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Date : 20000221


Dossier : T-2582-94


OTTAWA (ONTARIO), LE 21 FÉVRIER 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ


ENTRE :

     LOUISE BLAZIK et

     TRAVEL TRAINING CAREER CENTRE LTD.,

     demanderesses,


     - et -


     JUDY BROWN, RUDOLPH NAREEN, 995941 ONTARIO LTD.,

     980969 ONTARIO LIMITED, 907687 ONTARIO INC. et

     915652 ONTARIO LTD.,

     défendeurs.


     JUGEMENT


     L'appel est accueilli en partie. Chacune des parties devra assumer ses propres dépens pour l'appel.


                                     _______________________

                                         Juge

Traduction certifiée conforme


Suzanne Bolduc, LL.B.





Date : 20000221


Dossier : T-2582-94



ENTRE :

     LOUISE BLAZIK et

     TRAVEL TRAINING CAREER CENTRE LTD.,

     demanderesses,


     - et -


     JUDY BROWN, RUDOLPH NAREEN, 995941 ONTARIO LTD.,

     980969 ONTARIO LIMITED, 907687 ONTARIO INC. et

     915652 ONTARIO LTD.,

     défendeurs.



     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE DUBÉ


[1]      Il s'agit en l'espèce de l'appel du rapport daté du 16 juillet 1998 dans lequel l'arbitre Peter A.K. Giles, protonotaire adjoint, a évalué les dommages-intérêts des demanderesses (Travel Training) à l"égard des trois sociétés à numéro défenderesses.


1. Les faits

[2]      Travel Training exploite des écoles privées de formation professionnelle, spécialisées dans les voyages et le tourisme, et appartient à la demanderesse Louise Blazik. La défenderesse 907687 Ontario Inc. (Ontario Inc.) exploite l'International Institute of Travel, une école privée de formation professionnelle faisant concurrence à Travel Training. Son propriétaire est le défendeur Rudolph Nareen.

[3]      Ontario Inc. est installée à Toronto depuis 1987 et a trois franchises, une à Mississauga, une à Scarborough et une autre, à Brampton. Tous les établissements d'Ontario Inc. offraient un programme menant à un diplôme en tourisme et voyage consistant en six modules de cours. De plus, certains des établissements offraient un diplôme d'agent de bord. Les étudiants payaient leurs frais soit pour l'ensemble du programme menant à un diplôme soit pour chaque module suivi.

[4]      La défenderesse Judy Brown a travaillé comme enseignante pour Travel Training de l'automne 1989 au mois d'avril 1993; elle a ensuite travaillé comme enseignante pour Ontario Inc. jusqu'au mois d'octobre 1994. Lorsque Judy Brown a commencé à travailler pour Ontario Inc., cette défenderesse était en train d'améliorer son matériel didactique; Mme Brown a fourni du matériel didactique qui faisait l'objet du droit d'auteur de Travel Training. Ontario Inc. a fait imprimer le matériel et l'a inclus dans des recueils dont 1 000 exemplaires ont été imprimés. Certains de ces recueils ont été utilisés par Ontario Inc. dans le cadre de ses activités pédagogiques, et certains autres ont été vendus à ses franchisés, à savoir Scarborough et Mississauga.

[5]      Le 14 novembre 1994, le juge en chef adjoint Jerome de la Cour fédérale (tel était alors son titre) a rendu en faveur des demanderesses un jugement par défaut reconnaissant qu"elles sont les seules titulaires du droit d'auteur sur l'oeuvre littéraire intitulée " Travel Course Materials " et que les défenderesses ont violé ce droit. Il a statué que les demanderesses ont droit à des dommages-intérêts et aux profits. Il a nommé M. Giles à titre d'arbitre [TRADUCTION] " chargé de déterminer le montant des dommages-intérêts, y compris les dommages-intérêts punitifs, ainsi que le montant des profits auxquels les demanderesses ont droit ".

