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Date : 20021212

Dossier : T-184-99

Référence neutre : 2002 CFPI 1294

ENTRE :

                                               CANADIAN BUSINESS SCHOOL INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                          SUNRISE ACADEMY INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                 Les deux parties sont des collèges dont la propriété et l'exploitation sont détenues par des intérêts canadiens et qui fournissent des services au Canada. Chacune offre des cours commerciaux, mais elles offrent également d'autres types de cours. Elles exploitent toutes les deux leur entreprise sous le nom « Canadian Business College » . Il s'agit de savoir si la demanderesse, Canadian Business School Inc., avait acquis la réputation et l'achalandage associés au nom « Canadian Business College » de sorte que la défenderesse, Sunrise Academy Inc. (Sunrise), au moment de son utilisation du nom « Canadian Business College » , ait appelé l'attention du public sur ses services et son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion entre ses services et son entreprise, et ceux de la demanderesse.

[2]                 La présente affaire concerne une concurrence déloyale et est formulée comme une action en concurrence déloyale prévue par la loi en vertu de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, dans sa version modifiée (la Loi). L'alinéa 7b) est ainsi rédigé :


7. Nul ne peut_:

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

7. No person shall

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;


[3]                 Les faits, sur lesquels les parties se sont entendues, sont établis dans l'exposé conjoint des faits joint aux présents motifs en tant qu'annexe A. Ils sont résumés en l'espèce par souci de commodité.


[4]                 Mazher Jaffery représente l'unique actionnaire et administrateur de la demanderesse Canadian Business School depuis sa constitution en 1992. Canadian Business School offre de façon continue depuis 1992 des programmes d'études dans les domaines des affaires, de l'informatique, de la technologie informatique et de la technologie du multimédia interactif. Certains des cours offerts par la Canadian Business School sont placés sous les auspices et la surveillance de l'autorité ministérielle provinciale régissant les écoles de formation professionnelle (l'autorité ministérielle). En conséquence de la politique de l'autorité ministérielle, la demanderesse n'a pas été autorisée à utiliser le nom « college » (collège) à l'égard de certains cours offerts qui étaient assujettis à l'autorité ministérielle. En 1998, la politique a été modifiée en ce qui concerne l'utilisation du mot « college » (collège). Plus particulièrement, l'autorité ministérielle a permis aux écoles de formation professionnelle de l'Ontario d'utiliser le mot « college » (collège) dans leur nom ou comme mot pour se décrire. La modification de 1998 a été maintenue et s'applique actuellement.


[5]                 En juin 1998, la demanderesse, à des fins de publicité, a publié et distribué une brochure portant sur sa participation à COMDEX, la plus importante exposition liée à l'informatique du Canada, qui s'est déroulée en juillet 1998. La brochure comportait le nom « Canadian Business College » . La demanderesse utilisait le nom « Canadian Business College » dans les bulletins d'information destinés aux étudiants depuis au moins juillet 1998. Elle utilisait depuis juillet 1998 du papier à en-tête sur lequel apparaissait « Canadian Business College » . Des cartes d'affaires où figurait le nom « Canadian Business College » ont été utilisées pour la première fois par M. Jaffery en juillet 1998. La demanderesse a octroyé ses certificats sous le nom de « Canadian Business College » en juillet 1998 et, en août, elle a commencé à utiliser des formulaires d'inscription comportant le nom « Canadian Business College » en haut de la page. En septembre 1998, la demanderesse a commencé à accorder des diplômes du « Canadian Business College » . Le 18 septembre 1998, la demanderesse a enregistré le nom « Canadian Business College » auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario. L'enregistrement de la demanderesse faisait suite à celui du nom « Canadian Business College » par la défenderesse.

[6]                 Au moyen d'une lettre datée du 17 septembre 1998, la demanderesse a informé le ministère de la Formation des Collèges et des Universités de l'Ontario qu'elle souhaitait utiliser, à compter de cette date, le mot « college » (collège), au lieu du mot « school » (école), dans son nom. La demanderesse a également indiqué que son nom actuel était « Canadian Business School Inc. » et que le nom envisagé était « Canadian Business College (A Division of Canadian Business School Inc.) » . L'objectif déclaré du changement de nom était le suivant :

[TRADUCTION]

Indiquer aux clients qu'ils fréquentent un collège professionnel. En outre, placer le mot « college » (collège) sur les diplômes pour que les étudiants qui se cherchent un emploi puissent faire valoir qu'ils ont fréquenté un collège et qu'ils détiennent un diplôme collégial. Ajouter ainsi du mérite aux diplômes et faciliter la tâche des étudiants qui se cherchent un emploi.

[7]                 Au moyen d'une lettre datée du 18 septembre 1998, le ministère de la Formation des Collèges et des Universités de l'Ontario a informé la demanderesse qu'il ne s'opposait pas à l'utilisation du mot « college » (collège) dans le nom proposé « Canadian Business College » et a approuvé de façon conditionnelle l'utilisation du nom.

[8]                 La demanderesse est un « collège professionnel » et offre des cours commerciaux. Il s'agit d'une école de formation professionnelle et, de 1992 à 1998, elle a offert certains cours qui étaient régis par l'autorité ministérielle. De 1992 à 1998, le nombre de cours offerts par la demanderesse qui étaient régis par l'autorité ministérielle a augmenté par rapport au nombre de cours qui n'étaient pas régis par cette dernière.

[9]                 Parviz Amini est le président et propriétaire de Sunrise depuis sa création en 1996. Sous le nom de Sunrise, la défenderesse exploite une agence de placement autorisée, qui a ouvert ses portes en 1996, et une école de formation professionnelle, qui a ouvert ses portes en 1997. La défenderesse est un « collège professionnel » et offre des cours commerciaux. Dans son école privée de formation professionnelle, la défenderesse a offert différents programmes se rapportant à la santé ainsi qu'à la technologie de l'information.


[10]            Lorsqu'elle a commencé à exploiter une école en 1997, Sunrise offrait principalement des cours en matière de santé. Plus tard au cours de cette année, elle a ajouté des cours sur la technologie de l'information. Elle a offert des certificats pour des cours informatiques comme « Windows » , « Office Package » , la saisie au clavier et des cours du genre. Les cours étaient offerts dans les domaines de l'administration de bureau ainsi que dans ceux de la comptabilité informatisée, de l'application de gestion et de la programmation. Le programme menant à un diplôme en administration de bureau a été offert pour la première fois en 1998 et les trois autres cours ont également été offerts en 1998, à la suite de l'enregistrement, auprès de l'autorité ministérielle, du nom commercial « Canadian Business College » sous Sunrise Academy Inc. le 14 septembre 1998. Le ministère de la Formation des Collèges et des Universités a envoyé une lettre datée du 19 août 1998 à la défenderesse indiquant la même chose qu'il avait indiquée à la demanderesse le 18 septembre 1998. Dans la mesure où la demanderesse affirme que la lettre du 18 septembre lui accorde la permission d'utiliser le mot « college » (collège) ou approuve cette utilisation, la lettre du 19 août a accordé la même permission à la défenderesse d'utiliser le mot « college » (collège) ou a approuvé cette utilisation.

