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Date : 20060131

Dossier : IMM-1193-05

Référence : 2006 CF 106

ENTRE :

CRISTINA ALEJANDRA GONZALEZ VAZQUEZ

ENZO NOYA GONZALEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendue le 31 janvier 2005, dans laquelle la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]                Les demandeurs, une mère et son fils, sont tous les deux citoyens de l'Uruguay, où ils résidaient avant de venir au Canada, via les États-Unis, en août 2000. Ils ont déposé une demande d'asile en tant que réfugiés au sens de la Convention au motif que la demanderesse principale et les membres de sa famille appuyaient activement le parti communiste en Uruguay. La demanderesse principale prétend avoir reçu un certain nombre d'appels téléphoniques anonymes la menaçant de mort, après lesquels elle allègue avoir quitté l'Uruguay et avoir demandé l'asile au Canada.

[3]                Les demandes des demandeurs ont été rejetées par la Commission. La Commission a conclu qu'il n'existait pas de fondement objectif pour les craintes subjectives exprimées et que la situation en Uruguay avait suffisamment changé; si les demandeurs devaient y retourner, il n'y aurait aucune possibilité raisonnable ou objective qu'ils y seraient victimes de persécution ou que leurs vies y seraient en danger.

[4]                La situation difficile des demandeurs a été, en l'espèce, reléguée au second plan derrière les insistances de l'avocat en matière de respect des directives de procédure établies par le président de la Commission.

[5]                Dès le début de l'audience devant la Commission, l'échange suivant a eu lieu entre le commissaire et l'avocat des demandeurs et fait partie de la transcription :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : La Commission s'appuiera sur les documents suivants : la pièce R/A-1, soit la trousse d'information standard au sujet de l'Uruguay, qui a été mise à jour en décembre 2003, et la pièce R/A-2, soit les notes prises par Citoyenneté et Immigration lorsque les demandes ont été déposées. Je suppose que je peux, Maître, vous informer que la Commission est d'avis que le commissaire devrait questionner le demandeur en premier, et que le conseil aura la possibilité de poser toutes les questions qu'il croit pertinentes. Donc, commençons.

CONSEIL : Oui, avant de commencer. Oui, Monsieur, la demanderesse a été avertie de cette procédure et à ce sujet, je voudrais vous informer de quelque (inaudible). J'ai une objection à formuler à l'égard de cette procédure, parce qu'elle est, à mon avis, contraire aux règles de la justice naturelle, contraire au droit à un conseil et à différentes dispositions de la Loi sur l'immigration et des règles qui s'y rattachent.

Je serai présent à l'audience, mais je n'y participerai pas. Je ne poserai pas de questions et je ne soumettrai aucun commentaire. Je suis convaincu que vous poserez les questions nécessaires et appropriées, et qu'il y a assez de renseignements pour prendre une décision. Je veux seulement préciser que je formule une objection à la procédure, telle qu'elle est suivie depuis le mois de juin.

INTERPRÈTE : Pardon, pouvez-vous répéter s'il vous plaît?

CONSEIL : La procédure telle qu'elle a été modifiée en juin cette année.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : D'accord, je - évidemment, vous n'avez rien par écrit, mais votre objection est enregistrée au dossier, une objection à la procédure.

CONSEIL : D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : Je peux vous assurer que vous aurez la possibilité de poser toutes vos questions. Je ne poserai probablement pas des questions sans arrêt, j'ai une série de questions précises que j'aimerais clarifier et je crois que ces questions devraient vous donner une idée de ce que je recherche. Elles ne devraient pas vous empêcher de poser vos questions à la demanderesse.

Je ne crois pas qu'il y ait atteinte au principe de justice naturelle, parce que vous avez la possibilité de gérer la situation de la façon qui vous convient. Voulez-vous dire que lorsque ce sera votre tour, ce sera Mme Malvino qui posera toutes les questions?

[6]                La transcription indique qu'après cet entretien, l'avocat n'a plus participé de façon active à la procédure, ni lors de la présentation des preuves, ni lors de l'interrogatoire du seul témoin, soit la demanderesse.