[6]      Le 16 juillet 1998, M. Giles a rendu public son rapport qui fait l'objet du présent appel. Il a fixé à 90 993,53 $, plus des dépens de 21 449 $, les dommages-intérêts que doit payer Ontario Inc. (les dépens devant être payés conjointement avec les autres défenderesses); il a fixé à 15 541 $ les dommages-intérêts que doit verser la demanderesse Mississauga et à 15 375 $ les dommages-intérêts que doit verser Brampton. La conclusion à l'égard de Scarborough n'a pas été portée en appel.

[7]      Il convient de signaler qu'aucune défenderesse n'a produit de défense ou de réponse à la requête en jugement sommaire présentée au juge en chef adjoint Jerome ou n'a comparu; de plus, aucune défenderesse n'a interjeté appel du jugement qu'il a rendu le 14 novembre 1994. Judy Brown a présenté une requête afin d'obtenir l'annulation du jugement sommaire, mais sa requête a été rejetée par le juge Wetston le 16 janvier 1995. Les autres défendeurs ont déposé une requête distincte visant à obtenir l'annulation du jugement sommaire, mais l'audition de cette requête a été ajournée sine die le 1er décembre 1994, et la requête n'a jamais été entendue. Par conséquent, la présente espèce ne concerne que l'évaluation des dommages-intérêts. Les défenderesses Ontario Inc., Mississauga et Brampton ne sont que les trois appelantes en cause dans le présent appel.

2.      Les conclusions de l'arbitre

[8]      Selon les observations écrites des défenderesses, l'arbitre a tiré les quinze conclusions suivantes :

         [TRADUCTION]
         a.      Les droits d'auteur des demanderesses ont été violés par la défenderesse IIT Toronto qui a préparé des documents imprimés et les a utilisés dans le cadre de cours, par la défenderesse Judy Brown qui a fourni et utilisé dans le cadre de son enseignement d'autres documents faisant l'objet d'un droit d'auteur ainsi que par l'autre société défenderesse qui a utilisé un manuel auquel avait été incorporé le matériel contrefait.
         b.      Dans le cadre de tous les cours qu'elle a donnés lorsqu'elle travaillait pour IIT Toronto, la défenderesse Judy Brown a utilisé le matériel contrefait.
         c.      IIT Toronto a commis une violation du droit d'auteur premièrement, en préparant le manuel, deuxièmement, en utilisant le manuel et, troisièmement, en vendant les recueils à des franchisés.
         d.      Le " programme " était l'élément pour lequel le paiement de frais a été exigé des étudiants et, même si le matériel contrefait a été utilisé dans l'un des six modules de cours, ce module constituait davantage qu'un complément du texte.
         e.      La méthode comparative permettant de déterminer les profits attribuables à la violation était inapplicable étant donné que le recueil pouvant être utilisé à des fins de comparaison serait celui que la défenderesse IIT Toronto devait mettre au point, mais n'a pas mis au point.
         f.      Les revenus tirés de la violation, dans la mesure où les cours sont concernés, représentaient un sixième des frais payés par les étudiants pour le programme menant à l'obtention d'un diplôme.
         g.      Les états financiers des défenderesses n'ont pas été jugés appropriés aux fins de l'audience sur le renvoi.
         h.      Il a été nécessaire de se reporter aux factures originales pour découvrir les dépenses des défenderesses qui étaient déductibles, et sans de telles factures, les dépenses n'étaient pas déductibles.
         i.      Les frais de location devraient être répartis entre les diverses activités des entreprises défenderesses (le programme de cours, le franchisage au Canada, les activités internationales et le programme de formation d'agent de bord), et les frais de location devraient donc être divisés en huit, une seule partie de ceux-ci devant être déductible.
         j.      Les frais de publicité d'IIT Toronto devraient être divisés en sept, une seule partie de ceux-ci devant être déductible.
         k.      Les frais de papeterie et le matériel de cours (autre que les recueils en cause) d'IIT Toronto n'étaient pas déductibles.
         l.      Les frais de gestion, les frais de voyage et les honoraires professionnels (sauf ceux de la présente espèce) payés par IIT Toronto ne sont pas déductibles.
         m.      La valeur au détail estimée de 50 $ par recueil est la valeur à attribuer aux recueils contrefaits, pour déterminer les dommages-intérêts pour usurpation.
         n.      Il convient de condamner la défenderesse IIT Toronto à verser une somme forfaitaire de 10 000 $ au titre des dommages-intérêts pour atteinte à la réputation, perte de possibilités d'affaires, dommages-intérêts en général et négligence.
         o.      Pour ce qui est de la défenderesse IIT Brampton, il est raisonnable pour déterminer ses profits d'allouer la moitié des revenus tirés des deux cours lorsque le matériel contrefait a été utilisé.


