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Date : 20050603

Dossier : IMM-6477-04

Référence : 2005 CF 805

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

ELEMER JOZSEF PRUMA

JOZSEF ELEMERNE PRUMA

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) du 2 juillet 2004, selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]                Les demandeurs cherchent à obtenir une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire devant une formation différemment constituée qui statuera de nouveau à son sujet.

Le contexte

[3]                Elemer Jozsef Pruma (le demandeur) et son épouse, Jozsef Elemerne Pruma (la demanderesse) sont des ressortissants de la Hongrie qui ont demandé le statut de réfugiés parce qu'ils craindraient avec raison d'être persécutés du fait de leur race (Roms), de leur religion et de leur appartenance à un certain groupe social.

[4]                C'est la deuxième revendication du statut de réfugié présentée par chacun des demandeurs. Le demandeur a déposé sa première revendication le 10 juin 1998 et la demanderesse, le 4 février 1999. Les revendications ont été rejetées par une décision rendue le 14 août 2000. Les demandeurs ont finalement été expulsés en Hongrie où ils sont demeurés jusqu'au 6 novembre 2001, date à laquelle ils sont revenus au Canada et y ont fait une deuxième demande d'asile à leur arrivée à l'aéroport international Pearson. La deuxième revendication a été signée le 18 décembre 2001.

[5]                Les demandeurs ont soutenu qu'ils avaient fait l'objet de discrimination toute leur vie parce qu'ils sont Roms. Ils ont affirmé qu'ils avaient été attaqués par des skinheads ( « crânes rasés » ) et des groupes néonazis, et qu'ils ont dû quitter leur ville et s'installer ailleurs en Hongrie.

[6]                Les demandeurs ont soutenu qu'entre le mois d'août 2001 et le mois de novembre 2001, soit à leur retour en Hongrie, ils ont été privés d'abri, ils ont été insultés de nouveau parce qu'ils sont des Roms et ils avaient peur de marcher dans la rue parce qu'il y avait des « crânes rasés » partout. Le demandeur a soutenu qu'il lui était impossible de trouver du travail et qu'il avait toujours peur. Les demandeurs ont ajouté que leur fille, à qui on a refusé l'asile en 2003, est maintenant une sans-abri en Hongrie. Le demandeur a allégué qu'il avait demandé l'aide de la police une fois afin de se plaindre au sujet de « crânes rasés » qui le menaçaient en 2001, mais sans résultat.

[7]                La Commission a rejeté leur revendication. Il s'agit ici du contrôle judiciaire de ladite décision.

Les motifs de la Commission

[8]                La Commission a noté qu'une grande partie de la présente demande était déjà visée par la décision négative de mars 2000, à l'égard de laquelle une demande d'autorisation de contrôle judiciaire avait été refusée. Par conséquent, la Commission a jugé que les allégations contenues dans cette partie de la demande ne pouvaient faire l'objet d'une autre demande d'asile en application du principe de la chose jugée. La Commission s'est donc limitée à examiner les incidents qui se seraient déroulés entre le retour des demandeurs en Hongrie, en août 2001, et leur retour au Canada le 6 novembre 2001.

[9]                La Commission a souligné que, contrairement à la prétention des demandeurs selon laquelle ils étaient sans abri à leur retour en Hongrie, le demandeur a déclaré dans son témoignage qu'au moment de leur arrivée ils habitaient avec le frère de sa femme à Godollo, une ville à l'extérieur de Budapest.

[10]            La Commission a pris note des allégations du demandeur selon lesquelles les deux demandeurs avaient été insultés par des inconnus qu'ils associaient à des « crânes rasés » ; le demandeur, qui se rendait à l'épicerie, a eu peur et s'est enfui. Après ces incidents allégués, le demandeur ne sortait plus par crainte d'être attaqué par des « crânes rasés » .

[11]            La Commission a pris note du fait que le demandeur déclarait avoir appelé la police au sujet de l'incident, mais que celle-ci n'était pas venue. Le demandeur a affirmé alors qu'il ne s'était pas rendu au poste de police pour signaler l'incident parce que, selon son expérience, la police l'insultait et [traduction] « il ne sert à rien de communiquer avec les policiers parce qu'ils n'aident pas les Roms » . Les demandeurs ont mentionné aussi qu'ils n'ont pas communiqué avec les responsables Roms parce que ces derniers ne font rien pour aider les autres Roms. Le demandeur a déclaré aussi qu'il n'avait pas essayé de trouver une organisation de Roms dans leur secteur ou à Budapest.

