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Date : 20040630

Dossier : T-712-02

Référence : 2004 CF 951

ENTRE :

                                                           DEBORAH JOHNSON

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                              MARITIME TELEGRAPH AND TELEPHONE COMPANY

                                                                                                                                        défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT MacKAY

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Deborah Johnson de la décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP ou la Commission) dans laquelle la Commission a rejeté la plainte de discrimination fondée sur la race et la couleur de la demanderesse, décision qui ne comportait aucun motif.

[2]                La demanderesse est une ancienne employée de la défenderesse. Son emploi était régi par une convention collective qui avait été conclue entre la défenderesse et le syndicat Atlantic Communication and Technical Workers' Union (ACTWU). L'emploi de la demanderesse auprès de la défenderesse a pris fin le 11 avril 1997.

[3]                Au cours de l'hiver 1997, la défenderesse a amorcé une restructuration interne qui a entraîné l'abolition de certains postes et le licenciement temporaire de certains employés. Au cours de la réorganisation, le poste de la demanderesse a été déclaré excédentaire. Cette situation permettait à la demanderesse de se prévaloir de « droits de supplantation » en vertu de la convention collective. Le 20 mars 1997, la demanderesse a été avisée qu'elle pouvait se prévaloir de son droit et occuper le poste de préposé au nettoyage. La demanderesse a refusé ce poste et elle a choisi de participer au programme de retraite anticipée de la défenderesse.

[4]                Le 15 janvier 1999, la demanderesse a signé une plainte à la Commission canadienne de la personne alléguant qu'elle avait été victime d'actes discriminatoires en milieu de travail pour des motifs fondés sur sa race et sa couleur, contrairement à l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 ( la Loi).

[5]                La défenderesse a été avisée de la plainte dans une lettre datée du 22 avril 1999. La défenderesse a répondu à la plainte et elle a nié tout acte discriminatoire de sa part.

[6]                Par la suite, une enquêteuse de la Commission a examiné la plainte et elle a produit un « rapport d'enquête » de 10 pages, daté du 29 mai 2000. L'enquêteuse recommandait, en conformité avec l'alinéa 41(1)e) de la Loi, que la CCDP [traduction] « traite la plainte même si elle était fondée sur des actes qui s'étaient produits plus d'une année avant la présentation de la plainte » et que la Commission [traduction] « nomme un conciliateur pour tenter de régler la plainte » .

[7]                En octobre 2000, la CCDP a avisé la défenderesse qu'elle allait traiter la plainte même si cette plainte avait été déposée hors les délais normaux et qu'elle avait décidé de nommer un conciliateur. La défenderesse a accepté de participer au processus de conciliation. Toutefois, le processus a échoué et le conciliateur a déposé son rapport le 15 mars 2001. Voici le rapport :

[traduction] La présente plainte a été renvoyée à la conciliation en septembre 2000.

La plainte n'a pas été réglée et la question est renvoyée à la Commission pour décision.

Il est recommandé que :

a) soit, conformément à l'article 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission demande que soit constitué un tribunal des droits de la personne pour instruire la plainte,

b) soit, conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission rejette la plainte au motif que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci par un tribunal n'est pas justifié.


[8]                La demanderesse et la défenderesse ont reçu une copie du rapport du conciliateur et la Commission les a invitées à présenter leurs observations dans un document comportant au plus dix pages, avant que la question ne soit soumise à l'examen de la CCDP. Les deux parties ont présenté leurs observations dans des lettres datées du 10 avril 2001. La Commission a fait parvenir les observations de la partie adverse à chacune des parties, et par la suite, chaque partie a présenté, à la CCDP, ses observations sur celles du 10 avril 2001 de la partie adverse.

[9]                Le 28 juin 2001, Mme Lucie Veillett, secrétaire de la Commission, a écrit une lettre semblable à chacune des parties dans laquelle elle leur faisait part de la décision de la CCDP, conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, de rejeter la plainte [traduction] « au motif que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci par un tribunal n'est pas justifié » .

[10]            Dans un avis de demande daté du 1er mai 2002, la demanderesse a donné avis qu'elle allait déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de juin 2001, par laquelle la Commission avait rejeté sa plainte.