3. La portée de l'appel

[9]      Dans l'arrêt Reading & Bates Construction Co. c. Baker Energy Resources Corp.1, la Cour d'appel fédérale a entendu l'appel interjeté en vertu de la règle 506 (maintenant la règle 163) du rapport d'un arbitre sur la comptabilisation des profits. Dans son analyse du rôle de la Cour lors d'un tel appel, la Cour d'appel fédérale a établi plusieurs principes fondamentaux.

[10]      Le juge qui siège en révision ne devrait pas modifier les conclusions de droit et de fait, sauf si l'arbitre a commis une erreur de droit, ou si les conclusions de fait sont incorrectes parce qu'elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou parce qu'elles découlent d'une erreur manifeste et cruciale. L'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre ne devrait pas être modifié, sauf s'il est entaché d'une erreur flagrante, c'est-à-dire s'il procède de l'application d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou s'il soulève des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Le juge qui examine les conclusions de fait reposant sur l'évaluation de la crédibilité faite par un arbitre qui a entendu des témoins ne peut pas infirmer ces conclusions et substituer son propre point de vue à celui de l'arbitre.

[11]      Outre les quinze conclusions de l'arbitre qui sont contestées, dans ses observations écrites et orales, l'avocat des défendeurs a soulevé sept points différents dont certains sont très généraux et d'autres concernent des conclusions précises. Certains de ces points constituent des contestations indirectes du prononcé du jugement et auraient dû être soumis au juge en chef adjoint Jerome et non pas soulevés à ce stade de la procédure. Par exemple, il est allégué au premier point que l'arbitre [TRADUCTION] " a commis une erreur en ne concluant pas que les demanderesses ne devraient pas avoir le droit de revendiquer des dommages-intérêts puisqu'elles ont elles-mêmes fermé les yeux sur des violations du droit d'auteur et participé activement à de telles violations dans la préparation de leur propre matériel ". Ce point a été tranché par le jugement. Le rôle de l'arbitre consiste à évaluer les dommages-intérêts et non à se prononcer sur une participation contributive alléguée des demanderesses à la violation.

[12]      J'examinerai donc les quinze conclusions en suivant l'ordre selon lequel elles ont été présentées par les défenderesses.


4. Examen des conclusions de l'arbitre

[13]      Conclusion a) - Les droits d'auteur des demanderesses ont été violés par la défenderesse IIT Toronto qui a préparé des documents imprimés et les a utilisés dans le cadre de cours, par la défenderesse Judy Brown qui a fourni et utilisé dans le cadre de son enseignement d'autres documents faisant l'objet d'un droit d'auteur ainsi que par l'autre société défenderesse qui a utilisé un manuel auquel avait été incorporé le matériel contrefait.

[14]      Décision - Le jugement par défaut concluait déjà à la violation des documents imprimés des demanderesses. La conclusion n'est pas sujette à révision.


[15]      Conclusion b) - Dans le cadre de tous les cours qu'elle a donnés lorsqu'elle travaillait pour IIT Toronto, la défenderesse Judy Brown a utilisé le matériel contrefait.

