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Date : 20050304

Dossier : IMM-3072-04

Référence : 2005 CF 321

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                   MOHAMED DILSHAD NIYAS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                             

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Niyas est un Tamoul musulman de Colombo, au Sri Lanka, âgé de 22 ans. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa race ou de son origine ethnique.


[2]                M. Niyas avait plusieurs amis tamouls à l'école. À trois occasions, soit en janvier 2000, en septembre 2000 et en juillet 2001, il a été détenu avec l'un ou plusieurs de ces amis. Il prétend qu'à chaque fois il a été battu, interrogé au sujet des TLET et libéré quelques jours plus tard. Il n'a pas été arrêté au cours des 18 mois qui ont précédé son départ du Sri Lanka.

[3]                En novembre 2002, après le cessez-le-feu (février 2002), le frère d'un ami tamoul, Sankar, a demandé à M. Niyas de trouver un endroit sûr pour les TLET. M. Niyas a refusé et a dit à Sankar qu'il le dénoncerait à la police. Sankar a alors menacé de le tuer s'il le faisait. Il est retourné à la maison pour voir M. Niyas à plusieurs reprises, parfois avec d'autres membres des TLET. Le frère de M. Niyas disait toujours que ce dernier n'était pas à la maison.

[4]                Après sa deuxième détention par la police, M. Niyas aurait commencé à chercher un moyen de quitter le Sri Lanka. Il a écrit dans son FRP que ce n'est qu'en janvier 2003 que sa famille a eu les moyens de payer un agent. C'est alors qu'il a quitté le Sri Lanka.

[5]                M. Niyas est arrivé à Vancouver. Il est ensuite allé à Toronto, où il a habité dans une mosquée pendant deux mois, avant de se rendre à Winnipeg. Il a demandé l'asile à la fin de mars 2003.

LA DÉCISION


[6]                La SPR avait de sérieux doutes au sujet de la crédibilité de M. Niyas en raison du temps qu'il a mis à quitter le Sri Lanka et à demander l'asile une fois au Canada. La conclusion déterminante de la Commission est cependant celle selon laquelle la demande de M. Niyas n'avait pas de fondement objectif. La Commission a conclu que M. Niyas n'avait pas le profil d'une personne qui serait en danger au Sri Lanka.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]                La Commission a-t-elle commis une erreur :

1.          dans ses conclusions concernant le temps que M. Niyas a mis à quitter le Sri Lanka et à demander l'asile;

2.          en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve ou en les interprétant mal?

LES PRÉTENTIONS ET L'ANALYSE

1.          Les délais

[8]                M. Niyas soutient qu'il a donné un explication raisonnable du temps qu'il a mis à quitter le Sri Lanka. Lui et sa famille cherchaient un agent qu'ils avaient les moyens de payer. Ce n'est qu'après avoir reçu les menaces des TLET qu'il en a trouvé un. Il soutient également qu'il ne savait pas, lorsqu'il est arrivé au Canada, qu'il pouvait demander l'asile. Il a présenté sa demande lorsqu'il l'a appris.


[9]                Le défendeur soutient que le temps que M. Niyas a mis à demander l'asile était un facteur pertinent. Rien dans la preuve ne permet de croire que la police s'est intéressée à M. Niyas pendant les 18 derniers mois qu'il a passé au Sri Lanka. À l'audience, M. Niyas a indiqué qu'il n'était pas parti plus rapidement parce qu'il n'avait pas suffisamment de renseignements sur les voyages à l'étranger (p. 620 du dossier du tribunal), et non parce qu'il n'avait pas les moyens de payer un passeur. Par ailleurs, il a attendu plus de deux mois après son arrivée au Canada pour demander l'asile.

[10]            La SPR pouvait mettre en question la crainte de M. Niyas et tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité à cause de ces délais : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CF 1146; Ilie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1758 (1re inst.); Sellathamby c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 839 (1re inst.).

[11]            Je ne considère pas que la Commission a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu'elle a tiré ses conclusions concernant le temps que M. Niyas a mis à quitter le Sri Lanka et à demander l'asile au Canada. Ces conclusions n'étaient pas manifestement déraisonnables, compte tenu de la preuve dont la Commission disposait.


