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Date : 20040921

Dossier : DES-3-03

Référence : 2004 CF 1290

Ottawa, Ontario, ce 21ième jour de septembre 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                             DANS L'AFFAIRE CONCERNANT un

certificat en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi

sur l'immigration et la protection des réfugiés,

signé par le Ministre de l'immigration et le Solliciteur

général du Canada ("les Ministres")

L.C. 2001, ch. 27 (la « L.I.P.R. » );

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT le dépôt

de ce certificat à la Cour fédérale du Canada en

vertu du paragraphe 77(1) et des articles 78 et

80 de la L.I.P.R.;

DANS L'AFFAIRE CONCERNANT le mandat pour

l'arrestation et la mise en détention ainsi que le contrôle

des motifs justifiant le maintien en détention en vertu

des paragraphes 82(1), 83(1) et 83(3) de la L.I.P.R.

ET DANS L'AFFAIRE CONCERNANT

la demande de remise de l'audition

prévue pour les 20, 21 et 22 septembre 2004

par M. Adil Charkaoui (M. Charkaoui)


                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Il s'agit d'une demande de remise de l'audition prévue pour les 20, 21 et 22 septembre 2004 par M. Adil Charkaoui ("M. Charkaoui") cédulée depuis le 17 mai 2004.    En plus, M. Charkaoui demande à ce que la prochaine audition soit limitée à l'étude de la légalité de la décision du délégué du Ministre concernant la protection prévue à l'article 112(1) de la Loi ("le rapport du délégué du Ministre") et qu'elle ne devrait pas inclure l'étude de la raisonnabilité du certificat. Bien que le Tribunal avait suggéré de réserver deux semaines pour étudier la raisonnabilité du certificat et le rapport du délégué du Ministre, M. Charkaoui demande d'en réserver une seule et il demande les dépens.

[2]                La demande de remise est faite pour plusieurs raisons mais pour les fins de la présente, le Tribunal en retient une pour l'accorder. Le rapport du délégué du Ministre fut communiqué le 17 août 2004 avec un addenda le 22 août 2004. M. Charkaoui et son avocate ont consacré beaucoup d'heures et d'énergie à préparer les représentations pour les fins de ce rapport. Bref, et avec l'accord des Ministres, le Tribunal considère que l'audition de septembre 2004 est trop rapprochée tenant compte de la date de la communication du rapport du délégué du Ministre et elle doit être annulée. Le tribunal veut donner aux parties une période de temps raisonnable pour la préparation du travail à venir.

[3]                À ce sujet, le Tribunal donne à M. Charkaoui la possibilité d'être entendu sur la raisonnabilité du certificat et par la suite la légalité du rapport du délégué du Ministre et à cet effet, les semaines du 22 novembre et 13 décembre 2004 seront réservées. Ces semaines furent choisies lors d'une conférence téléphonique entre les parties et le soussigné en date du 7 septembre 2004. Elles furent acceptées par les procureurs à l'exception de Me Cadieux (procureur pour l'un des Ministres) qui informait que le tout serait fait pour que le tout procède pendant les deux semaines.

[4]                Se basant sur l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration) v. Jaballah, [2004] C.A.F. 257 ( « Jaballah » ), en date du 13 juillet 2004, M. Charkaoui prétend que la Cour doit procéder à l'examen de la légalité du rapport du délégué du Ministre et faire une détermination à cet effet avant de lui donner la possibilité d'être entendu quant à la raisonnabilité du certificat. M. Charkaoui me réfère au paragraphe 29 de ladite décision:

[29] Comme l'avocat de Mr. Jaballah a mentionné au cours de ses arguments, cette interprétation des paragraphes 79(2) and 80(1) est supportée par la procédure indiquée par le paragraphe 80(2). Selon le paragraphe 80(2), si le juge trouve que la décision concernant la demande de protection n'a pas été faite en toute légalité, l'instance relative au certificat de sécurité doit être suspendue jusqu'à ce que le Ministre puisse prendre une nouvelle décision sur la demande de protection. Dit autrement, lorsqu'une demande de protection est faite, le juge désigné ne peut pas procéder à l'examen du caractère raisonnable du certificat avant de déterminer la légalité de la décision du Ministre. (Notre traduction)

[5]                Les Ministres n'interprètent pas la décision de la Cour d'appel fédérale dans Jaballah précité, de la même façon. Selon eux, le juge Rothstein au nom de la Cour informait au paragraphe 16 et son sous-paragraphe 7 en citant avec approbation le juge désigné, que lorsque le rapport du délégué du Ministre est communiqué, la Cour (suite à la suspension de l'étude de la raisonnabilité du certificat (voir article 79(1) de la Loi) peut reprendre l'étude de la raisonnabilité du certificat:

"16. La procédure exigé par LIPR est, en partie, décrite dans la décision du juge désigné en date du 8 octobre 2002, [2003] 3 C.F. 85 au paragraphe 27. Je suis d'accord avec son analyse et je l'adopte dans mon analyse statutaire.[...]