[16]      Décision - Cette conclusion n'est que l"aboutissement logique de ce que l'arbitre a écrit au paragraphe 4, à savoir que Judy Brown a utilisé " ses notes " qui étaient les documents qu'elle avait accumulés depuis qu'elle avait commencé à enseigner pour Travel Agency Business. Ces documents [TRADUCTION] " ont été inclus dans les documents des demanderesses faisant l'objet d'un droit d'auteur et ont été jugés contrefaits ". Cette question a déjà été tranchée. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[17]      Conclusions c) - IIT Toronto a commis une violation du droit d'auteur premièrement, en préparant le manuel, deuxièmement, en utilisant le manuel et, troisièmement, en vendant les recueils à des franchisés.

[18]      Décision - Au paragraphe 5, l'arbitre traite de l'évaluation des profits résultant de la violation et souligne que le matériel contrefait a été utilisé de trois manières. Les parties reconnaissent que le manuel intitulé " Travel Agency Operations " a été utilisé par Ontario Inc. qui l'a vendu à Mississauga qui l'a aussi utilisé. Brampton a aussi utilisé des parties du manuel dans deux de ses cours. Ce sont là les actes qui ont donné lieu au jugement par défaut et au renvoi sur les dommages-intérêts et les profits. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[19]      Conclusion d) - Le " programme " était l'élément pour lequel le paiement de frais a été exigé des étudiants et, même si le matériel contrefait a été utilisé dans l'un des six modules de cours, ce module constituait davantage qu'un complément du texte.

[20]      Décision - Encore une fois au paragraphe 5, l'arbitre indique que le programme était l'élément pour lequel des frais ont été exigés des étudiants et que le matériel contrefait a été utilisé dans l'un des six cours. Il ajoute que [TRADUCTION] " les services d'un instructeur au moins ont été fournis en plus du texte, et que les instructeurs peuvent avoir complété les documents ". On ne peut pas affirmer que ces conclusions de fait ont été tirées de façon abusive ou arbitraire puisqu'elles semblent refléter la réalité. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[21]      Conclusion e) - La méthode comparative permettant de déterminer les profits attribuables à la violation était inapplicable étant donné que le recueil pouvant être utilisé à des fins de comparaison serait celui que la défenderesse IIT Toronto devait mettre au point, mais n'a pas mis au point.

[22]      Décision - Il s'agit d'une contestation réelle par les défenderesses de la méthode comparative utilisée par l'arbitre. Au paragraphe 6, l'arbitre souligne que l'avocat des défenderesses a soutenu que la manière indiquée pour déterminer les profits attribuables à la violation consistait à comparer les profits réalisés par suite de la violation à ceux qui auraient été réalisés s'il n'y avait pas eu violation. Il signale que c'est la méthode qui a été utilisée dans l'affaire Siddell v. Vickers2, une vieille affaire de brevet. L'arbitre a décidé que la méthode de comparaison n'était pas la bonne. Il a fait remarquer au paragraphe 6 que [TRADUCTION] " la preuve indique que la défenderesse Toronto était déterminée à mettre au point un nouveau manuel d'instructions et qu'au lieu de devenir l'auteur d'un tel ouvrage, elle a choisi d'utiliser le matériel contrefait. Le recueil à utiliser à des fins de comparaison était celui que Toronto devait concevoir, mais n'a pas fait. Comme ce recueil n'a jamais été produit, il est impossible de déterminer les profits qui auraient été réalisés en l'utilisant. Une méthode comparative ne peut donc pas être utilisée ". Dans l'affaire Wellcome Foundation c. Apotex3, une affaire assez récente, la Cour fédérale a statué que c'est la méthode du coût marginal et non la méthode comparative qui est désormais applicable. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l'arbitre a commis une erreur de droit lorsqu'il a rendu une décision qui est conforme à une décision très récente de notre Cour, et n'a pas suivi une ancienne affaire anglaise remontant à l'époque de la révolution industrielle. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[23]      Conclusion f) - Les revenus tirés de la violation, dans la mesure où les cours sont concernés, représentaient un sixième des frais payés par les étudiants pour le programme menant à l'obtention d'un diplôme.

