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Date : 20010316

Dossier : T-1161-97

T-1162-97

T-1168-97

Référence neutre: 2001 CFPI 194

Entre :

                                                    LAFARGE CANADA INC.

                                                                                                                            Demanderesse

                                                                           ET

                                                         SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                               Défenderesse

                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON


[1]                 Le 10 février 1997, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « Tribunal canadien » ) rejetait trois appels interjetés par la demanderesse à l'encontre de décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ). Ce dernier a rejeté les demandes de remboursement de la taxe de vente fédérale déposées par la demanderesse aux termes de l'article 68[1] de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), R.C.S. 1985, ch. 15. Les déclarations déposées par la demanderesse devant cette Cour constituent ses appels en conformité avec l'article 81.24 de la Loi.

[2]                 Dans deux des appels, il s'agit de déterminer si la demanderesse a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur la vente de béton pré-mélangé (le « béton » ); dans le troisième appel, il s'agit de déterminer si la demanderesse a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur la vente de mélanges asphaltiques de pavage ( « l'asphalte » ).

[3]                 Les montants réclamés par la demanderesse sont les suivants:

Dossier T-1161-97       =           429 667,05 $

Dossier T-1162-97       =           740 026,77 $

Dossier T-1168-97       =           264 493,25 $

TOTAL                          =                                                  1 434 187,07 $

[4]                 La demanderesse opère une entreprise de construction routière desservant, inter alia, les divers niveaux de gouvernement, incluant les municipalités. Dans le cadre de ses opérations, la demanderesse fabrique de l'asphalte et du béton, pour exécuter ses contrats ainsi que pour la vente à des tiers. En l'instance, les montants payés par la demanderesse résultent de contrats intervenus avec la ville de Montréal et la province de Québec.


[5]                 Le 25 janvier 2000, suite à une conférence préparatoire tenue le 19 janvier 2000, Me Richard Morneau, protonotaire, rendait une ordonnance dans laquelle il énonçait comme suit les questions devant être tranchées par la Cour lors du procès:

a)             La Cour devra déterminer si la demanderesse utilise les produits de mélanges asphaltiques et béton malaxé prêt à l'usage « pour son propre usage » au sens de l'article 52 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi);

b)             Si la Cour répond affirmativement à cette question, elle devra déterminer si la demanderesse est en droit d'utiliser la méthode de calcul prévue au Mémorandum ET 207 pour les fins de l'article 52 de la Loi.

De plus, le protonotaire, au paragraphe 3 de son ordonnance, indiquait ce qui suit:

Les parties conviennent que si la Cour répond affirmativement aux deux questions en litige, le bien-fondé du montant des réclamations dans les Dossiers fera l'objet d'un renvoi en vertu de la règle 153.


[6]                 Les faits pertinents sont fort simples. La demanderesse a présenté un seul témoin, soit M. Nick Lalla, le directeur des projets spéciaux. Il a expliqué, comme l'avait fait M. Yvan Grisé devant le Tribunal canadien, que la demanderesse présentait des soumissions afin d'obtenir des contrats pour la construction de routes, de trottoirs, d'égouts, d'aqueducs, etc. M. Lalla a témoigné que les services fournis par sa compagnie, après l'obtention d'un contrat, comprenaient la main d'oeuvre et les matériaux, tels le béton et l'asphalte. M. Lalla a clairement indiqué que les clients de la demanderesse, par exemple la ville de Montréal et la province de Québec, n'achetaient pas le béton ou l'asphalte. J'ai compris de cette affirmation de M. Lalla que les contrats intervenus entre la demanderesse et ses clients, la ville de Montréal et la province de Québec, n'étaient nullement des contrats de vente de béton ou d'asphalte.

[7]                 À la lumière de la preuve, je n'ai aucune hésitation à conclure que les contrats de la demanderesse sont des contrats de services en vertu desquels la demanderesse utilise le béton et l'asphalte pour exécuter les travaux qui font l'objet de ses contrats. En l'espèce, le béton et l'asphalte utilisés par la demanderesse dans l'exécution de ses contrats proviennent de ses propres usines.