(7) Selon le paragraphe 79(2) de la Loi, lorsque la demande de protection est statuée, le Ministre notifiera la personne concernée ainsi que le juge désigné. Ensuite le juge reprendra l'étude de la raisonnabilité du certificat et de la légalité de la décision du Ministre. (Notre traduction)

[6]                Une étude des articles 79 et 80 de la Loi et leurs sous-paragraphes m'amène à constater que la détermination ou non du caractère raisonnable du certificat est le coeur de la section 9 de la Loi. Sans ce certificat, la section 9 n'a aucune espérance de vie et il n'y a absolument aucune justification possible à une arrestation et à une détention ainsi qu'à une demande de protection. Une détermination sanctionnant la raisonnabilité du certificat enclenche une multitude de conséquences telles l'interdiction de territoire et l'évaluation de la légalité du rapport du délégué du Ministre si telle demande a été faite (voir l'article 81 de la Loi). Par ailleurs, si le certificat n'a pas un caractère de raisonnabilité, il n'y a pas interdiction de territoire, le résident permanent est libéré (s'il a été arrêté et détenu et maintenu en détention) et il n'y a pas lieu de consacrer une audition à la légalité du rapport du délégué du Ministre.

[7]                Donc, le Tribunal considère logique de procéder en premier lieu à l'étude du caractère raisonnable du certificat et le cas échéant, si nécessaire, à l'étude de la légalité du rapport du délégué du Ministre et non l'inverse. Pourquoi consacrer temps et énergie à l'étude du rapport du délégué du Ministre en premier lieu s'il y a possibilité que le caractère raisonnable du certificat ne soit pas retenu.

[8]                À cet effet, je m'appuie sur les propos du juge Rothstein dans Jaballah précité lorsqu'il écrit au paragraphe 28:

"Selon le paragraphe 79(2), la procédure mise de l'avant inclut l'étude de la raisonnabilité du certificat et de la demande de protection. Selon le paragraphe 80(1), il y a deux choses que le juge doit décider: (1) si le certificat est raisonnable; et (2) si la décision concernant la demande de protection a été faite en toute légalité." (Notre traduction)

[9]                Il est vrai que le paragraphe 29 dans Jaballah cité ci-haut peut porter à confusion mais le Tribunal croit que celle-ci naît du fait que le juge Rothstein répondait à une situation factuelle particulière.

[10]            À titre d'appui supplémentaire quant à la marche à suivre lorsque la suspension fut accordée et que le rapport du délégué du Ministre est communiqué, le Tribunal se réfère à l'arrêt Re: Harkat [2003] 4 C.F. 1020 (C.F.) sous la plume de ma collègue la juge Dawson lorsqu'elle écrit au paragraphe 8 :


"Pour ce qui est des demandes de protection, à la demande du ministre ou d'un étranger nommé dans le certificat, le juge désigné pour instruire l'instance relative au certificat doit, conformément au paragraphe 79(1) de la Loi, suspendre l'affaire concernant le caractère raisonnable du certificat afin que le ministre puisse disposer de la demande de protection. Lorsque cela est fait, le ministre est tenu de notifier la décision à l'étranger et au juge désigné, lequel, à ce moment-là, reprend l'affaire concernant le certificat. En plus de se prononcer sur le caractère raisonnable du certificat, le juge est ensuite également tenu de contrôler la légalité de la décision du ministre sur la demande de protection. Ce contrôle est fondé sur les motifs de contrôle judiciaire énumérés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)]. Voir le paragraphe 79(2) de la Loi."

[11]            Ayant à l'esprit l'obligation du Tribunal de procéder sans formalisme et de façon expéditive (voir article 78c) de la Loi) ce qui fut noté par le juge Rothstein au paragraphe 20 de l'arrêt Jaballah précité : "... après tout, selon le paragraphe 78c), le juge a l'obligation de procéder de façon expéditive", le Tribunal informe que l'étude de la raisonnabilité du certificat doit avoir lieu et le cas échéant, si nécessaire, l'étude de la légalité du rapport du délégué du Ministre et ce, dans les mois à venir, tout en tenant compte d'une période de temps nécessaire permettant aux parties de se préparer.

