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     Date : 19980914

                                    

     Dossier : T-1712-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 14 SEPTEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

     AIC LIMITED,

     demanderesse,

     -et-

     INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD,

     INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC.,

     RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH,

     JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG,

     défendeurs.

                

ORDONNANCE

            

     VU la requête présentée par la demanderesse afin d'obtenir les mesures suivantes :

     1.      Une ordonnance portant suspension de l'action jusqu'à ce que l'appel interjeté à l'égard de l'ordonnance rendue par le juge Rothstein en date du 5 mai 1998 soit tranché;
     2.      À titre subsidiaire, une ordonnance portant suspension de la requête en jugement sommaire des défendeurs jusqu'à ce que l'appel susmentionné soit tranché et que les interrogatoires préalables soient terminés;
    
     1.      Les frais engagés par la demanderesse relativement à la présente requête sur la base procureur-client;
     1.      Les autres mesures de redressement que l'avocat pourrait demander et que la présente Cour estimera équitables.

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La requête est rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

     ____________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     Date : 19980914

                                    

     Dossier : T-1712-97

ENTRE :                 

     AIC LIMITED,

     demanderesse,

     -et-

     INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD,

     INFINITY FUNDS MANAGEMENT INC.,

     RICHARD CHARLTON, DAVID SINGH,

     JEFFREY LIPTON et GRANT JUNG,

     défendeurs.

                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

            

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD :

CONTEXTE

        

[1]      Conformément à l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, la demanderesse souhaite obtenir une ordonnance portant suspension de la présente action jusqu'à ce que l'appel interjeté à l'égard de la l'ordonnance rendue par le juge Rothstein en date du 5 mai 1998 soit tranché ou, subsidiairement, une ordonnance portant suspension de la requête en jugement sommaire déposée par les défendeurs le 4 août 1998 jusqu'à ce que l'appel susmentionné soit tranché et que les interrogatoires préalables soient terminés.

[2]      La demanderesse est une société ontarienne dont le siège social est situé à Burlington (Ontario). Depuis environ 1985, la demanderesse exploite son entreprise en Ontario de même qu'au Canada sous le nom AIC. Vers 1985, la demanderesse a constitué un groupe de différents fonds communs de placement.

[3]      Les défenderesses, Infinity Investment Counsel Ltd et Infinity Funds Managements Inc., sont des sociétés au sens des lois de l'Ontario et elles exploitent leur entreprise dans cette province de même qu'ailleurs au Canada.

[4]      Les défendeurs, Richard Charlton, David Singh, Jeffrey Lipton et Grant Jung, sont des particuliers qui résident dans la province de l'Ontario.

[5]      Le défendeur Richard Charlton est président de la société Infinity Investment Counsel Ltd depuis le mois de février 1997.

[6]      Le défendeur David Singh est président et administrateur de la société Infinity Investment Counsel Ltd et de la société Infinity Funds Management Inc.

[7]      Le défendeur Jeffrey Lipton occupe le poste de gestionnaire de portefeuille chez Infinity Investment Counsel Ltd et le défendeur Grant Jung est analyste de portefeuille pour la même société.

[8]      Le 11 août 1997, la demanderesse a déposé une déclaration par laquelle elle souhaite notamment obtenir une mesure de redressement déclaratoire, une mesure de redressement par voie d'injonction ainsi que des dommages-intérêts s'élevant à 100 000 000 $ pour des actes d'imitation frauduleuse, de contrefaçon de marque de commerce et de droit d'auteur, de concurrence déloyale et de détournement concernant la promotion et la distribution de différents fonds communs de placement et de certains autres services financiers.

[9]      Également le 11 août 1997, la demanderesse a déposé un avis de requête en vue d'obtenir une injonction provisoire et interlocutoire. Cette requête a subséquemment été reportée sine die sur consentement des parties et n'a pas encore été entendue.