[8]                 Avec respect, je ne peux partager l'opinion du Tribunal canadien, que l'on retrouve à la page 4 de ses motifs, selon laquelle les montants payés par la demanderesse résultent de contrats de vente de béton et d'asphalte. L'opinion du Tribunal canadien se lit comme suit:

De l'avis du Tribunal, les contrats conclus par l'appelant étaient simplement des contrats de construction qui incluaient la vente de béton malaxé prêt à l'usage ou de mélanges asphaltiques de pavage, ou des deux, à un prix qui comprenait la livraison et l'installation. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'appelant a effectivement vendu le béton malaxé prêt à l'usage et les mélanges asphaltiques de pavage et qu'il ne les a pas affectés à son propre usage au sens du paragraphe 52(1) de la Loi ou du Mémorandum ET 207. L'appelant n'aurait donc pas pu avoir recours à la méthode de calcul de la TVF selon la juste valeur marchande énoncée dans le Mémorandum ET 207. [...]


[9]                 Le paragraphe 52(1)[2] de la Loi prévoit ce qui suit:


52. (1) Lorsque le fabricant ou producteur de marchandises affecte à son propre usage des marchandises fabriquées ou produites au Canada, le prix de vente des marchandises est réputé être égal à celui qui aurait été raisonnable dans les circonstances si les marchandises avaient été vendues à une personne avec laquelle le fabricant ou producteur n'avait pas eu de lien de dépendance au moment de l'affectation.

52. (1) Where goods that were manufactured or produced in Canada are appropriated by the manufacturer or producer thereof for his own use, the sale price of the goods shall be deemed to be equal to the sale price that would have been reasonable in the circumstances if the goods had been sold, at the time of the appropriation, to a person with whom the manufacturer or producer was dealing at arm's length.


[10]            À mon avis, il ne peut faire de doute, en l'instance, que le béton et l'asphalte utilisés par la demanderesse dans l'exécution de ses contrats de services sont des marchandises affectées par la demanderesse à son propre usage, au sens du paragraphe 52(1) de la Loi.

[11]            À mon avis, la conclusion du Tribunal canadien, selon laquelle le béton et l'asphalte ont été vendus aux clients de la demanderesse, est erronée. Vu la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Will-Kare Paving & Contracting Limited c. Sa Majesté la Reine, C.S. 2000-07-20, AZ-50077650, J.E. 2000-1455, il ne peut y avoir de doute, à mon avis, que les contrats intervenus entre la demanderesse et ses clients ne sont nullement des contrats de vente de béton et d'asphalte. Au premier paragraphe de ses motifs, le juge Major, écrivant pour la majorité, explique comme suit le litige devant la Cour:


1.             Le présent pourvoi porte sur le droit de l'appelante de se prévaloir, pour les années d'imposition 1988, 1989 et 1990, de deux stimulants fiscaux aux titres de la fabrication et de la transformation, fondés sur le coût en capital d'une usine de fabrication d'asphalte qu'elle a construite en 1988. Le droit aux deux stimulants, à savoir la déduction pour amortissement accéléré et le crédit d'impôt à l'investissement, est fonction de ce que l'usine produisant l'asphalte fourni dans le cadre des services d'asphaltage soit utilisée principalement pour la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre.

[12]            Plus particulièrement, la Cour suprême avait à décider si l'usine construite par l'appelante Will-Kare pour fabriquer l'asphalte qu'elle utilisait dans l'exécution de ses contrats, constituait un bien utilisé principalement pour la fabrication et la transformation de marchandises à vendre. Dans son sommaire des faits, le juge Major énonce que Will-Kare revêtait d'asphalte des allées, des stationnements, ainsi que des voies publiques secondaires pour ses clients commerciaux et résidentiels. Le juge Major énonce aussi que 75% de la production d'asphalte était utilisé par Will-Kare pour son entreprise d'asphaltage, et environ 25% était vendu à des tiers. Au paragraphe 26 de ses motifs, le juge Major résume l'un des arguments de l'appelante Will-Kare comme suit:

26.          Dans le présent pourvoi, Will-Kare reconnaît que l'asphalte fourni dans le cadre des services d'asphaltage l'est en application d'un contrat de fourniture d'ouvrage et de matériaux. Néanmoins, elle demande à notre Cour de recourir à l'interprétation fondée sur le sens ordinaire qui est préconisée dans Halliburton et Nowsco et selon laquelle la fabrication de marchandises à vendre s'entend de la fabrication de toute marchandise devant être fournie à un client contre valeur, peu importe que des services d'asphaltage soient fournis concurremment. L'intimée fait valoir au contraire que, comme il est mentionné dans Crown Tire et Hawboldt Hydraulics, le mot vente employé dans le cadre des stimulants fiscaux pour la fabrication et la transformation s'entend nécessairement de la vente de marchandises au sens de la common law et de la loi.


