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Date : 20020415

Dossier : IMM-3400-00

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2002.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                                 YAN ZHAO XIONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas refusant la résidence permanente au Canada est rejetée.

                                                                                                                 « Carolyn A. Layden-Stevenson »    

                                                                                                                                                                 Juge                          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020415

Dossier : IMM-3400-00

Référence neutre : 2002 CFPI 430

ENTRE :

                                                                 YAN ZHAO XIONG

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Yan Zhao Xiong, dans sa demande de contrôle judiciaire, demande que la décision du 30 mai 2000 d'une agente des visas au Consulat général du Canada à Hong Kong, refusant sa demande de résidence permanente au Canada, soit cassée et qu'il soit ordonné au défendeur de traiter favorablement la demande ou, subsidiairement, que la demande soit renvoyée au Consulat général du Canada pour être examinée par un autre agent des visas.

[2]                 Le demandeur est un citoyen de la Chine. C'est un homme d'affaires chinois prospère ayant plus de 20 ans d'expérience dans l'industrie des fruits de mer, dont au moins 10 dans la gestion. Son expérience implique la mise en marché de crabes et, plus récemment, l'élevage de crabes afin de satisfaire à la demande du marché. Le demandeur affirme qu'il a établi des ententes commerciales dans plusieurs villes en Chine relativement à l'aspect d'élevage de son entreprise. En juin 1998, le demandeur a fait ce qu'il a appelé un [traduction] « voyage de prospection » au Canada afin d'examiner la possibilité de vivre et de faire affaire au Canada.

[3]                 Le 11 août 1998, le demandeur a formulé une demande de résidence permanente au Canada en tant qu'entrepreneur qui désire établir une entreprise au Canada. Le demandeur a été interrogé par l'agente des visas le 23 mai 2000. Par une correspondance datée du 30 mai 2000, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur en raison du fait qu'il ne répondait pas à la définition d' « entrepreneur » , ayant omis de convaincre l'agente que l'entreprise que le demandeur se proposait d'établir au Canada contribuerait de manière significative à la vie économique ou permettrait de créer des emplois. De plus, l'agente n'était pas convaincue que le demandeur était en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce.


[4]                 Le demandeur affirme que l'agente des visas a erré dans l'interprétation qu'elle a faite de la loi, qu'elle en est arrivée à des conclusions de fait erronées, qu'elle a ignoré des éléments de preuve pertinents, qu'elle a omis d'examiner des éléments de preuve pertinents et qu'elle a violé les principes de justice naturelle.


[5]             Avant de traiter des arguments du demandeur, il faut mentionner la question des notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) de l'agente des visas. Lorsque le demandeur a déposé son avis de demande de contrôle judiciaire le 29 juin 2000, il a inclus une demande pour que le Consulat général du Canada à Hong Kong envoie une copie certifiée de son dossier à la Cour et au demandeur conformément à la règle 318 des Règles de la Cour fédérale (1998). Le tribunal a expédié un dossier aux parties et à la Cour. La copie du dossier expédiée à l'avocat du défendeur comprenait une copie des notes du STIDI. Par mégarde, les copies expédiées à l'avocat du demandeur et à la Cour ne comprenaient pas les notes du STIDI. Dès que l'erreur a été découverte, les notes du STIDI ont été expédiées immédiatement. Le demandeur s'est vu accorder deux prorogations de délai, de consentement, pour le contre-interrogatoire de l'agente des visas afin de remédier à tout préjudice causé au demandeur découlant du retard, de la part du tribunal, à déposer les notes du STIDI. Le demandeur s'est également vu accorder le droit de déposer un dossier supplémentaire. Au début de la présente audience, l'avocat du demandeur a soulevé la question des notes du STIDI et il a indiqué qu'il était troublé par le fait que les notes avaient été reçues en dehors du délai prescrit par les Règles sans la nécessité d'une requête. Toutefois, l'avocat a également déclaré qu'il ne visait pas à obtenir réparation à cet égard. L'avocat s'est référé aux notes du STIDI et s'y est référé durant son argumentation et l'audience s'est donc poursuivie comme si l'irrégularité relative au dépôt ne s'était pas produite. Par conséquent, je n'ai pas l'impression qu'il soit nécessaire de s'interroger plus longuement sur cette question.

