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Date : 20020410

Dossier : T-2191-98

Référence neutre : 2002 CFPI 408

ENTRE :

                                                          DIANE TALBOT VICKERS

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                           (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec)

                                                                      le 10 avril 2002)

LE JUGE MARTINEAU

[1]                 Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre du refus du vice-président de la Commission d'appel des pensions ("la Commission") d'accorder à la demanderesse la permission d'en appeler d'une décision négative d'un tribunal de révision rendue en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, tel qu'amendé ("le Régime").

[2]                 La demanderesse souffre de fibromyalgie depuis 1994 et cette maladie l'empêche de travailler. À cette époque, elle a fait une demande de pension d'"invalidité" au Ministre du Développement des ressources humaines ("le ministre") en vertu du Régime. Le ministre a refusé sa demande. N'ayant pu convaincre le ministre de réviser cette dernière décision, la demanderesse en a appelé auprès d'un tribunal de révision ("le tribunal"). Le tribunal a également rejeté l'appel de la demanderesse et a déterminé que celle-ci n'était pas éligible à recevoir une pension d'invalidité et que sa demande était prématurée. Insatisfaite de la décision du tribunal, la demanderesse a demandé la permission d'interjeter appel auprès de la Commission. Le 15 juillet 1998, le vice-président de la Commission, l'honorable juge Chilcott, a refusé d'accorder la permission d'en appeler, d'où la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]                 La décision du juge Chilcott se lit comme suit:

La décision du tribunal de révision est corroborée par des preuves. L'appelant [sic] souffre de fibromyalgie, et, dans certains cas, ce syndrome peut être suffisamment aigu permettant ainsi de conclure que l'appelant [sic] est invalide en vertu de l'alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada. Dans le cas présent, aucune preuve ne permet d'en arriver à cette conclusion.

Le tribunal n'a pas procédé selon un principe erroné. Il n'y a aucune nouvelle preuve qui pourrait mener à un appel favorable.

L'autorisation d'interjeter appel est refusée.

[traduction]

[4]                 L'alinéa 42(2)a) du Régime auquel réfère le juge Chilcott prescrit:



42. (2) For the purposes of this Act,

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death;

42. (2) Pour l'application de la présente loi:

a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa:

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;


[5]                 En l'occurrence, le défendeur reconnaît devant cette Cour que le tribunal de révision a erré en fait et en droit, ce qui entache la validité de la décision rendue le 17 décembre 1996:

Après analyse du dossier, il appert au Défendeur que le Tribunal de révision bien qu'habilité et ayant le devoir de décider si une pension d'invalidité était payable à la Demanderesse, ce Tribunal, en fait, a indûment limité l'exercice de son pouvoir de décision en constatant l'équivoque de la preuve documentaire offerte par les parties, et, de là, son insuffisance et en concluant qu'une détermination, en fait et en droit, de l'invalidité de la Demanderesse était prématurée.

[6]                 Du même coup, le défendeur concède que la décision du juge Chilcott de refuser d'accorder la permission d'en appeler est révisable par cette Cour:

... Bien que ni la Demanderesse ni son procureur n'ont su formuler ce motif d'appel, cet état de chose aurait dû être reconnu par l'honorable juge Chilcott, le 15 juillet 1998 et était d'autant plus proéminent vu la concomitance temporelle qui se doit d'exister et d'être reconnue entre l'existence d'une invalidité telle que définie par le Régime et le moment où un cotisant rencontre les exigences du Régime en regard des cotisations.              [traduction]

[7]                 Ainsi, au paragraphe 15 de son mémoire, le défendeur se déclare "prêt à consentir, aux termes du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale, à ce que la décision de l'honorable juge Chilcott soit infirmée et à ce que l'affaire soit renvoyée à la Commission d'appel des pensions afin qu'une nouvelle détermination du bien-fondé de la demande d'autorisation d'interjeter appel de la Demanderesse soit faite par un autre membre de la Commission dûment désigné suivant le paragraphe 83(2.1) du Régime, le tout avec instruction que la demande d'autorisation soit octroyée". Toutefois, à l'audience, la procureure du défendeur a indiqué que le défendeur ne demandait plus la dernière instruction "que la demande d'autorisation soit octroyée".

[8]                 La seule question que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est donc de déterminer si cette Cour devrait exercer sa discrétion et renvoyer cette affaire à la Commission afin qu'un de ses membres en dispose suivant ses instructions ou si cette Cour, tel que le réclame la demanderesse, peut déclarer celle-ci invalide, en vertu de l'alinéa 42(2)a) du Régime et qu'une pension d'invalidité lui soit payable.

[9]                 En l'espèce, les pouvoirs de cette Cour sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire sont établis par le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale qui se lit comme suit:



18.1(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

18.1(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

(b) declare invalid or unalwful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.


[10]            Les paragraphes (1) à (3) de l'article 83 du Régime sont pertinents en l'espèce:


83. (1) A party or, subject to the regulations, any person on behalf thereof, or the Minister, if dissatisfied with a decision of a Review Tribunal made under section 82, other than a decision made in respect of an appeal referred to in subsection 28(1) of the Old Age Security Act, or under subsection 84(2), may, within ninety days after the day on which that decision was communicated to the party or Minister, or within such longer period as the Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may either before or after the expiration of those ninety days allow, apply in writing to the Chairman or Vice-Chairman for leave to appeal that decision to the Pension Appeals Board.