[13]            Aux paragraphes 31 à 36, le juge Major répond comme suit à l'argument de Will-Kare:

31. Interpréter en l'espèce le mot vente selon son « sens ordinaire » supposerait que la Loi s'applique en vase clos sans tenir aucun compte de la qualification juridique des rapports commerciaux plus généraux qu'elle vise. Il ne s'agit pas d'un code du commerce qui s'ajoute à une loi fiscale. Notre Cour a tenu pour acquis, dans des arrêts antérieurs, qu'il faut s'en remettre aux règles plus générales du droit commercial pour attribuer un sens à des mots qui, indépendamment de la Loi, sont bien définis. Voir Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, 91998] 2 R.C.S. 298. Voir également P.W. Hogg, J.E. Magee et T. Cook, Principles of Canadian Income Tax Law (3e éd. 1999), p. 2, où les auteurs signalent:

[traduction] La Loi de l'impôt sur le revenu se fonde implicitement sur le droit commun et plus particulièrement sur le droit des contrats et le droit des biens ... Le fait qu'une personne soit un employé, un entrepreneur indépendant, un associé, un mandataire, le bénéficiaire d'une fiducie ou l'actionnaire d'une société par actions a généralement une incidence sur l'obligation fiscale et dépend de notions du droit commun, soit généralement du droit provincial.

32.             Il est également conforme au principe moderne de l'interprétation des lois en fonction de leur objet de s'en remettre au contexte plus large du droit commercial pour déterminer le sens à donner aux termes employés dans la Loi. Comme le dit E.A. Driedger dans Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87:

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Voir Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21. Pour l'interprétation des lois fiscales, notre Cour a appliqué la méthode moderne. Voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 5, le juge Bastarache, et par. 50, le juge Iacobucci; Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, p. 578.

33.             La nature technique de la Loi ne permet pas d'élargir le principe du sens ordinaire de manière à englober le sens courant. Le mot vente a un sens juridique bien établi et reconnu.

34.             Dans ses arguments, Will-Kare préconise essentiellement l'application du critère des réalités économiques pour déterminer ce qui constitue une vente pour l'octroi des stimulants fiscaux au titre de la fabrication et de la transformation. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, sauf indication contraire expresse dans la loi, je considère que, en ce qui concerne les stimulants fiscaux, le renvoi aux notions de vente et de louage introduit des distinctions établies par le droit privé. Les dispositions en cause sont claires et non équivoques, et le renvoi aux réalités économiques n'est pas justifié. Voir Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, par. 40.


35.       Il serait loisible au législateur de prévoir une définition plus étendue de la vente aux fins de l'application des stimulants fiscaux en adoptant un libellé clair en ce sens. Cependant, comme les dispositions en cause renvoient simplement à la vente, on ne peut conclure qu'il a voulu donner une autre portée que celle découlant de la common law et des lois relatives à la vente de marchandises.

36.              Pour les années d'imposition considérées, environ 75% de l'asphalte fabriqué à l'usine de Will-Kare était fourni dans le cadre des services d'asphaltage de Will-Kare. Ainsi, l'usine était utilisée principalement pour la fabrication ou la transformation de marchandises fournies en exécution de contrats de fourniture d'ouvrage et de matériaux, et non en exécution de contrats de vente. La propriété de l'asphalte est passée aux clients de Will-Kare comme accessoire fixe d'un bien réel.


[14]                  À mon avis, la décision de la Cour suprême dans Will-Kare appuie entièrement la prétention de la demanderesse à l'effet que l'asphalte et le béton utilisés dans l'exécution de ses contrats constituent, au sens du paragraphe 52(1) de la Loi, des marchandises affectées à son propre usage. La nature des contrats de Will-Kare me semble essentiellement de la même nature que ceux de la demanderesse en l'instance. La prétention de Will-Kare, contrairement à celle de la demanderesse, était à l'effet que l'asphalte fabriqué dans son usine l'était pour fins de vente à ses clients. Le juge Major a conclu que l'asphalte utilisé par Will-Kare, dans le cadre de son entreprise d'asphaltage, n'était pas fabriqué pour fins de vente, mais pour permettre à Will-Kare d'exécuter ses contrats de fourniture d'ouvrage et de matériel. Puisque je ne peux distinguer les faits de la présente cause de ceux dans Will-Kare, je ne peux que conclure, comme me le demande la demanderesse, que le béton et l'asphalte utilisés dans l'exécution de ses contrats, sont des marchandises affectées à son propre usage. Par conséquent, la réponse à la première question est oui. Je passe maintenant à la deuxième question.