[10]      Le 25 mars 1998, la demanderesse a déposé une requête afin d'obtenir un jugement sommaire fondé sur les modalités d'une présumée transaction qui serait intervenue entre les parties. Cette requête a été rejetée par le juge Rothstein le 5 mai 1998.

[11]      Dans ses motifs, le juge Rothstein a affirmé que les parties n'avaient pas conclu de transaction et que, même si une telle transaction avait existé, les actes subséquents des parties auraient eu pour effet de la répudier. Lorsqu'il a rejeté la requête pour jugement de la demanderesse qui se fondait sur la présumée transaction intervenue entre les parties, le juge Rothstein a précisé que l'action pouvait suivre son cours.

[12]      Le 15 mai 1998, la demanderesse a interjeté appel de la décision rendue par le juge Rothstein. L'appel est maintenant en instance devant la Cour d'appel fédérale et n'a pas encore été entendu.

[13]      Le 4 août 1998, les défendeurs ont présenté une requête en application des règles 213 à 218 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue d'obtenir un jugement sommaire rejetant l'ensemble des réclamations énoncées dans la déclaration. Les défendeurs ont demandé que l'audition de la requête ait lieu à une date particulière, mais celle-ci ne sera fixée que lorsque la présente requête sera tranchée.

[14]      Le 21 août 1998, les défendeurs ont déposé la requête visée en l'espèce, présentable le 31 août 1998, afin d'obtenir la suspension de l'instance.

QUESTION EN LITIGE

[15]      Les points en litige que soulève la présente requête en suspension d'instance peuvent se résumer en une seule question :

    

     Compte tenu des règles de droit et des faits en l'espèce, la Cour devrait-elle accorder la requête visant la suspension de la présente instance?      

DROIT APPLICABLE

[16]      Selon le paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour peut, dans toute action ou affaire, exercer son pouvoir discrétionnaire pour suspendre l'instance dans les deux situations suivantes : premièrement, parce qu'un autre tribunal ou une autre juridiction est saisi de la réclamation ou, deuxièmement, parce que, pour une raison ou une autre, il est dans l'intérêt de la justice que l'instance soit suspendue.

[17]      Suivant l'article 4 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale n'est pas un tribunal distinct mais bien, à l'instar de la Section de première instance, une subdivision de la Cour fédérale du Canada.

[18]      Lors de la décision rendue par le juge McNair dans l'affaire Varnam1, à la page 36, la présente Cour a énoncé sans équivoque le principe qui régit la suspension d'instance :

     Une suspension d'instance n'est jamais accordée automatiquement. La question nécessite l'exercice d'un pouvoir judiciaire discrétionnaire pour déterminer si on doit suspendre l'instance vu les faits particuliers de l'affaire. Le pouvoir de suspendre doit être exercé de façon raisonnable et une suspension d'instance sera ordonnée seulement dans les cas les plus évidents.      

[19]      Le critère fixé par la présente Cour dans la décision Varnam2 a été appliqué dans les affaires Apotex Inc.3, Discreet Logic Inc.4 et Compulife Software Inc.5. Il est maintenant établi qu'une suspension d'instance peut être accordée uniquement si on peut montrer que la poursuite de l'action est susceptible d'entraîner un préjudice ou une injustice, et non seulement un inconvénient ou une dépense additionnelle, pour le défendeur, d'une part, et que la suspension ne serait pas inéquitable pour le demandeur, d'autre part. Il appartient à la partie qui demande la suspension de prouver que ces exigences sont satisfaites.

[20]      La Cour suprême du Canada a confirmé le principe voulant que la suspension d'instance constitue une réparation discrétionnaire6.

[21]      Toutes les affaires auxquelles on me renvoie concernent un défendeur qui tente d'obtenir la suspension de l'action intentée par le demandeur. Or, la situation en l'espèce est des plus inhabituelles. En effet, c'est la demanderesse, et non les défendeurs, qui souhaite obtenir la suspension de l'instance qu'elle a elle-même introduite.

