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     Date : 19990421

     Dossier : IMM-2678-98

ENTRE :


KAMLESH KUMAR PATEL,

     demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]      Le demandeur, Kamlesh Kumar Patel, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent d'immigration K.K. Jarth, du Haut-commissariat du Canada à New Delhi en Inde, a statué, le 16 novembre 1995, que Hemant Kumar Patel et Krushnakant Patel, les frères du demandeur, n'étaient pas des " fils à charge " de Kalidas Parsottamdas Patel, le père du demandeur. Krushnakant Patel n'est maintenant plus visé par la présente demande de contrôle judiciaire.

[2]      Les questions en litige consistent à savoir si l'agent des visas a commis une erreur en décidant qu'un établissement privé ne constitue pas " un autre établissement d'enseignement " au sens du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration , si le paragraphe 2(7) a été appliqué correctement et s' il y a eu manquement à l'équité procédurale.

[3]      Les termes fils à charge sont définis comme suit au paragraphe 2(1) :

         " fils à charge " Fils :
         b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :
         (i) d'une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ...
         (ii) d'autre part, selon un agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ...

[4]      Il a été convenu que la situation de Hemant Kumar Patel cadrait avec cette définition jusqu'en juillet 1990. Il a ensuite été inscrit au programme d'ajusteur (1990-1992) et au cours d'électricien (1992-1994) de l'institut de technologie Saraswaty. Après avoir complété le cours d'électricien, Hemant Kumar s'est inscrit à un cours de deux ans à l'institut de formation industrielle M.P. Shah. Il a débuté ce cours le 22 août 1994.

[5]      Dans sa lettre de refus, l'agent des visas a conclu ce qui suit :

         [Traduction]         
         L'institut Saraswati nous a informés, dans une lettre datée du 17 avril 1995, qu'il est un établissement privé. Aucune instance gouvernementale ne contrôle, n'administre ni ne supervise les établissements privés. Les certificats décernés par de tels établissements ne sont pas acceptés comme preuve des qualifications techniques ou du niveau d'études, du fait qu'une personne s'y est inscrite et y a suivi un cours. Je ne suis pas prêt à accepter que Hemant Kumar Patel a été inscrit à des cours et les a suivis à temps plein du mois de juillet 1990 au 22 août 1994 en me fondant sur les certificats décernés par l'institut de technologie Saraswati.         

[6]      Les termes " autre établissement d'enseignement " ne laissent aucunement entendre qu'une instance gouvernementale doit contrôler, administrer ou superviser l'établissement privé. Étonnamment, la seule cause pertinente sur le sujet est la décision de la section d'appel de la Commission dans l'affaire Chandiwal c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, T-95-044, 17 septembre 1997. Dans cette décision, le membre Boire a jugé que l'institut Madrassa Talimuddin où une personne poursuivait des études islamiques constituait " un autre établissement d'enseignement ". Il a refusé de rendre les termes [Traduction] " reconnu " et [Traduction] " qui n'est pas affilié " applicables aux termes " un autre établissement d'enseignement ". Rien ne me permet d'affirmer que les termes " un autre établissement d'enseignement " font intervenir des termes comme " autorisé " ou " approuvé par le gouvernement ". Il existe de bons et de mauvais établissements d'enseignement privés. L'agent des visas ne cherche pas à déterminer si l'établissement en cause est bon ou mauvais. Je n'ai pas à décider si l'établissement satisfait aux normes minimales de qualité étant donné que l'agent des visas a déclaré qu'il avait fondé son refus uniquement sur le fait qu'il s'agissait d'un établissement privé.

[7]      Je souscris à l'observation faite par Pierre André Côté dans son ouvrage Interprétation des lois, citée par madame le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Chinubhai Madhavlal Patel c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-829-98, 5 octobre 1998, à la page 9 :

         La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi : celle-si est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire...

[8]      Je ne puis conclure à l'inclusion implicite des termes suggérés par le ministre. L'expression " un autre établissement d'enseignement " inclut les établissements privés.

