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Date : 20051004

Dossier : IMM-1464-05

Référence : 2005 CF 1356

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

ELISEO MARQUEZ LASIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 8 février 2005 par une agente d'immigration, dans laquelle elle a pris une mesure d'exclusion contre Eliseo Marquez Lasin (le demandeur) en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) et de l'article 228 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).


LES FAITS PERTINENTS

[2]                 Le demandeur est arrivé au Canada des Philippines le 25 octobre 2000, à titre de visiteur, pour une période de six mois. Le 7 avril 2002, le demandeur a épousé Mme Priscila P. Pascual, qui est citoyenne canadienne.

[3]                 En 2003, et ultérieurement en juillet 2004, le demandeur a présenté de l'intérieur du Canada une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d'ordre humanitaire (la demande CH), et son épouse le parrainait.

[4]                 Malgré son mariage et ses demandes de résidence permanente, le demandeur n'avait pas encore obtenu la prorogation de son statut de visiteur, qui avait été accordé pour six mois à l'origine; par conséquent, en mars 2004, en vertu de l'article 44, un rapport a été établi dans lequel il a été conclu que le demandeur était interdit de territoire parce qu'il était resté au Canada au-delà de la période autorisée par son visa de visiteur, contrairement au paragraphe 29(2) de la Loi.

[5]                 La lettre du 11 mai 2004 donnait pour directive au demandeur de se présenter à une entrevue le 26 mai 2004 afin de confirmer les faits exposés dans le rapport établi en vertu de l'article 44. Le demandeur ne l'a pas fait.

[6]                 Une autre lettre, du 27 janvier 2005, a à nouveau donné pour directive au demandeur de se présenter à une entrevue, relativement au même rapport. Le demandeur s'est présenté à l'entrevue dirigée par l'agente d'immigration Moira McCulloch et il y était représenté par son avocat, M. Daniel Kwong.

[7]                 À la conclusion de l'entrevue, Mme McCulloch a confirmé que les renseignements figurant dans le rapport établi en vertu de l'article 44 étaient exacts et elle a donc pris une mesure d'exclusion en vertu de l'article 228 du Règlement.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]                 L'agente d'immigration a-t-elle porté atteinte au principe d'équité procédurale avant et pendant l'entrevue, au détriment du demandeur?

ANALYSE

[9]                 Le demandeur prétend qu'il n'a pas été suffisamment informé au préalable sur la nature et les conséquences de l'entrevue effectuée en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi, et que cela constitue une atteinte au principe d'équité procédurale de la part de l'agente d'immigration.

[10]            En réponse à cette accusation, le défendeur déclare que, à deux occasions, le 11 mai 2004 et le 27 janvier 2005, il a été envoyé au demandeur par courrier des trousses contenant un avis de convocation exposant la teneur et l'objet de l'entrevue relevant du paragraphe 44(2) de la Loi. En outre, comme cela a été déjà mentionné, le demandeur a été représenté par un avocat à l'entrevue. Je conclus donc que le demandeur a été dûment informé sur la nature et les conséquences de l'entrevue.

[11]            Le demandeur prétend aussi que le fait que l'agente d'immigration ne l'a pas informé de son droit à l'assistance d'un interprète qualifié au cours de l'entrevue constitue une atteinte à l'équité procédurale. Je conviens avec le défendeur que, en l'espèce, l'agente d'immigration n'était pas soumise à l'obligation catégorique d'informer le demandeur de ce droit, surtout si l'on tient compte du fait qu'elle a montré que celui-ci n'avait pas eu de problèmes de compréhension au cours de l'entrevue. À l'appui de sa position, le défendeur invoque les conclusions du juge Blanchard dans la décision Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2001 CFPI 582, [2001] A.C.F. no 870, au paragraphe 19 :

En ce qui concerne l'argument selon lequel l'agent d'immigration principal avait l'obligation d'aviser le demandeur de son droit à l'interprète et aux conséquences éventuelles de l'entrevue avant le début de cette dernière, j'ai conclu, après avoir réfléchi à la question, que les demandeurs ne peuvent tout simplement pas faire valoir ces arguments. Une analyse des notes prises par l'agent principal le 9 mai 2000 démontre que les demandeurs ont bien compris l'ensemble des événements et n'ont pas manifesté de signe d'incompréhension.

[12]            Dans son affidavit, l'agente d'immigration a clairement signalé que le demandeur comprenait les questions qui lui étaient posées et qu'il donnait des réponses cohérentes. En outre, le demandeur n'a pas demandé les services d'un interprète et, quelque temps auparavant, il avait demandé que les procédures d'immigration se déroulent en anglais, et il a été représenté par un avocat à l'entrevue et celui-ci n'a alors pas fait valoir qu'un interprète était nécessaire. La preuve montre que le demandeur a compris le déroulement de l'entrevue; le fait que l'agente d'immigration n'a pas mentionné le droit à l'assistance d'un interprète ne constitue donc pas une atteinte au principe d'équité procédurale.

