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     Date : 19990302

     Dossier : IMM-3306-98

Ottawa (Ontario), le mardi 2 mars 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE GIBSON

Entre :

     CAM QUAN TIEU,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             FREDERICK E. GIBSON

                            

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990302

     Dossier : IMM-3307-98

Ottawa (Ontario), le mardi 2 mars 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE GIBSON

Entre :

     CAM QUAN TIEU,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'avis exprimé au nom du défendeur aux termes du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) selon lequel le demandeur constitue un danger pour le public au Canada est infirmé et l'affaire est renvoyée au défendeur pour nouvel examen et nouvelle décision, si nécessaire.

                             FREDERICK E. GIBSON

                            

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19990302

     Dossiers : IMM-3306-98

     IMM-3307-98

Entre :

     CAM QUAN TIEU,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs se rapportent à deux demandes de contrôle judiciaire, mettant en cause les mêmes parties et les mêmes faits, dans lesquelles le demandeur réclame le contrôle judiciaire d'avis exprimés au nom du défendeur, aux termes du paragraphe 70(5) et du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) de la Loi sur l'immigration1, selon lesquels le demandeur constitue un danger pour le public au Canada.

[2]      Les faits peuvent être résumés brièvement de la façon suivante. Le demandeur est né au Vietnam en 1958. Pendant qu'il vivait encore au Vietnam, le 1er septembre 1979, il a été inculpé de [TRADUCTION] " [...] crime avec préméditation en vue de causer des lésions corporelles et la mort d'une personne, aux termes de l'article 5, paragraphe (b) du Décret 03 - SI du 15 mars 1976 ". Il a été déclaré coupable de cette infraction et condamné à huit ans d'emprisonnement qui, en appel, ont été réduits à cinq ans. Toujours au Vietnam, il s'est marié le 5 juillet 1991.

[3]      Dans le cadre d'un accord de parrainage signé par son père, le demandeur est entré au Canada à titre de résident permanent le 23 juillet 1991. Il vit au Canada depuis ce temps. Dans les documents que le demandeur a déposés à l'appui de son admission au Canada, il a déclaré qu'il n'était pas marié, qu'il n'avait pas de personne à charge et qu'il n'avait jamais été déclaré coupable d'aucune infraction. Au moment de son admission au Canada, ces déclarations étaient manifestement fausses.

[4]      Depuis son arrivée au Canada, le demandeur a été reconnu coupable d'infractions criminelles à trois reprises : premièrement, il a été déclaré sommairement coupable de voies de fait sur sa soeur le 30 juillet 1992 ; deuxièmement, il a été déclaré coupable de conduite en état d'ébriété le 17 août 1992 ; et finalement, il a de nouveau été déclaré coupable de voies de fait, cette fois sur son frère, le 4 février 1994. Pour chacune de ces infractions, une sanction relativement mineure lui a été imposée. Aucune des infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable au Canada n'était punissable d'une peine d'emprisonnement de dix ans.

[5]      En septembre 1997, le défendeur a informé le demandeur par écrit qu'il envisageait la possibilité de formuler un avis déclarant qu'il constituait un danger pour le public au Canada. Cette lettre était accompagnée de documents sur lesquels le défendeur avait l'intention de s'appuyer. On invitait le demandeur à faire des observations écrites quant à savoir pourquoi le défendeur ne devait pas conclure qu'il constituait un danger pour le public au Canada. Il n'a pas répondu ; par la suite, il a expliqué qu'il ne comprenait pas bien l'anglais et qu'il n'avait donc pas bien saisi le sens de la lettre et ses conséquences.

[6]      Après le déroulement normal des révisions effectuées par les fonctionnaires du défendeur, et en se fondant sur les recommandations de ceux-ci, un délégué du ministre a conclu que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada et, le 3 juin 1998, a délivré les avis de danger qui font l'objet du contrôle en l'espèce.

[7]      L'avocat du demandeur conteste les avis de danger en s'appuyant sur un certain nombre de motifs, notamment sur des interprétations des dispositions de la Loi sur l'immigration qui, selon lui, font en sorte que les dispositions des paragraphes 70(5) et 46.01(1) ne sont pas applicables au demandeur. Les arguments fondés sur l'interprétation n'ont pas été débattus avec force devant la Cour et, à mon avis, avec raison. Je ne trouve aucun fondement qui me permette de conclure qu'il n'était pas loisible au défendeur d'appliquer les dispositions des paragraphes 70(5) et 46.01(1) au cas du demandeur.

[8]      Devant moi, l'avocat du demandeur s'est appuyé essentiellement sur trois motifs pour contester les avis de danger. Premièrement, il allègue que la preuve dont était saisi le défendeur était tout simplement insuffisante pour lui permettre de conclure que l'infraction pour laquelle le demandeur a été déclaré coupable au Vietnam était l'équivalent d'une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait une infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Deuxièmement, le demandeur allègue que les avis qui ont été exprimés au nom du défendeur sont abusifs d'après la preuve dont était saisi le délégué du défendeur. Finalement, le demandeur fait valoir que le défendeur a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était visé au sous-alinéa 46.01(1)e)(iv).

[9]      Les dispositions législatives pertinentes sont rédigées dans les termes suivants :


70.5 (5) No appeal may be made to the Appeal Division by a person described in subsection (1) or paragraph (2) (a) or (b) against whom a deportation order or conditional deportation order is made where the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada and the person has been determined by an adjudicator to be

(a) a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c), (c.1), (c.2) or (d);

(b) a person described in paragraph 27(1)(a.1); or

...