[7]                Dans ses motifs, la Commission a commencé par traiter des objections de l'avocat :

Au début de l'audience, le conseil a présenté de vive voix des observations pour s'opposer à l'ordre de l'interrogatoire adopté par la Section de la protection des réfugiés suivant les instructions du président. Il a soutenu que l'ordre privilégié dans les Directives no 7 est contraire aux règles de justice naturelle et viole le droit des demandeurs d'asile de faire valoir pleinement leurs arguments.

Le tribunal a tenu compte des observations que le conseil a formulées de vive voix à ce sujet et a rassuré le conseil qu'il aurait l'occasion de poser comme il le voudrait toutes ses questions et que les questions qui seront posées aux demandeurs d'asile avant les siennes ne feront pas entrave à l'équité. Le tribunal a ensuite proposé de procéder à l'audition et a convenu de ne rendre aucune décision avant d'avoir reçu les arguments écrits du conseil pour étayer ses objections à l'ordre de l'interrogatoire exposé dans les Directives no 7.

Le conseil et son adjoint sont restés à l'audience et ont participé à la procédure préliminaire, notamment l'inscription des pièces et l'assermentation des demandeurs d'asile.

Le conseil et son adjoint n'ont soulevé aucune autre objection et n'ont pas demandé à être excusés de la salle d'audience. Quoi qu'il en soit, le conseil n'a pas interrogé la demandeure d'asile principale. Il n'a pas présenté non plus d'observations de vive voix ou par écrit quant au bien-fondé des demandes d'asile, mais le tribunal a cru comprendre qu'il était prêt à présenter ses observations finales sur le bien-fondé des demandes d'asile conjointement avec ses objections quant au nouvel ordre des interrogatoires. Cette suggestion avait été présentée au conseil.

Dans ses observations écrites, le conseil soutient, entre autres, que la CISR n'a pas l'autorisation légale de modifier l'ordre habituel de l'interrogatoire et que les nouvelles directives sont contraires aux règles de justice naturelle; que la charge de la preuve appartient ainsi au demandeur d'asile et que ce dernier se trouve alors dans une situation défensive et préjudiciable sans avoir l'occasion de faire « pleinement valoir ses arguments » .

Ayant tenu compte des arguments du conseil, le tribunal conclut qu'il n'y a pas manquement aux règles de justice naturelle et adopte à cet effet le raisonnement exposé dans la décision no TA2-12810 de la CISR. Il estime convaincants les arguments exposés dans cette décision voulant que le président ait le pouvoir de donner des directives, notamment pour ce qui est du déroulement des audiences. En outre, la directive en cause ne porte nullement atteinte à l'équité procédurale et ne contrevient pas à l'article 7 de la Charte.

De l'avis du tribunal, le conseil a eu l'occasion raisonnable de présenter la preuve au nom des demandeurs d'asile. En refusant de profiter de cette occasion, le conseil n'a pas, aux yeux du tribunal, rendu service aux demandeurs d'asile.

[8]                Le coeur de la question porte sur la procédure adoptée par la Commission vers la fin de 2003, y compris les Directives no 7 par lesquelles la Commission a adopté l'inversement de l'ordre de l'interrogation, laissant aux demandeurs ou à leur avocat le soin d'ajouter aux réponses déjà données ou de présenter des preuves supplémentaires lorsque l'agent de protection des réfugiés a terminé son interrogatoire.

[9]                La procédure d'avant les changements de 2003 et les effets des changements ont été décrits dans l'affidavit de madame Malvino, qu'elle a présenté comme document à l'appui du présent contrôle judiciaire et qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

4.         À la lumière de mon expérience de participation à des auditions de demandes d'asile, je comprends la procédure qui était suivie par la Section de la protection des réfugiés lors de la tenue d'auditions de demandes d'asile. La charge de la preuve a toujours incombé au demandeur dans le cas d'une audition de demande d'asile. La pratique habituellement suivie, à moins que le conseil ait consenti à une pratique différente, consistait pour le conseil, au nom du demandeur, à effectuer un premier interrogatoire, suivi de questions posées par l'agent de protection des réfugiés (APR) et/ou le commissaire de la Section de la protection des réfugiés (le commissaire).

