Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050531

Dossier : IMM-5110-04

Référence : 2005 CF 748

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

KALEB AYELE REGASA

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Un tribunal spécialisé examine un ensemble de faits allégués, afin de statuer sur la vraisemblance de qui a fait quoi, de quelle manière, à quel moment et à quel endroit, tenant compte de la condition humaine, du contexte géopolitique et des pièces justificatives. À moins qu'une décision ne soit manifestement déraisonnable, la Cour fait preuve de retenue à l'égard de l'expertise du tribunal administratif.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[1] (LIPR) visant la décision, en date du 3 mai 2004, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande du demandeur en vue de se faire reconnaître la qualité de « réfugié » aux termes de l'article 96 et de « personne à protéger » aux termes du paragraphe 97(1) de la LIPR.

CONTEXTE

[3]                Le demandeur, M. Kaleb Ayele Regasa, est un citoyen de l'Éthiopie. Il affirme craindre avec raison d'être persécuté en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, la famille.

[4]                M. Regasa a quitté l'Éthiopie à l'âge de 13 ans pour rejoindre sa mère aux États-Unis. À l'âge de 19 ans, en 1998, il a présenté une demande d'asile aux États-Unis; les autorités américaines ont rejeté sa demande. Elles ont également rejeté son appel. En juillet 2002, on lui a permis de quitter les États-Unis volontairement. Il est entré au Canada et a présenté une demande d'asile le 7 décembre 2002.

[5]                M. Regasa prétend que les membres de sa famille adhèrent au Parti révolutionnaire du peuple éthiopien (PRPE). Il prétend que le régime de Mengistu a emprisonné ses oncles, en raison de leur adhésion au PRPE. Un de ses oncles a obtenu l'asile aux États-Unis. M. Regasa prétend que son père est actuellement en prison en Éthiopie.

[6]                M. Regasa affirme avoir adhéré lui-même au PRPE en 1997, pendant qu'il se trouvait aux États-Unis. Il affirme que, après son adhésion, il a pris part à des manifestations, distribué des pamphlets, assisté à des rencontres et recueilli des fonds pour le PRPE. Les manifestations de l'opposition du PRPE au règne du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) étaient publiques. Il croit que le personnel de l'ambassade d'Éthiopie à Washington le connaît bien.

DÉCISION VISÉE PAR LE PRÉSENT CONTRÔLE

[7]                La Commission a conclu que la demande de M. Regasa fondée sur ses opinions politiques n'était pas crédible, en raison du signalement de dates divergentes concernant son adhésion au PRPE, sans explication satisfaisante de ces divergences, de son ignorance totale d'un important congrès du PRPE tenu en août 2001, de son incapacité de présenter un communiqué de presse ou un rapport se rapportant aux rassemblements auxquels il aurait participé, et de l'absence de tout représentant du PRPE pour appuyer sa demande d'asile ou de l'omission de ceux-ci de le faire. De plus, la Commission n'était pas convaincue que la famille de M. Regasa était liée au PRPE. À cet égard, la Commission a noté que la demande de la mère de M. Regasa n'avait pas été accueillie, que la demande de son frère était apparemment encore en suspens, et que son oncle avait obtenu l'asile aux États-Unis en 1985, mais que c'était durant le régime de Mengistu. De plus, a-t-elle noté, le père de M. Regasa était prétendument emprisonné en Éthiopie, mais M. Regasa n'avait pas démontré de lien entre l'emprisonnement de son père et le PRPE.

QUESTION EN LITIGE

[8]                La conclusion de la Commission, à savoir que le demandeur n'était pas crédible, était-elle manifestement déraisonnable?

ANALYSE

[9]                Lorsque la crédibilité est mise en doute, il faut que la Commission ait commis une erreur manifestement déraisonnable pour que la Cour intervienne (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[2], Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4]).

[10]            Premièrement, M. Regasa reproche à la Commission le poids qu'elle a accordé à deux lettres qui, selon les allégations, confirment son adhésion au PRPE. Il a soumis les deux lettres de la section de Washington du PRPE, afin de confirmer son adhésion. Bien qu'une des lettres précise qu'il s'était joint au parti en 1998 et qu'il avait milité depuis cette date, d'après son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son propre témoignage, il s'était joint au parti et avait commencé à militer en 1997. Vu que l'explication par M. Regasa de cette incohérence était insatisfaisante, la Commission a conclu que l'explication de M. Regasa ne la convainquait pas et elle a affirmé qu'elle n'était pas disposée à accorder beaucoup de poids aux lettres du PRPE. La Commission a ensuite ajouté qu'il lui fallait examiner d'autres éléments de preuve avant de tirer une conclusion définitive. Par la suite, après cet examen, la Commission a sérieusement mis en doute l'adhésion de M. Regasa au PRPE. La Commission a clairement conclu que, à la lumière des multiples incohérences, M. Regasa n'était pas un membre du PRPE. La Cour conclut qu'il était tout à fait loisible à la Commission d'apprécier comme elle l'a fait les deux lettres devant confirmer l'adhésion de M. Regasa au PRPE.

[11]            M. Regasa avance également que la Commission a commis une erreur en déclarant qu'il avait assisté à deux rassemblements en mai 2001. D'après M. Regasa, il a témoigné avoir assisté à un seul rassemblement en mai 2001, et à un autre rassemblement en mai 2002. Ayant lu la transcription aux pages 106 et 116 du dossier de la Commission, la Cour est convaincue que la Commission a correctement interprété le témoignage présenté par M. Regasa en concluant que M. Regasa avait participé à deux rassemblements en mai 2001. M. Regasa aurait pu corriger la Commission lorsque cette dernière a affirmé qu'il avait assisté à deux rassemblements en mai 2001, mais il ne l'a pas fait.

[12]            M. Regasa affirme que la conclusion de la Commission, à savoir qu'il n'avait pas assisté à un important congrès du PRPE tenu en août 2001, était manifestement déraisonnable. En fait, la Commission a conclu que M. Regasa aurait dû être au courant de la tenue du congrès, puisqu'il s'agissait d'un événement international, et non que M. Regasa aurait dû y assister. La Cour ne voit rien de manifestement déraisonnable dans la conclusion de la Commission.

[13]            La Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que l'ambassade d'Éthiopie à Washington a renouvelé le passeport périmé de M. Regasa en octobre 2002, après son adhésion prétendue au PRPE, après sa participation à des rassemblements anti-gouvernementaux et après s'être fait connaître des représentants de l'ambassade d'Éthiopie. La Commission a aussi signalé qu'elle se serait attendue à ce qu'un représentant du PRPE à Washington témoigne en sa faveur pendant l'audition de sa demande d'asile à Baltimore. La Cour convient que, même si ces deux conclusions ne sont pas des facteurs déterminants permettant de justifier une conclusion d'absence de crédibilité, il faut néanmoins examiner l'affaire dans son ensemble; et en analysant dans leur ensemble les conclusions de la Commission concernant la crédibilité, la Cour conclut que la décision de la Commission n'était pas manifestement déraisonnable.

CONCLUSION

[14]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour répond à la question en litige par la négative. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question n'est certifiée.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5110-04

INTITULÉ :                                                    KALEB AYELE REGASA

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 16 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 31 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Bernard Assan                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-ministre de la Justice et

Sous-procureur général du Canada



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] (1993) 160 N.R. 315 (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL).

[3] (2001), 11 Imm. L.R. (3d) 233 (C.F. 1re inst.), [2000] A.C.F. no 2001 (QL).

[4] (1999), 173 F.T.R. 280 (C.F. 1re inst.), [1999] A.C.F. no 1283 (QL).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.