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Date : 20021213

Dossier : IMM-5843-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1292

OTTAWA (Ontario), le 13 décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                             NALINI WARNAKULA PATABANTHI et

KANTHIDALIKA MEGAMU DELIGA

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2. Nalini Warnakula Patabanthi (la demanderesse) et Kanthidalika Megamu Deliga (la soeur) contestent la décision, rendue par la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), par laquelle un tribunal composé de deux commissaires a conclu que la demanderesse et sa soeur n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention.


QUESTION EN LITIGE

[2]                 Existe-t-il une question de droit défendable en vertu de laquelle la demande de contrôle judiciaire présentée pourrait être accueillie? Notamment, la SSR a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle n'a pas pris en compte la possibilité raisonnable que les demanderesses puissent être condamnées à payer une amende et être emprisonnées aux termes de la loi sri-lankaise no 42 de 1998 relative aux immigrants et émigrants (la Loi sur les immigrants et émigrants) et la question de savoir si cette possibilité constituait de la persécution compte tenu des circonstances?

[3]                 Pour les motifs ci-après énoncés, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

LES FAITS

[4]                 La demanderesse et sa soeur sont citoyennes du Sri Lanka et sont d'origine cinghalaise. Les trois principaux groupes au Sri Lanka sont les Cinghalais, les Tamouls et les musulmans. La demanderesse et sa soeur craignent d'être persécutées par les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET).


[5]                 Dans son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP), la demanderesse a affirmé qu'une nuit en 1993 cinq hommes armés et masqués, qu'elle pense être des membres des TLET, sont venus chez elle. Trois des hommes sont entrés de force dans la maison, ont pris des objets de valeur et ont amené le mari de la demanderesse. Elle a signalé l'incident aux policiers qui sont alors venus chez elle à Anuradhapura pour faire une enquête. Les policiers l'ont informée que, malgré qu'ils aient fait de leur mieux, ils n'avaient pas pu retrouver son mari.

[6]                 En mars 1994, la demanderesse a rencontré un autre homme, Sunil Senarth (Senarth). Selon elle, les TLET étaient responsables de nombreux abus à l'égard des droits de l'homme et de nombreux actes de violence commis à Anuradhapura entre 1994 et 2000, à mesure que les tensions entre le gouvernement et les TLET augmentaient. Les personnes d'origine cinghalaise étaient particulièrement visées par les TLET.

[7]                 La soeur de la demanderesse affirme que dans l'intervalle, en août 1994, trois hommes masqués les ont accostés, elle, son mari et leurs trois enfants, dans leur maison d'Anuradhapura. Elle suppose que ces hommes étaient des membres des TLET. Son mari a été amené de force de leur maison. Elle a informé les policiers que son mari avait été enlevé et elle ne l'a jamais revu.

[8]                 Entre 1994 et 2000, la soeur de la demanderesse a vécu à différents endroits à Anuradhapura. Immédiatement après la disparition de son mari, la soeur de la demanderesse et ses enfants ont trouvé refuge dans un temple de la région. Elle a ensuite vécu chez un membre de sa famille jusqu'à ce que ce membre soit enlevé en 1997, prétendument par les TLET. Elle a ensuite vécu ailleurs à Anuradhapura avant de déménager à Colombo en 2000.


[9]                 En mars 2000, la demanderesse et ses cinq enfants ont déménagé à Colombo et sont allés vivre chez Senarth. La mère de Senarth l'a appris et l'a dénoncé. Elle a menacé d'informer les policiers que la demanderesse et ses enfants étaient des partisans des TLET en provenance d'Anuradhapura si la demanderesse continuait à vivre chez Senarth.

[10]            Quant à la soeur de la demanderesse, elle était victime, de même que ses enfants, de harcèlement à l'appartement de Colombo où ils vivaient en 2000. Les voisins se plaignaient au propriétaire des « étrangers » qui vivaient dans l'appartement. En fin de compte, la soeur de la demanderesse et ses enfants ont dû partir.

[11]            En septembre 2000, la demanderesse et sa soeur ont quitté le Sri Lanka. Les enfants de la demanderesse sont restés au Sri Lanka. Un ami de Senarth s'en occupait. La demanderesse et sa soeur sont arrivées aux États-Unis où elles sont restées pendant environ deux semaines. Le 7 octobre 2000, elles se sont rendues à la frontière canadienne en autobus.