[24]      Décision - Au paragraphe 7, l'arbitre a écrit que [TRADUCTION] " les sommes qu'ont versées les étudiants qui ont suivi les cours qui comprenaient le matériel contrefait concernaient ces cours ainsi que cinq autres cours, une cérémonie de remise des diplômes et un programme d'aide au placement après la remise des diplômes ". Il a considéré que la cérémonie de remise des diplômes et l'aide au placement étaient des dépenses engagées pour dispenser l'enseignement à ces étudiants et étaient à juste titre divisibles entre les six cours constituant la formation des étudiants. Il a donc conclu que les revenus tirés par suite de la violation représentaient un sixième des frais versés par les étudiants pour le programme menant à l'obtention d'un diplôme. Il semblerait que chacun des étudiants a payé séparément les frais du diplôme de fin d'études, indépendamment des frais de cours. La conclusion est sujette à révision.

[25]      Conclusion g) - Les états financiers des défenderesses n'ont pas été jugés appropriés aux fins de l'audience sur le renvoi.

[26]      Décision - Au paragraphe 8, l'arbitre écrit qu'Ontario Inc. a produit des états financiers en vertu desquels ont prétend que les frais peuvent être déduits des revenus pour en arriver à établir les profits. Il fait remarquer que les états financiers ont été examinés par un comptable agréé indépendant qui a conclu que [TRADUCTION] " il faut avertir les lecteurs que ces états financiers ne sont peut-être pas appropriés à leurs fins. Ils serviront à l'établissement de l'impôt sur le revenu de la société ". L'arbitre a jugé que ces états financiers ne convenaient pas aux fins du présent renvoi. Il a donné deux exemples, le plus flagrant étant l'inclusion à titre de dépense sous la rubrique " matériel de cours " de l'équivalent en dollars canadiens d'une somme de "47 000 versée aux fins d'une recherche effectuée relativement à la possibilité d'ouvrir une école au Royaume-Uni. Il invoque comme deuxième exemple [TRADUCTION] " la disparition de revenus et de dépenses lorsque le concept de recouvrement des coûts est employé ". Il s'agit manifestement d'une conclusion de fait qu'a tirée l'arbitre dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, et rien dans la preuve n'indique que cette conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou à la suite d'une erreur manifeste et cruciale. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[27]      Conclusion h) - Il a été nécessaire de se reporter aux factures originales pour découvrir les dépenses des défenderesses qui étaient déductibles, et sans de telles factures, les dépenses n'étaient pas déductibles.

[28]      Décision - L'arbitre indique au paragraphe 9 que les demanderesses ont eu recours aux services de leur propre comptable agréé qui a examiné la documentation produite par les défenderesses. Dans son témoignage, le comptable a dit [TRADUCTION] " [qu']il était incapable de justifier les chiffres indiqués dans les comptes de la défenderesse Toronto parce qu'il n'avait pas la documentation ". Dans certains cas, il a été impossible de trouver la documentation. De plus, environ 62 écritures d'ajustement n'ont pas été expliquées. Il est clair qu'il incombe aux défenderesses d'établir leurs dépenses. Compte tenu des circonstances, l'arbitre avait raison d'en arriver à cette conclusion. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[29]      Conclusion i) - Les frais de location devraient être répartis entre les diverses activités des entreprises défenderesses (le programme de cours, le franchisage au Canada, les activités internationales et le programme de formation d'agent de bord), et les frais de location devraient donc être divisés en huit, une seule partie de ceux-ci devant être déductibles.

[30]      Décision - Au paragraphe 10, l'arbitre écrit que certaines dépenses tel le loyer des locaux sont évidemment attribuables en partie à des dépenses légitimes. Les opérations d'Ontario Inc. incluaient non seulement le programme au cours duquel le matériel contrefait a été utilisé, mais aussi l'ensemble de l'opération de franchisage au Canada eu égard aux compagnies en Hollande et aux États-Unis. De l'avis de l'arbitre, les frais de location devraient être répartis entre ces diverses opérations. Il a donc divisé ces frais par huit. Il a inclus les frais de publicité pour lesquels il y avait des pièces justificatives. À mon avis, il s'agit d'un exercice raisonnable du pouvoir discrétionnaire de l'arbitre. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[31]      Conclusion j) - Les frais de publicité d'IIT Toronto devraient être divisés en sept, une seule partie de ceux-ci devant être déductible.