[15]            La deuxième question énoncée par le protonotaire Morneau concerne le droit de la demanderesse d'utiliser la méthode de calcul prévue au Memorandum ET 207, et plus particulièrement celle prévue au paragraphe 3c) du Memorandum, pour déterminer le prix de vente au sens du paragraphe 52(1) de la Loi. Le paragraphe 3c) du Memorandum ET 207 se lit comme suit:

3. Lorsqu'on ne peut établir une valeur imposable en ayant recours aux méthodes énoncées au paragraphe 1 ou 2 du présent mémorandum, on doit alors la déterminer en conformité des formules suivantes qui ont été autorisées par le Ministre:

c)Machines et accessoires - l'ensemble

(i) du coût de toutes les matières utilisées,

(ii) du coût de la main-d'oeuvre directe,

(iii) de cent cinquante pour cent (150%) du coût de la main-d'oeuvre directe pour des frais généraux, sauf lorsqu'il est possible de démontrer que les frais généraux établis et étayés de registres des coûts appropriés sont réellement inférieurs; dans ce cas les frais généraux établis peuvent être utilisés, et

(iv) de quinze pour cent (15%) du total accumulé, pour l'administration et les bénéfices.


[16]            Dans Jack Cewe Ltd v. Canada (1999), 162 F.T.R. 4), le juge Wetston de cette Cour avait à examiner la portée du Mémorandum ET 207. Le litige concernait le calcul de la taxe fédérale de vente sur de l'asphalte utilisé entre novembre 1985 et décembre 1986. À cette époque, la disposition pertinente de la Loi était l'alinéa 28(1)d)[3] qui se lisait comme suit:

28. (1) Chaque fois que des marchandises sont fabriquées ou produites au Canada dans des conditions ou circonstances telles qu'il devient difficile d'en établir la valeur pour la taxe de consommation ou de vente parce que

d) ces marchandises sont à l'usage du fabricant ou du producteur et non à vendre;

le Ministre peut en fixer la valeur pour la taxe sous le régime de la présente loi et toutes ces opérations sont, pour les fins de la présente loi, considérées comme des ventes.

[17]            Le paragraphe introductif du Mémorandum ET 207 explique brièvement la raison d'être du mémorandum. Le paragraphe introductif se lit comme suit:

Si vous fabriquez ou produisez des marchandises imposables pour votre propre usage, vous devez acquitter la taxe de vente sur ces marchandises à moins qu'elles ne doivent être utilisées dans des circonstances les exemptant de la taxe ou que vous ne réunissiez les conditions voulues pour être considéré comme étant un petit fabricant. En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la Loi sur la taxe d'accise, le Ministre du Revenu national peut déterminer la valeur imposable de telles marchandises. Le présent mémorandum énonce les valeurs sur lesquelles la taxe de vente est payable à l'égard des marchandises imposables fabriquées pour le propre usage du fabricant à l'exception des imprimés faits pour le propre usage du producteur dont traite le Mémorandum ET 206, Imprimés faits pour le propre usage du producteur.

RENVOIS À LA LOI

L'article 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise dispose ce qui suit:

Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente sur le prix de vente de toutes marchandises produites ou fabriquées au Canada.


L'article 28(1)d) dispose ce qui suit:

Chaque fois que des marchandises sont fabriquées ou produites au Canada dans des conditions ou circonstances telles qu'il devient difficile d'en établir la valeur pour la taxe de consommation ou de vente parce que ces marchandises sont à l'usage du fabricant ou du producteur et non à vendre, le Ministre peut fixer la valeur de la taxe sous le régime de la présente loi et toutes ces opérations sont, pour les fins de la présente loi, considérées comme des ventes.