[11]            La défenderesse a fait modifier son cautionnement d'assurance (avenant no 2) au 18 septembre 1998 pour être appelée assurée « Sunrise Academy Inc. s/n Canadian Business College » . La seule utilisation de la marque de commerce CANADIAN BUSINESS COLLEGE effectuée avant l'enregistrement du 28 octobre 1998 consistait en une publicité parue dans le journal Filipiniana en septembre 1998 et en une publicité parue dans le journal Toronto Sun le 20 octobre 1998. Cette dernière est parue sur la même page qu'une publicité de la demanderesse. En octobre 1999 encore, le site Web de la défenderesse à www.cbcollege.com présentait une publicité qui précisait que [TRADUCTION] « Sunrise Academy fusionne avec le Canadian Business College » .


[12]            La défenderesse et la demanderesse offrent de nombreux cours identiques, tous sous la même marque de commerce CANADIAN BUSINESS COLLEGE. La défenderesse craint qu'il y ait confusion entre l'utilisation par elle-même et par la demanderesse de CANADIAN BUSINESS COLLEGE et reconnaît que le fait que deux écoles de formation professionnelle exploitent leur entreprise sous le même nom dans la même région géographique et offrent les mêmes cours peut causer de la confusion chez les étudiants. Le nombre d'inscriptions de la demanderesse entre le 1er juillet et le 30 juin s'établissait ainsi : 1995-1996, 443 étudiants; 1996-1997, 522 étudiants; 1997-1998, 533 étudiants; et 1998-1999, 399 étudiants.


[13]            La demanderesse a appelé trois témoins au procès : Mazher Jaffery, Muna Mohammed et Robert Mannisto. Le témoignage de M. Jaffery concernait les événements passés et il a raconté ses activités depuis son arrivée au Canada, en 1982. Il a parlé de la croissance de la Canadian Business School depuis sa création en 1992 jusqu'à sa situation actuelle. M. Jaffery a témoigné au sujet du vaste choix de cours offerts par la demanderesse et de ses partenariats de formation avec Oracle et Microsoft qu'il a conclus en 1995. En ce qui concerne l'utilisation du nom « Canadian Business College » , le témoignage de M. Jaffery indiquait que la demanderesse utilisait le nom « Canadian Business College » depuis 1992. En 1996, la demanderesse a fait mention de « Canadian Business College » dans son site Web, ses employés ont commencé à répondre « Canadian Business College » au téléphone, et en 1996 ou en 1997, cette expression apparaissait sur les téléphones à afficher. Le nom « Canadian Business College » était mentionné dans des brochures et des bulletins que la demanderesse envoyait à des sociétés et à des particuliers. M. Jaffery a indiqué, dans son témoignage, qu'en juin 1998, la demanderesse était en voie de réaliser une transition finale vers un nom, « Canadian Business College » , au motif que cela était [TRADUCTION] « plus facile pour nous et pour tout le monde » et que la transition s'était conclue au début de l'été 1998. Un certain nombre de documents ont été déposés pour appuyer le témoignage de M. Jaffery selon lequel la demanderesse avait utilisé le nom « Canadian Business College » avant septembre 1998.

[14]            M. Jaffery a également parlé de la confusion qui existe à l'égard de l'utilisation du même nom par la demanderesse et la défenderesse. Il a relaté certains incidents, qui constituaient en grande partie de la preuve par ouï-dire provenant de ses employés, se rapportant à un étudiant qui avait confondu les écoles, à des employés de Développement des ressources humaine Canada (DRHC) incapables de distinguer les deux écoles, à des documents gouvernementaux confidentiels télécopiés à la mauvaise école et à des employés d'un journal confondant les écoles relativement à de la publicité. Essentiellement, le témoignage de M. Jaffery se rapportant à la confusion indiquait que [TRADUCTION] « tout le monde est confus » . Il a parlé de façon défavorable des installations de cette dernière et du fait que l'école de la défenderesse était située en face des installations de DRHC.


[15]            Muna Mohammed est employée par la demanderesse depuis 1999, au départ comme réceptionniste-administratrice et, au cours de la dernière année, comme gestionnaire de bureau. Elle doit, entre autres, répondre au téléphone, s'occuper des inscriptions des étudiants, entrer des données, déposer des documents et tenir compte d'exigences administratives générales dans le cadre de son travail quotidien avec les étudiants. Depuis qu'elle assume le poste de gestionnaire de bureau, ses tâches n'ont pas changé, mais elle assume plus de responsabilités en coordonnant et en prévoyant les activités liées aux étudiants et en conseillant ces derniers. Le témoignage de Mme Mohammed portait sur la confusion qui découle de l'utilisation, par la demanderesse et la défenderesse, du même nom. Elle a mentionné en particulier la confusion pour les étudiants, le grand public, DRHC et celle relative au Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario (RAFEO). Elle a parlé d'un séminaire de formation parrainé par le RAFEO auquel elle a assisté le 24 août 2001. À son arrivée, on l'a informée que ses collègues étaient déjà arrivés. Sans le savoir, la personne faisait référence à des représentants de la défenderesse. Mme Mohammed a déclaré que tout le monde présent était mal à l'aise et confus. Mme Mohammed a également indiqué, dans son témoignage, que, pour obtenir un financement de DRHC, les étudiants devaient examiner trois écoles différentes, remplir des formulaires, comparer les écoles et en choisir une. Lorsque la sélection est faite, l'école choisie fait parvenir une lettre d'acceptation concernant l'étudiant, et le financement est reçu environ six semaines plus tard. Lorsqu'un étudiant choisit la demanderesse, DRHC appelle l'école et l'informe que l'étudiant a été accepté et qu'un contrat suivra. Des difficultés s'ensuivent lorsque de nouveaux employés de DRHC, qui ne sont pas au courant des différences entre l'école de la demanderesse et celle de la défenderesse, communiquent avec la mauvaise école. Mme Mohammed a déclaré que de telles erreurs se produisent environ une fois par mois.


