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                                                                               Date: 20010810

                                                                             Dossier: T-79-01

                                              Référence neutre: 2001 CFPI 873

ENTRE:

         COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES & AUTRES

                                                                                    Demandeurs

                                                  - et -

                                   STÉPHANE CARON

                                                  - et -

                                        MARIO CARON

                                                                                      Défendeurs

                                                     

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX:

[1]    Il s'agit d'un appel de la décision de Me Richard Morneau, Protonotaire, en date du 23 avril 2001, qui selon la Règle 181(2) des Règles de la Cour fédérale, 1998, (les "Règles") refusa la requête des défendeurs visant à ordonner aux demandeurs de signifier et de déposer des précisions supplémentaires sur certaines allégations figurant dans leur action.

[2]    L'ordonnance du protonotaire se lit comme suit:

Vu l'ordonnance de cette Cour en date du 21 mars 2001 et le dépôt de la défense des défendeurs le 30 mars 2001, cette requête devient sans objet et est rejetée, frais à suivre.

LES FAITS

[3]    Le 17 janvier 2001, les demandeurs déposent une action contre les défendeurs. Ils prétendent que les défendeurs ont été impliqués dans la vente illégale de décodeurs de signaux de télévision payante par câble et que cette activité constitue un détournement des droits et propriétés intellectuelles des demandeurs pour lesquels les défendeurs sont redevables en dommages.

[4]    Plus précisément, les demandeurs allèguent que les défendeurs ont modifié des décodeurs, ce qui donne accès aux signaux de télévision distribuant les films des demandeurs.

[5]    Le 23 février 2001, les défendeurs déposent une requête visant l'obtention d'une prolongation du délai de produire leur défense.

[6]    Le 7 mars 2001, soit deux semaines avant le rejet de la demande d'extension de délai, les défendeurs produisent une requête pour précisions.


[7]    Le 21 mars 2001, le protonotaire rejette la requête visant l'obtention d'une prolongation du délai de production de la défense autorisant néanmoins les défendeurs à déposer leur défense avant le 2 avril 2001.

[8]    La défense des défendeurs fut produite le 30 mars 2001 et ce, avant que la décision intervienne sur la requête pour précisions.

[9]    Au paragraphe 21 de leur défense, ils allèguent qu'ils se réservent le droit d'amender leur défense suite à la communication des précisions demandées par la requête en date du 7 mars 2001, lesquelles n'ont put être obtenues avant l'expiration du délai prévu pour la production de la présente défense.

LA NORME DE RÉVISION

[10]                        La Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 à 463, sous la plume du juge MacGuigan, s'exprime ainsi:

[traduction] Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants:

(a)            l'ordonnance est entachée d'une façon flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

(b)           l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

LES PRINCIPES

[11]                        De la jurisprudence, je dégage les principes suivants:

(1)        Le juge Addy dans l'arrêt Caterpillar Tractor Co. c. Babcock Allatt Limited, [1983] 1 C.F. 487, écrit ceci à la page 490:

En général, lorsqu'une partie a, dans sa plaidoirie, répondu complètement à la plaidoirie de la partie adverse et a présenté une preuve contraire, elle ne peut s'opposer à la plaidoirie de l'autre partie ni demander des détails dans le but de compléter sa plaidoirie à une date ultérieure.

(2)        Cependant, la Cour peut, dans des circonstances appropriées, ordonner sur requête d'un défendeur, des précisions des allégués contenus dans la déclaration d'un demandeur après signification et dépôt d'une défense (voir Ciba-Geigy Canada Ltd. c. National Contact To Go Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 131 et Addison-Wesley Publishing Ltd. et al c. Kinko's Copies Canada Ltd. (1987), 18 C.P.R. (3d) 121;

(3)        La Cour accordera une telle requête s'il apparaît au juge ou au protonotaire qu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire afin de mieux définir les questions en litige et faciliter la conduite de l'interrogatoire au préalable.


CONCLUSION

[12]            La décision du protonotaire est très brève et est sujette à interprétation. D'une part, il se peut que le protonotaire a décidé qu'il n'avait aucune discrétion d'accorder la requête pour précisions des défendeurs; si c'est le cas, le protonotaire a commis une erreur de droit. D'autre part, le protonotaire a pu décider que dans les circonstances particulières devant lui, il n'y avait aucun motif justifiant que la requête pour précisions soit accordée; si c'est le cas, je ne pourrais intervenir.

DISPOSITIF

[13]            Vu l'ambiguïté dans l'ordonnance du 23 avril 2001, cet appel est accordé, frais à suivre. Le dossier est retourné au protonotaire afin qu'il puisse reconsidérer la requête pour précisions en appliquant les principes pertinents énoncés ci-haut.

                                                                                                           

                                                                                                                                                         

                                                                                                J U G E         

Ottawa (Ontario)

le 10 août 2001


Date : 20010810

Dossier : T-79-01

Ottawa, Ontario, le 10e jour du mois d'août 2001

En présence de :         L'honorable juge François Lemieux

ENTRE :

          COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES & AUTRES

                                                                                       Demandeurs

                                                  - et -

                                    STÉPHANE CARON

                                                  - et -

                                       MARIO CARON

                                                                                         Défendeurs

                                        ORDONNANCE

Pour les motifs énoncés, l'appel est accordé, frais à suivre. Le dossier est retourné au protonotaire afin qu'il puisse reconsidérer la requête pour précisions en appliquant les principes pertinents énoncés dans les motifs.

                                                                              "François Lemieux"   

                                                                                                                                                              

                                                                                                J U G E           

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