[6]                 Pour retourner aux arguments du demandeur, celui-ci a prétendu que la lettre de refus de l'agente des visas n'est qu'une lettre « passe-partout » , qu'elle est complètement inacceptable et qu'on ne peut conclure qu'elle a rempli l'obligation de donner des motifs. Le demandeur affirme que l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.), appuie cette position. Le demandeur reconnaît l'existence de l'affidavit de l'agente des visas, mais il affirme qu'il ne sait pas très bien si la lettre de refus doit être lue conjointement avec d'autres documents.

[7]                 Deuxièmement, le demandeur soutient que l'agente des visas a élevé le facteur « plan d'affaires » jusqu'à un niveau où il est devenu le seul fondement de la décision. En ce faisant, l'agente a erré en droit en mettant l'accent sur le plan plutôt que sur la personne. Le demandeur conteste la conclusion de l'agente selon laquelle l'entreprise projetée ne contribuerait pas de manière significative à la vie économique et il affirme que la preuve justifiait une conclusion qu'il existait une possibilité de développer une ferme d'élevage de crabes à Vancouver et un point de vente à Toronto. De plus, le demandeur projetait d'investir 150 000 $ dans l'entreprise et d'engager deux employés.

[8]                 Le demandeur prétend également que l'agente des visas a porté atteinte aux principes de l'équité procédurale en omettant d'examiner des éléments de preuve pertinents, c.-à-d. le mérite et l'expérience du demandeur. L'argument consiste en ce que le succès du demandeur comme entrepreneur en Chine et sa visite exploratoire au Canada n'ont pas été pris suffisamment en compte par l'agente des visas. De plus, l'agente en est venue à une conclusion de fait erronée lorsqu'elle a conclu que le demandeur ne s'était pas suffisamment préparé pour démarrer une nouvelle entreprise.

[9]             Enfin, le demandeur conteste la conclusion selon laquelle il ne serait pas impliqué dans la gestion de l'entreprise ou du commerce. Encore une fois, l'observation consiste en ce que cette conclusion ne tient pas compte de la preuve du succès que le demandeur a connu dans l'industrie des fruits de mer. Dans l'ensemble, selon le demandeur, l'absence de considération du mérite et de la capacitéest simplement injuste.


[10]         La position du défendeur consiste en ce que la demande d'entrée au Canada comme immigrant donne naissance à une décision discrétionnaire de la part de l'agente des visas qui doit être prise sur la base de critères légaux précis. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.), Pourkazemi c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1998), 161 F.T.R. 62 et Kuo-Ting c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1997), 38 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.).

[11]            Le défendeur prétend que le demandeur était au courant des motifs de la décision de l'agente, puisqu'ils lui ont été expliqués lors de l'entrevue. Chacun des facteurs qui ont été examinés par l'agente des visas était pertinent par rapport à sa décision. Le défendeur note, en particulier, les questions concernant le contexte commercial au Canada, le plan d'affaires du demandeur et les compétences linguistiques du demandeur. Selon le défendeur, l'agente des visas n'a pas ignoré les éléments de preuve. C'est plutôt que certains des éléments de preuve du demandeur ne l'ont pas convaincue autant que l'aurait souhaité le demandeur. Le fait que le demandeur soit un homme d'affaires prospère en Chine n'était pas déterminant relativement à sa capacité d'établir une entreprise rentable au Canada.

[12]            Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-102 définit le terme « entrepreneur » :



« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

"entrepreneur" means an immigrant

(a) who intends and has the ability to establish, purchase or make a substantial investment in a business or commercial venture in Canada that will make a significant contribution to the economy and whereby employment opportunities will be created or continued in Canada for one or more Canadian citizens or permanent residents, other than the entrepreneur and his dependants, and

(b) who intends and has the ability to provide active and on-going participation in the management of the business or commencial venture;


[13]         Quant à l'obligation de donner des motifs, la correspondance de l'agente des visas datée du 30 mai 2000 énonce la définition d' « entrepreneur » et informe le demandeur qu'il n'a pas satisfait aux critères. L'affidavit de l'agente des visas énonce, en détail, les motifs de sa décision. Selon le témoignage non contredit de l'agente des visas, elle a expliqué ses préoccupations au demandeur à la fin de l'entrevue, elle l'a informé du refus et elle lui a offert l'occasion de poser des questions, de réfuter ou de fournir des renseignements additionnels. Je ne suis pas convaincue que l'argument du demandeur relativement à l'obligation de donner des motifs a du mérite en l'espèce. Le demandeur a eu accès aux motifs de la décision de l'agente des visas, ce qui est suffisant. Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.