[12]            Le Tribunal, comme juge désigné, est saisi de ce dossier depuis la fin mai 2003 et M. Charkaoui est détenu depuis le 21 mai 2003. Déjà, plusieurs jugements furent rendus et trois revues de la détention ont eut lieu. Il est dans l'intérêt de la justice et celui de M. Charkaoui que le Tribunal procède à l'étude de la raisonnabilité du certificat et le cas échéant, si nécessaire, à la légalité du rapport du délégué du Ministre.

[13]            À cet effet, le Tribunal réserve deux semaines de cinq jours soient les semaines du 22 novembre et 13 décembre 2004. En premier lieu, le Tribunal donne à M. Charkaoui la possibilité de se faire entendre quant à la raisonnabilité du certificat lors de l'audition prévue pour la semaine du 22 novembre et par la suite, si nécessaire, le Tribunal entendra la preuve concernant la légalité du rapport du délégué du Ministre. Le Tribunal informe qu'il est prêt à envisager par requête les demandes pouvant permettre à faciliter la présentation de la preuve. Les parties pourraient envisager la possibilité que la preuve déjà entendue lors des auditions antérieures soit déposée dans le cadre des auditions à venir et que la preuve à être déposée lors de la prochaine audition de novembre soit déposée pour les fins de l'autre audition et vice-versa, s'il y a lieu.

[14]            Dans le but de faciliter l'exécution de l'échéancier ci-haut, le tribunal donne à M. Charkaoui jusqu'au 19 octobre 2004 inclusivement pour déposer son mémoire, ses affidavits et ses documents dans les deux dossiers et les Ministres auront jusqu'au 8 novembre 2004 pour y répondre. M. Charkaoui pourra déposer une réplique au plus tard le 16 novembre 2004. Si les parties entendent interroger, ils devront le faire avec la collaboration des procureurs. Si ceci est impossible, une demande devra être faite au Tribunal. Tous les interrogatoires devront être terminés pour le 15 novembre 2004.

[15]            M. Charkaoui demande les dépens. L'argumentation de M. Charkaoui est silencieuse quant à cette recherche de conclusion et les Ministres n'ont pas eu à y répondre. Dans les dossiers d'immigration en général et selon les règles de la Cour, le principe est qu'il n'y a pas de dépens à moins qu'il y ait des raisons spéciales.

[16]            La présente ordonnance a déjà été communiquée aux parties étant donné la demande de remise et la proximité de l'audition. Le Tribunal avait indiqué que des motifs suivraient.

POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE QUE:                                

1.          La demande de remise de l'audition prévue pour les 20, 21 et 22 septembre 2004 à Montréal est accordée.

2.          L'audition concernant la raisonnabilité du certificat et la possibilité pour M. Charkaoui d'être entendu aura lieu les 22, 23, 24, 25 et 26 novembre 2004 à Montréal et si nécessaire celle concernant la légalité du rapport du délégué du Ministre les 13, 14, 15, 16 et 17 décembre 2004; et à cet effet, M. Charkaoui devra être présent lors de ces auditions au 30, rue McGill à Montréal à 9h30 et la demande est faite aux Ministres de s'assurer de sa présence.


3.          M. Charkaoui a jusqu'au 19 octobre 2004 inclusivement pour déposer ses mémoires, ses affidavits et ses documents pour les deux dossiers.

4.          Les Ministres auront jusqu'au 8 novembre 2004 inclusivement pour y répondre.

5.          M. Charkaoui aura un droit de réplique jusqu'au 16 novembre 2004 inclusivement.

6.          Tous les interrogatoires devront être terminés pour le 15 novembre 2004.

7.          Les dépens ne sont pas accordés.

                 "Simon Noël"                

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                DES-3-03

INTITULÉ :               DANS L'AFFAIRE CONCERNANT UN CERTIFICAT

EN VERTU DU PARAGRAPHE 77(1) DE LA LOI

SUR L'IMMIGRATION ET LA PROTECTION DES

RÉFUGIÉS

ET ADIL CHARKAOUI

DATE DE L'AUDITION:                              REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE :           L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 SEPTEMBRE 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR:

DANIEL ROUSSY     POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LUC CADIEUX

DANIEL LATULIPPE                                      POUR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

JOHANNE DOYON POUR ADIL CHARKAOUI

                                  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

SOUS-PROCUREUR                                     ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

GÉNÉRAL DU CANADA                               L'IMMIGRATION

DOYON, MORIN      POUR ADIL CHARKAOUI

MONTRÉAL (QUÉBEC)


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