[18]            Il ne peut faire de doute, à la lecture de l'alinéa 28(1)d) ou de l'alinéa 52(1)d), lequel fut abrogé et remplacé par le paragraphe 52(1) actuel, que le Mémorandum ET 207 fût émis par le Ministre conformément au pouvoir que lui conférait l'alinéa 28(1)d) in fine. Aux pages 12 et 13 de ses motifs dans Jack Cewe, le juge Wetston écrivait ce qui suit:

[49] At the outset I am of the opinion that Memorandum ET 207 in the excise tax bulletin was issued by the Minister pursuant to his discretionary power under s. 28(1)(d) of the Act. However, the Communiqués are administrative policies and were not issued pursuant to a discretionary power and may only be considered as concessions made by the Minister to resolve inequities within the Act. I agree that ET 207 is based on the Minister's discretion to provide guidance to the industry as to the method to calculate the tax when sale price and s. 27 applies to determine the tax liability. If there is no sale then alternative accounting methods are provided in the Minister's discretion in ET 207. It is evident that tax liability is to be determined pursuant to the Act. The Minister does, however, have a duty in issuing policies pursuant to a statutory discretion, such as Memorandum ET 207, to act in a manner which is "within the four corners of his jurisdiction" and not in any way arbitrary nor capricious: Vanguart Coatings, supra.

[50] I agree with the defendant's submission that the plaintiff's tax liability is ultimately determined by the Act and thus cannot be contracted out of...

Dans la même veine, le juge Wetston écrivait, à la page 14, ce qui suit:


[56] ...Tax liability is clearly determined under the Act and thus it is not relevant to this taxpayer how other taxpayers may have been treated in similar situations. The Minister is not bound by representations made by authorized officials within the Department, even if these are made contrary to the statutory provisions: Granger, supra, p.86 [F.C.]. The statute prevails over any such representations. Moreover, an appeal from an assessment is just that. It is not the reasons or basis upon which the assessment was made that is under appeal.

[19]            Il va sans dire que la prétention de la demanderesse est à l'effet qu'elle est en droit d'utiliser la méthode de calcul qui est prévue au paragraphe 3c) du Memorandum ET 207. Me Fournier, procureur de la demanderesse, me demande de conclure qu'une entente est intervenue entre la demanderesse et la défenderesse, selon laquelle les montants payables par la demanderesse seraient déterminés en conformité avec le paragraphe 3c) du Memorandum ET 207. De plus, selon Me Fournier, les critères de l'estoppel sont rencontrés.


[20]            Au soutien de ses arguments, Me Fournier invoque les deux mémoires déposés par la défenderesse devant le Tribunal canadien, les motifs de la décision rendue par le Tribunal canadien ainsi que le témoignage de Marcel Bouthillier, agent des appels au ministère du Revenu national, devant cette Cour et devant le Tribunal canadien. Selon Me Fournier, la deuxième question énoncée par le protonotaire Morneau ne visait qu'à déterminer si les paiements effectués par sa cliente avaient été effectués par erreur. Au soutien de cette prétention, Me Fournier me réfère aux défenses déposées par la défenderesse en contestation des déclarations. Autrement dit, selon Me Fournier, si je donne gain de cause à sa cliente sur la première question, dans la mesure où il aura démontré que les paiements effectués par sa cliente l'ont été par erreur,[4] je devrais renvoyer le dossier à une référence pour que la valeur taxable soit déterminée conformément au paragraphe 3(c) du mémorandum ET 207.

[21]            Selon Me Vezina, procureur de la défenderesse, les mémoires déposés devant le Tribunal canadien ne donnent nullement ouverture à l'argument de Me Fournier selon lequel une entente serait intervenue concernant l'applicabilité du paragraphe 3c) du Mémorandum ET 207. De plus, selon Me Vezina, on ne peut retrouver aucun aveu ou admission dans ces mémoires et ces derniers ne peuvent nullement servir de fondement à l'estoppel. Quant à la décision du Tribunal canadien et le témoignage de M. Bouthillier, Me Vezina affirme qu'il n'y a eu aucune admission devant le Tribunal canadien, soit expresse ou explicite.


[22]            En premier lieu, je suis d'accord avec Me Vezina que la défenderesse n'a fait aucune admission ni aveu concernant le droit de la demanderesse d'utiliser la méthode de calcul prévue au Memorandum ET 207, pour les fins de l'article 52(1) de la Loi. J'ai examiné attentivement les mémoires déposés par la défenderesse devant le Tribunal canadien ainsi que les motifs du Tribunal canadien mais rien ne me permet de conclure que la défenderesse a admis ou concédé que la demanderesse pouvait calculer le prix de vente selon la méthode de calcul prévue au paragraphe 3c) du Mémorandum ET 207.