[32]      Décision - Au paragraphe 12, l'arbitre affirme qu'il a refusé une note d'hôtel de 10 507,64 $ à Amsterdam. Il a conclu en disant qu'il était incapable de faire une distinction entre les frais de publicité relatifs aux six cours et ceux relatifs au cours d'agent de voyage, de sorte qu'il a divisé par sept la somme allouée pour la publicité pour en arriver au total de 14 928,47 $. Il s'agissait d'un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[33]      Conclusion k) - Les frais de papeterie et le matériel de cours (autre que les recueils en cause) d'IIT Toronto n'étaient pas déductibles.

[34]      Décision - Au paragraphe 13, l'arbitre affirme que les frais de gestion, les frais de papeterie et les frais de déplacement ne sont pas déductibles. Il semble qu'il n'y a aucune explication satisfaisante pour cette conclusion. À mon avis, l'arbitre aurait dû utiliser la même formule que pour la publicité et diviser par sept la somme allouée. La conclusion est sujette à révision.

[35]      Conclusion l) - Les frais de gestion, les frais de voyage et les honoraires professionnels (sauf ceux de la présente espèce) payés par IIT Toronto ne sont pas déductibles.

[36]      Décision - Comme nous l'avons déjà dit, l'arbitre aurait dû allouer un septième (1/7) au cours en question. La conclusion est sujette à révision.

[37]      Conclusion m) - La valeur au détail estimée de 50 $ par recueil est la valeur à attribuer aux recueils contrefaits, pour déterminer les dommages-intérêts pour usurpation.

[38]      Décision - Au paragraphe 16, l'arbitre aborde la question des dommages-intérêts pour usurpation et conclut que les 25 recueils qui n'ont pas été retournés aux demanderesses ont été usurpés et que les demanderesses ont droit à [TRADUCTION] " leur valeur ". Il reconnaît que les coûts réels de chaque recueil étaient un peu inférieurs à 7 $, même s'il a été démontré que la valeur au détail de textes semblables était d'environ 50 $. Il souligne que les demanderesses n'avaient pas l'intention de vendre le matériel contrefait, et il conclut pourtant que la valeur à accorder à chacun de ces recueils est de 50 $. À mon avis, c'est une erreur. Si aucune des parties n'avait l'intention de vendre les recueils, il ne faut pas tenir compte de leur valeur au détail. Le coût réel de 7 $ pour chaque recueil aurait dû être évalué pour les 25 recueils qui n'ont pas été remis aux demanderesses. La conclusion est sujette à révision.

[39]      Conclusion n) - Il convient de condamner la défenderesse IIT Toronto à verser une somme forfaitaire de 10 000 $ au titre des dommages-intérêts pour atteinte à la réputation, perte de possibilités d'affaires, dommages-intérêts en général et négligence.

[40]      Décision - Au paragraphe 17, l'arbitre conclut qu'il n'y a aucune preuve de l'atteinte à la réputation, des pertes de possibilités d'affaires ou des dommages-intérêts généraux pouvant être quantifiés. Il reconnaît qu'il y a une certaine irritation et une certaine perte de temps. Il souligne [TRADUCTION] " qu'il n'y avait pas de la part de Toronto intention délibérée de violer le droit d'auteur ". Il écrit que la défenderesse Ontario Inc. [TRADUCTION] " a fait preuve de négligence en ne se demandant pas pourquoi Brown avait un disque à partir duquel un recueil pouvait être produit ". Il accorde 10 000 $ pour tous les dommages-intérêts, à l'exclusion des dommages-intérêts pour usurpation. À mon avis, il avait le pouvoir discrétionnaire d'accorder une telle somme. La conclusion n'est pas sujette à révision.

[41]      Conclusion o) - Pour ce qui est de la défenderesse IIT Brampton, il est raisonnable pour déterminer ses profits d'allouer la moitié des revenus tirés des deux cours lorsque le matériel contrefait a été utilisé.

