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Date : 20051012

Dossier : IMM-2257-05

Référence : 2005 CF 1386

ENTRE :

                                                         DAVERAJ SINGH TOOR

                                                         HARPREET KAUR TOOR

                                                       JASWINDER SINGH TOOR

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                La demande visant à obtenir qualité de réfugié au sens de la Convention présentée par la famille Toor, de l'Inde, a été rejetée. Leur demande avait été présentée sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, aujourd'hui abrogée. Ensuite, les membres de la famille Toor ont demandé de faire partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada, en conformité avec l'ancienne loi. À la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), leur demande a été convertie en demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR). La demande d'ERAR n'a pas été entendue à ce jour et il est très important de le mentionner.


[2]                Entre-temps, en avril 2004, les Toor ont demandé au ministre de leur octroyer le statut de résident permanent pour des motifs d'ordre humanitaire et de leur permettre de demeurer au Canada jusqu'à ce que la demande soit tranchée, le tout conformément à l'article 25 de la LIPR. Leur avocat a envoyé une lettre au centre de traitement des demandes de Vegreville (Alberta). À tort ou à raison, l'avocat s'attendait à ce que le dossier soit transféré à Vancouver, lieu de résidence de la famille Toor, et à ce que la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire soit tranchée en même temps que la demande d'ERAR. Il a écrit :

[TRADUCTION]

Dès réception, par les demandeurs, de l'avis de dépôt des observations, je présenterai des observations complètes à l'appui des demandes et je déposerai la preuve au soutien d'une demande d'examen des risques avant renvoi.

[3]                La demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été rejetée. Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de cette décision.

ANALYSE

[4]                En soi, la décision semble parfaitement raisonnable. L'agente a évalué les difficultés auxquelles seraient exposés les membres de la famille Toor s'ils étaient obligés de quitter le Canada et les difficultés qu'ils pourraient rencontrer s'ils étaient renvoyés en Inde. L'agente a dûment tenu compte des enfants.

[5]                Cependant, la décision ne tient plus si on l'examine dans le contexte de l'ensemble du dossier du tribunal. Les notes au dossier s'intitulent [traduction] « Demande d'ERAR fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée à l'unité de l'ERAR » . La décision est signée par un membre du bureau d'ERAR de Vancouver. Un agent d'ERAR peut trancher des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire. Une lettre datée du 22 février 2005 qui a été adressée à [traduction] « M. Toor et famille » était intitulée [traduction] « Demande de dispense du visa d'immigrant » et traitait de la demande de résidence permanente faite au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire. Jusque là tout va bien. Mais la même agente a écrit, le même jour, une autre lettre intitulée [traduction] « Résultats de l'examen des risques avant renvoi (ERAR) » . Elle a dit que la demande d'ERAR avait été examinée attentivement et qu'elle avait été rejetée. Où avait-elle la tête? Pensait-elle à une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, à une demande d'ERAR ou aux deux? L'ERAR et la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire sont deux choses différentes. La demande d'ERAR n'a, à ce jour, pas été entendue.


[6]                Au moins deux autres éléments du dossier sont préoccupants. Les demandeurs auraient dû mettre toute les chances de leur côté dans la préparation de leur demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Il n'est pas question d'y aller morceau par morceau. Les demandeurs ne pouvaient légitimement s'attendre à ce que la demande fondée des motifs d'ordre humanitaire soit entendue en même temps que la demande d'ERAR. Même si les demandeurs ont donné l'adresse de leur avocat et ont demandé que toute correspondance y soit envoyée, le centre de Vegreville a envoyé l'accusé de réception à la famille Toor et non à l'avocat. En fait, la lettre disait en substance : [traduction] _ ce n'est pas la peine d'appeler, on vous appellera _. Si cette lettre avait été adressée à l'avocat, il aurait certainement été avisé qu'il était temps de soumettre les évaluations psychologiques, comme il avait dit qu'il allait le faire. Cette lettre n'est apparue qu'après que le contrôle judiciaire ait été accordé, et le dossier du tribunal, préparé.

[7]                L'agente avait conclu que le voyage en Inde était possible. Certes, dans le contexte d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, cela est tout à fait vrai. Cependant, le Consulat de l'Inde n'étant pas encore convaincu de la nationalité des Toor, il a refusé de leur délivrer des titres de voyage. Cette question n'a pas été soulevée dans la première demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. D'ailleurs, en ce moment, c'est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, et non le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui exécute les renvois. Le dossier du tribunal contient également une lettre, datée de janvier 2005, envoyée par le Consulat général de l'Inde à Vancouver, mentionnant qu'il n'avait pas encore été possible de vérifier la nationalité des demandeurs. Le ministre se plaît à dire qu'il y a une présomption selon laquelle la personne qui décide a lu tout ce qui se trouve dans le dossier. Si oui, le retour en Inde des demandeurs était-il encore possible à ce moment-là, même s'ils n'avaient pas de titres de voyage?


[8]                Le ministre se fonde, tout comme moi, sur la décision de la juge Gauthier dans Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 1327. Cette décision explique la différence entre une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et une demande d'ERAR. Elle explique aussi qu'il incombe aux demandeurs de fournir tous les documents nécessaires à l'appui de leur demande, mais qu'ils peuvent fournir des renseignements supplémentaires à tout moment avant qu'une décision ne soit rendue. En l'espèce, les demandeurs n'ont fourni aucun renseignement supplémentaire parce que le centre de Vegreville n'a pas tenu compte du fait que la famille Toor avait un avocat et parce que la lettre à été envoyée aux demandeurs plutôt qu'à l'avocat.

[9]                Quoi qu'il en soit, ce qui importe, c'est que la décisionnaire ne semble pas avoir examiné attentivement le dossier qui lui a été soumis. Compte tenu du dossier, la décision est manifestement déraisonnable.

[10]            Il n'y a aucune question de portée générale à certifier.

                                                                              « Sean Harrington »                   

                                                                                                     Juge                                

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 12 octobre 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-2257-05

INTITULÉ :               DAVERAJ SINGH TOOR et al.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 5 OCTOBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS :

Charles Groos              POUR LES DEMANDEURS

Jonathan Shapiro          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Charles E.D. Groos      POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Surrey (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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