[16]            Mme Mohammed a également relaté des exemples de confusion se déroulant lors d'appels téléphoniques effectués par des étudiants qui demandaient des renseignements au sujet des cours au campus St. Clair (l'école de la défenderesse) et lorsque des gens demandaient M. Amini, l'épouse de ce dernier ou un employé de la défenderesse. De plus, le site Web du RAFEO ne fait pas de distinction entre l'école de la demanderesse et celle de la défenderesse. Les étudiants demandant une aide financière choisissent l'école de la demanderesse puis voient l'école St. Clair sur le site Web du RAFEO et croient qu'il s'agit du campus de la demanderesse.

[17]            On a présenté Robert Mannisto comme un expert de l'analyse comparative des coûts en tant que méthode de calcul des profits. Son témoignage par affidavit a été déposé sans objection et sa présence au procès visait à expliquer le contenu de son affidavit. En un mot, selon M. Mannisto, il n'a pas obtenu suffisamment de documents financiers de la part de la défenderesse pour tirer une conclusion quant aux dépenses qui pourraient à juste titre être déduites des recettes selon le calcul des profits de la défenderesse si l'on utilise la méthode de l'analyse comparative des coûts.


[18]            Le seul témoin de la défenderesse était Parviz Amini, le président et propriétaire de la défenderesse. Comme pour le témoignage de M. Jaffery, celui de M. Amini concernait les événements passés et ce dernier a raconté ses activités à compter de son arrivée au Canada en 1990 et la création de Sunrise en 1996, d'abord comme agence de placement, et, en 1997, comme école de formation professionnelle. M. Amini a indiqué, dans son témoignage, que le nom « Sunrise Academy Inc. » ne décrivait pas vraiment la nature de l'école et, par conséquent, en mai ou en juin 1998, il a commencé à chercher un nom plus approprié. Il a cherché dans les pages blanches, les pages jaunes, les journaux, Employment News, la section des affaires et les annuaires de la région de Toronto que des entreprises du même genre utilisaient pour leur publicité. Il songeait à un certain nombre de noms, mais souhaitait choisir un nom qui n'était enregistré nulle part. Il a indiqué, dans son témoignage, qu'il avait choisi « Canadian Business College » parce qu'il croyait que ce nom décrivait la nature de l'entreprise puisque tout le monde réaliserait qu'il s'agissait d'un collège offrant une formation. Il décrivait l'entreprise parce que cette dernière offrait des cours qui menaient au marché du travail parce qu'elle créait des emplois pour les étudiants. Enfin, comme il (M. Amini) est Canadien et que tous les étudiants se trouvent au Canada, le nom « Canadian » était approprié. M. Amini a déclaré qu'après la recherche, il s'était renseigné auprès du ministère de la Formation des Collèges et des Universités pour s'assurer des exigences liées à l'utilisation du nom. À la suite de ses recherches, il a enregistré un nom commercial auprès du ministère de la Consommation et du Commerce et il a obtenu un avenant au cautionnement d'assurance de la défenderesse.


[19]            M. Amini a indiqué, dans son témoignage, qu'il connaissait la demanderesse Canadian Business School, mais qu'il ne savait pas qu'elle utilisait le nom « Canadian Business College » jusqu'à ce qu'il reçoive un appel téléphonique et une mise en demeure relativement à l'utilisation par la défenderesse du nom « Canadian Business College » . Après avoir reçu l'approbation du ministère de la Formation des Collèges et des Universités, la défenderesse a demandé à l'autorité ministérielle le droit de s'inscrire. L'inscription a été accordée le 28 octobre 1998. Pendant ce temps, la défenderesse faisait de la publicité sur l'école en l'appelant « Canadian Business College » dans le journal Filipiniana, en septembre, et dans le Toronto Sun, le 20 octobre. M. Amini a déposé des documents afin d'établir que son école était la seule école inscrite auprès de l'autorité ministérielle à utiliser le nom « Canadian Business College » à partir du 2 mars 1999. Il a, en outre, déposé différents documents attestant la distinction entre le logo de son école et celui de l'école de la demanderesse.

[20]            La loi portant sur une action en concurrence déloyale peut se résumer en quelques mots. L'alinéa 7b) de la Loi est une codification législative de l'action de common law en concurrence déloyale : MacDonald c. Vapour Canada Ltd. (1976), 22 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.) (MacDonald).

[21]            La doctrine de la concurrence déloyale a été reconnue comme une cause d'action distincte au XIXe siècle. Le fondement de la doctrine repose sur le fait qu'une personne ne saurait vendre ses produits en les faisant passer pour ceux d'une autre personne. Elle ne peut par conséquent être autorisée à utiliser les noms, marques, lettres ou autres attestations qui amèneraient les acheteurs à croire que les produits qu'elle vend sont fabriqués par une autre personne : Perry c. Truefitt (1842), 49 E.R. 749. L'action consistait à laisser croire que les biens ou les services d'une personne étaient en réalité ceux d'une autre, ou que quelqu'un d'autre les offrait ou y était associé. Il s'agit du fait de « parasiter » au moyen d'une déclaration tendant à induire en erreur : Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. (1987), 14 C.P.R. (3d) 314 (C.A.F.).


[22]            Les droits relatifs aux marques de commerce ne sont acquis que par l'adoption et l'utilisation, non seulement en common law, mais également en vertu des trois lois canadiennes successives portant sur les marques de commerce : Fox, Harold G., The Canadian Law of Trade Marks and Unfair Competition, 4e éd., feuilles mobiles, Toronto, Carswell, 2002, à page 3-3. Les trois éléments nécessaires à une action en concurrence déloyale (passing-off) sont l'existence d'un achalandage, la tromperie (déception) du public due à la déclaration (représentation) trompeuse et des dommages réels ou possibles pour le demandeur : Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 289 (C.S.C.) (Ciba-Geigy).

[23]            La concurrence déloyale survient lorsqu'un concurrent, par une déclaration trompeuse, porte atteinte à la réputation ou à l'achalandage de l'entreprise d'une société en créant une illusion de similitude ou de similarité à l'égard de ses marchandises, ce qui provoquerait de la confusion chez les consommateurs : Molson Canada c. Oland Breweries Ltd. (2002), 11 C.P.R. (4th) 199 (C.S. Ont.). Le terme « achalandage » signifie [TRADUCTION] « la considération favorable et constante des consommateurs à l'égard d'une entreprise établie et bien menée [...] » . Cela signifie tout avantage positif qui a été acquis par un propriétaire dans le cadre de l'exploitation de son entreprise, qu'il soit lié aux lieux où l'entreprise est exploitée, au nom sous lequel elle est exploitée ou à toute autre question se rapportant à l'avantage de l'entreprise : 599960 Ontario Inc. c. Taylor Steel Inc. (2000), 4 C.P.R. (4th) 135 (C.S. Ont.) citant le Black's Law Dictionary, 5e éd. La règle de droit concernant l'achalandage vise non seulement à protéger les intérêts des commerçants, mais également à assurer la protection du public : Enterprise Rent-A-Car Co. c. Singer (1996), 66 C.P.R. (3d) 453 (C.F. 1re inst.) conf. par (1998) 79 C.P.R. (3d) 45 (C.A.F.).