5.      Ma participation à des auditions de demandes d'asile m'a permis de remarquer que, plus récemment, à partir de décembre 2003, la Section de la protection des réfugiés a changé l'ordre de l'interrogatoire des demandeurs, tel qu'il est maintenant énoncé dans les nouvelles directives, soit les Directives no 7. La procédure qui est désormais adoptée par la Commission a changé la procédure des audiences, l'APR est maintenant le premier à interroger le demandeur, si un APR est présent à l'audience, ensuite le commissaire interroge le demandeur, et finalement le conseil du demandeur pose ses questions. Ma participation à des audiences et l'aide que j'ai apportée à des conseils m'ont permis de remarquer que cette nouvelle procédure est appliquée à toutes les auditions de demandes d'asile, sans exception. J'ai examiné une copie des Directives no 7 du président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, que j'ai annexée au présent affidavit comme pièce « A » .

[10]            Les avocats ont convenu que la procédure antérieure à décembre 2003, décrite au paragraphe 4 de l'affidavit, reflète la procédure suivie à Toronto, où la majorité des demandes d'asile sont traitées, mais que d'autres villes peuvent avoir adopté une procédure différente. Quoi qu'il en soit, aucune règle ou directive au sujet de l'interrogatoire à l'audience n'existait avant décembre 2003.

[11]            Les parties des Directives no 7 les plus pertinentes quant au contrôle judiciaire en l'espèce se trouvent aux paragraphes 19 et 23 :

19.                  Dans toute demande d'asile, c'est généralement l'APR qui commence à interroger le demandeur d'asile. En l'absence d'un APR à l'audience, le commissaire commence l'interrogatoire et est suivi par le conseil du demandeur d'asile. Cette façon de procéder permet ainsi au demandeur d'asile de connaître rapidement les éléments de preuve qu'il doit présenter au commissaire pour établir le bien-fondé de son cas.

***

23.                  Le commissaire peut changer l'ordre des interrogatoires dans des circonstances exceptionnelles. Par exemple, la présence d'un examinateur inconnu peut intimider un demandeur d'asile très perturbé ou un très jeune enfant au point qu'il n'est pas en mesure de comprendre les questions ni d'y répondre convenablement. Dans de telles circonstances, le commissaire peut décider de permettre au conseil du demandeur de commencer l'interrogatoire. La partie qui estime que de telles circonstances exceptionnelles existent doit soumettre une demande en vue de changer l'ordre des interrogatoires avant l'audience. La demande est faite conformément aux Règles de la SPR.

[12]      Ces directives ont été établies par le président de la Commission apparemment en vertu des dispositions de l'alinéa 159(1)h) et du paragraphe 162(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), modifiée, qui prévoient notamment ceci :

159. (1) Le président est le premier dirigeant de la Commission ainsi que membre d'office des quatre sections; à ce titre :

159. (1) The Chairperson is, by virtue of holding that office, a member of each Division of the Board and is the chief executive officer of the Board. In that capacity, the Chairperson

h) après consultation des vice-présidents et du directeur général de la Section de l'immigration et en vue d'aider les commissaires dans l'exécution de leurs fonctions, il donne des directives écrites aux commissaires et précise les décisions de la Commission qui serviront de guide jurisprudentiel;

(h) may issue guidelines in writing to members of the Board and identify decisions of the Board as jurisprudential guides, after consulting with the Deputy Chairpersons and the Director General of the Immigration Division, to assist members in carrying out their duties;

162.(2) FONCTIONNEMENT - Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d'équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