Observations de la demanderesse

[11]            Dans l'avis de demande du 1er mai 2002, la demanderesse allègue que la Commission a) n'a pas respecté un principe de justice naturelle; b) a commis une erreur de droit en rendant sa décision; c) a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

[12]            Dans son argumentation, la demanderesse allègue principalement que la décision de la CCDP de rejeter sa plainte était manifestement déraisonnable compte tenu du rapport de l'enquêteuse et des autres renseignements dont disposait la Commission et compte tenu de l'absence de motifs.

[13]            La demanderesse soutient que la défenderesse [traduction] « n'a pas respecté la convention collective » et que [traduction] « les droits de la demanderesse n'ont donc pas été respectés » et elle a été victime d'actes discriminatoires. La demanderesse se plaint également que le conciliateur n'a pas tenu compte de tous les faits pertinents et n'a pas donné de motifs ni adopté une position appropriée dans son rapport.

[14]            En outre, la demanderesse soutient que la CCDP elle-même n'a pas motivé sa décision, et qu'elle n'a pas non plus expliqué ce qui l'avait amenée à ne pas retenir l'opinion exprimée par l'enquêteuse en décidant, en fait, de rejeter l'allégation de discrimination.

[15]            Au cours de l'audition de la présente demande, la demanderesse a surtout insisté sur le fait que l'absence de motifs dans la décision de la CCDP, ainsi que les circonstances en cause constituaient un déni de justice naturelle. L'enquêteuse avait dit qu'il était justifié de traiter la plainte de discrimination pour des raisons de race et de couleur présentée par la demanderesse mais la Commission n'a pas soulevé cette question dans sa décision finale, sans donner de motifs.


Observations de la défenderesse

[16]            Le dossier de la demanderesse contient des documents dont la CCDP ne disposait pas quand elle a décidé de rejeter la plainte. La défenderesse prétend, et je suis d'accord avec elle, que la Cour n'est pas régulièrement saisie de ces documents dans le présent contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Le contrôle doit être effectué à partir des documents dont le décideur disposait quand la décision a été prise. Comme l'a mentionné le juge Pelletier au paragraphe 44 de l'arrêt Hutchinson c. Canada (Ministre de l'Environnement), [2003] 4 C.F. 580 (C.A.) :

[...] Le juge des demandes a correctement appliqué les arrêts faisant autorité en refusant de permettre la présentation de cette preuve additionnelle. La Commission ne disposait pas de cette preuve et, par conséquent, en l'absence de considérations telles qu'un déni de justice naturelle, rien ne permettait de la faire examiner par le juge des demandes.

[17]            La défenderesse affirme que la norme de contrôle applicable à une décision de la Commission de rejeter une plainte est soit celle de la décision raisonnable soit celle de la décision manifestement déraisonnable. Dans l'arrêt Hutchinson, précité, le juge Pelletier a dit, au nom de la Cour d'appel fédérale :

Il est clair qu'il faut faire preuve d'une certaine réserve à l'égard de la décision de la Commission de rejeter une plainte. La norme de contrôle est soit celle du caractère raisonnable soit celle du caractère manifestement déraisonnable. Toutefois, je n'ai pas à décider quelle est la norme à adopter car je suis convaincu qu'en l'espèce, la décision satisfait à la norme du caractère raisonnable, selon laquelle il faut faire preuve d'une moins grande réserve.

[18]            En l'espèce, la défenderesse fait valoir que la décision de la CCDP satisfait à la norme du caractère raisonnable et que la Commission disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour étayer sa décision.

[19]            En outre, la défenderesse dit que, contrairement aux observations de la demanderesse, le conciliateur n'a pas pour tâche de [traduction] « traiter les faits ou de donner des motifs » dans un rapport à la CCDP, mais il doit plutôt dire à la CCDP si la conciliation avait été utile. Le rapport du conciliateur ne comporte aucune décision et il n'est pas visé par le contrôle judiciaire en l'espèce. J'accepte ces observations de la défenderesse concernant le rapport du conciliateur.

[20]            En outre, la défenderesse souligne que la CCDP disposait non seulement d'un grand nombre de renseignements qui se trouvaient dans les observations des parties, mais aussi du rapport de l'enquêteuse. La défenderesse souligne qu'elle a examiné en profondeur l'unique question soulevée par l'enquêteuse dans son rapport et qu'elle a [traduction] « expliqué les motifs, qui n'étaient pas discriminatoires » pour lesquels elle avait proposé à la demanderesse de supplanter un employé dans le poste dont se plaint la demanderesse. Non seulement la CCDP disposait de ces renseignements, mais la demanderesse les connaissait également et elle avait eu suffisamment l'occasion d'y répondre. Elle était représentée par un avocat qui avait présenté ses observations en son nom.

