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Date : 20050405

Dossier : IMM-3115-04

Référence : 2005 CF 449

Toronto (Ontario), le 5 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

NAVARATNAM NIMALESWARAN

(aussi connu sous le nom de NAVARATHNAM NIMALESWARAN)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Navaratnam Nimaleswaran, un Tamoul de 33 ans de Jaffna, une ville située dans le Nord du Sri Lanka, prétend craindre avec raison d'être persécuté par les autorités sri-lankaises. La Commission a reconnu que le demandeur avait été détenu et battu à deux occasions par la police sri-lankaise, mais elle a considéré que cela ne constituait pas de la persécution. Elle a conclu en outre qu'à la suite des changements survenus récemment au Sri Lanka, il y avait même moins maintenant de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans ce pays.

[2]                Il n'est pas nécessaire d'examiner toutes les questions soulevées par le demandeur en l'espèce puisque je suis convaincue que la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur n'avait pas été persécuté.

Contexte

[3]                Le demandeur a vécu à Jaffna jusqu'en 1996, lorsqu'il a décidé de déménager à Colombo afin d'échapper à l'agitation qui régnait dans le Nord du Sri Lanka. Pendant cinq ans, il a habité à Colombo avec un homme de son village et a travaillé comme charpentier pour gagner sa vie.

[4]                Le demandeur a été détenu à deux reprises par les autorités sri-lankaises pendant qu'il vivait à Colombo. En 1999, de nombreux Tamouls ont été arrêtés lors d'une rafle policière effectuée après que les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET) eurent tenté d'assassiner la présidente du Sri Lanka, Mme Chandrika. Le demandeur a été emmené au poste de police, où il a été détenu et battu par la police pendant une journée. Il a été libéré sur versement d'un pot-de-vin.

[5]                Le demandeur a de nouveau été conduit au poste de police en décembre 2000 à la suite d'un contrôle d'identité de routine. Il a encore été battu par la police, puis relâché après trois jours.

[6]                La police a alors dit au demandeur que son laissez-passer, qui lui permettait d'habiter et de travailler à Colombo, n'avait pas été renouvelé. Craignant de retourner à Jaffna à cause des TLET, le demandeur a décidé de s'enfuir du Sri Lanka.

[7]                Le demandeur a engagé un intermédiaire et a quitté Colombo en janvier 2001. Après avoir séjourné en Russie et en Malaisie, il est arrivé au Canada le 24 septembre 2002.

Décision de la Commission

[8]                La Commission a accepté l'histoire du demandeur et a reconnu qu'il avait effectivement été détenu par la police à deux reprises et qu'il avait été battu par des policiers à chaque fois. Bien que ne voulant pas minimiser les coups reçus par le demandeur ou la peur provoquée par ces détentions, la Commission a considéré qu'il ne s'agissait pas d'actes de persécution. Selon elle :

Le demandeur d'asile n'était pas ciblé. Dans le premier cas, il a été pris dans une rafle à cause d'un événement important à Colombo. Comme il en a lui-même témoigné, des milliers de Tamouls ont été pris dans la rafle qui a suivi la tentative d'assassinat. La deuxième arrestation était liée à un problème de pièce d'identité. Il s'agissait, rappelons-le, d'une vérification d'identité de routine.

[9]                La Commission a examiné ensuite la situation prévalant actuellement au Sri Lanka. Comme elle a considéré que celle-ci s'était grandement améliorée, elle a conclu qu'à la date de l'audience le demandeur risquait moins qu'avant d'être persécuté dans ce pays.

Norme de contrôle

[10]            La question de savoir si une conduite particulière constitue de la persécution est une question mixte de droit et de fait, à laquelle la norme de la décision raisonnable simpliciter s'applique.

Analyse

[11]            La Commission semble avoir accepté le fait que le demandeur a été détenu par la police à deux occasions - une fois pendant une journée et l'autre, pendant trois jours - et qu'à au moins l'une de ces occasions il a été détenu uniquement à cause de son origine ethnique. Elle semble aussi avoir accepté le fait que le demandeur a été battu par les autorités sri-lankaises les deux fois où il a été détenu.

[12]            La Commission semble également avoir accepté le fait que le demandeur était une personne vulnérable et que la manière dont il avait été traité par les autorités sri-lankaises lui faisait réellement craindre d'être de nouveau traité de la même façon dans l'avenir.


[13]            Il est vrai que ce ne sont pas toutes les détentions qui constituent de la persécution, même lorsqu'elles s'accompagnent de mauvais traitements. La question de savoir si, dans des circonstances données, la détention est assimilable à de la persécution est une question mixte de droit et de fait, laquelle suppose l'application d'une norme juridique à un ensemble de faits particulier.

[14]            En l'espèce, l'analyse qui a permis à la Commission de conclure que les actes commis à l'égard du demandeur ne constituaient pas de la persécution n'est pas complète. Ainsi, la Commission n'a pas défini le terme « persécution » et n'a pas expliqué pourquoi le traitement dont le demandeur avait été victime ne constituait pas de la persécution selon son interprétation de ce terme.

[15]            En outre, la Commission ne semble pas avoir pris en considération l'effet cumulatif du traitement subi par le demandeur, compte tenu de sa vulnérabilité, même si cette question a été explicitement abordée devant elle.

[16]            Par conséquent, j'estime que l'analyse de la Commission à cet égard est déficiente et que sa conclusion selon laquelle le demandeur n'a pas été persécuté ne peut être maintenue.

[17]            L'analyse des cas de réfugiés est prospective. Lorsqu'elle a examiné le risque de persécution auquel le demandeur serait exposé s'il était renvoyé au Sri Lanka, la Commission a constaté que la situation s'était améliorée dans ce pays au point où le demandeur risquait moins maintenant d'être persécuté que dans le passé.

[18]            Ainsi, la Commission a tiré une conclusion relative, fondée sur sa caractérisation du traitement dont le demandeur avait été victime dans le passé. Étant donné que j'ai conclu qu'elle a commis une erreur à cet égard, sa conclusion concernant le risque de persécution futur ne peut être maintenue.

Conclusion

[19]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

Certification

[20]            Aucune partie n'a proposé une question pouvant être certifiée, et aucune question semblable n'est soulevée en l'espèce.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci rende une nouvelle décision;

2.          qu'aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

         « A. Mactavish »         

       Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-3115-04

INTITULÉ :                                                            NAVARATNAM NIMALESWARAN

(aussi connu sous le nom de NAVARATHNAM NIMALESWARAN)

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 22 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                           LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                           LE 5 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Micheal Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Gordon Lee                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane                                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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