[12]            La demanderesse déclare dans son FRP (dossier de demande, à la page 29) qu'un « agent » a pris son passeport et elle affirme qu'il [TRADUCTION] « m'a dit de revendiquer le statut de réfugiée » . L'agent qu'elle mentionne est celui qui a pris les dispositions pour qu'elle et sa soeur quittent le Sri Lanka pour l'Amérique du Nord. Selon la soeur de la demanderesse, elle et la demanderesse sont, avant de venir au Canada, restées aux États-Unis chez une femme connue seulement sous le nom de « Mme Violet » (dossier de demande, à la page 44). À leur arrivée à la frontière, elles ont revendiqué le statut de réfugiée.


LA DÉCISION EN LITIGE

[13]            Un tribunal composé de deux commissaires, Milan Then et Tony Knevel, a entendu les demanderesses ensemble le 30 août 2001 et le 6 novembre 2001. Les commissaires ont rendu une décision en chambre et ont énoncé des motifs écrits le 13 novembre 2001.

[14]            Les commissaires ont conclu que la demanderesse et sa soeur n'étaient pas dignes de foi. Le tribunal n'a pas cru que l'enlèvement du mari de la demanderesse, en tenant pour acquis qu'il a vraiment été enlevé, était dû au fait qu'il était un Cinghalais parce que si telle était la raison de son enlèvement, la demanderesse et ses enfants, qui étaient également des Cinghalais, auraient aussi été enlevés. En fait, le tribunal ne croyait pas que le mari de la demanderesse ait été enlevé.

[15]            Dans l'ensemble, la SSR avait de la difficulté à croire que les TLET iraient dans une ville à prédominance cinghalaise pour enlever des Cinghalais, à plus forte raison qu'ils avaient enlevé le mari de la demanderesse et celui de sa soeur. Le tribunal a en outre fait remarquer qu'il n'y avait pas de preuve documentaire que les Cinghalais étaient persécutés par les TLET à Anuradhapura.


[16]            La SSR a en outre qualifié la menace de la mère de Senarth à l'égard de la demanderesse de [TRADUCTION] « menace futile » , étant donné que toute dénonciation selon laquelle la demanderesse et ses enfants seraient des partisans des TLET toucherait Senarth. Le tribunal a conclu que le harcèlement que la soeur de la demanderesse pouvait subir de la part de ses voisins à Colombo n'entraînerait pas de problèmes avec les autorités. Le tribunal a conclu que la demanderesse et sa soeur ne risquaient pas d'être persécutées à Colombo ni ailleurs au Sri Lanka où les Cinghalais constituent la majorité de la population. Le tribunal a en outre déclaré que l'incapacité de la demanderesse d'élever seule une famille n'était pas un motif de la Convention.

[17]            Le principal motif invoqué par les demanderesses dans la présente demande de contrôle judiciaire est que le tribunal n'a pas pris en compte le fait qu'elles risquaient toutes les deux d'être emprisonnées dans des conditions lamentables pour avoir utilisé de faux documents pour quitter le Sri Lanka. La Loi sur les immigrants et émigrants a été invoquée par l'avocat des demanderesses. Cette loi a été obtenue par la réponse à une demande d'information de la CISR portant le numéro LKA32205.E (dossier de demande, à la page 82).

LES PRÉTENTIONS

Demanderesses

[18]            Aux termes de la Loi sur les immigrants et émigrants, les demanderesses, si elles retournent au Sri Lanka, risquent de devoir payer une amende minimale de 50 000 roupies sri-lankaises et de purger une peine de prison pour une période minimale d'un an. Un rapport en provenance du Département d'État des États-Unis mentionne que les conditions d'emprisonnement au Sri Lanka sont inférieures aux normes et que les femmes risquent de subir la violence qui règne dans les prisons et de subir de la discrimination.                                                             

[19]            Dans ses motifs écrits, le tribunal a omis de mentionner s'il avait pris en compte la peur qu'éprouvaient les demanderesses quant aux sanctions pénales prévues à la Loi sur les immigrants et émigrants et l'étendue, le cas échéant, que cette peur devrait avoir pour justifier une revendication du statut de réfugié. Le tribunal a fait cette omission malgré les observations de l'avocat à cet égard à la fin de l'audience. Dans la mesure où la SSR a omis de se prononcer sur cet aspect important des revendications des demanderesses, le tribunal a commis une erreur quant à sa compétence.