162.(2) PROCEDURE - Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit

[13]       Ces directives n'ont pas le même poids qu'une loi ou un règlement. La Cour est d'accord avec le ministre défendeur, qui énonce au paragraphe 14 de ses conclusions écrites que les Directives ne sont pas une règle formelle, qu'elles prévoient un ordre normalisé d'interrogatoire qui n'empêche pas les commissaires d'exercer leur pouvoir discrétionnaire pour changer l'ordre de l'interrogatoire lorsqu'ils estiment qu'il est approprié de le faire, en fonction des faits de chaque affaire. L'Introduction des Directives et les explications du rôle des commissaires, des APR et des conseils éclaircissent le sujet :

Les présentes directives, données par le président, visent à expliquer les mesures prises par la SPR avant et pendant l'audience pour rendre sa procédure plus efficace tout en étant équitable. Les directives précisent également les attentes de la SPR à l'égard des participants.

Les directives s'appliquent à la plupart des cas entendus par la SPR. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses, les commissaires peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire pour ne pas appliquer certains éléments des directives ou pour les appliquer moins rigoureusement.

En général, la SPR se montre plus indulgente envers les demandeurs d'asile non représentés qui ne connaissent pas ses processus et ses règles. Elle fait preuve d'une plus grande sensibilité à l'égard des demandeurs d'asile particulièrement vulnérables.

***

Le rôle du commissaire diffère donc du rôle du juge. Le rôle principal du juge est d'examiner les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties adverses; le juge ne dit pas aux parties comment présenter leur cause. La jurisprudence montre clairement que la SPR est maître de sa propre procédure. Elle décide du déroulement de l'audience et donne les instructions à cet égard, y compris qui doit commencer l'interrogatoire. Les commissaires doivent prendre une part active aux audiences pour que le travail d'enquête de la SPR soit efficace.

***

Le rôle du conseil est le même, qu'il représente le demandeur d'asile ou le ministre. Il aide le client à présenter sa cause de façon efficace en respectant les limites établies par le commissaire. Il joue essentiellement un rôle de protection des intérêts du client et du droit de ce dernier à une audience équitable.

[14]       L'avocat des demandeurs, dans sa plaidoirie, a soulevé deux questions :

1.                   Les Directives visant l'interrogatoire au cours d'une audience sont-elles ultra vires parce qu'une telle question ne peut être l'objet que d'une règle?

2.                   Subsidiairement, les Directives constituent-elles une violation de l'équité procédurale?

Examen

[15]       Ces questions ont été discutées en salle d'audience et la Cour a avisé les avocats des deux parties que les mêmes questions étaient examinées au même moment par un autre juge de la Cour, le juge Blanchard, dans une autre affaire, Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), IMM-7836-04. Il a été convenu que les avocats pourraient déposer d'autres observations lorsqu'une décision serait rendue dans l'affaire Thamotharem, et que la présente affaire, y compris toute décision, serait laissée en suspens en attendant la conclusion de l'affaire précitée et la présentation d'autres observations. L'avocat des demandeurs a déposé des observations le 27 janvier 2006; le défendeur n'en a présenté aucune.

[16]       La décision dans l'affaire Thamotharem, référence 2006 CF 16, a été rendue le 6 janvier 2006 et a été fournie aux avocats dans la présente affaire pour qu'ils puissent déposer des observations supplémentaires. La décision Thamotharem est importante parce que le juge Blanchard a eu l'avantage d'être saisi de nombreux éléments de preuve sur la façon dont « l'inversement de l'ordre » de l'interrogatoire était pratiqué et sur la façon dont les Directives no 7 étaient mises en oeuvre. Le Conseil canadien pour les réfugiés avait aussi présenté des arguments de l'intervenant.

[17]       Dans l'affaire Thamotharem, au paragraphe 92, le juge Blanchard a exposé des motifs détaillés et a tiré, entre autres, la conclusion suivante, qui touche la première question de l'affaire en l'espèce :

Ayant examiné les facteurs énoncés dans Baker et ceux proposés par l'intervenant, je ne suis pas convaincu que les principes de justice naturelle ou d'équité procédurale exigent que les interrogatoires se déroulent dans un ordre particulier - selon lequel le demandeur serait interrogé d'abord par son conseil - lors de l'audience du demandeur pour que ce dernier ait réellement la possibilité d'exposer sa cause complètement et équitablement.