.

83. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du tribunal de révision rendue en application de l'article 82 -- autre qu'une décision portant sur l'appel prévu au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse -- ou du paragraphe 84(2), ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, de même que le ministre, peuvent présenter, soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la décision du tribunal de révision est transmise à la personne ou au ministre, soit dans tel délai plus long qu'autorise le président ou le vice-président de la Commission d'appel des pensions avant ou après l'expiration de ces quatre-vingt-dix jours, une demande écrite au président ou au vice-président de la Commission d'appel des pensions, afin d'obtenir la permission d'interjeter un appel de la décision du tribunal de révision auprès de la Commission.

(2) The Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board shall, forthwith after receiving an application for leave to appeal to the Pension Appeals Board, either grant or refuse that leave.

(2) Sans délai suivant la réception d'une demande d'interjeter un appel auprès de la Commission d'appel des pensions, le président ou le vice-président de la Commission doit soit accorder, soit refuser cette permission.

(2.1) The Chairman or Vice-Chairman of the Pension Appeals Board may designate any member or temporary member of the Pension Appeals Board to exercise the powers or perform the duties referred to in subsection (1) or (2).

(2.1) Le président ou le vice-président de la Commission d'appel des pensions peut désigner un membre ou membre suppléant de celle-ci pour l'exercice des pouvoirs et fonctions visés aux paragraphes (1) ou (2).

(3) Where leave to appeal is refused, written reasons must be given by the person who refused the leave.

(3) La personne qui refuse l'autorisation d'interjeter appel en donne par écrit les motifs.



[11]            Conformément à ce qui a été décidé dans l'arrêt Thibaudeau c. M.R.N., [1994] 2 C.F. 189, p. 224, la Cour disposant d'une demande de contrôle judiciaire ne peut exercer plus que les pouvoirs que l'office fédéral aurait pu exercer. En l'occurrence, le vice-président de la Commission pouvait soit accorder, soit refuser la permission d'en appeler en vertu du paragraphe 83(2) du Régime. Donc, la Cour en l'espèce ne peut accorder la pension d'invalidité à la demanderesse et ne peut qu'infirmer la décision de la Commission et renvoyer le dossier pour un nouvel examen.

[12]            Quant à l'instruction demandée par le défendeur à l'effet que la demande d'autorisation soit accordée et qui a été retirée à l'audience, j'estime qu'elle excède la compétence de la Cour lors d'une demande de contrôle judiciaire.

[13]            Dans la décision Paproski c. Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) [2000] F.C.J. no 859, dont les faits sont similaires à la présente cause, la Cour a conclu qu'elle n'a pas compétence pour rendre une ordonnance accordant l'autorisation d'interjeter appel à la Commission.


[14]            De plus, dans la décision Rafuse c. Canada (Commission d'appel des pensions) [2000] F.C.J. no 2032, le juge Tremblay-Lamer avait accueilli la demande de contrôle judiciaire, avait annulé la décision du juge et avait autorisé le demandeur à interjeter appel devant la Commission. Toutefois, la Cour d'appel fédérale a renversé (2002 FCA 31) la décision du juge Tremblay-Lamer sur ce point et a déclaré:

... in our opinion, the Judge would have erred in law if, having set aside the decision of the Board, she had remitted the matter with a direction that the Board grant Mr. Rafuse leave to appeal.

[15]            En annulant la décision en cause et en renvoyant l'affaire à la Commission afin qu'une nouvelle détermination du bien-fondé de la demande d'autorisation d'interjeter appel de la demanderesse soit faite par un autre membre de la Commission dûment désigné suivant le paragraphe 83(2.1) du Régime, j'ai certes le pouvoir et j'estime approprié ici de prescrire que cette demande soit examinée en tenant notamment compte du fait que le défendeur reconnaît que le Tribunal de révision a erré en fait et en droit, ce qui entache la validité de la décision rendue le 17 décembre 1996, et que le défendeur consent à ce que l'autorisation d'en appeler de cette décision soit accordée. Cela étant, je ne peux qu'inciter la Commission à traiter cette demande le plus rapidement possible compte tenu des longs délais écoulés dans cette affaire.

[16]            Exerçant ma discrétion en vertu de la règle 400, après avoir entendu les procureurs sur cette question et après considération des facteurs pertinents en l'espèce, j'estime qu'il s'agit d'un cas où aucun dépens ne doit être accordé en faveur de l'une ou l'autre des parties.

[17]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie sans frais.


                 "Luc Martineau"                

                          juge

Montréal (Québec)

Le 10 avril 2002


                                                                                                

                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20020410

Dossier : T-2191-98

Entre :

DIANE TALBOT VICKERS

                                                                                                                                                                       Demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                                               Défendeur

                                                                                                                                                                            

                                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                                                                            


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        T-2191-98

INTITULÉ :                                                     DIANE TALBOT VICKERS

                                                                                                                                                                         Demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                

                                                                                                                                                                                 Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           10 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

EN DATE DU :                                                10 avril 2002

COMPARUTIONS:

Me Pierre A. Cloutier                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Me Katia Bustros                                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cloutier Larkin

Sherbrooke (Québec)                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Vanier (Ontario)                                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

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