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Date : 20050106

Dossier : IMM-1263-04

Référence : 2005 CF 5

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                ALEXANDER JACQUIN CUESTA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Alexander Cuesta est arrivé au Canada en janvier 2003 après avoir quitté la Colombie, où il soutient craindre d'être persécuté en raison de son homosexualité. Il a présenté sa demande d'asile à un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais celle-ci a statué qu'il n'avait pas droit à l'asile. M. Cuesta allègue que la Commission a commis une erreur en concluant que la preuve crédible à l'appui de la revendication était insuffisante et demande une nouvelle audience.

[2]                Je ne puis trouver aucun motif justifiant l'annulation de la décision de la Commission et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Question en litige

La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que M. Cuesta avait tort de craindre d'être persécuté en Colombie en raison de son orientation sexuelle?

II. Analyse

[3]                Je peux annuler la décision visée par la présente demande uniquement si je suis d'avis qu'elle était manifestement déraisonnable, c'est-à-dire qu'elle allait tout à fait à l'encontre de la preuve dont la Commission était saisie.

[4]                M. Cuesta allègue que la Commission n'a pas tenu compte de certains documents indiquant que les hommes homosexuels sont soumis à de très mauvais traitements en Colombie. De plus, ajoute-t-il, la Commission a commis une erreur en concluant qu'il ne serait probablement pas persécuté en Colombie, étant donné qu'il n'avait eu aucun problème dans le passé. Il affirme qu'il n'a pas été persécuté dans le passé parce qu'il n'a pas révélé son orientation sexuelle. Aujourd'hui, il veut vivre avec son partenaire. En conséquence, son orientation sexuelle deviendrait connue de tous. M. Cuesta fait valoir qu'il redoute les conséquences de la divulgation publique de son orientation sexuelle.

[5]                Il est évident que la Commission a examiné une partie de la preuve documentaire et elle a conclu à la lumière de cette preuve que le traitement des homosexuels de sexe masculin s'améliorait en Colombie. Elle a souligné que les rapports homosexuels consensuels ont été dépénalisés en 1980, qu'un candidat ouvertement gai a été élu gouverneur de la Valle del Cauca en 1997, que les cours de justice ont récemment rendu des décisions dans lesquelles elles ont proscrit la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, qu'un avocat qui a défendu les droits des gais et des lesbiennes en Colombie n'a jamais reçu de menaces à cause de son travail, que des efforts avaient été déployés en vue de faire approuver une nouvelle législation sur l'union homosexuelle et que toutes les grandes villes tiennent leur défilé de la fierté gaie.

[6]                Selon M. Cuesta, la Commission n'a pas tenu compte de certains documents faisant état d'actes de violence à l'endroit des gais de sexe masculin, notamment des rapports au sujet du « nettoyage social » visant les prostitués de rue et les homosexuels, d'un incident au cours duquel une personne a été abattue dans un bar gai de Cali en 2001, de neuf cas d'extorsion et de meurtre d'hommes homosexuels à Bogota et de menaces et mesures de violence dirigées contre deux hommes qui exploitaient une agence de voyage faisant la promotion du tourisme gai.


[7]                Après avoir pris connaissance de la preuve documentaire, je ne puis affirmer que les conclusions de la Commission étaient manifestement déraisonnables. M. Cuesta conteste sans doute l'importance que la Commission accorde à la preuve, mais ce n'est pas une raison justifiant l'annulation de la décision de celle-ci. Même si elle n'a pas cité explicitement les rapports que M. Cuesta a portés à mon attention, elle a souligné que « certes, c'est loin d'être parfait » et que « la question des droits de la personne pose problème en Colombie » . Cependant, en bout de ligne, elle a conclu qu'il n'y avait guère plus que « la plus faible des possibilités » que M. Cuesta soit persécuté s'il retournait en Colombie. Cette conclusion est appuyée par la preuve dont la Commission était saisie.

[8]                M. Cuesta a reconnu qu'il n'avait pas de problème avant de quitter la Colombie. En conséquence, il n'a pas cherché à obtenir l'asile dans les autres pays où il a étudié ou qu'il a visités avant de venir au Canada (p. ex., l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni et le Mexique). Il ne craignait pas non plus de retourner en Colombie, ce qu'il a fait deux fois pendant ses voyages. Lorsqu'il est arrivé au Canada, il a attendu deux mois avant de présenter sa demande d'asile. La Commission a conclu à la lumière de cette preuve que M. Cuesta ne craignait pas vraiment d'être persécuté.

[9]                M. Cuesta fait valoir que la Commission a accordé trop d'importance aux expériences qu'il a vécues et n'a pas tenu compte de la crainte qu'il avait de vivre ouvertement avec son partenaire en Colombie eu égard à l'attitude homophobe qui prédomine au sein de la société colombienne. Cependant, à mon avis, la Commission avait le droit de tenir compte de l'omission de M. Cuesta de demander l'asile à la première occasion raisonnable. Il a rencontré son partenaire en Italie et, d'après la description qu'il donne lui-même de sa revendication, il aurait pu présenter une demande en tout temps par la suite. Je ne puis conclure que l'analyse de la Commission est erronée sur ce point.

[10]            En conséquence, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n'a proposé de question de portée générale à faire certifier et aucune n'est formulée.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR STATUE COMME SUIT :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est formulée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »                     

                                                                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1263-04

INTITULÉ :                                        CUESTA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 24 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

et JUGEMENT :                                MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       le 6 janvier 2005

COMPARUTIONS :

Linda Martschenko                                            POUR LE DEMANDEUR

Alison Engel-Yan                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LINDA MARTSCHENKO                              POUR LE DEMANDEUR

Windsor (Ont.)

MORRIS ROSENBERG

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ont.)                                                   POUR LE DÉFENDEUR


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