[22]      Selon la règle 213 des Règles de la Cour fédérale (1998) :

213.      (1) A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment dismissing all or part of the claim set out in the statement of claim.
    
     (2) A defendant may, after serving and filing a defence and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment dismissing all or part of the claim set out in the statement of claim.
213.      (1) Le demandeur peut, après le dépôt de la défense - ou avant si la Cour l'autorise - et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.
    
     (2) Le défendeur peut, après avoir signifié et déposé sa défense et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.
[23]      La règle 216(1) prévoit :

216.      (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.         
216.      (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

[24]      Voici le texte de la règle 219 des Règles de la Cour fédérale (1998) :

219.      In making an order for summary judgment, the Court may order that enforcement of the summary judgment be stayed pending the determination of any other issue in the action or in a counterclaim or third party claim.
219.      Lorsqu'elle rend un jugement sommaire, la Cour peut surseoir à l'exécution forcée de ce jugement jusqu'à la détermination d'une autre question soulevée dans l'action ou dans une demande reconventionnelle ou une mise en cause.

[25]      Le défendeur peut présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire à n'importe quel moment après le dépôt et la signification d'une défense.

ANALYSE

[26]      Les défendeurs font valoir qu'ils ont le droit d'opposer une défense aux graves allégations formulées par la demanderesse en l'espèce et que les règles de la présente Cour envisagent le fait que le défendeur puisse présenter une requête en jugement sommaire à tout moment après le dépôt de la défense.

[27]      Il incombe à la demanderesse de prouver que la suspension de l'instance ne causera aucun préjudice aux défendeurs.

[28]      En l'espèce, la demanderesse n'a pas réussi à établir que la présentation d'une requête en jugement sommaire par les défendeurs lui ferait subir un préjudice ou une injustice de cette nature.

[29]      La demanderesse soutient que son appel de la décision rendue par le juge Rothstein serait illusoire si la requête en jugement sommaire des défendeurs devait être accordée avant que la Cour d'appel fédérale se soit prononcée sur la validité de la transaction. Il s'agit d'une question que la demanderesse pourrait soumettre au juge de la requête.

[30]      Toutefois, je signale que la Cour d'appel fédérale doit décider si les parties ont conclu une entente en vue de mettre fin à l'action, tandis que le juge de la requête est appelé à se demander s'il existe ou non une véritable question litigieuse quant à n'importe quel point soulevé dans la déclaration.

[31]      La présente Cour a établi que le pouvoir de surseoir à une instance doit être exercé de façon raisonnable et que la suspension d'instance sera ordonnée seulement dans les cas les plus évidents. À la lumière de ces principes et des faits en l'espèce, je ne peux faire droit à la présente requête visant la suspension de l'instance.

CONCLUSION

[32]      La requête en suspension d'instance est donc rejetée. Les frais de la présente requête sont adjugés aux défendeurs.

     ____________________________

     Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 14 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1712-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AIC LIMITED c. INFINITY INVESTMENT COUNSEL LTD ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 31 AOÛT 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS LE 14 SEPTEMBRE 1998 PAR LE JUGE RICHARD (JUGE EN CHEF ADJOINT).

ONT COMPARU :

MARTIN SCLISIZZI                  POUR LA DEMANDERESSE

MAY SPROAT

DAVID HAGER                      POUR LES DÉFENDEURS

T. SQUIRE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden & Elliot                      POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Lang Michener                      POUR LES DÉFENDEURS

Toronto (Ontario)


__________________

1      Varnam c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) et al. (1987), 12 F.T.R. 34 (C.F. 1re inst.).

2      Supra, note 1.

3      Apotex Inc. c. Le Procureur général du Canada et al. (1993), 50 C.P.R. (3d) 376.

4      Discreet Logic Inc. c. Canada (registraire des droits d'auteur) et al. (1993), 51 C.P.R. (3d) 191.

5      Compulife Software Inc. c. Compuoffice Software Inc. (1997), 77 C.P.R. 451.

6      Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391 (C.S.C.).

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