[42]      Décision - Au paragraphe 20, l'arbitre souligne que Brampton n'a utilisé aucun des recueils, mais seulement dix pages de ceux-ci et [TRADUCTION] " a utilisé cinq pages de notes dans chacun des deux cours ". Il conclut que [TRADUCTION] " ces notes ont violé le droit d'auteur et ont contaminé les deux cours ". Il écrit qu'[TRADUCTION] " un arbitre devrait faire une évaluation raisonnable et généreuse à l'égard des demanderesses ". Il utilise donc des revenus représentant la moitié de ceux tirés des deux cours pour obtenir un revenu de 18 975 $ attribuable à la violation du droit d'auteur, dont il déduit 3 600 $ à titre d'honoraires pour l'instructeur. [TRADUCTION] " Les profits doivent donc se situer à 15 375 $ ". Il n'y a, selon lui, aucune preuve que l'utilisation de ces dix pages a causé un dommage aux demanderesses et il n'accorde pas de dommages-intérêts symboliques. Il écrit que ce calcul repose sur la moitié des revenus tirés des deux cours. Pourtant, il a fixé les dommages-intérêts payables par Brampton à 15 375 $ (pour cinq pages de notes pour deux cours). Il s'agit clairement d'une erreur manifeste. La conclusion est sujette à révision.

5. Les profits attribuables à la violation

[43]      Les profits attribuables à la violation sont les revenus découlant des frais payés par les étudiants pour le cours en question moins les dépenses. Les dépenses pertinentes doivent incluire les fractions des dépenses totales de l'école ventilées par l'arbitre pour chacun des cours. Cependant, les frais des étudiants pour ce cours n'ont pas été payés exclusivement pour le Travel Course Materials; ils ont été versés pour le cours lui-même, ce qui comprend l'enseignement par un instructeur compétent, d'autres documents et les salles de classe. Par conséquent, les profits doivent être ventilés. Il n'est pas facile de faire une répartition précise. À mon avis, l'équité exigerait que le pourcentage des profits attribuables au Travel Course Materials ne soit pas de plus de 50 p. 100. Ainsi, les conclusions de l'arbitre sur les profits attribuables au matériel contrefait sont sujettes à révision.

6. Décision

[44]      En vertu de la règle 163(3), la Cour peut confirmer, modifier ou infirmer les conclusions du rapport et rendre un jugement ou renvoyer le rapport à l'arbitre ou à un autre arbitre pour une nouvelle enquête et un nouveau rapport. Par conséquent, je renverrai l'affaire à un autre arbitre qui devra rendre une décision conformément à mes motifs de jugement et présenter un nouveau rapport. Puisque les défenderesses ont obtenu partiellement gain de cause dans leur appel, chacune des parties devra assumer ses propres dépens.


OTTAWA (Ontario)

21 février 2000

     __________________________

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-2582-94


INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOUISE BLAZIK ET AL c. JUDY BROWN ET AL


LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE :          9 FÉVRIER 2000


MOTIFS DE JUGEMENT DU JUGE DUBÉ EN DATE DU 21 FÉVRIER 2000


ONT COMPARU :

JOHN ALLPORT              POUR LES DEMANDERESSES

et

GILLIAN SMITH

DAVID GOODMAN              POUR LES DÉFENDEURS, À L'EXCEPTION DE JUDY BROWN ET 980969 ONTARIO LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SIM, HUGHES, ASHTON          POUR LES DEMANDERESSES

& McKAY

TORONTO (ONTARIO)

GOODMAN, SOLOMON          POUR LES DÉFENDEURS, À L'EXCEPTION DE

& GOLD                  JUDY BROWN 980969 ONTARIO LTD.

TORONTO (ONTARIO)

__________________

1      (1994), 58 CPR (3d) 359, à la p. 364.

2      (1892) 9 R.P.C. 152 (C.A.).

3      (1997), 82 C.P.R. (3d) 466, aux p. 480 à 482 (C.F. 1re inst.).

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