[23]            En second lieu, je suis satisfait que la doctrine de l'estoppel n'est point applicable en l'instance et que même si elle l'était, les critères relatifs à cette doctrine ne sont pas rencontrés.

[24]            Dans Dufresne Engineering Company Limited c. Le Sous-Ministre du Revenu du Québec [1984] R.D.F.Q. 164, le juge Dubé, au nom de la Cour d'appel de la province de Québec, faisait les remarques suivantes, à la page 168, au sujet de l'applicabilité de la doctrine de l'estoppel dans la province de Québec:

Je crois donc qu'il n'y a aucunement lieu pour les appelantes, dans le présent cas, d'invoquer l'estoppel; d'ailleurs, je ne crois pas que cette théorie de l'estoppel pourrait s'appliquer dans le droit de la province de Québec à l'encontre d'une loi clairement définie: il appartient aux tribunaux et non aux fonctionnaires du gouvernement de définir les articles de loi: le juge Mignault, dans la cause de Grace and G. c. Perras (3) (1921) 62 R.C.S. 166, 172, s'est prononcé clairement sur cette question et je crois que son opinion est encore valable:

I have no doubt whatever that Mr. Justice Greenshields will fully agree with me when I venture to observe that the doctrine of estoppel as it exists in England and the common law provinces of the Dominion is no part of the law of the Province of Quebec.

Évidemment, je considère ici la théorie de l'estoppel comme n'étant qu'une règle de preuve empêchant une personne ayant admis un état de fait de le nier par la suite: une telle théorie peut certainement avoir des effets quant à la décision à rendre sur les faits, mais je ne puis lui reconnaître le pouvoir de modifier la loi.


[25]            Récemment, dans Alameda Holdings Inc. c. Canada [1999] A.C.I. no.839, le juge Dussault de la Cour canadienne de l'impôt, face à des arguments concernant l'applicabilité de la doctrine de l'estoppel au Québec, faisait, aux pages 14, 15 et 16 de ses motifs, les remarques suivantes:

70. L'avocat de l'appelante a invoqué la doctrine de l'estoppel et celle des fins de non-recevoir. Selon lui, les caractéristiques et les conditions d'application de ces deux institutions sont semblables tout comme devraient l'être leurs effets. Selon moi, il s'agit d'une simplification abusive. J'estime que la doctrine de l'estoppel ne peut être invoquée dans la présente affaire et que c'est le Code civil du Québec qui s'applique. Dans l'affaire Soucisse (précitée), le juge Beetz de la Cour suprême du Canada distingue les deux concepts tout en reconnaissant qu'il y a souvent eu confusion entre les deux et l'utilisation des deux vocables. Il se réfère notamment à l'opinion du J. Mignault dans l'affaire Grace and Company (précitée) selon laquelle le concept d'estoppel tel qu'il est appliqué dans le système anglais est inconnu en droit civil. Toutefois, il y reconnaît expressément l'existence des fins de non-recevoir en droit civil et que l'un des fondements possibles d'une fin de non-recevoir puisse être le comportement fautif d'une partie par référence aux articles 1053 et suivants du Code civil du Bas Canada (actuels articles 1457 et suivants du Code civil du Québec).

72. Comme je l'ai dit, j'estime que la doctrine de l'estoppel n'est aucunement applicable dans la présente affaire. Toutefois, je me permettrai quant même quelques observations vu la position prise par l'avocat de l'appelante à cet égard.

73. Dans l'affaire Canadian Superior Oil v. Hambly, [1970] R.C.S. 932, le juge Martland de la Cour suprême du Canada résumait les éléments essentiels de l'"estoppel by representation" de la façon suivante aux pages 939 et 940:

The essential factors giving rise to an estoppel are I think:

(1) A representation or conduct amounting to a representation intended to induce a course of conduct on the part of the person to whom the representation is made.

(2) An act or omission resulting from the representation, whether actual or by conduct, by the person to whom the representation is made.

(3) Detriment to such a person as a consequence of the act or omission.