[13]            Le demandeur prétend que l'agente d'immigration s'est imposé des restrictions à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en prenant une mesure d'exclusion au lieu de renvoyer la cause à la Section d'appel de l'immigration (la SAI) pour enquête. Cependant, je conclus que l'article 228 du Règlement n'autorisait pas l'agente à renvoyer la cause à la SAI pour enquête; en fait, elle était tenue de prendre une mesure d'exclusion.

44(2) S'il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l'affaire à la Section de l'immigration pour enquête, sauf s'il s'agit d'un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu'il n'a pas respecté l'obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d'un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

44(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

228(1) Pour l'application du paragraphe 44(2) de la Loi, mais sous réserve des paragraphes (3) et (4), dans le cas où elle ne comporte pas de motif d'interdiction de territoire autre que ceux prévus dans l'une des circonstances ci-après, l'affaire n'est pas déférée à la Section de l'immigration et la mesure de renvoi à prendre est celle indiquée en regard du motif en cause :

228(1) For the purposes of subsection 44(2) of the Act, and subject to subsections (3) and (4), if a report in respect of a foreign national does not include any grounds of inadmissibility other than those set out in the following circumstances, the report shall not be referred to the Immigration Division and any removal order made shall be

c) en cas d'interdiction de territoire de l'étranger au titre de l'article 41 de la Loi pour manquement à :

(c) if the foreign national is inadmissible under section 41 of the Act on grounds of

(iv) l'obligation prévue au paragraphe 29(2) de la Loi de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, l'exclusion

(iv) failing to leave Canada by the end of the period authorized for their stay as required by subsection 29(2) of the Act, an exclusion order

29(2) Le résident temporaire est assujetti aux conditions imposées par les règlements et doit se conformer à la présente loi et avoir quitté le pays à la fin de la période de séjour autorisée. Il ne peut y rentrer que si l'autorisation le prévoit.

29(2) A temporary resident must comply with any conditions imposed under the regulations and with any requirements under this Act, must leave Canada by the end of the period authorized for their stay and may re-enter Canada only if their authorization provides for re-entry.

[14]            Lorsque l'agent d'immigration conclut que le demandeur est interdit de territoire aux termes du paragraphe 29(2) de la Loi, il peut, en vertu de l'article 228 du Règlement, prendre une mesure d'exclusion et c'est ce qui s'est produit en l'espèce.

[15]            Enfin, le fait que l'agente d'immigration n'a pas donné au demandeur une possibilité raisonnable de produire, au cours de l'entrevue faite en vertu de l'article 44(2), des preuves lui permettant d'établir des facteurs atténuants, par exemple le fait qu'il était marié depuis deux ans à une citoyenne canadienne et que sa demande CH était toujours en cours de traitement, ne constitue pas une atteinte au principe d'équité procédurale.

[16]            Dans la décision Leong c. Canada (Solliciteur général) (2005) 256 F.T.R. 298, le juge von Finckenstein s'exprime en ces termes au paragraphe 19 :

[...] les décisions en vertu des paragraphes 44(1) et 44(2) constituent des décisions administratives courantes. Les questions liées à des considérations humanitaires ou à la sécurité du demandeur ont manifestement pour lui un caractère essentiel. Ces questions sont cependant hors de propos dans le cadre de procédures administratives courantes. On prévoit plutôt pour ces questions des mécanismes spécifiques dans la Loi, le premier à l'article 25, le deuxième à l'article 112.

[17]            Le juge von Finckenstein a clairement dit que le régime des demandes CH et celui des mesures d'exclusion sont distincts et ne se chevauchent pas. Les facteurs relatifs aux considérations d'ordre humanitaire sont étudiés dans le cadre d'une demande CH distincte en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, qui se lui comme suit :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger -- compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché -- ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

[18]            L'agente d'immigration n'était donc pas appelée à prendre en compte des facteurs relatifs aux considérations humanitaires afin de décider si elle devait prendre une mesure d'exclusion. À cet égard, l'agente d'immigration n'était saisie que d'une seule question : les renseignements relatifs à l'interdiction de territoire du demandeur étaient-ils exacts?

[19]            L'agente d'immigration devait simplement conclure, d'après les faits, que le demandeur n'avait pas le statut qui lui permettait de rester au Canada. La norme de contrôle applicable à ce genre de conclusion de fait, tirée au terme d'un processus administratif, est la décision manifestement déraisonnable. Je suis convaincu que l'agente d'immigration a respecté le processus prescrit par la Loi et qu'elle a pris une décision raisonnable.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.       La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.       Les avocats n'ont proposé aucune question à faire certifier.

« Pierre Blais »

         Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-1464-05

INTITULÉ :                                        ELISEO MARQUEZ LASIN

                                                            c.

                                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 28 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS:

Joseph Farkas                                                                       POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

Alison Engel                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                            

Joseph Farkas

Toronto (Ontario)                                                                    POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

                                                                              John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

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