[9]      L'agent des visas a interprété les termes " programme d'études " comme suit :

         [Traduction]         
         En plus, la définition du terme " fils à charge " prévue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 et le paragraphe 2(7) du même Règlement exigent que les cours suivis à l'université, au collège ou à un autre établissement d'enseignement le soient dans le cadre d'un programme d'études. En se fondant sur les renseignements contenus dans les paragraphes qui précèdent, il ressort clairement de cette lettre que Hemant Kumar Patel et Krushnakant Patel ont suivi des cours spécialisés qui n'ont pas de liens entre eux. Il n'y a pas de progression naturelle dans les différents cours qu'ils prétendent avoir suivis. À mon avis, il n'ont pas suivi un programme d'études.         

[10]      Sa conclusion relative au paragraphe 2(7) ne repose sur aucun fait étant donné qu'il ne prétend pas affirmer que le demandeur a interrompu ses études. Même si ses paroles peuvent également être interprétées comme s'il s'était servi du paragraphe 2(7) pour l'aider à analyser le paragraphe 2(1), je remarque que le défendeur a mentionné, dans son mémoire, que :

         [Traduction]         
         même si l'agent des visas a pu avoir recours au paragraphe 2(7) du Règlement sur l'immigration, cela n'a pas été déterminant quant à sa décision finale et ne constitue donc pas une erreur de droit.         

Je ne tire aucune conclusion en ce qui concerne la question de savoir si Hemant Patel a suivi un programme d'études comme l'exige le paragraphe 2(1) compte tenu des commentaires faits par le défendeur dans son mémoire relativement aux observations du demandeur en ce qui concerne les conclusions de l'agent des visas. En conséquence, pour trancher le présent litige, je suis d'accord pour dire que le recours au paragraphe 2(7) constitue une erreur et que les personnes concernées n'ont pas interrompu leurs études de la manière prévue au paragraphe 2(7).

[11]      À mon avis, si mon interprétation des termes " un autre établissement d'enseignement " est correcte, l'agent des visas a manqué à l'équité procédurale envers le demandeur lorsque, après avoir écrit pour obtenir des renseignements sur le statut des deux instituts de technologie le 13 février 1995, il a mentionné dans ses notes CAIPS [Traduction ] " sur réception des réponses à ces lettres, s'occuper des lettres de suppression ". Les lettres de demande de renseignements de l'agent des visas n'avaient donc aucune valeur puisqu'il semblait avoir déjà décidé, suivant l'opinion qu'il s'était faite des instituts de technologie, de " supprimer " le nom de Hemant Kumar Patel comme personne à charge. Par ailleurs, d'après son affidavit, l'agent des visas semble avoir tenu compte du fait que les frères du demandeur ont fourni des réponses insatisfaisantes concernant les matières qu'ils étaient censés étudier, mais il a omis de le mentionner dans ses motifs. Si mon interprétation des termes " un autre établissement d'enseignement " est erronée, cela ne constitue pas un manquement au principe d'équité procédurale.

[12]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent des visas en date du 16 novembre 1995 est annulée. La demande est renvoyée pour être réexaminée par un agent des visas différent qui devra rendre une décision compatible avec les présents motifs.


[13]      Je certifie que la question suivante est une question grave de portée générale :

         [Traduction]         
         Un établissement d'enseignement qui n'est pas contrôlé, administré ni supervisé par une instance gouvernementale peut-il être considéré comme une " université, un collège ou un autre établissement d'enseignement " au sens de la définition des termes " fils à charge " ou " fille à charge " énoncée au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration ?         

    

     " William P. McKeown "

                                             Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 21 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-2678-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              KAMLESH KUMAR PATEL

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                             ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MERCREDI 7 AVRIL 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :                  WINDSOR (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :                      21 AVRIL 1999

ONT COMPARU :                      M e Cecil L. Rotenberg

                             Pour le demandeur

                             M e Sally Thomas

                             Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:      Cecil L. Rotenberg

                             Avocat

                             bureau 808

                             255, chemin Duncan Mill

                             Don Mills (Ontario)

                             M3B 3H9

                             Pour le demandeur

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur

                             général du Canada

                             Pour le défendeur

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