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Date : 20050909

Dossier : T-519-03

Référence : 2005 CF 1228

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

demanderesse

et

AMICO IMAGING SERVICES INC. et

COMPUTER DIRECT DEPOT INC.

défenderesses

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


(Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 7 septembre 2005)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                Il s'agit d'une requête qui, dans sa forme, a pour objet la constitution comme parties à l'instance de personnes dont la présence devant la Cour est nécessaire, en vertu de l'article 104 des Règles.

[2]                Les personnes que la demanderesse souhaite faire constituer comme parties à l'instance sont MM. Grunbaum et Frankel, principaux administrateurs et dirigeants de la défenderesse Amico Imaging Services Inc. (Amico) aujourd'hui faillie et un certain Ted Young qui, à l'époque en question, était directeur des ventes de l'entreprise.

[3]                La défenderesse Amico, comme je le disais, est aujourd'hui en faillite et elle ne prend pas activement part à l'action.

[4]                La défenderesse Computer Direct Depot Inc. (Computer Depot) n'a pas comparu ni présenté d'observations à l'audience de la présente requête.

[5]                Les défendeurs proposés, M. Michel Grunbaum et M. Amnon Frankel, ont comparu par l'intermédiaire de leur avocat et se sont activement opposés à la requête.

[6]                Le défendeur proposé M. Young n'a pas comparu et j'ai appris que la requête ne lui a pas été signifiée.

[7]                À mon avis, il n'y a pas lieu de donner suite à une requête ex parte à l'endroit d'une personne proposée comme partie à une poursuite déjà instituée. Cette personne doit recevoir signification de la requête.

[8]                Par conséquent, je vais rejeter la requête à l'égard du défendeur proposé M. Young avec autorisation pour la demanderesse de procéder à la signification et de présenter à nouveau la requête, si le défendeur proposé en est ainsi avisé.

[9]                L'action elle­­-même vise à recouvrer les redevances de copie pour usage privée imposées en vertu de dispositions assez récentes de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42, et ses modifications apportées en 1997. Elle a été intentée en avril 2003 et au même moment une ordonnance Anton Piller a été prononcée et exécutée.

[10]            L'action en est actuellement à une étape très avancée et devrait incessamment être prête pour l'instruction.

[11]            La présente requête coïncide à peu près avec la faillite de la défenderesse Amico.

[12]            Pour les raisons expliquées précédemment, je ne me pencherai pas sur les parties de la requête se rapportant aux motifs visant à mettre en cause M. Young.

[13]            La demanderesse prie la Cour de mettre en cause MM. Grunbaum et Frankel parce que, comme je l'ai dit, ils sont les principaux administrateurs et dirigeants d'Amico.

[14]            Les principales allégations à leur endroit figurent à l'annexe A de l'avis de la requête, aux paragraphes 16f), 16g) et 16h) de la déclaration modifiée proposée.

[15]            Cela me ramène à la nature de la requête elle-même qui, comme je l'ai dit, se veut une requête en vue de constituer comme parties à l'instance des personnes dont la présence devant la Cour est nécessaire.

[16]            Toutefois, il n'est pas et il ne pourrait pas être soutenu que la présence de l'un des trois défendeurs proposés est nécessaire comme partie à l'action telle qu'elle existe actuellement. Leur présence comme partie à l'action ne devient nécessaire que si l'autorisation de modifier la déclaration est accordée de manière à inclure des allégations de responsabilité personnelle des administrateurs et dirigeants.

[17]            À mon avis, par conséquent, le principe approprié à appliquer n'est pas la question de savoir s'il est nécessaire ou non de les constituer parties à l'instance car il est évident que, si les modifications sont autorisées, leur présence sera nécessaire parce que des conclusions seront recherchées à leur endroit.

