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Date : 20050615

Dossier : IMM-5469-04

Référence : 2005 CF 856

ENTRE :

                                  HARJIT SINGH SAHOTA, KULJIT KAUR SAHOTA,

                     LAKHWINDER SINGH SAHOTA, SUKHWINDER SINGH SAHOTA

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                M. Sahota a demandé le statut de résident permanent au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes. Il exploite avec succès une ferme en Inde depuis plus d'une trentaine d'années.

[2]                L'agente des visas désignée a refusé la demande au motif que M. Sahota n'était pas visé par la description d'un « travailleur autonome » , telle qu'énoncée dans le Règlement :


[traduction]

[...] car vous n'avez pas été en mesure de démontrer à ma satisfaction que vous avez l'expérience utile, les compétences appropriées ou l'aptitude requise pour acheter et gérer au Canada une ferme qui contribuerait de manière importante à l'économie canadienne. Votre connaissance des techniques agricoles canadiennes est restreinte et vous n'avez aucune idée du prix et de l'emplacement exact des terres agricoles au Canada. Compte tenu de votre faiblesse dans les deux langues officielles du Canada ainsi que des différences entre les techniques agricoles utilisées au Canada et dans votre pays, je ne suis pas convaincue que vous pouvez gérer avec succès une ferme au Canada.

[3]                Il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire de cette décision.

[4]                Situons la demande dans son contexte. L'article 12 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés porte sur la sélection des résidents permanents, en prenant pour base le regroupement familial, l'immigration économique et les réfugiés. Un ressortissant étranger peut être sélectionné comme membre de la catégorie dite de l'immigration économique « en fonction de [sa] capacité à réussir [son] établissement économique au Canada » .

[5]                Selon le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, il existe deux grandes divisions au sein de la catégorie de l'immigration économique : les travailleurs qualifiés et les gens d'affaires. Ces derniers comprennent les investisseurs, les entrepreneurs et les travailleurs autonomes. M. Sahota ferait partie de ce dernier groupe. Il existe des dispositions réglementaires qui traitent des gens d'affaires sélectionnés par une province, mais elles ne s'appliquent pas à M. Sahota. L'article 88 du Règlement, qui porte sur l'ensemble des gens d'affaires, définit comme suit ce qu'est un travailleur autonome (self-employed person) :


_ travailleur autonome _ Étranger qui a l'expérience utile et qui a l'intention et est en mesure de créer son propre emploi au Canada et de contribuer de manière importante à des activités économiques déterminées au Canada.

"self-employed person" means a foreign national who has relevant experience and has the intention and ability to be self-employed in Canada and to make a significant contribution to specified economic activities in Canada.

[6]                Les « activités économiques déterminées » qui s'appliquent à un travailleur autonome comprennent « l'achat et la gestion d'une ferme » .

[7]                La notion d'expérience utile, quand il est question de l'exploitation d'une ferme, signifie ce qui suit :

_ expérience utile _

a) S'agissant d'un travailleur autonome autre qu'un travailleur autonome sélectionné par une province, s'entend de l'expérience d'une durée d'au moins deux ans au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci, composée :

[...]

(iii) relativement à l'achat et à la gestion d'une ferme, de deux périodes d'un an d'expérience dans la gestion d'une ferme;                                                    

"relevant experience", in respect of

(a) a self-employed person, other than a self-employed person selected by a province, means a minimum of two years of experience, during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application, consisting of

...

(iii) in respect of the purchase and management of a farm, two one-year periods of experience in the management of a farm;

[8]                M. Sahota allègue que l'agente des visas a commis une erreur de droit en statuant qu'il n'avait pas d'expérience utile. Il a été soutenu que la définition est claire : si, dans les cinq ans qui précèdent la date de la demande, il y a eu au moins deux périodes d'un an d'expérience dans la gestion d'une ferme, le demandeur est réputé avoir une expérience utile. Je suis d'accord.