[24]            Le nom ou la marque d'un demandeur doit avoir un caractère distinctif relativement à l'entreprise de ce dernier puisque le caractère distinctif constitue l'essence même d'une marque de commerce en common law et en vertu du droit. Sans le caractère distinctif, il n'y a pas de droit à protéger : Oxford Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd. (1982), 64 C.P.R. (2d) 1 (C.S.C.). Dans les cas où les éléments d'une marque de commerce ou d'un nom commercial peuvent avoir le sens ordinaire conféré par le dictionnaire, et s'il ne s'agit pas de mots forgés ou inventés, il revient au demandeur de démontrer qu'il a créé une réputation et un achalandage particuliers pour lui-même qui sont liés à la marque de commerce, de sorte que la marque possède maintenant une nouvelle signification : Canadian Board for Certification of Prosthetists and Orthotists c. Canadian Pharmaceutical Association (1985), 5 C.P.R. (3d) 236 (H.C. Ont.).

[25]            L'action ne doit pas reposer essentiellement sur le simple fait que les marchandises ou les symboles du demandeur sont copiés; elle repose sur la représentation faite par l'imitateur que ses marchandises sont celles du demandeur : Gunnard Co. c. Regal Home Products Inc. (1986), 13 C.P.R. (3d) 335 (H.C. Ont.). Le défendeur n'a pas à avoir l'intention de faire une représentation trompeuse : Ciba-Geigy. Il s'agit essentiellement d'une cause d'action découlant d'une confusion : Serville c. Constance (1954), 71 R.P.C. 146 (Ch.D.). Le marché pertinent pour ce qui est des questions concernant les actions en concurrence déloyale comprend toutes les personnes qui sont touchées par la concurrence déloyale : Ciba-Geigy.


[26]            La doctrine n'est pas conçue de façon à empêcher la négligence, l'ignorance ou l'information inexacte de la part des consommateurs : Stiga Aktiebolag c. S.L.M. Canada Inc. (1990), 34 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.); Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada's Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.). La cause d'action n'accorde pas au demandeur le droit d'imposer ou de créer des limites déraisonnables au commerce, et les tribunaux doivent se montrer vigilants lorsqu'ils offrent une protection contre des possibilités perdues découlant d'une limite injuste et excessivement restrictive du commerce. Il s'agit souvent de recourir au sens commun et de faire preuve de jugement lors de la formulation de conclusions de fait portant sur l'existence d'éléments liés à l'achalandage, à la déclaration trompeuse et à la confusion : Walt Disney Productions c. Fantasyland Hotel Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 129 (B.R. Alb.) conf. par (1996), 67 C.P.R. (3d) 444 (C.A. Alb.).

[27]            Le point essentiel de cette question, comme on l'a énoncé au début des présents motifs, revient à se demander si la demanderesse avait acquis la réputation et l'achalandage liés au nom « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » de telle sorte que la défenderesse, au moment où elle utilisait le même nom, a appelé l'attention du public sur ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion entre ses services et son entreprise et ceux de la demanderesse.

[28]            La défenderesse soutient qu'elle a commencé à utiliser le nom « Canadian Business College » sans savoir que la demanderesse l'utilisait et que l'utilisation par la demanderesse avant celle par la défenderesse ne suffisait pas à créer un droit exclusif d'utilisation pour la demanderesse.


[29]            Les parties ont reconnu que le marché cible, pour les besoins de la présente action, est composé d'étudiants intéressés à suivre des cours de formation professionnelle dans la région du Grand Toronto ou à s'y inscrire. La demanderesse reconnaît que certains éléments de la marque de commerce ou du nom commercial « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » sont quelque peu descriptifs, ou du moins suggestifs, mais elle n'admet pas que, dans son ensemble, la marque de commerce décrit clairement les services offerts. La défenderesse, de son côté, a pris beaucoup de temps à exposer en détail les inscriptions de l'annuaire de collèges professionnels du Canada, en particulier le nombre d'entreprises qui utilisaient les mots « business college » ainsi que le nombre d'entreprises qui utilisaient le mot « Canadian » . Chose intéressante, il semble que seuls deux établissements utilisent la même expression « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » et il s'agit de la demanderesse et de la défenderesse. Bien qu'elle ne reconnaisse pas que l'expression dans son ensemble soit descriptive, la demanderesse soutient néanmoins que les mots « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » signifient plus qu'une simple école située au Canada offrant des cours qui peuvent être utilisés dans le domaine des affaires ou qui peuvent servir à créer une entreprise. En l'espèce, les mots signifient les services d'enseignement offerts par la demanderesse. En bref, cette dernière prétend que la marque de commerce n'est pas générale. Au contraire, elle possède une signification secondaire qui est devenue primordiale à compter de la date de la concurrence déloyale présumée et qui en est venue à désigner exclusivement la demanderesse.

[30]            La date pertinente est également en litige. La demanderesse soutient que la preuve démontre que la défenderesse a commencé à utiliser la marque de commerce et le nom commercial « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » en octobre 1998, alors que la défenderesse soutient qu'elle a été la première à appeler l'attention du public sur ses services et son entreprise par la publicité qu'elle a publiée dans le journal Filipiniana qui a été diffusé en septembre 1998. La demanderesse, fait remarquer la défenderesse, s'est plainte de cette annonce.

[31]            Le libellé de l'alinéa 7b) de la Loi fait référence à l'appel de l'attention sur les services. Je conclus que la défenderesse a été la première à appeler l'attention sur ses services lorsqu'elle a publié une publicité dans le journal Filipiniana en septembre 1998. Je suis renforcée dans ma conclusion par les dispositions du paragraphe 4(2) qui prévoient qu'une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.