[21]            En résumé, la défenderesse prétend que la décision de la CCDP de rejeter la plainte était raisonnable compte tenu des renseignements dont disposait la Commission et qu'il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale à l'égard de la demanderesse de manière à justifier l'intervention de la Cour.

Analyse

            1) La norme de contrôle applicable

[22]            Il est bien établi que la norme applicable au contrôle d'une décision de la Commission de rejeter une plainte en est une qui exige une grande réserve de la part de la Cour sauf s'il y a déni d'un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou si la décision n'est pas fondée sur les éléments de preuve dont la Commission était saisie. (Voir : Bourgeois c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, [2000] A.C.F. no 388 (1re inst.) (QL), confirmé [2000] A.C.F. no 1655 (C.A.) (QL)).

[23]            Dans l'arrêt Cooper c. Canada (RHC), [1996] 3 R.C.S. 854, à la page 891, le juge La Forest, en parlant du rôle de la CCDP saisie d'une plainte, a dit, au nom de la majorité des juges de la Cour :


La Commission n'est pas un organisme décisionnel; cette fonction est remplie par les tribunaux constitués en vertu de la Loi. Lorsqu'elle détermine si une plainte devrait être déférée à un tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu'un juge effectue à une enquête préliminaire. Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée. Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l'ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L'aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s'il existe une preuve suffisante.

[24]            Dans MacLean c. Marine Atlantic Inc., [2003] A.C.F. no 1854 (QL), le juge O'Keefe a appliqué l'analyse pragmatique et fonctionnelle à une décision de la Commission de ne pas déférer une plainte au tribunal canadien des droits de la personne. Il était d'avis que la décision en cause soulevait une question mixte de fait et de droit à laquelle il fallait appliquer la norme de la décision raisonnable simpliciter. Cette conclusion est conforme au pouvoir discrétionnaire de la Commission décrit par le juge La Forest et je souscris à l'opinion du juge O'Keefe.

            2) Le bien-fondé de la demande

[25]            En l'espèce, et mettant de côté pour le moment la question de l'absence de motifs, il n'y a aucune preuve de manquement aux principes d'équité procédurale. La demanderesse a eu l'occasion de présenter ses observations sur le rapport de l'enquêteuse et sur le rapport du conciliateur. Elle a présenté ces observations par écrit et la Commission disposait de ces observations, ainsi que des observations de la défenderesse, du rapport de l'enquêteuse et du rapport du conciliateur lorsqu'elle a pris sa décision.


[26]            D'ailleurs, après la présentation du rapport de l'enquêteuse, daté du 29 mai 2000, la CCDP a reçu, au total, sept nouveaux documents contenant les observations des parties concernant la plainte; quatre de la demanderesse ou en son nom et trois de la défenderesse. Dans les observations supplémentaires de la défenderesse, cette dernière expliquait la procédure de supplantation qu'elle avait appliquée, en conformité avec la convention collective en vigueur et ce, afin de répondre aux questions que se posaient l'enquêteuse et mieux expliquer le poste de remplacement qu'elle avait proposé à la demanderesse. La plainte de la demanderesse est fondée sur la proposition que lui a fait l'employeur de supplanter un employé dans un poste de préposé au nettoyage quand son propre poste de commis a été aboli.

[27]            Outre les sept documents d'observations qui ont été envoyés après le rapport de l'enquêteuse et qui contenaient des renseignements supplémentaires à l'intention de la CCDP, la Commission savait qu'il y avait eu un processus de conciliation entre les parties et que le processus avait échoué.

[28]            Dans ces circonstances, compte tenu de la preuve dont la Commission était saisie, la décision de la Commission était, selon moi, raisonnable.

            3) L'absence de motifs de la décision de la CCDP

[29]            Il est bien établi que les principes d'équité procédurale diffèrent selon le contexte. Dans certains cas, ces principes peuvent appuyer l'obligation de motiver une décision. À cet égard, dans l'affaire Liang c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] A.C.F. no 1301, le juge Evans (aujourd'hui juge de la Cour d'appel fédérale) a dit, au paragraphe 31 :


Toutefois, à mon avis, l'obligation d'équité exige simplement que des motifs soient fournis à la demande de la personne à laquelle cette obligation est due et, en l'absence d'une telle demande, il n'y a aucun manquement à l'obligation d'équité.