46.01 (1) A person who claims to be a Convention refugee is not eligible to have to have the claim determined by the Refugee Division if the person

...

(e) has been determined by an adjudicator to be

...

(iv) a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada.

70.(5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui selon la décision d'un arbitre :

a) appartiennent à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada ;

b) relèvent du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada ;

...

46.01(1) La revendication du statut n'est pas recevable par la section du statut si l'intéressé se trouve dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

...

e) l'arbitre a décidé, selon le cas :

...

(iv) qu'il relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, il constitue un danger pour le public au Canada.

[10]      Concernant les conditions liminaires du paragraphe 70(5), il n'est pas contesté que le demandeur est une personne visée au paragraphe 70(1). La question dont je suis saisi est plutôt de savoir si le demandeur tombe sous le coup de l'alinéa 70(5)a) ou b), plus particulièrement de l'alinéa b). Pour être visé à l'alinéa 70(5)b), le demandeur doit être une personne à l'égard de laquelle un arbitre pourrait raisonnablement conclure qu'elle a, à l'extérieur du Canada, été déclaré coupable d'une infraction, qui, si elle avait été commise au Canada, constituerait une infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Le délégué du défendeur avait en main des documents importants concernant l'infraction pour laquelle le demandeur a été déclaré coupable au Vietnam, de même qu'au sujet de l'enquête relative à cette infraction et des poursuites qui se sont déroulées devant les tribunaux vietnamiens en rapport avec cette infraction. Je suis convaincu qu'il était raisonnablement loisible au délégué du défendeur d'accepter l'avis de ses fonctionnaires indiquant que l'infraction pour laquelle le demandeur a été déclaré coupable au Vietnam était l'équivalent d'un homicide involontaire coupable en vertu du Code criminel du Canada, donc une infraction punissable d'un emprisonnement maximum égal ou supérieur à dix ans.

[11]      L'argument selon lequel l'avis de danger exprimé au nom du défendeur est abusif se fonde sur l'observation selon laquelle l'infraction au Vietnam a été commise il y a de nombreuses années et que la preuve de la conduite du demandeur depuis ce temps ne permettait pas d'établir qu'il constituait un " danger présent ou futur pour le public "2 au Canada.

[12]      Au regard du critère applicable au contrôle d'un avis de danger exprimé par le défendeur qui est énoncé dans l'arrêt Williams, je ne peux que conclure que le défendeur n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en statuant, d'après les faits de l'espèce, que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada.

[13]      Finalement, le sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) fait uniquement référence à une personne qui a été déclarée coupable d'une infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Le représentant du défendeur a reconnu devant moi qu'il ne s'agit pas du cas du demandeur. Simultanément, j'ai été informé que le défendeur avait maintenant exprimé un troisième avis de danger concernant le demandeur, aux termes du sous-alinéa 46.01(1)e)(iii), qui est, selon la seule conclusion à laquelle je peux en arriver, le sous-alinéa que le défendeur avait l'intention d'invoquer en exprimant l'avis qui fait l'objet du présent contrôle et qui a par erreur été fondé sur le sous-alinéa 46.01(1)e)(iv).

[14]      D'après les observations précitées, je conclus que le défendeur n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en exprimant, comme il l'a fait, son avis d'après la preuve dont était saisi son délégué et en se fondant sur les dispositions du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, selon lequel le demandeur constitue un danger pour le public au Canada et qu'un arbitre pourrait vraisemblablement décider qu'il est visé à l'alinéa 27(1)(a.1). Le fait que j'aurais pu ne pas parvenir à la même conclusion quant à la dangerosité du demandeur n'a aucune importance. Je suis convaincu qu'il était raisonnablement loisible à la défenderesse d'en venir à la conclusion qu'elle a tirée.

[15]      L'avis semblable exprimé en vertu du sous-alinéa 46.01(1)e)(iv) doit être infirmé. Il est manifestement erroné. Il n'était tout simplement pas loisible au délégué du défendeur d'agir selon l'hypothèse qu'un arbitre pourrait décider que le demandeur avait été déclaré coupable d'une infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Cette façon d'agir constitue manifestement une erreur de droit. Par conséquent, ce dernier avis doit être infirmé et l'affaire est renvoyée au défendeur pour nouvel examen et nouvelle décision, si nécessaire. Manifestement, à la lumière du troisième avis de danger qui a maintenant été exprimé en vertu du sous-alinéa 46.01(1)e)(iii), le nouvel examen est presque certainement théorique, puisqu'il a en fait déjà eu lieu.

[16]      Aucun des avocats n'a proposé de question aux fins de la certification. Aucune question ne sera donc certifiée.

                             FREDERICK E. GIBSON

                            

                             Juge

Ottawa (Ontario)

le 2 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DU GREFFE :              IMM-3306-08 et IMM-3307-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CAM QUAN TIEU C. LE MINISTRE DE LA

                     CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 22 FÉVRIER 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

DATE :                  LE 2 MARS 1999

ONT COMPARU :

KEVIN MOORE                      POUR LE DEMANDEUR

BRAD HARDSTAFF                  POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

ANDREW, MARCH & OAKE              POUR LE DEMANDEUR

EDMONTON (ALBERTA)

MORRIS ROSENBERG                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

     2      Voir Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] 2 C.F. 646, page 669 (C.A.F.).

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