[18]            La règle qu'il convient d'appliquer est celle concernant les modifications. Ainsi, en règle générale, il est admis à la Cour que les modifications doivent être autorisées à moins qu'il n'en découle pour la partie adverse un préjudice ne pouvant être compensé par l'adjudication de dépens. Il est également vrai, selon mon interprétation du droit, qu'une modification en vue de la constitution d'une partie à l'instance ne doit pas être autorisée s'il semble que la réclamation visant la nouvelle partie proposée est fallacieuse.

[19]            Je suis d'avis que la requête doit être rejetée sur ces deux aspects. Premièrement, en ce qui a trait aux allégations visant MM. Grunbaum et Frankel, elles sont, comme je l'ai dit, contenues dans la déclaration modifiée aux paragraphes 16f), 16g) et 16h) que je reproduis ci-dessous :

            [traduction]

16f)    Les défendeurs Grunbaum et Frankel connaissaient les obligations auxquelles Amico était tenue en vertu de la Loi et des projets de tarif depuis au moins le début de juin 2002.

16g)    En tant que copropriétaires, administrateurs et dirigeants d'Amico, les défendeurs Grunbaum et Frankel agissent comme les têtes dirigeantes de l'entreprise et gèrent ses activités. Ils auraient pu, lorsqu'ils ont appris que des redevances de copie pour usage privé devaient être payées, faire en sorte qu'Amico respecte ses obligations légales, ce qu'ils n'ont pas fait.

16h)    Les défendeurs Grunbaum et Frankel ont plutôt approuvé la manoeuvre d'évitement proposée par M. Young et ont activement participé à celle-ci avec une totale indifférence quant à la possibilité que les activités d'Amico soient menées de manière contraire à la loi. En conséquence, MM. Grunbaum et Frankel ont délibérément, volontairement et sciemment poursuivi une ligne de conduite contraire aux obligations d'Amico prévues par la loi.

[20]            Le paragraphe 16f) dit simplement que les nouveaux défendeurs proposés étaient au courant des obligations auxquelles Amico était tenue en vertu des projets de tarif. Il se peut que ce soit le cas, mais cela ne les rend pas responsable de l'exécution de ces obligations. Un administrateur n'est pas responsable des dettes de son entreprise même s'il en est au courant, peut-être surtout s'il en est au courant.

[21]            Le paragraphe 16g) dit qu'ils étaient les têtes et les âmes dirigeantes de l'entreprise et géraient ses activités et qu'ils auraient pu, lorsqu'ils ont appris que des redevances de copie pour usage privé devaient être payées, faire en sorte qu'Amico respecte ses obligations, ce qu'ils n'ont pas fait. Encore là, à mon avis, cette situation n'engage aucunement leur responsabilité personnelle. Il en va ainsi à l'égard de toute dette d'une entreprise et l'administrateur qui omet d'ordonner le paiement d'une dette ne peut être tenu responsable personnellement de celle-ci.

[22]            Le paragraphe 16h) constitue l'essence même de l'affaire. Il précise que MM. Grunbaum et Frankel ont approuvé la manoeuvre illégale mise au point par l'autre défendeur proposé, M. Young, pour importer les CD par l'intermédiaire de l'autre défenderesse, Computer Depot, de manière à éviter le paiement de la redevance et qu'ils ont participé activement à cette manoeuvre.

[23]            La preuve sur laquelle la demanderesse s'appuie pour corroborer cette allégation est celle produite à une étape antérieure de la procédure, lorsque MM. Grunbaum et Frankel n'étaient pas visés comme parties à l'action. Soit dit en passant, j'estime que cette preuve est irrégulière. La demanderesse s'est appuyée sur des affidavits déposés à une étape antérieure, mais elle a omis de les produire à l'appui de sa requête, ce qui a donc eu pour effet de soustraire les personnes ayant souscrit ces affidavits au contre-interrogatoire s'y rapportant. Il en est résulté que le contre-interrogatoire du seul déposant produit par la demanderesse était très insatisfaisant. Je n'ai rien d'autre à dire à ce propos.