[30]            En l'espèce, selon moi, les faits sont semblables aux faits examinés par le juge Gibson dans l'affaire Gardner c. Procureur général du Canada, [2004] A.C.F. no 616. Dans cette affaire, il y avait deux rapports d'enquêteurs. La Commission a examiné les deux rapports en donnant à la plaignante l'occasion de présenter ses observations afin d'étayer ses plaintes et de répondre aux observations des ministères gouvernementaux visés par les plaintes. La Commission a adopté le premier rapport qui recommandait que les plaintes fassent l'objet d'un examen et cette décision n'était pas visée par le contrôle judiciaire dont était saisi le juge Gibson. Le deuxième rapport, qui portait sur trois plaintes distinctes, recommandait, en conclusion, que la Commission nomme un conciliateur. Concernant cette recommandation, la Commission a décidé de rejeter les plaintes en affirmant tout simplement que « compte tenu de toutes les circonstances relatives à la plainte, un autre examen n'est pas justifié » . Elle n'a présenté aucun autre motif.

[31]            Le juge Gibson a examiné la question de l'absence de motifs dans cette décision de la CCDP. Même s'il a dit qu'il ressentait une certaine empathie à l'égard de la demanderesse qui s'était représentée elle-même et qui comprenait mal pourquoi la Commission n'avait présenté aucun motif, il a dit, au paragraphe 36 :


Par conséquent, je conclus que la Commission n'a pas omis de respecter son obligation d'agir de façon équitable en fournissant des motifs insuffisants. Je conclus en ce sens, en raison de l'absence d'obligation législative de fournir des motifs et aussi de l'omission de la demanderesse de demander des motifs après avoir été informée de la décision qui rejetait ses plaintes et avant de présenter la présente demande de contrôle judiciaire. Dès lors, la Commission n'a pas commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'elle a rejeté les plaintes de la demanderesse, malgré l'opinion de la demanderesse selon laquelle, d'après les preuves présentées à la Commission, il était « clair et manifeste » que la demanderesse avait fait l'objet de discrimination fondée sur sa situation de famille et le rapport de l'enquêteur apportait un certain appui à cette opinion.

[32]            La demanderesse en l'espèce prétend distinguer la présente affaire de la décision rendue dans l'affaire Gardner, précitée, et elle prétend que [traduction]    « la correspondance entre la demanderesse et la Commission suivant le rapport de l'enquêteuse constitue une demande de motifs » . Selon la défenderesse, la correspondance mentionnée par la demanderesse ne saurait constituer une demande de motifs puisqu'aucun motif précis n'y est demandé et puisque la correspondance est antérieure à la décision de la CCDP de rejeter la plainte de la demanderesse.

[33]            Je ne suis pas convaincu que la date de la correspondance, qu'elle soit postérieure ou antérieure à la décision de la Commission, soit importante afin de décider s'il y a eu une demande de motifs. Bref, les faits en l'espèce seraient différents des faits dans l'arrêt Liang, précité, et des faits dans Gardner, précité, quelle que soit la date de la demande de motifs. Les observations de la demanderesse qui suivent le rapport de l'enquêteuse, savoir sa lettre du 14 juin 2000, ainsi que les lettres de l'avocat datées du 11 décembre 2000, du 10 avril 2001 et du 24 avril 2001 ne constituent pas une demande expresse de motifs à l'égard d'une décision de la Commission.


[34]            En outre, il n'y a eu aucune demande de motifs après la décision de la Commission et avant l'institution de la présente demande de contrôle judiciaire. Je pense, à l'instar du juge Gibson dans l'arrêt Gardner, précité, au paragraphe 31, que lorsque la demanderesse sollicite, dans sa demande de contrôle judiciaire, une copie certifiée conforme des documents dont dispose la Commission, il ne s'agit pas d'une demande de motifs. En outre, en l'espèce, comme dans l'affaire Gardner, aucune note de service aux employés versée au dossier n'établit le fondement d'une recommandation pouvant être interprétée comme constituant des motifs. La recommandation aurait pu constituer des motifs, comme l'a décidé la juge L'Heureux-Dubé dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _[1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 43 et 44, mais en l'espèce, il n'y a aucune note de service comparable à l'intention de la Commission.

[35]            Dans l'affaire Mercier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3, aux pages 15 et 16 (C.A.), dans laquelle la Commission a refusé de nommer un conciliateur, comme le recommandait son enquêteur, le juge Décary a écrit, au nom de la Cour d'appel :

Est-ce à dire qu'en l'espèce l'omission de motiver constitue en elle-même un manquement aux règles d'équité procédurale? Je ne le crois pas.