Défendeur

[20]            Le tribunal ne disposait pas d'un exemplaire de la Loi sur les immigrants et émigrants. Les commissaires n'avaient à leur disposition que l'opinion d'un membre du Parlement sri-lankais. Cette opinion établissait que les Tamouls étaient visés par la Loi sur les immigrants et émigrants. Cependant, les demanderesses sont des Cinghalaises. En outre, la preuve documentaire à laquelle les demanderesses renvoient à cet égard établit que la personne qui l'a compilée n'a pas pu obtenir de renseignements corroborant les prétendues arrestations faites en vertu de cette loi.


[21]            La Cour ne dispose pas de preuve que les demanderesses ont affirmé qu'elles craignaient d'être persécutées par l'emprisonnement à leur retour au Sri Lanka en raison de la façon soi-disant illégale selon laquelle elles ont quitté le pays. Rien n'apparaît à cet égard dans leurs FRP. Le tribunal a en outre conclu que les demanderesses n'avaient pas, de façon générale, une crainte subjective de persécution étant donné leur omission d'avoir revendiqué le statut de réfugié lors de leur séjour aux États-Unis.

ANALYSE

[22]            La possibilité de persécution en raison du départ illégal du Sri Lanka n'a jamais été soulevée par les demanderesses elles-mêmes. Comme l'a mentionné avec justesse le défendeur, ni la demanderesse ni sa soeur n'ont mentionné dans leurs FRP qu'elles risquaient, si elles retournaient au Sri Lanka, d'être poursuivies parce qu'elles avaient quitté le pays sans avoir obtenu les documents appropriés.

[23]            Les demanderesses n'ont pas non plus mentionné la possibilité qu'elles soient poursuivies lorsqu'elles ont témoigné devant le tribunal. Aux pages 314 à 317 du dossier du tribunal, la transcription montre que l'avocat de la demanderesse et de sa soeur a posé à la soeur de la demanderesse une série de questions relativement aux circonstances suivant lesquelles elle a obtenu son passeport. On lui a alors demandé si elle connaissait les conséquences que peuvent subir les Sri Lankais qui retournent au Sri Lanka après avoir quitté leur pays en utilisant de faux documents.


[24]            Malgré la série de questions de l'avocat, la soeur de la demanderesse n'a pu nommer aucune conséquence qu'elle et la demanderesse pourraient subir. À la page 317, l'avocat de la demanderesse et de sa soeur a essayé, sans y parvenir, de savoir de la part de la demanderesse si elle connaissait les sanctions infligées à ceux qui quittent le Sri Lanka illégalement. On ne peut s'attendre à ce que le tribunal traite de la crainte des conséquences que pourraient subir des revendicateurs qui n'expriment pas cette crainte au cours d'une audience.

[25]            Dans l'ensemble, le témoignage des demanderesses quant à la façon dont elles ont quitté le Sri Lanka, comme la mention de l'agent qui les a aidées à partir et du fait qu'il a gardé les passeports sur lui en tout temps, était peu important. Ce témoignage a eu peu d'influence sur l'ensemble des déclarations des demanderesses devant le tribunal. Compte tenu du manque d'importance du témoignage par rapport aux autres éléments de preuve, le tribunal a eu raison de ne pas le mentionner dans ses motifs.

[26]            La Cour a rendu plusieurs jugements par lesquels les décisions de la SSR ont été annulées au motif qu'elle avait omis de prendre en compte des éléments de preuve pertinents qui auraient pu avoir une influence sur la décision. Dans la décision Gourenko c. Canada (Solliciteur général) (1995), 93 F.T.R. 264 (C.F. 1re inst.), la Cour a énoncé les trois critères qui devraient être appliqués pour trancher la question de savoir si un document est suffisamment important pour qu'il doive en être fait mention dans les motifs. Le document doit être pertinent, c'est-à-dire qu'il doit porter sur la période en cause, et il doit être rédigé par un auteur indépendant de bonne réputation qui soit la source de renseignements la plus fiable. Le sujet abordé dans le document doit se rapporter directement à la revendication du demandeur.