[12]            La Commission a jugé que les demandeurs avaient omis de se réclamer de la protection des autorités.

[13]            La Commission a aussi jugé, à partir du témoignage des demandeurs selon lequel ils sont ensuite allés dans un autre quartier de Budapest où ils ont loué un logement en sous-sol pendant trois semaines et qu'ils avaient vécu avec des parents à Godollo à leur retour en Hongrie, que les demandeurs n'étaient pas des « sans-abri » comme ils l'avaient prétendu.

[14]            La Commission a souligné que, selon la preuve documentaire, la situation dans le domaine de l'emploi pour des Roms qui, comme les demandeurs, ne possèdent pas de compétences ou d'éducation, est très difficile, mais qu'il ne s'agit pas d'une situation que l'on peut assimiler à de la persécution.

[15]            La Commission a aussi pris note du fait que les deux frères de la demanderesse vivaient en Hongrie et que l'un d'eux se trouvait encore à Godollo. Il y travaillait et son enfant y fréquentait l'école, malgré les allégations selon lesquelles les « crânes rasés » harcèlent partout les Roms.

[16]            La Commission a établi que les demandeurs avaient subi de la discrimination en tant que Roms, mais qu'ils n'avaient pas prouvé que la discrimination subie équivalait à de la persécution.

[17]            La Commission a conclu que, contrairement aux allégations des demandeurs selon lesquelles la situation des Roms n'a pas changé, la preuve documentaire - comme par exemple le European Union Ascension Report de 2002 - indique que le gouvernement hongrois a poursuivi ses efforts pour améliorer la situation difficile de la minorité Rom.

[18]            Le rapport, par exemple, a montré ce qui suit : (i) le gouvernement a créé un nouveau poste au conseil des ministres dont le titulaire est chargé des relations avec les Roms; (ii) le bureau du protecteur du citoyen peut intervenir, sans toutefois être habilité à rendre des décisions exécutoires; (iii) en collaboration avec la structure nationale d'autonomie gouvernementale pour les Roms et le bureau des minorités nationales et ethniques, le ministère de la Justice, à la fin 2001, a créé un réseau spécial anti-discrimination de bureaux d'aide juridique; et (iv) à l'été 2001, une cour municipale du centre de la Hongrie a jugé cinq « crânes rasés » coupables d'une agression pour des mobiles ethniques contre un groupe de Roms en 1999.

[19]            La Commission a cité Pal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. N º 894, en ce qui concerne la protection de l'État et les diverses organisations commanditées par le gouvernement qui offrent des services aux Roms dans le besoin.

[20]            La Commission a statué que les incidents décrits par les demandeurs constituaient de la discrimination et non pas de la persécution. La Commission a ajouté que [traduction] « il est clair que la crainte des demandeurs est plus liée à la crainte d'avoir de la difficulté à trouver un emploi et la preuve documentaire démontre que les demandeurs pourraient avoir accès à la protection de l'État s'ils étaient maltraités » .

Les questions en litige

[21]            Voici la formulation des questions litigieuses par les demandeurs :

1.       Est-ce que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte de la totalité de la preuve pertinente?

2.       Est-ce que la Commission a commis une erreur en omettant d'évaluer la preuve dans son ensemble et en ne tenant pas compte de la totalité de la preuve?

3.       Est-ce que la Commission a commis une erreur en utilisant certains éléments de preuve documentaire de façon à exclure les renvois à d'autres éléments de preuve crédibles et convaincants étayant la demande des demandeurs?

4.       Est-ce que la Commission a commis de nombreuses erreurs de droit et de fait en statuant que les demandeurs pouvaient se prévaloir de la protection de l'État?

[22]            Je reformulerai les questions comme suit :

1.       Est-ce que la Commission a commis une erreur en appliquant le principe de la chose jugée à la demande d'asile des demandeurs?

2.       Est-ce que la Commission a commis une erreur dans son analyse de la protection de l'État offerte aux demandeurs en Hongrie?

Les observations des demandeurs

[23]            Les demandeurs ont prétendu que la Commission a commis une erreur en omettant d'aborder et de prendre en compte tous les événements ayant précédé la deuxième demande d'asile des demandeurs. C'est un déni de justice naturelle parce que la crainte de persécution des demandeurs provient de l'ensemble de leur expérience comme membres d'une minorité persécutée en Hongrie.

[24]            Les demandeurs ont soutenu que pendant la brève période de trois mois suivant leur retour en Hongrie ils ont vécu la même situation qui les avait amenés à fuir leur pays la première fois.