[...]

[...] L'obligation de motiver a été imposée par le Parlement dans certains cas spécifiques, dont celui du paragraphe 42(1) de la Loi qui s'applique lorsque la Commission juge une plainte irrecevable pour les motifs énoncés à l'article 41. J'hésiterais à imposer, par le biais des règles d'équité procédurale, un fardeau que le législateur n'a imposé qu'avec parcimonie dans des cas bien spécifiques.


[36]            La demanderesse prétend également que la décision Gardner se distingue des faits en cause et elle semble dire que la présente affaire a le même fondement factuel que l'affaire Mercier en ce que la Commission n'a pas tenu compte des conclusions de l'enquêteuse. Toutefois, à mon avis, si l'absence de motifs de la Commission ne justifiait pas l'intervention de la Cour dans Gardner, l'absence de motifs en l'espèce ne saurait justifier une intervention, alors que la demanderesse et la défenderesse ont toutes deux eu amplement l'occasion de présenter leurs observations, avant la décision, sur les rapports tant de l'enquêteuse que du conciliateur ainsi que sur les observations de la partie adverse.

[37]            Même si je ne suis pas insensible à la préoccupation exprimée par la demanderesse concernant l'absence de motifs exprimés par la Commission, à mon avis, les faits essentiels en l'espèce et ceux de la décision Gardner ne sont pas différents. Par courtoisie, et dans l'intérêt d'une jurisprudence cohérente, il convient, en l'espèce, que la Cour applique la décision du juge Gibson dans Gardner, précité, en rapport avec la question de l'absence de motifs exprimés par la Commission concernant sa décision.

Conclusion


[38]            Pour les motifs exprimés ci-dessus et en appliquant la norme de la décision raisonnable, je conclus que la décision de la Commission était raisonnable compte tenu des éléments de preuve dont elle disposait lorsqu'elle a pris sa décision. En outre, je conclus que, dans les circonstances en cause et compte tenu des principes exprimés par le juge Gibson dans l'arrêt Gardner, précité, la Commission n'a pas manqué à son obligation d'équité et elle n'a pas non plus violé les principes de justice naturelle en ne motivant pas, particulièrement pour ce qui concerne la plainte de la demanderesse, sa décision de ne pas déférer la plainte à un tribunal à des fins d'examen.

[39]            Une ordonnance distincte sera rendue rejetant la demande de contrôle judiciaire.

[40]            Dans ses observations écrites, la défenderesse a demandé les dépens. Dans les circonstances en cause, même si j'ai rejeté la demande, à mon avis, il n'y a pas lieu d'accorder les dépens à la défenderesse. Il s'agit d'une plainte de la demanderesse dans laquelle cette dernière dit qu'il y a eu discrimination fondée sur la race et la couleur, plainte que la Commission a rejetée sans motiver sa décision sauf pour dire, dans sa conclusion, que l'examen de la plainte, par un tribunal n'était pas justifié. Il n'est pas étonnant que la demanderesse ait demandé le contrôle judiciaire alors que, selon elle, les actes qui lui paraissaient discriminatoires n'avaient pas été expliqués, opinion qui avait reçu l'appui implicite de l'enquêteuse qui avait recommandé que la Commission prenne certaines mesures, notamment la conciliation, à l'égard de la plainte. Selon moi, compte tenu des circonstances, chacune des parties devrait payer ses propres dépens.

                                                                      « W. Andrew MacKay »          

                                                                                      Juge suppléant                  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   T-712-02

INTITULÉ :                                  DEBORAH JOHNSON

c.

MARITIME TELEGRAPH AND TELEPHONE COMPANY

LIEU DE L'AUDIENCE :            HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 5 AVRIL ET LE 2 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                 LE JUGE W. ANDREW MACKAY

DATE DES MOTIFS :                 LE 30 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Burnley A. Jones                             POUR LA DEMANDERESSE

Karen A. Fitzner                              POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

B.A. « Rocky » Jones & Associates                   POUR LA DEMANDERESSE

5557, rue Cunard

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3K 1C5

Cox Hanson O'Reilly Matheson       POUR LA DÉFENDERESSE

Purdy's Wharf Tower One, pièce 110

1959, rue Upper Water

Halifax (Nouvelle-Écosse)


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