[32]            M. Jaffery et M. Amini, en témoignant, se sont efforcés de présenter leur témoignage sous le meilleur jour possible pour leur entreprise respective. Les deux hommes étaient enclins à l'exagération, quoique M. Amini l'ait été moins que M. Jaffery. M. Amini a indiqué, dans son témoignage au procès, qu'il avait été le premier à chercher un nouveau nom en mai ou en juin 1998. Au cours de l'interrogatoire préalable il avait cependant déclaré que c'était en juin ou en juillet 1998. Comme je ne dispose d'aucun moyen d'établir avec certitude à quel moment M. Amini a commencé ses recherches, je supposerai que ses souvenirs étaient davantage clairs au moment de l'interrogatoire préalable et, pour ce motif, je conclus que c'était à la fin de juin ou au début de juillet 1998. J'accepte le témoignage de M. Amini selon lequel même s'il connaissait l'appelante, il la connaissait comme la « Canadian Business School » et non comme le « Canadian Business College » et je conclus qu'il a adopté le nom « Canadian Business College » sans savoir que la demanderesse l'utilisait. Ses gestes concernant les approbations et les inscriptions ministérielles provinciales, appuyés par les documents appropriés, vont dans le même sens que ce témoignage.


[33]            Selon le témoignage de M. Jaffery, la demanderesse avait utilisé « Canadian Business College » conjointement avec « Canadian Business School » depuis 1992 et en 1996, son école, le « Canadian Business College » , devenait connue dans toute la région du Grand Toronto pour les étudiants intéressés à suivre des cours d'enseignement spécialisés. Il a indiqué dans son témoignage que les fournisseurs et les personnes morales associées désignaient régulièrement la demanderesse par le nom « Canadian Business College » , qu'en 1996, l'utilisation de « Canadian Business College » est devenue plus fréquente et que cette appellation constituait la marque dominante. Différents documents ont été déposés à l'appui de cette position. Il a en outre déclaré qu'à l'été 1998, la transition vers un nom unique, « Canadian Business College » , était terminée et que ce nom, « Canadian Business College » , était celui que la demanderesse utilisait dans le cadre de ses communications avec ses étudiants. Comme l'avocat l'a indiqué, « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » était devenu l'identité de la demanderesse, sa méthode de communication avec les étudiants et le nom grâce auquel sa réputation, dans la région du Grand Toronto, était connue par son marché.


[34]            Le témoignage de M. Jaffery n'a pas résisté à un contre-interrogatoire à cet égard, et les documents déposés n'appuyaient pas son témoignage. En particulier, une liasse de documents a été présentée et était composée de factures et de lettres d'expédition. Tous les documents se rapportaient à l'année 1997 ainsi qu'à un seul fournisseur américain. À une exception près, les documents faisaient référence à la demanderesse de la façon suivante « Datahaus/Canadian BSN College » . Dans la liasse, le seul document qui traite du « Canadian Business College » est l'une des traites bancaires envoyées par la demanderesse désignant l'expéditeur comme « Canadian Business College Datahaus, Customer #771 » . Un long article publicitaire d'une page qui est apparu dans le Employment News et dans le Toronto Sun en janvier 1996 a également été déposé. La page comporte plusieurs références à la « Canadian Business School » et au « Canadian Business School Interactive Multimedia » . La seule référence au « Canadian Business College » en est une inoffensive qui apparaît à trois lignes du bas de la page. Une brochure a également été préparée en juin 1997 pour la cérémonie de remise des diplômes. Le point central de la brochure est une grande photographie d'un homme et d'une femme regardant un écran d'ordinateur. En évidence, dans le coin supérieur droit, se trouvent un logo (un petit homme devant un ordinateur) et les mots « Canadian Business School » . Au bas, les mots « Canadian Business College » apparaissent, mais ils sont moins évidents que les mots figurant dans le haut de la page. Cette brochure a été distribuée lors de la cérémonie de remise des diplômes, mais M. Jaffery n'a produit aucune élément de preuve quant à cette distribution. Il n'a pu indiquer combien de brochures, le cas échéant, ont été distribuées et à qui elles l'ont été.

[35]            Les autres documents sont datés de 1998 ou d'une date ultérieure et j'y reviendrai. En ce qui concerne l'utilisation par la demanderesse de la marque de commerce « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » avant 1998, aucune preuve, à l'exception du témoignage de M. Jaffery, n'atteste de son utilisation par la demanderesse. Aucun témoin n'a produit d'éléments de preuve démontrant qu'il connaissait le « Canadian Business College » ou sa réputation.

[36]            Selon la preuve, je conclus que la demanderesse s'est désignée d'un certain nombre de noms, dont « Canadian Business School Inc. » , « Canadian Business School Interactive Multimedia » , « Datahaus » et « Canadian Business College » . Le principal nom utilisé par la demanderesse était « Canadian Business School » , et le logo de la demanderesse était accompagné de l'expression « Canadian Business School » . L'utilisation de « Canadian Business School » était constante, l'utilisation des autres noms ne l'était pas. Les références au « Canadian Business College » qui ont été faites étaient inoffensives ou minimes. La demanderesse n'a pas établi que l'achalandage existait grâce à son utilisation du nom « Canadian Business College » entre 1992 et 1998.

[37]            Les autres documents présentés par la demanderesse indiquaient une utilisation plus fréquente du nom « Canadian Business College » . Selon le témoignage de M. Jaffery, la décision d'utiliser seul un nom a été prise en juin 1998. En interrogatoire principal, il a déclaré que la transition vers un nom s'est terminée au début de l'été. Il a nuancé sa réponse en contre-interrogatoire et a déclaré que la transition s'était terminée le 18 septembre 1998. Une fois encore, son témoignage n'a pas résisté au contre-interrogatoire. En particulier, le nom « Canadian Business College » ne faisait pas partie des pages blanches ou jaunes de l'annuaire téléphonique de 1998-1999. La première inscription a eu lieu en 1999-2000. Le calendrier de cours de la demanderesse pour 1998-1999 comprenait 39 pages. Des 39 pages, six contenaient une description des cours avec la mention « Canadian Business College » dans le haut de la page. Une copie de la publicité parue dans le Toronto Sun, à l'arrière du calendrier, fait abondamment référence à « Canadian Business College » et la page couverture est intitulée « Canadian Business College Course Calendar » . Les 31 autres pages portent le nom « Canadian Business School » accompagné du logo dans le haut de chaque page.


[38]            Un bulletin daté du 29 juin 1998 a été envoyé aux étudiants et aux anciens étudiants dans lequel la « Canadian Business School » les invitait à Comdex au nom du « Canadian Business College » et du « Canadian Business School Interactive Multimedia » . De plus, une brochure sur Comdex a été préparée en juillet 1998, faisant la publicité des programmes menant à un certificat de Microsoft. Elle était intitulée « Canadian Business College » , et le logo figurait à côté. Enfin, le papier à en-tête, les cartes d'affaires et les certificats accordés entre le 10 juillet et le 26 septembre 1998 ont été déposés. Mis à part les certificats qui, je présume, ont été accordés aux 17 bénéficiaires nommés, aucun élément de preuve précis ne se rapportait à la diffusion des documents.

