHIA DA GRACA PEDRO FRANCISCO, DEBORA LASSALETTE

FRANCISCO, ANA DE JESUS PEDRO FRANCISCO, RAQUIELA DESALMIRA

PEDRO PEREIRA, TEODORA PEDRO FRANCISCO, OSVALDO CLAUDIO PEDRO

DA SILVA, MARCIA DA GRACA PEDRO DA SILVA, CESALTINA DE JESUS PEDRO

DA SILVA et RAQUIEL ELIZANGELA PEDRO FRANCISCO

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                            et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Les demandeurs ont sollicité un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi en attendant l'issue de leur requête en autorisation et, le cas échéant, de leur demande de contrôle judiciaire de la décision rejetant leur demande de résidence permanente pour raisons humanitaires.


[2]                Après avoir entendu les parties par téléconférence le 14 juin 2005, j'ai accordé un sursis provisoire jusqu'au 30 juin 2005, afin que les enfants puissent terminer leur année scolaire. J'ai également indiqué qu'une décision définitive serait peu après rendue quant au sursis demandé. Après m'être penché attentivement sur les allégations des parties et avoir amplement réfléchi aux diverses implications de la présente décision, je suis arrivé à la conclusion que la demande de sursis doit être rejetée pour les motifs suivants.

[3]                Les demandeurs sont des citoyens de l'Angola, du fait de leur naissance dans ce pays. La famille est composée du demandeur principal, de son épouse, de leurs quatre enfants biologiques et de leurs cinq nièces, lesquelles sont les enfants de la soeur décédée de M. Joaquim. Le demandeur principal et son épouse ont également un enfant né au Canada. L'une des nièces, Welwitschia Da Graca Pedro Francisco, a aussi un enfant né au Canada, mais elle n'est pas partie à la présente demande, ayant décidé d'engager une instance séparée.

[4]                L'épouse du demandeur principal a fondé sa demande sur les opinions politiques qui lui sont attribuées à titre de sympathisante de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA) et sur son appartenance à un groupe social particulier, soit celui des parents d'une femme Bakongo, de ce fait considérés eux-mêmes comme Bakongo.


[5]                En raison des contradictions et des invraisemblances dans la preuve présentée par les demandeurs, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'était pas convaincue de la crédibilité des récits des demandeurs et elle a donc conclu qu'ils ne courraient pas un risque sérieux de persécution en Angola pour un motif énoncé dans la Convention, notamment leur appartenance ethnique et leurs opinions politiques. Les demandeurs ont sollicité l'autorisation d'obtenir le contrôle de la décision de la Commission, ce qui leur a été refusé par la Cour fédérale le 8 juin 2001.

[6]                Leur demande d'examen des risques avant envoi (ERAR) était fondée sur les mêmes raisons d'appartenance ethnique et d'affiliation politique. Dans une décision datée du 22 juillet 2004, l'agent d'ERAR est parvenu à la conclusion qu'aucune preuve ne démontrait la persécution systématique ou la prise pour cible de Bakongo. On a conclu que la situation avait changé complètement depuis la signature de l'accord de paix en 2002 et que les demandeurs ne courraient pas de risque pour leur vie ou la sécurité de leur personne s'ils retournaient en Angola. Les demandeurs n'ont pas sollicité l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision.

[7]                Enfin, les demandeurs ont déposé une demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires, qui a été rejetée le 10 février 2005. L'agente de Citoyenneté et Immigration Canada a estimé que la famille n'était pas suffisamment établie au Canada et elle n'était pas convaincue que les demandeurs rencontreraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives, en raison de leurs circonstances particulières, s'ils devaient demander la résidence permanente depuis leur pays d'origine.


[8]                Les demandeurs ont sollicité l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision et ont soulevé un certain nombre de questions juridiques dans le contexte de la demande : l'omission de fournir des motifs écrits en temps opportun, le manquement au devoir d'équité et aux principes de la justice naturelle lorsque l'agente CH a rendu sa décision avant de recevoir les renseignements qu'elle avait requis de l'avocat du demandeur, une autre violation de ces principes lorsqu'elle a refusé de reconsidérer sa décision après avoir reçu cette information, le refus de procéder à sa propre évaluation des risques, l'entrave à son propre discrétionnaire lorsqu'elle a restreint son analyse de l'établissement à la question de l'emploi.

[9]                Même si je suis disposé à présumer que les demandeurs ont soulevé une question sérieuse, considérant l'exigence préliminaire peu rigoureuse dans le contexte du critère à trois volets applicable en matière de sursis, j'estime qu'ils n'ont pas établi que leur renvoi en Angola leur causerait un préjudice irréparable. C'est un principe de droit consacré que le renvoi de personnes qui ont des demandes d'autorisation pendantes ne constitue pas, en soi, un préjudice irréparable (Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182; Ward c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 86 (C.F.); Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1166 (C.F.)).


[10]            Je dois dire que les demandeurs sont renvoyés aux États-Unis, et non en Angola. La Cour a statué que le renvoi aux États-Unis ne constitue pas un préjudice irréparable, même si la personne visée peut être détenue. Les États-Unis sont présumés traiter leur détenus et leurs demandeurs d'asile équitablement. Il incombera aux autorités des États-Unis de décider s'il y a lieu de renvoyer éventuellement les demandeurs en Angola (Mikhailov c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 642; Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182).

[11]            Par ailleurs, je note que le risque que courraient les demandeurs de retour en Angola est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont été examinés par la Section du statut de réfugié et par l'agente ERAR. Selon la jurisprudence de la Cour, lorsque la Section du statut de réfugié de même que l'agente ERAR ont conclu qu'un récit n'était pas crédible, ce même récit ne peut servir à étayer une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d'une demande de sursis (Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182; Saibu c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 151; Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 751; Ahmed c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 483).

[12]            Je suis conscient du fait que le renvoi des demandeurs interrompra la vie qu'ils commençaient à se bâtir ici. Mais comme la Cour l'a répété à plusieurs reprises, les difficultés généralement occasionnées par une expulsion ne constituent pas un préjudice irréparable au regard du critère exposé dans l'arrêt Toth (Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1988) 86 N.R. 302 (C.A.F.)); s'il en était autrement, le sursi devrait être accordé dans la plupart des cas, dès qu'une question sérieuse est soulevée.


[13]            Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter la demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi. Par conséquent, les demandeurs pourront être renvoyés à l'expiration du sursis provisoire, le 30 juin 2005.

                                                                                                                            « Yves de Montigny »            

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1381-05

INTITULÉDE LA CAUSE :            JOAQUIM JOAO et al c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa et Toronto par téléconférence

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 14 juin 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge de Montigny

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 juin 2005

COMPARUTIONS :

Geraldine MacDonald                                                           POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

Greg George                                                                          POUR L'INTIMÉ

Toronto (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Geraldine MacDonald                                                           POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                   POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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