[25]            Les demandeurs ont soutenu que la Commission était tenue d'évaluer leur demande à partir du début car leurs demandes antérieures ont fait l'objet d'une décision en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration et que les protections offertes par la Loi, dans sa version actuelle, sont plus complètes. Les demandeurs ont soutenu que, contrairement aux observations du défendeur, l'arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2000] 2 R.C.S. 460 ne s'applique pas en l'espèce car les circonstances dans lesquelles ils se trouvent ont évolué. Les demandeurs ont ajouté que s'ils devaient être empêchés de présenter de nouveau des arguments sur certains éléments de leurs demandes, il aurait fallu que la Loi mentionne cette interdiction, tout comme elle interdit les demandes réitérées.

[26]            Les demandeurs ont souligné que la norme de contrôle judiciaire concernant le caractère correct de la compréhension par la Commission des principes juridiques visés par la protection de l'État est la décision correcte (voir Goodman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. N º 342).

[27]            Les demandeurs ont affirmé que la Commission avait commis une erreur en omettant de justifier son refus de la preuve documentaire selon laquelle le bureau du protecteur du citoyen et la NEKI n'avaient fourni aucune protection valable contre les violences subies par les demandeurs. En effet, les moyens des deux organisations sont très limités. La Commission a commis une erreur en faisant équivaloir l'existence d'initiatives gouvernementales et d'organisations non-gouvernementales à une protection adéquate. En effet, c'est au gouvernement qu'il incombe de protéger ses citoyens, et non pas aux ONG ou à des fondations privées.

[28]            Les demandeurs ont soutenu que la preuve documentaire dont la Commission était saisie (par exemple, le Human Rights Watch World Report de 2001 et de 2002) indique que les Roms de Hongrie subissent couramment des mauvais traitements et que la discrimination contre eux y est endémique.

[29]            Les demandeurs ont soutenu que la Commission avait commis une erreur en utilisant le mauvais critère, soit les efforts sérieux faits par l'État pour protéger les demandeurs, au lieu de la capacité réelle de l'État d'offrir une protection efficace (voir Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. N º 1425; Balogh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. N º 1080; Bobrik c. Canada, [1994] A.C.F. N º 1364)).

[30]            Les demandeurs ont soutenu que la Commission avait commis une erreur en omettant de comparer la présomption tirée de la preuve documentaire sur laquelle elle s'appuyait à la preuve soumise par les demandeurs. La Commission a aussi omis de tenir compte de l'imposante preuve documentaire soumise par les demandeurs et citée dans les observations de leur avocate à l'audience en ce qui concerne la situation de personnes vivant des circonstances semblables, lesquelles contredisaient la présomption de la protection par l'État (voir Canada (Procureur général) v. Ward, [1993] 2 R.C.S. 268).

Les observations du défendeur

[31]            Le défendeur a allégué que la norme de contrôle judiciaire pertinente en ce qui concerne les conclusions de fait comme la protection accordée par l'État est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[32]            Le défendeur a prétendu que les demandeurs n'ont pas réussi à réfuter la présomption de protection par l'État. Le défendeur a affirmé que la Commission avait agi correctement en fondant sa décision sur le principe de la chose jugée et en estimant que ce principe l'empêchait de se pencher de nouveau sur des événements déjà abordés dans les premières décisions négatives de l'an 2000. Les demandeurs essaient de se pourvoir indirectement contre les ordonnances rejetant leurs demandes d'autorisation de contrôle judiciaire. Or, les demandeurs ne devraient pas être autorisés à se pourvoir indirectement contre des ordonnances qu'ils ne peuvent porter directement en appel (voir Ge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. N º 1663 (C.A.F.)).

[33]            Le défendeur a allégué que le principe de la chose jugée et, plus précisément, la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, s'applique en l'espèce. La Cour suprême du Canada, dans Danyluk, précité, a jugé que : « Une fois tranché, un différend ne devrait généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée et au détriment de la partie qui a eu gain de cause » .

[34]            Le défendeur a allégué que les trois conditions que la Cour suprême a érigées en préalables à l'application de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ont déjà été satisfaites en l'espèce en ce qui concerne la décision de la Commission de ne pas tenir compte des incidents allégués par les demandeurs qu'une formation précédente de la Commission avait déjà jugés. Voici les trois conditions préalables : (i) que la même question ait été décidée dans une procédure antérieure, (ii) que la décision judiciaire antérieure soit définitive et (iii) que les parties ou les ayants droit soient les mêmes dans chacune des instances.