[27]            En l'espèce, le seul document dont le tribunal disposait sur cette question était un document fourni par la Direction de la recherche de la CISR à la suite d'une demande d'information, numéro de série LKA32205.E (dossier de demande, à la page 82). Il s'agit d'un rapport de la parution de 1999 d'une publication connue sous le nom de Sri Lanka Monitor.

[28]            Dans le rapport, un membre du Parlement, un Tamoul, dénonce les modifications de 1998 à la Loi sur les immigrants et émigrants en déclarant qu'il s'agit de modifications qui visent injustement des personnes d'origine tamoule. Le membre du Parlement décrit des arrestations de Tamouls qui attendaient leur départ à l'aéroport ou qui revenaient au Sri Lanka après que le statut de réfugié leur eut été refusé dans un autre pays. La Direction de la recherche fait remarquer à la fin du document qu'il ne lui a pas été possible d'obtenir un exemplaire de la loi no 42 de 1998 relative aux immigrants et émigrants qui comporte les modifications. La Direction de la recherche n'a pas non plus pu obtenir des renseignements additionnels ou de l'information corroborant un article sur ce sujet reproduit dans le Tamil Guardian.

[29]            Le document ne satisfait pas aux critères énoncés dans la décision Gourenko, précitée. Bien que le document porte sur la période en cause, il ne reflète les commentaires que d'un seul membre du Parlement sri-lankais. Ce membre peut être ou ne peut pas être la source de renseignements la plus fiable.


[30]            Je n'ai pas à examiner, aux fins des présents motifs, la question de savoir si le membre du Parlement qui dénonce la loi a un intérêt politique à le faire. Je ne dois que mentionner que l'article auquel il a été fait référence ne comprend pas le libellé même de la loi, ce qui aurait permis qu'il soit considéré comme une déclaration complète du Parlement. En outre, le rapport n'est pas très détaillé. Il s'agit d'une courte déclaration quant à la position d'un membre du Parlement à l'égard d'une loi, comportant des anecdotes choisies illustrant les effets de cette loi.

[31]            On ne peut pas dire non plus que le document mentionné est directement pertinent aux revendications des demanderesses qui n'ont jamais invoqué, au soutien de leur crainte de retourner au Sri Lanka, la Loi sur les immigrants et émigrants ou ses conséquences. Il n'en a été fait mention que brièvement à la fin du plaidoyer final de leur avocat.

[32]            Quoi qu'il en soit, les conclusions quant à la crédibilité tirées par le tribunal étaient des conclusions qu'il pouvait raisonnablement tirer compte tenu de la preuve au dossier et je suis d'avis qu'il n'est pas justifié d'intervenir quant à ces conclusions. Il est hautement improbable que le facteur précédemment mentionné ait pu avoir un impact important sur la décision du tribunal.


[33]            En outre, il faut se rappeler qu'il existe une distinction fondamentale entre la persécution telle qu'elle justifie une revendication du statut de réfugié et la poursuite légale qui ne la justifie pas. Cette distinction a été analysée dans la décision Antonio c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 85 F.T.R. 241 (C.F. 1re inst.). Dans la décision Antonio, M. le juge Nadon (maintenant juge à la Section d'appel) a déclaré qu'une formation de la SSR était justifiée de conclure que le demandeur ne craignait pas d'être persécuté du fait de ses opinions politiques, mais qu'il craignait plutôt d'être poursuivi pour des actes délibérés qu'il poserait.                          

[34]            La formation de la SSR dans la décision Antonio, précitée, a fait référence au document des Nations Unies intitulé Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (Genève, janvier 1988) (le Guide). Le paragraphe 56 du Guide établit que des personnes qui s'enfuient pour éviter d'être punies pour des infractions commises ne sont normalement pas des réfugiés; elles fuient la justice plutôt qu'elles sont des victimes réelles ou potentielles d'injustice. Les paragraphes 84 et 86 énoncent les exceptions pour lesquelles la poursuite de délinquants politiques peut équivaloir à de la persécution.