[18]       En ce qui a trait à la deuxième question dans la présente affaire, le juge Blanchard a conclu au paragraphe 143 :

En entravant le pouvoir discrétionnaire des commissaires, les Directives no 7 portent atteinte au droit du demandeur à l'équité procédurale en l'espèce. Suivant le principe de droit établi par la Cour suprême du Canada dans Cardinal et Université du Québec, j'arrive à la conclusion que la décision de la Section est illégale. En conséquence, il n'est pas nécessaire d'examiner les questions soulevées par le demandeur quant au bien-fondé de la décision de la Section de rejeter sa demande.

[19]       Il est important de souligner les propos du juge Blanchard au paragraphe 141 de ses motifs, où il cite des arrêts de la Cour suprême du Canada, énonçant que lorsqu'il est établi qu'il y a eu violation de l'équité procédurale, la décision de l'organisme administratif est invalide :

La Cour suprême du Canada a statué que la décision rendue par un organisme administratif est invalide si l'on démontre qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle ou d'équité procédurale. Dans Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, le juge Le Dain a écrit au paragraphe 23 :

[...] la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l'audition aurait vraisemblablement amené une décision différente. Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n'appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d'hypothèses sur ce qu'aurait pu être le résultat de l'audition. [Non souligné dans l'original.]

La même approche a été adoptée par le juge en chef Lamer, de la Cour suprême du Canada, dans Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471. Le juge en chef a écrit à la page 493 :

En second lieu, et de façon plus fondamentale, les règles de justice naturelle consacrent certaines garanties au chapitre de la procédure, et c'est la négation de ces garanties procédurales qui justifie l'intervention des tribunaux supérieurs. L'application de ces règles ne doit par conséquent pas dépendre de spéculations sur ce qu'aurait été la décision au fond n'eût été la négation des droits des intéressés.

[20]       Depuis que la décision a été rendue dans l'affaire Thamotharem, la Cour a rendu une autre décision sur les mêmes questions dans l'affaire Jin c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, le 19 janvier 2006, 2006 CF 57, dans laquelle la décision de la Commission a été annulée et l'affaire a été renvoyée pour réexamen. Cette décision appliquait les principes énoncés dans l'affaire Thamotharem.

[21]       Si l'on applique à la présente affaire les principes établis dans Thamotharem et énoncés ci-dessus, il est évident que les demandeurs ont soulevé une objection quant à « l'inversement de l'ordre » de l'interrogatoire lors de l'audience devant la Commission, et qu'ils ont présenté ce fait comme une question en litige devant la Cour. La Commission a suivi « l'inversement de l'ordre » de l'interrogatoire dans la procédure contrôlée en l'espèce, malgré l'objection de l'avocat des demandeurs. À ce titre, il y a eu violation de l'équité procédurale ou de la justice naturelle et la décision de la Commission doit être annulée.

[22]       L'affaire sera renvoyée devant la Commission pour réexamen par un tribunal différemment constitué. La Commission ne procédera pas selon « l'inversement de l'ordre » de l'interrogation établi aux Directives no 7. Aucuns dépens ne seront adjugés.

[23]       Comme l'affaire Thamotharem ira apparemment devant la Cour d'appel, je ne vois aucune raison de certifier une question en l'espèce, et par conséquent, je n'en certifierai aucune.

                « Roger T. Hughes »

JUGE

Toronto (Ontario)

Le 31 janvier 2006

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1193-05

INTITULÉ :                                        CRISTINA ALEJANDRA GONZALEZ VAZQUEZ ENZO NOYA GONZALEZ

                                                            et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 16 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGHES

DATES DE L'ORDONNANCE :     LE 31 JANVIER 2006

COMPARUTIONS:

Cynthia Mancia                                     Pour les demandeurs

                                                                                               

John Provart                                          Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mancia andMancia

Avocats

Toronto (Ontario)                                  Pour les demandeurs

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada        Pour le défendeur


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