[35]            Le défendeur a soutenu que, pour être considérés comme de la persécution, les mauvais traitements subis ou appréhendés doivent être graves, c'est-à-dire que des intérêts soient gravement compromis et que l'on se trouve devant une négation soutenue des droits fondamentaux (voir Ward, précité). La présente Cour a défini la persécution comme l'infliction répétée d'actes de cruauté, l'infliction de peines selon un mode particulier ou de façon systémique. La Commission a déterminé à bon droit que, même si les incidents allégués par les demandeurs pouvaient constituer de la discrimination, ils se situaient en deçà du seuil de la persécution (voir Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.)).

[36]            La protection de l'État

Le défendeur a plaidé que les demandeurs n'ont pas réussi à démontrer que la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne s'étaient pas réclamés de la protection des autorités et n'avaient pas, par ailleurs, infirmé la présomption de protection de l'État, était une conclusion manifestement déraisonnable.

[37]            Le défendeur a allégué qu'à moins d'un démantèlement complet de l'appareil d'État, il faut présumer que l'État est en mesure de protéger ses ressortissants (voir Ward, précité). Il n'est pas nécessaire que la protection offerte par l'État soit parfaite (voir Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.)) et un demandeur doit prouver davantage qu'une communication sans suite avec certains membres des forces de police (voir Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532). Enfin, le défendeur a soutenu que Molnar, précité, doit être écarté parce que cette affaire concernait une allégation que les policiers étaient les agents de persécution.

Les dispositions législatives pertinentes

[38]            Voici les définitions des termes « réfugié au sens de la Convention » et « personne à protéger » qui se trouvent à l'article 96 et au paragraphe 97(1) de la Loi :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention C le réfugié C la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s'il y a des motifs sérieux de le croire, d'être soumise à la torture au sens de l'article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes C sauf celles infligées au mépris des normes internationales C et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l'incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Analyse et décision

[39]            La norme de contrôle judiciaire

J'estime que la qualification de certains comportements comme équivalents à de la persécution est une décision portant sur une question mixte de fait et de droit qui doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir Machedon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. N º 1331). Selon l'opinion dominante, même si les conclusions de fait sous-jacentes sont soumises à la norme de la décision manifestement déraisonnable, les conclusions de la Commission sur la suffisance de la protection de l'État portent sur une question mixte de fait et de droit et sont contrôlées selon la norme de la décision raisonnable simpliciter (voir Machedon, précité).

[40]            La première question en litige

Est-ce que la Commission a commis une erreur en appliquant le principe de la chose jugée à la demande d'asile des demandeurs?

            Dans l'arrêt Thuraisingham c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 2004 CF 1332, la juge Snider a abordé un argument semblable à celui que présentent les demandeurs en l'espèce. Voici l'extrait pertinent de son jugement :

Comme je l'ai fait remarquer, il s'agit de la deuxième demande de la demanderesse visant à obtenir le statut de réfugiée au sens de la Convention. La Commission a décidé que le principe de la chose jugée s'appliquait à la demande de la demanderesse (Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 160 F.T.R. 142) et elle n'a tenu compte que des éléments de preuve présentés dans le cadre de la présente demande qui n'auraient pas pu raisonnablement l'être dans la demande initiale. Étant donné que les motifs de la demande étaient les mêmes que ceux de la demande rejetée à l'origine, la Commission s'est concentrée sur la question de savoir s'il y avait eu des changements dans la situation du pays ou dans les circonstances particulières à la demanderesse, après la décision défavorable initiale, qui justifieraient une décision favorable.

La demanderesse soutient que la doctrine de la chose jugée ne devrait pas s'appliquer dans ces affaires de demande d'asile. Je ne peux y souscrire. La Commission a invariablement appliqué la conclusion de la décision Vasquez et son utilisation a été confirmée par la Cour, même lorsque la première décision avait été rendue dans le cadre de l'ancienne Loi sur l'immigration et la dernière dans le cadre de l'article 96 de la LIPR (Bhatti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (10 mars 2004) dossier no IMM-1966-03 et De Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1388 (C.F.) (QL)). Le principe de la chose jugée, tel que l'a récemment décrit la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, a été appliqué correctement à l'égard de la décision de la Commission relative à l'article 96.

La doctrine n'est applicable qu'aux questions qui ont déjà été tranchées. La Commission n'avait pas été antérieurement saisie de la question de savoir si la demanderesse est une personne protégée au sens de l'article 97 de la LIPR. Par conséquent, la chose jugée ne s'applique pas à la conclusion de la Commission relative à l'article 97.