[39]            La majeure partie de la preuve documentaire présentée se rapporte à des dates ultérieures à septembre 1998. Le seul document postérieur à septembre 1998 qui me préoccupe est la lettre d'Yvonne Bogorya, administratrice régionale, ministère de la Formation des Collèges et des Universités de l'Ontario, datée du 5 février 2002 et envoyée au « Canadian Business College » . Cette lettre confirme que la [TRADUCTION] « Canadian Business School Inc., faisant affaire sous le nom de "Canadian Business College" » est enregistrée et approuvée à titre d'école privée de formation professionnelle en vertu de la Loi sur les écoles privées de formation professionnelle. Elle poursuit en précisant que le « Canadian Business College » a été enregistré auprès de l'unité des écoles privées de formation professionnelle du ministère en 1993 (campus de Toronto) et en 1996 (approbation de la succursale de Scarborough). Je me préoccupe de l'existence d'une nette contradiction entre la lettre et la preuve soumise par les deux parties. Le document contredit la politique ministérielle antérieure à 1998 et va à l'encontre de la lettre du 2 mars 1999 qui avait été envoyée à M. Amini par le même ministère. L'auteure de la lettre n'a pas été appelée à témoigner et, en l'absence d'explication en ce qui concerne les contradictions notées, je n'accorde aucun poids au document.

[40]            Comme je l'ai mentionné précédemment, je conclus que la défenderesse a commencé à chercher un nom approprié pour les activités de son école commerciale à la fin de juin ou au début de juillet 1998. En août, M. Amini a présenté sa première demande de renseignements auprès des autorités provinciales et a reçu une approbation conditionnelle relativement à l'utilisation du nom « Canadian Business College » . En septembre 1998, la défenderesse a annoncé « Canadian Business College » dans le journal Filipiniana et a demandé un enregistrement provincial du « Canadian Business College » . Elle a rempli les autres exigences relatives aux autorisations provinciales et a offert des cours menant à un diplôme sous le nom de « Canadian Business College » le 28 octobre 1998.

[41]            La demanderesse, en juin 1998, a décidé qu'elle exploiterait son entreprise sous le nom de « Canadian Business College » , l'ayant fait auparavant sous le nom de « Canadian Business School Inc. » . Elle a entrepris des démarches en ce sens au cours des mois de juin, de juillet et d'août 1998. Ces démarches ne comprenaient pas la communication, à ce moment, avec les autorités provinciales. La demanderesse a préparé un bulletin et une publicité et a fait imprimer du papier à en-tête et des cartes d'affaires. Elle a accordé des certificats (mais non des diplômes) du « Canadian Business College » aux étudiants à compter du 10 juillet 1998. Les diplômes ont été délivrés sous le nom de « Canadian Business College » après le 18 septembre 1998.


[42]            Le calendrier est serré, et la preuve est mince. Une grande partie des démarches entreprises par chacune des parties l'ont été concurremment. Je me soucie de l' « utilisation » . Je ne suis pas saisie de suffisamment d'éléments de preuve pour inférer que la demanderesse possédait, en septembre 1998, la réputation et l'achalandage requis sous le nom de « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » , de sorte que l'on puisse considérer que la défenderesse, par son utilisation, « parasitait » au moyen d'une déclaration trompeuse. La demanderesse n'a pas établi l'existence de l'achalandage requis.

[43]            L'avocat de la demanderesse s'est opposé aux références de la défenderesse à une utilisation non autorisée par la demanderesse du nom « Canadian Business College » , à savoir la loi provinciale de l'Ontario. À mon avis, la « légalité » de l'utilisation du nom n'est pas en litige en l'espèce. La seule pertinence, celle de la conformité à la loi provinciale, consiste en la corroboration de la preuve déposée, c'est-à-dire que les actions peuvent être compatibles avec les déclarations et que la crédibilité peut donc être attaquée.

[44]            Trois autres observations de la demanderesse méritent des commentaires. Premièrement, l'avocat m'a pressé de conclure que le simple fait que la défenderesse avait choisi le même nom, en l'absence d'une explication raisonnable, entraînait une inférence que la demanderesse avait, en fait, établi une réputation. En bref, la défenderesse a fourni une explication et je la considère raisonnable.


[45]            Deuxièmement, l'avocat prétendait que l'existence de la confusion établissait l'existence de l'achalandage [TRADUCTION] « si les gens sont confus, il y avait de toute évidence création d'une réputation » . Je n'accepte pas la déclaration de l'avocat en tant que proposition générale de droit. Chaque cas repose sur ses propres faits. Il peut y avoir des situations où la confusion indiquera la préexistence d'une réputation, mais ce n'est pas le cas en l'espèce. Il est établi en droit que, lorsqu'un nom est très descriptif, il y a un risque inévitable de confusion. Cela ne mène pas à la conclusion que l'un des utilisateurs bénéficie de la réputation requise à une action en concurrence déloyale. Si, par une étrange et simple coïncidence, deux entreprises, à l'insu l'une de l'autre, démarrent leurs activités le même jour sous le même nom, laquelle des deux bénéficierait de la réputation et de l'achalandage en dépit de la confusion? Dans la mesure où la jurisprudence citée par la demanderesse met en corrélation la confusion et l'achalandage, je remarque que l'analyse et la décision concernant l'achalandage précédaient toute corrélation de ce genre.

[46]            Troisièmement, l'avocat a déclaré que la principale préoccupation de la Cour est la protection du public contre la confusion. Cela est vrai. Cependant, cela est vrai dans le contexte de la prévention de la tromperie en ce qui concerne un achalandage qui existe ou, comme on l'a déclaré dans l'arrêt Ciba-Geigy, cela vise à faire en sorte que « le consommateur ne puisse pas être frauduleusement incité à acheter les produits de A quand il veut acheter ceux de B » . En bout de ligne, la proposition de la demanderesse revient à se demander si, dans le cas où une confusion existe, la Cour devrait protéger le public contre cette confusion en dépit du fait que la demanderesse n'a pas établi l'existence d'un achalandage. Je ne le crois pas.