[9]                Cependant, ce que l'agente des visas a déclaré, c'est qu'elle n'était pas convaincue que le demandeur avait « l'expérience utile, les compétences appropriées ou l'aptitude requise pour acheter et gérer au Canada une ferme qui contribuerait de manière importante à l'économie canadienne » . La définition d'un « travailleur autonome » englobe toutes ces questions, de sorte qu'aucune erreur n'a été commise au point de vue des définitions.

[10]            L'agente des visas n'était pas convaincue que M. Sahota avait l'intention et la capacité d'être un travailleur autonome au Canada. Même s'il avait ce qu'elle a considéré comme un plan d'affaires exhaustif, il ne savait pas ce que cela voulait dire. Selon les notes de l'entretien, il ignorait quelles étaient les cultures que l'on pouvait exploiter en Ontario et où il avait l'intention de s'installer, et il n'était pas au courant de la géographie et des conditions climatiques. En outre, il avait acquis son expérience dans la culture du blé et du riz, et il avait maintenant l'intention de cultiver des fruits et des légumes. Sa seule expérience à cet égard était la culture de légumes destinés à sa propre consommation. Certains extraits de la lettre de décision - et des notes - de l'agente des visas sont douteux. M. Sahota semblait avoir des éléments d'actif suffisants, mais l'agente s'est souciée du fait que la plupart de ces éléments étaient de nature fixe, comme la ferme qu'il possédait en Inde, qu'il allait falloir vendre. Elle s'est souciée aussi du fait que M. Sahota n'était pas venu auparavant au Canada pour évaluer lui-même la situation.


[11]            Cependant, même d'après la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, on ne peut pas dire que la décision dans son ensemble est déraisonnable. Comme l'a déclaré le juge Joyal dans la décision Miranda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 63 F.T.R. 81 :

[...] Bien qu'il soit possible d'isoler un commentaire dans la décision de la Commission et de conclure que celle-ci s'est trompée, l'erreur doit néanmoins être pertinente à la décision rendue. [...]

S'il est vrai que des plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d'erreurs lorsqu'ils examinent des décisions de tribunaux administratifs [...]

[12]            Certes, le fait que M. Sahota ne soit pas venu auparavant au Canada n'a pas été fatal à sa demande, et je n'interprète pas de cette façon la décision de l'agente des visas (Cheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 45 (QL), juge Dawson).

[13]            Dans Hao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296 (QL), la juge Reed, notamment aux paragraphes 25 et 26, a statué qu'il n'est pas déraisonnable qu'un agent des visas analyse un plan d'affaires afin d'évaluer la connaissance qu'a le demandeur du milieu des affaires et de ce qu'il en coûte pour faire des affaires. Ces questions sont pertinentes pour évaluer le sérieux des intentions du demandeur ainsi que sa capacité de concrétiser ces dernières. Si le plan n'est pas réaliste ou s'il est excessivement vague, le demandeur ne répond probablement pas aux exigences auxquelles doit remplir un immigrant entrepreneur. Je ne fais pas de distinction simplement parce que M. Sahota se propose d'être un travailleur autonome. Il ferait quand même partie du groupe des gens d'affaires.

[14]            Dans la décision Shehada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 11, [2004] A.C.F. no 12 (QL), le juge Pinard, s'appuyant sur une jurisprudence antérieure, a fait remarquer qu'un manque de recherches au sujet de l'entreprise proposée pourrait justifier une conclusion que le plan n'était pas viable. Dans cette affaire-là, le demandeur avait eu la possibilité d'expliquer sa proposition d'affaires, mais il avait été incapable de le faire. La situation est la même en l'espèce.

[15]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas de question de portée générale à certifier.

                                                                              « Sean Harrington »                        

                                                                                                     Juge                                  

Toronto (Ontario)

Le 15 juin 2005

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5469-04

INTITULÉ :                                                    HARJIT SINGH SAHOTA, KULJIT KAUR SAHOTA, LAKHWINDER SINGH SAHOTA, SUKHWINDER SINGH SAHOTA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 14 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 15 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

Wennie Lee                                                       POUR LES DEMANDEURS

Rhonda Marquis                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee and Company                                             POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John. H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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