[14]            L'agente des visas, dans son affidavit, témoigne qu'elle n'était pas convaincue que l'entreprise que le demandeur projetait d'établir au Canada contribuerait de manière significative à la vie économique, ni qu'elle créerait des emplois. L'agente a conclu que le plan d'affaires du demandeur était vague et que sa recherche en vue d'établir une entreprise au Canada était faible et qu'elle n'était pas étayée. Il n'avait pas de plan concret au sujet de l'élevage de crabes et de l'entreprise de vente et il n'était pas réaliste au sujet des perspectives commerciales. Bien que le demandeur ait déclaré qu'il engagerait des employés, leurs tâches étaient mal définies. Le fait que le demandeur soit mal préparé pour établir une entreprise se reflétait sur ses chances de succès. Vu sa conclusion selon laquelle le demandeur ne s'était pas préparé adéquatement pour démarrer une nouvelle entreprise, l'agente a conclu qu'il était difficile de déterminer de quelle façon son entreprise serait en mesure de créer des possibilités d'emploi.

[15]            Bien que le demandeur ait soutenu que l'agente des visas a omis de tenir compte de l'expérience du demandeur et de son voyage exploratoire au Canada, le dossier du tribunal contient une abondance de renseignements relativement à ces facteurs et ils se reflètent dans les notes de l'agente des visas. Les discussions concernant le voyage au Canada du demandeur ont pris beaucoup de temps durant l'entrevue. Malgré que le demandeur ait indiqué vouloir investir 150 000 $ dans l'entreprise, il n'y avait aucune indication quant au coût du démarrage d'une telle opération. L'étude de marché du demandeur s'est limitée à sept ou huit magasins de fruits de mer dans le quartier chinois de Toronto (malgré le fait que le demandeur n'était en mesure de parler que des renseignements concernant un magasin), à un supermarché, aux hôtels où le demandeur a mangé et aux renseignements recueillis d'un ami.

[16]            Le témoignage de l'agente des visas a également indiqué que le demandeur ne parle pas, ne lit pas et n'écrit pas l'anglais, qu'il avait une faible connaissance du commerce des fruits de mer au Canada et peu de connaissances des régions de Toronto et de Vancouver. L'agente a donc conclu que le demandeur n'était pas en mesure de participer activement à la gestion de cette entreprise.

[17]            Le demandeur avait pleine confiance en sa capacité de réussir. Lorsque l'agente des visas lui a donné l'occasion de répondre à ses préoccupations, le demandeur a déclaré que, dans son domaine, contrairement aux autres, il n'est pas nécessaire de procéder à une étude du marché avant d'y faire son entrée. Malgré le fait qu'il puisse ne pas connaître la compétition et le marché de l'élevage de crabes, avec son expérience et son sens des affaires, il se fera un nom et se gagnera éventuellement le respect des consommateurs.

[18]         Je ne suis pas en mesure de conclure que l'agente des visas a élevé le facteur plan d'affaires au point de démontrer qu'il a été le fondement de sa décision. Et je ne peux conclure que l'agente a ignoré des éléments de preuve pertinents ou tenu compte d'éléments de preuve non pertinents. Les facteurs dont a tenu compte l'agente des visas étaient pertinents par rapport à la décision qu'elle devait prendre. L'agente n'a peut-être pas estimé convaincants les éléments de preuve du demandeur, mais elle ne les a pas ignorés. La pondération des facteurs pertinents demeure l'apanage du ministre ou de son délégué. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 11.

[19]            Ayant examiné le contenu du dossier du tribunal, y compris la demande du demandeur ainsi que les documents à l'appui, les affidavits du demandeur et de l'agente des visas et les observations de l'avocat, je conclus que l'agente des visas avait raisonnablement le droit de conclure comme elle l'a fait. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[20]        Les avocats n'ayant pas proposé de question grave de portée générale, il n'y a donc pas de question certifiée en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration.

                                                                                                                 « Carolyn A. Layden-Stevenson »    

                                                                                                                                                                 Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 15 avril 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-3400-00

INTITULÉ :                      YAN ZHAO XIONG c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 4 AVRIL 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :             LE 15 AVRIL 2002

COMPARUTIONS :

Joel Guberman                                      POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Guberman, Garson                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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