[47]            Les circonstances en l'espèce sont malheureuses. Il est rare qu'un même nom soit utilisé dans la même région géographique et qu'il vise le même groupe cible. Cependant, la confusion n'était pas aussi prononcée qu'elle semblait à première vue. Le site Web du RAFEO par exemple, comporte un paragraphe qui indique précisément qu'il peut y avoir plus d'une école portant le même nom. La référence aux employés du journal confondant les écoles relativement à de la publicité ne se rapporte qu'à un seul incident. La preuve liée à l'étudiant ayant confondu les écoles constitue, en soi, une confusion. Il s'agissait du seul exemple précis fourni par la demanderesse et il n'est pas du tout clair que l'étudiant avait confondu l'école de la demanderesse avec celle de la défenderesse. La preuve se rapportait davantage à la réaction de l'étudiant qu'à la confusion, parce qu'il avait échoué les tests d'aptitudes de la demanderesse. Néanmoins, la confusion existe en l'espèce et elle continuera sans doute d'exister. Cela n'est pas une raison pour accorder un monopole.


[48]            J'ajouterais seulement qu'une partie de la confusion peut être réduite par la collaboration entre les parties en ce qui concerne les appels faits, et les lettres envoyées, par erreur. Une telle collaboration est délicate, fragile et difficile à mettre en oeuvre en plein litige, mais elle peut être plus facilement réalisée après celui-ci. Même si les parties utilisent le même nom, beaucoup de choses les distinguent. Il s'agit d'écoles différentes situées à des adresses différentes. Elles possèdent des logos, du papier à en-tête et des annonces distincts. Il serait très difficile de les confondre si l'on examine leur publicité respective. La demanderesse peut très bien croire qu'une transition de « Canadian Business School » à « Canadian Business College » , à la lumière de la modification de la politique ministérielle, était naturelle, et ce peut très bien être le cas. La difficulté réside dans le fait que la demanderesse n'a pas établi l'existence de la réputation et de l'achalandage nécessaires sous le nom de CANADIAN BUSINESS COLLEGE au moment pertinent.

[49]            Comme la demanderesse n'a pas obtenu gain de cause, je n'ai pas besoin de traiter de la question des dommages ou de la comptabilisation des profits.

[50]            L'action est rejetée avec dépens pour l'intimée.

    « Carolyn A. Layden-Stevenson »    

                                                                

Juge                        

Ottawa (Ontario)

Le 12 décembre 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                            T-184-99

INTITULÉ :                                           CANADIAN BUSINESS SCHOOL INC.

demanderesse

- et -

SUNRISE ACADEMY INC.

défenderesse

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE LUNDI 9 SEPTEMBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :           LE 12 DÉCEMBRE 2002

  

COMPARUTIONS :

Nancy Miller

Christopher Kvas                                 POUR LA DEMANDERESSE

Dan Hitchcock                                     POUR LA DÉFENDERESSE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nancy Miller

Christopher Kvas

KVAS MILLER EVERITT

Toronto (Ontario)                                 POUR LA DEMANDERESSE

Dan Hitchcock

RICHES MCKENZIE & HERBERT, s.r.l.

Toronto (Ontario)                                 POUR LA DÉFENDERESSE


                                               ANNEXE A

                                                       aux

            motifs de l'ordonnance datés du 12 décembre 2002

                                              dans l'affaire

                    CANADIAN BUSINESS COLLEGE INC.

                                                         c.

                                SUNRISE ACADEMY INC.

                                                  T-184-99

Exposé conjoint des faits

Pour les besoins de l'audition de la présente action, les parties conviennent des faits suivants :

1.                                        La demanderesse, Canadian Business School Inc., a été constituée en 1992.

2.                                        À partir de 1992, Mazher Jaffery a été l'unique propriétaire et administrateur de la Canadian Business School Inc.

3.                                        La Canadian Business School Inc. offre de façon continue, depuis 1992, des programmes d'études dans les domaines des affaires, de l'informatique, de la technologie de l'informatique et de la technologie du multimédia interactif.

4.                                        L'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle a modifié sa politique en 1998 en ce qui concerne l'utilisation du mot « college » (collège) dans le nom d'une école de formation professionnelle.

5.                                        Pour ce qui est des activités de la demanderesse qui étaient placées sous les auspices et la surveillance de l'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle, de 1992 jusqu'au changement de politique de l'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle en 1998, la demanderesse n'avait pas la permission de l'autorité ministérielle d'utiliser le nom « college » (collège) dans son nom pour ce qui est des cours offerts et qui étaient régis par l'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle.

6.                                        À compter de 1998 et ce, sans interruption depuis cette date, l'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle en Ontario a autorisé les écoles de formation professionnelle de l'Ontario à utiliser le mot « college » (collège) dans le nom d'une école de formation professionnelle ou comme mot qu'elles pouvaient utiliser pour se décrire.

7.                                        La demanderesse a publié et distribué une brochure, en juin 1998, portant sur la publicité entourant la participation du Canadian Business College à l'exposition COMDEX, la plus importante exposition liée à l'informatique du Canada, qui s'est déroulée en juillet 1998. La brochure comporte le nom « Canadian Business College » .


8.                                        Le nom de la demanderesse « Canadian Business College » a été utilisé dans les bulletins d'information destinés aux étudiants depuis au moins juillet 1998.

9.                                        La demanderesse utilisait du papier à en-tête sur lequel « Canadian Business College » apparaissait depuis juillet 1998.

10.                                      Des cartes d'affaires où figurait le nom « Canadian Business College » ont été utilisées pour la première fois par la demanderesse en juillet 1998.

11.                                      La demanderesse a octroyé les premiers certificats sous le nom de « Canadian Business College » en juillet 1998.

12.                                      La demanderesse a commencé à utiliser des formulaires d'inscription comportant le nom « Canadian Business College » en haut de la page en août 1998.

13.                                      La demanderesse a commencé à accorder des diplômes du « Canadian Business College » en septembre 1998.

14.                                      La demanderesse a enregistré le nom « Canadian Business College » auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario le 17 septembre 1998.

15.                                      La demanderesse a enregistré le nom « Canadian Business College » auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario après que la défenderesse ait enregistré le nom CANADIAN BUSINESS COLLEGE auprès du ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario.

16.                                      Au moyen d'une lettre datée du 17 septembre 1998, la demanderesse a écrit au ministère de la Formation des Collèges et des Universités de l'Ontario pour l'aviser qu'elle souhaitait utiliser, à compter de cette date, le mot « college » (collège), au lieu du mot « school » (école), dans son nom. La demanderesse a également indiqué, qu'à ce moment, son nom était « Canadian Business School Inc. » et que le nom proposé était « Canadian Business College (A Division of Canadian Business School Inc.) » .

17.                                      Dans une lettre datée du 17 septembre 1998, la demanderesse a expliqué que l'objectif déclaré de la modification proposée du nom était le suivant :

[TRADUCTION]

Indiquer aux clients qu'ils fréquentent un collège professionnel. En outre, placer le mot « college » (collège) sur les diplômes pour que les étudiants qui se cherchent un emploi puissent faire valoir qu'ils ont fréquenté un collège et qu'ils détiennent un diplôme collégial. Ajouter ainsi du mérite aux diplômes et faciliter la tâche des étudiants qui se cherchent un emploi.