74. Comme on le voit, l'intention de provoquer une ligne de conduite constitue un élément essentiel de la doctrine de l'"estoppel by representation". À ce sujet, dans l'ouvrage de Bower et Turner: The Law Relating to Estoppel by Representation, 3rd ed., Butterworths, London, 1977, on insiste sur l'aspect essentiel de cet élément de la manière suivante à la page 93:


It is clear that for the purposes of estoppel, no less than for those of an action for misrepresentation, inducement in fact is established by proof that the representation was made both with the object, and with the result, of inducing the representee to alter his position. Neither element suffices without the other. To prove the representor's intention to produce the effect comes to nothing, unless the effect itself be proved; and it is equally idle to establish the result, unless it be also shown that the representor, actually or presumptively, intended to bring it about.

[26]     Au paragraphe 75 de ses motifs (page 16), le juge Dussault conclut, en partie, comme suit :

Or, dans la présente affaire non seulement cet élément intentionnel n'a jamais été prouvé, il n'a même jamais été allégué ...

[27]     En l'instance, puisque la demanderesse n'a ni allégué ni prouvé l'existence de l'élément intentionnel auquel fait référence le juge Dussault dans Alameda, je me dois de rejeter l'argument de Me Fournier à l'effet qu'il y a estoppel. Par conséquent, la réponse à la deuxième question est non.

[28]            Lors de l'argumentation du 30 novembre 2000, Me Fournier concluait ses représentations comme suit[5]:

Et, moi, je vous invite donc à faire droit à notre demande, et conclure qu'il s'agit d'un contexte de l'application de 52. Et, dans un premier temps, à conclure, par ailleurs, qu'une fois que 52 s'applique, la Couronne a mis la table et a accepté et reconnu l'engagement moral et juridique face à Lafarge au niveau de 207(3.c). Sinon, j'invite le Tribunal à conclure que 52 s'appliquant, il devra y avoir, dans le cadre de la référence, un processus d'expertise relié à la détermination du prix qui aurait dû être établi dans les circonstances.


[29]            Vu ma réponse négative à la deuxième question, il devra y avoir dans le cadre de la référence, comme le prévoyait Me Fournier, une preuve factuelle et par expert, si nécessaire, afin de déterminer le prix de vente de l'asphalte et du béton utilisés par la demanderesse dans l'exécution de ses contrats.

[30]            Il reste maintenant à décider la question concernant les frais. Me Fournier me demande d'accorder à ses clients les frais du procès. Quant à Me Vezina, il est d'avis qu'il serait préférable de retarder toute décision concernant les frais jusqu'à ce que la référence ait eu lieu. Après réflexion, je suis en accord avec Me Vezina qu'il serait préférable de décider la question des frais en même temps que la détermination du prix de vente lors de la référence. Par conséquent, je demeurerai saisi de ce dossier et pour la référence et pour la détermination des frais.

[31]            J'inviterais donc les procureurs à communiquer avec le soussigné dans les soixante (60) jours afin de discuter de la référence et d'un échéancier approprié afin que la référence ait lieu dans les délais les plus brefs.

      Marc Nadon     

juge          

Québec (Québec)

Le 16 mars 2001


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :T-1161-97, T-1162-97, T-1168-97

INTITULÉ :LAFARGE CANADA INC.

Demanderesse

ET

SA MAJESTÉ LA REINE

Défenderesse

LIEU DES AUDIENCES :Montréal (Québec)

DATES DES AUDIENCES :les 31 octobre 2000, 1er novembre 2000,

8 novembre 2000 et 30 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE NADON

EN DATE DU :16 mars 2001

COMPARUTIONS:

Me Serge FournierPOUR LA DEMANDERESSE

Me Louis Sébastien et

Me Patrick VézinaPOUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)POUR LA DÉFENDERESSE



[1]            Spécifiquement, les demandes de remboursement de la demanderesse ont été déposées sous l'alinéa 68.(1)(c) de la Loi, qui se lit comme suit:

68. (1) Il peut être accordé une déduction ou remise de toute taxe imposée par la présente Loi dans l'un ou l'autre des cas suivants:

(c) la taxe a été payée par erreur.

[2]            Ce paragraphe est entré en vigueur le 1er janvier 1988.

[3]      Loi sur la taxe d'accise (1970) S.R.C. ch. E-13. Avant l'entrée en vigueur du paragraphe 52 (1) de la présente Loi, le 1er janvier 1988, l'alinéa 28 (1)d) était devenu l'alinéa 52 (1)d) de la Loi sur la taxe d'accise (1985) L.R.C. ch. E-15.

[4]            Lors du procès, le défendeur n'a nullement contesté que les paiements avaient été effectués par erreur.

[5] Page 13 de la transcription.

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