[35]            Les paragraphes 84 et 86 ne sont pas applicables en l'espèce étant donné qu'il n'existe pas de preuve que les demanderesses étaient poursuivies du fait de leurs opinions politiques ou de leurs autres croyances. Le tribunal ne disposait pas non plus d'autre preuve laissant penser que les demanderesses seraient traitées plus durement que toute autre personne accusée de la même infraction. Ces facteurs nous amènent au point d'analyse suivant.


[36]            La demanderesse a fait remarquer que la Cour a analysé la Loi sur les immigrants et émigrants dans la décision Balasubramaniyam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 16 Imm. L.R. (3d) 292 (C.F. 1re inst.), 2001 CFPI 952, dans laquelle Mme le juge Hansen a déclaré que la décision rendue par l'agente de révision des revendications refusées (ARRR), selon laquelle les demandeurs n'appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, devrait être annulée.

[37]            Le juge Hansen a déclaré que l'ARRR avait omis de prendre en compte le fait que bien que la Loi sur les immigrants et émigrants, dont les modifications étaient entrées en vigueur après l'audition des revendications du statut de réfugié des demandeurs, soit une loi ordinaire d'application générale, son application n'était pas neutre sur le plan racial. La preuve documentaire donnait à penser que les Tamouls étaient particulièrement visés dans le cadre de l'application de la loi et qu'ils risquaient de subir un emprisonnement dans des conditions lamentables dans les prisons sri-lankaises.

[38]            Le défendeur en l'espèce a fait remarquer que la décision Balasubramaniyam, précitée, touche des demandeurs d'origine tamoule, alors que dans la présente affaire les demanderesses sont d'origine cinghalaise. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de traiter de cette distinction pour trancher la présente affaire. D'autres observations fondées sur la décision Balasubramaniyam sont au moins aussi utiles.


[39]            Dans la décision Balasubramaniyam, le juge Hansen a mentionné que l'article 61 du Guide prévoit la possibilité que des sanctions graves pour des départs illégaux puissent justifier qu'un demandeur soit reconnu comme un réfugié. La question de savoir si de telles sanctions auront un tel effet dépendra de la question de savoir s'il peut être démontré que les raisons du départ ont un lien avec l'un des motifs de la Convention. Selon le juge Hansen, cette question relève du tribunal, plutôt que de la Cour dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[40]            Le tribunal en l'espèce a tiré une conclusion quant aux faits selon laquelle les raisons du départ des demanderesses n'avaient pas de lien avec les motifs de la Convention. Il s'agit d'une conclusion quant aux faits que le tribunal pouvait tirer et la Cour n'interviendra pas à l'égard de cette conclusion. Il faut aussi remarquer que si les demanderesses n'avaient pas quitté le pays, elles ne risqueraient pas d'être poursuivies pour avoir quitté illégalement leur pays.

[41]            Par conséquent, la simple possibilité que les demanderesses risquent d'être poursuivies pour des infractions criminelles liées à leur départ illégal du Sri Lanka, départ motivé par des raisons n'ayant pas de liens avec les motifs de la Convention, ne sera pas suffisante pour justifier une conclusion selon laquelle elles devraient être protégées en tant que réfugiées. Ainsi, le tribunal, sur le fondement de ses conclusions quant aux faits, n'était pas tenu de tenir compte de cette possibilité.

[42]            Pour les motifs énoncés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[43]            Les parties ont eu la possibilité de soulever une question grave de portée générale, mais ne l'ont pas fait. Par conséquent, je ne certifierai pas de question grave de portée générale.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                    La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                    Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                           IMM-5843-01

INTITULÉ :                                        NALINI WARNAKULA PATABANTHI et

KANTHIDALIKA MEGAMU DELIGA

                                                                                                                                            demanderesses

                                                                                   et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                                                                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 décembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                      Le 13 décembre 2002

COMPARUTIONS :

Michael Korman                                                                             POUR LES DEMANDERESSES

Jeremiah Eastman                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS AU DOSSIER :

Otis & Korman                                                                              POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur du Canada                  

Toronto (Ontario)

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