[24]            Le fait que la preuve produite ne démontre pas la connaissance et la participation réelles de MM. Grunbaum et Frankel en ce qui concerne la manoeuvre illégale revêt à mon avis encore plus d'importance. En fait, s'il en ressort quelque chose, c'est que M. Young a volontairement omis de les mettre au courant.

[25]            Ils savaient certainement que leur entreprise achetait des disques de Computer Depot et ils savaient certainement que ces disques étaient importés des États-Unis, mais cela n'est pas suffisant, à mon avis, pour engager leur responsabilité personnelle pour le paiement des redevances.

[26]            Comme je l'ai mentionné, il existe une autre raison pour laquelle j'hésite à constituer ces personnes comme des parties à l'instance et celle-ci se rapporte simplement aux règles concernant les modifications.

[27]            Comme je l'ai dit, la plus grande partie de la preuve dans ce dossier, qui en est maintenant à une étape très avancée, a été produite à un moment où ces personnes n'étaient pas visées comme parties à l'instance. Je pense qu'il sera très difficile à l'instruction de séparer ce qui est recevable en preuve à l'endroit des personnes qui n'étaient pas visées comme parties au moment où la preuve a été produite, que ce soit à l'occasion de l'interrogatoire préalable ou autrement, de ce qui ne l'est pas. Deuxièmement, la cause contre les administrateurs et dirigeants met en jeu des questions de fait et de droit différentes de celles de l'action engagée contre leur entreprise.

[28]            Pour décider si les administrateurs et dirigeants devraient être tenus responsables, la Cour devra se pencher sur la question de savoir si la connaissance qu'ils avaient de la manoeuvre illégale et leur participation à celle-ci étaient suffisantes pour les rendre responsables conformément aux principes énoncés par la Cour d'appel fédérale, il y a nombre d'années, dans l'arrêt Mentmore Manufacturing Co., Ltd. et al. c. National Merchandise Manufacturing Co. Inc. et al. (1978), 40 C.P.R. (2d) 164 (C.A.F.). Il s'agit d'une question différente de celle de la responsabilité directe d'Amico et de Computer Depot pour le paiement des redevances.

[29]            Peut-être que si l'affaire en avait été à une étape moins avancée, j'aurais été disposé à ne pas en tenir compte et à considérer que les inconvénients pourraient être compensés par l'adjudication de dépens mais, en l'espèce, je ne crois pas que ce soit le cas. Il s'agit simplement d'une question tout à fait différente qui ne sera pas opportunément instruite en même temps que la question de la responsabilité de Computer Depot.

[30]            Il est bien entendu loisible à la demanderesse d'intenter une action distincte contre les deux défendeurs proposés. Cette décision lui revient, mais je ne crois pas qu'il soit approprié de les constituer comme parties à l'instance à cette étape-ci, compte tenu surtout du fait, comme je l'ai dit, que l'action est très avancée. Ils ne sont certainement pas des personnes dont la présence devant la Cour est nécessaire et je ne crois pas que la modification devrait être autorisée.

[31]            Par conséquent, la requête sera rejetée. Les deux défendeurs proposés auront droit aux dépens à être taxés pour la requête.



« James K. Hugessen »

                                                                                                                                    Juge

                                                                                                                       

Ottawa (Ontario)

Le 9 septembre 2005

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              T-519-03

INTITULÉ :                                                            LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE         PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

                                                                                c.

                                                                                AMICO IMAGING SERVICES INC. et            COMPUTER DIRECT DEPOT INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 7 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                       LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                                           LE 9 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Madeleine Lamothe-Samson                                      POUR LA DEMANDERESSE

Fred Tayar                                                                POUR MICHAEL GRUNBAUMET                                                                                      AMNON FRANKEL                                                      

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVY RENAULT                                                POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Montréal (Québec)

Shawn M. Philbert                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Avocat                                                                      COMPUTER DIRECT DEPOT INC

Toronto (Ontario)

                                                                               

Fred Tayar & Associates                                           POUR MICHAEL GRUNBAUM ET

Avocats                                                                     AMNON FRANKEL
Toronto (Ontario)                                                                                                         

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