18.                                      Au moyen d'une lettre datée du 18 septembre 1998, le ministère de la Formation des Collèges et des Universités de l'Ontario a informé la demanderesse qu'il ne s'opposait pas à l'utilisation du mot « college » (collège) dans le nom proposé « Canadian Business College » et a approuvé de façon conditionnelle l'utilisation du nom.

19.                                      La demanderesse est un « collège professionnel » .

20.                                      La demanderesse offre des cours commerciaux, soit des cours liés aux affaires.

21.                                      La demanderesse est une école de formation professionnelle.

22.                                      De 1992 jusqu'à 1998, la demanderesse a offert des cours qui étaient régis par l'autorité ministérielle régissant les écoles de formation professionnelle.

23.                                      De 1992 jusqu'à 1998, le nombre de cours offerts par la demanderesse et qui étaient régis par l'autorité ministérielle appropriée régissant les écoles de formation professionnelle a augmenté par rapport au nombre de cours qui n'étaient pas régis par cette autorité ministérielle.

24.                                      Parviz Amini est le président de la défenderesse, Sunrise Academy Inc.

25.                                      M. Amini est un employé de Sunrise Academy depuis 1996 et il a toujours occupé les fonctions de président et de propriétaire.

26.                                      La défenderesse offre des cours commerciaux, soit des cours liés aux affaires.

27.                                      Sous le nom de Sunrise Academy Inc., la défenderesse exploite une agence de placement autorisée, qui a ouvert ses portes en 1996, et une école de formation professionnelle, qui a ouvert ses portes en 1997.

28.                                      La défenderesse est un « collège professionnel » .

29.                                      Dans son école privée de formation professionnelle, la défenderesse a offert différents programmes se rapportant à la santé ainsi qu'à la technologie de l'information. En 1997, lorsqu'elle a commencé à exploiter une école, la défenderesse offrait principalement des cours en matière de santé.


30.                                      Plus tard en 1997, la défenderesse a commencé à offrir des cours portant sur la technologie de l'information. Sunrise Academy Inc. a offert des cours menant à des certificats en informatique pour des cours comme « Windows » , « Office Package » , la saisie au clavier et des cours du genre. Les cours étaient offerts dans le domaine de l'administration de bureau ainsi que dans trois autres domaines, à savoir la comptabilité informatisée, l'application de gestion et la programmation. Pour ce qui est de ces trois domaines, le programme menant à un diplôme en administration de bureau a été offert pour la première fois en 1998 et les trois autres cours ont également été offerts en 1998, à la suite de l'enregistrement auprès de l'unité des écoles privées de formation professionnelle du ministère de la Formation des Collèges et des Universités du nom commercial « Canadian Business College » sous Sunrise Academy Inc. le 28 octobre 1998.

31.                                      M. Amini, le président de la défenderesse, a conservé des dossiers relativement aux activités de l'entreprise et a imprimé des documents de la demanderesse et d'autres concurrents depuis 1996.

32.                                      Le nom « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » a été enregistré pour la première fois par Sunrise Academy Inc. auprès du ministère de la Consommation et du Commerce le 14 septembre 1998.

33.                                      Le ministère de la Formation des Collèges et des Universités a envoyé à la défenderesse une lettre datée du 19 août 1998 ayant le même libellé que la lettre désignée ci-dessus au point 16 envoyée par le ministère de la Formation des Collèges et des Universités à la demanderesse.

34.                                      Dans la mesure où la demanderesse affirme que la lettre datée du 18 septembre du ministère de la Formation des Collèges et des Universités lui accorde la permission d'utiliser le mot « college » (collège) ou approuve cette utilisation, la lettre du 19 août du ministère de la Formation des Collèges et des Universités envoyée à la défenderesse a accordé la même permission à cette dernière d'utiliser le mot « college » (collège) ou a approuvé cette utilisation.

35.                                      La défenderesse a fait modifier son cautionnement d'assurance (avenant no 2) au 18 septembre 1998 de façon à ce qu'elle soit appelée assurée « SUNRISE ACADEMY INC. S/N CANADIAN BUSINESS COLLEGE » .

36.                                      Le 30 septembre 1998, la défenderesse a envoyé une lettre au ministère de la Formation des Collèges et des Universités, unité des écoles privées de formation professionnelle, demandant au ministère de modifier ses dossiers pour indiquer que la défenderesse avait ajouté le nom commercial « Canadian Business College » .

37.                                      La seule utilisation de la marque de commerce « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » effectuée avant l'enregistrement du 28 octobre 1998 consistait en une publicité dans le journal Filipiniana parue en septembre 1998 et en une publicité parue dans le journal Toronto Sun le 20 octobre 1998, qui semble avoir été publiée sur la même page que la publicité de la demanderesse.

38.                                      La défenderesse offre de nombreux cours identiques à ceux offerts par la demanderesse sous la même marque de commerce « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » .


39.                                      Sunrise Academy Inc. s'inquiète de la confusion entre l'utilisation par la défenderesse et par la demanderesse de « CANADIAN BUSINESS COLLEGE » et admet qu'il y a probabilité de confusion.

40.                                      En octobre 1999 encore, le site Web de la défenderesse à l'adresse www.cbcollege.com présentait une publicité qui précisait que [TRADUCTION] « Sunrise Academy fusionne avec le Canadian Business College » .

41.                                      La défenderesse reconnaît que le fait que deux écoles de formation professionnelle exploitent leur entreprise sous le même nom dans la même région géographique et offrent les mêmes cours peut causer de la confusion chez les étudiants.

42.                                      Le nombre d'inscriptions de la demanderesse s'établissait ainsi :

1er juillet 1995 - 30 juin 1996 - 443 étudiants

1er juillet 1996 - 30 juin 1997 - 522 étudiants

1er juillet 1997 - 30 juin 1998 - 533 étudiants

1er juillet 1998 - 30 juin 1999 - 399 étudiants


   

                                                                                       Date : 20021212

                                                                                   Dossier : T-184-99

Ottawa (Ontario), le 12e jour de décembre 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                     CANADIAN BUSINESS SCHOOL INC.

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

                                SUNRISE ACADEMY INC.

                                                                                           défenderesse

                                           ORDONNANCE

9

L'action est rejetée avec dépens pour l'intimée.

    « Carolyn A. Layden-Stevenson »    

                                                                  

Juge                        

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

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