2.          Les éléments de preuve non pris en considération ou mal interprétés

[12]            M. Niyas soutient que la Commission a eu tort de ne pas ajouter foi à la lettre écrite par son père, parce qu'elle ne croyait pas que des Tamouls étaient arrêtés et détenus après la conclusion de l'accord de cessez-le-feu. Il a produit de nouveaux documents démontrant que des Tamouls ont été arrêtés et détenus. La Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de cette preuve contradictoire.

[13]            La Commission a reconnu que les TLET constituaient un groupe terroriste qui a continué à commettre des actes terroristes même après le cessez-le-feu. M. Niyas soutient que le simple fait que les TLET ont conclu un accord de paix avec le gouvernement ne signifie pas qu'ils ne voudront plus s'en prendre à lui parce qu'il ne les a pas aidés.

[14]            M. Niyas soutient que la Commission aurait dû reconnaître qu'aucun de ses frères n'avait d'amis tamouls, de sorte que sa situation était différente de la leur.

[15]            Il prétend en outre que, bien qu'il ne soit pas un homme d'affaires musulman, il est un Tamoul musulman et que le fait que les TLET kidnappent des musulmans laisse croire qu'il risque d'être enlevé et persécuté.

[16]            Le défendeur soutient de son côté que la Commission est présumée avoir tenu compte de tous les documents produits en preuve. La Commission n'a pas l'obligation de mentionner chaque élément de preuve. Le demandeur se plaint en fait de l'appréciation de la preuve : Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.); Woolaston c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1973] R.C.S. 102; Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 152 N.R. 157 (C.A.F.).

[17]            Même si la preuve documentaire indiquait que les TLET ont continué à commettre des actes terroristes après le cessez-le-feu, la situation s'était grandement améliorée et la Commission pouvait conclure qu'il était peu probable que le demandeur constitue une cible. Le demandeur venait de Columbo et ses frères n'étaient pas pris pour cibles. Il n'avait pas le profil d'une personne qui serait enlevée par les TLET. La Commission pouvait tirer la conclusion à laquelle elle est arrivée.

[18]            À mon avis, la Commission n'a pas tiré une conclusion manifestement déraisonnable. Il est vrai qu'elle aurait eu mieux fait de traiter directement de l'article de journal produit par le demandeur, mais je ne crois pas que cet élément de preuve contredit sans équivoque ses conclusions. La dernière phrase de l'article mentionne que [traduction] « [l]e quartier général de la police a fait savoir que les policiers arrêtent et interrogent uniquement les suspects » .

[19]            Cela ne veut pas dire que les arrestations et les détentions étaient arbitraires. La simple arrestation et la simple détention d'un suspect ne sont pas arbitraires et ne ressemblent en rien à de la persécution si elles sont justifiées par un motif juridique valable. La Commission a constaté qu' « aucune arrestation ou détention arbitraire n'a été signalée en 2002 » . Il s'agit d'une conclusion raisonnable.

[20]            Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement tirer les conclusions auxquelles elle est arrivée concernant le risque que M. Niyas soit persécuté par les TLET. La Commission n'était pas obligée de reconnaître que les hommes d'affaires musulmans étaient susceptibles d'être enlevés parce qu'ils sont musulmans et non parce qu'ils sont des hommes d'affaires. Cette conclusion n'est pas la seule conclusion logique pouvant être tirée.

[21]            Contrairement à ce que prétend le demandeur, la Commission n'a pas fondé sa décision sur le manque de crédibilité ou sur l'absence de crainte subjective. Elle s'est plutôt appuyée sur l'absence de raison objective de conclure que le demandeur risquait d'être persécuté s'il était renvoyé au Sri Lanka. Compte tenu de ce qui précède, la demande sera rejetée. Aucune question ne sera certifiée.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

          « Richard G. Mosley »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-3072-04

INTITULÉ :                                                            MOHAMED DILSHAD NIYAS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 15 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                           LE 4 MARS 2005

COMPARUTIONS :

Gary Stern                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Aliyah Rahaman                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gary Stern                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

John H. Sims, c.r.                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)


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