[41]            J'adopte entièrement le raisonnement de la juge Snider et je l'applique à l'instance. À mon avis, la Commission a appliqué correctement en l'espèce le principe de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. Il était loisible à la Commission de déterminer que les circonstances de cette affaire se prêtaient à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'appliquer le principe de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée, ce qu'elle a choisi de faire.

[42]            J'estime aussi que le principe de la chose jugée ne s'applique pas en l'espèce à une décision en application de l'article 97 de la Loi, mais cela importe peu car la Commission n'a été saisie d'aucune allégation fondée sur l'article 97.

[43]            J'ai examiné la teneur des incidents que les demandeurs qualifient de persécution. J'estime que la Commission n'a pas commis d'erreur en statuant que, selon les faits, ces incidents équivalaient à de la discrimination et non pas à de la persécution.

[44]            La seconde question en litige

            Est-ce que la Commission a commis une erreur dans son analyse de la protection de l'État offerte aux demandeurs en Hongrie?

            Les demandeurs ont soutenu que la Commission a commis une erreur en ne se rapportant pas aux éléments de preuve mentionnés par leur avocat dans les observations à l'audience et qui montraient que les personnes vivant une situation semblable en Hongrie étaient persécutées.

[45]            J'ai pris connaissance de la transcription de l'audience et j'estime que les observations des demandeurs à ce sujet ne confirmaient pas leur point de vue. Leur avocat d'alors a cité des documents dont la Commission n'était pas saisie.

[46]            À la page 204 du dossier certifié, on peut lire la transcription de l'échange suivant :

(Président de l'audience à l'avocat) :

[traduction]

Q :           Maître, vous mentionnez un document. Pourriez-vous me donner...Est-ce que j'ai ce document ou est-ce un nouveau document?

R :            Non, vous n'avez pas ce document.

Q :            Il fait partie de la preuve documentaire et vous ne me l'avez pas envoyé?

R :           Non, pas celui-ci.

[47]            Et à la page 206 du dossier certifié, au moment où l'avocat fait allusion à des passages de certains documents :

[traduction]

Q :           Excusez-moi un instant. Est-ce que vous utilisez le cartable documentaire national sur la Hongrie de mars 2004 qui a été divulgué en l'instance?

R :           Je ne suis pas certain qu'il s'agisse de la version la plus récente...Non, j'utilise un document modifié en juin 2003.

Q :           Mais cela ne fait pas partie de la preuve documentaire au dossier.

R :           D'accord, je comprends.

Q :           Nous devons travailler sur la preuve documentaire divulguée qui figure au dossier parce que la situation a évolué, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. Nous devons donc disposer de la preuve documentaire à jour.

R :           Puisque le document a été modifié en juin 2003 et que ces gens sont allés en Hongrie en 2001, je ne vois pas très bien quelle peut être la différence.

Q :           Il y en a une. Parce que ce que je recherche, ce sont des données sur leur situation en 2004. En effet, ils ont pu se trouver dans une situation difficile en 2001, mais plus en 2004.

R :           De toute façon, ce sont mes observations. Y a-t-il autre chose...

[48]            La preuve documentaire visée par les demandeurs relève de la discrimination vécue par les Roms en Hongrie. La Commission a débattu des documents dont elle était saisie et conclu que les documents révélaient de la discrimination et non pas de la persécution.

[49]            Les demandeurs ont affirmé aussi que la Commission avait commis une erreur susceptible de révision en statuant qu'ils n'avaient pas cherché à obtenir la protection des autorités. Le demandeur a déclaré qu'il ne servait à rien de communiquer avec les autorités policières parce que ces dernières n'aident pas les Roms. Il a dit aussi qu'il ne s'est pas adressé à une association de Roms pour obtenir son aide. Il a ajouté que ces associations ne font rien pour les Roms et qu'elles ne sont en fait que des coquilles vides.

[50]            Je rejette l'allégation selon laquelle la Commission a appliqué un critère erroné relativement à la protection de l'État. La lecture de la décision de la Commission ne permet pas d'étayer cet argument.

[51]            À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de révision en relation avec la protection de l'État.

[52]            La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[53]            Aucune des parties ne m'a soumis une question grave de portée générale en vue de sa certification.


ORDONNANCE

[54]            LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 juin 2005

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6477-04

INTITULÉ :                                                    ELEMER JOZSEF PRUMA

                                                                        JOZSEF ELEMERNE PRUMA

                                                                        et

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 26 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 3 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

Alesha Green                                                     POUR LES DEMANDEURS

Sharon Stewart-Gutherie                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green, Willard                                                   POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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