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Date : 20050825

Dossier : IMM-215-05

Référence : 2005 CF 1168

Ottawa (Ontario), le 25 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

CHUN JA KIM

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 17 décembre 2004, dans laquelle on a conclu que la demanderesse n'était pas une « réfugié[e] au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » , conformément aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[2]                La demanderesse est une citoyenne de la Corée âgée de 38 ans. Elle a passé de longues périodes au Canada depuis 2000. Il semble qu'elle avait fait 4 visites au Canada avant de revenir en juin 2003. La demanderesse a attiré l'attention des autorités de l'immigration le 14 décembre 2003 à la suite de son arrestation alors qu'elle se trouvait dans un salon de massage corporel. Elle avait séjourné au-delà de son visa et il semble qu'elle travaillait dans ce salon de massage sans détenir un permis de travail. Elle a présenté sa demande d'asile le 22 décembre 2003, après son arrestation. Elle base sa demande sur l'affirmation selon laquelle, en Corée, elle avait été victime de violence fondée sur le sexe subie aux mains d'une connaissance, M. Jung, qui l'avait traquée et enlevée. La Commission a rejeté la demande pour des motifs liés à la crédibilité.


[3]                La principale observation de la demanderesse est que la Commission n'a pas traité la demande d'une manière qui soit compatible avec les directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe (les directives). La demanderesse soutient également que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire concernant la traque, laquelle peut se définir comme le fait de suivre ou de harceler quelqu'un qui intéresse le traqueur. On y mentionne à cet égard que la traque constitue une forme de violence unilatérale dénuée de sens commun. Enfin, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas accordé de valeur au rapport de la psychologue qui confirme qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique chronique.


[4]                Selon les directives, les femmes victimes de violence sexuelle peuvent présenter un ensemble de symptômes connus sous le nom de syndrome consécutif au traumatisme provoqué par le viol. Il semble que les victimes de violence sexuelle sont souvent réticentes à révéler ce qui leur est arrivé. À cet égard, la Commission a mentionné à la première page de sa décision qu'elle avait les directives à l'esprit. Cela étant dit, après avoir lu attentivement la décision contestée ainsi que la transcription de l'audience, je suis convaincu que la Commission s'est montrée sensible aux facteurs pouvant influencer le témoignage des revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe. Toutefois, le syndrome consécutif au traumatisme provoqué par le viol n'excuse pas les contradictions ni les omissions relatives à des incidents graves dans les déclarations antérieures d'une revendicatrice. Il est clair qu'il n'est pas possible de traiter les directives comme si elles corroboraient un quelconque élément de preuve étayant la thèse de la persécution fondée sur le sexe, de sorte que le seul fait de témoigner suffise à prouver la véracité des propos tenus (Newton c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 738 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragr. 18). En l'espèce, il semble que le nombre et la nature des nombreuses contradictions découlant des déclarations antérieures de la demanderesse vont bien au-delà de la difficulté prétendument éprouvée par celle-ci à se rappeler, au cours de son témoignage, certains détails de l'incident traumatisant qui se serait produit en mars 2003. Il est clair que les déclarations antérieures données par la demanderesse sont incompatibles ou contradictoires et qu'elle a adapté ou modifié son témoignage concernant des éléments clés de son histoire. Par conséquent, dans l'ensemble, la conclusion finale d'incrédibilité de la Commission n'est pas manifestement déraisonnable.


[5]                Dans ses motifs écrits, la Commission a indiqué dans des termes clairs et non équivoques pourquoi elle ne croyait pas la demanderesse. En outre, la décision de la Commission n'est pas simplement fondée sur le fait que celle-ci ait conclu qu'il était invraisemblable que M. Jung ait enlevé la demanderesse deux ans après leur dernier contact. Les inférences défavorables tirées par la Commission sont fondées sur de nombreuses contradictions entre le formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse, son témoignage et une lettre de son ancien ami/colocataire (la lettre). Par exemple, la première version factuelle contenue dans le FRP de la demanderesse ne fait que mentionner une crainte relativement à son ancien petit ami et à son mari actuel. À mon avis, la Commission avait le droit de considérer qu'il était invraisemblable que la demanderesse ait oublié ou qu'elle n'ait tout simplement pas mentionné le prétendu incident d'enlèvement et de viol. La Commission pouvait également tenir compte de la contradiction entre l'histoire de la demanderesse et la lettre à propos des deux interventions de la police après les appels téléphoniques qu'elle a faits en septembre 2000. En plus, la Commission a à juste titre pris en compte le fait que, concernant le signalement qui aurait été fait à la police en mars 2003 relativement à l'incident d'enlèvement/de viol, la demanderesse, une fois confrontée à la version factuelle contenue dans son FRP, ait clairement changé son témoignage sans donner à la Commission une raison valable d'agir ainsi. En outre, la lettre contredisait également la première version orale de la demanderesse relativement au prétendu signalement à la police en mars 2003. La Commission avait également le droit d'utiliser le bon sens pour rejeter l'histoire de la demanderesse en ce qui concerne le prétendu enregistrement à son insu d'un mariage et d'un divorce par M. Jung. Quant aux histoires de la demanderesse portant sur sa fuite et sur son ancien mari, la Commission pouvait raisonnablement conclure qu'elles n'étaient pas crédibles en se fondant sur les nombreuses invraisemblances.

[6]                En définitive, la Commission a noté trop de contradictions et d'invraisemblances dans l'histoire de la demanderesse pour toutes les énumérer. Il est bien établi en droit qu'une conclusion d'absence générale de crédibilité peut affecter l'ensemble des autres éléments de preuve pertinents présentés par le demandeur. La Commission n'a donc pas commis d'erreur dans sa décision en n'analysant pas la preuve documentaire liée à la traque puisque, au départ, elle ne croyait pas l'histoire de la demanderesse.


[7]                Enfin, la Commission n'a pas commis d'erreur en n'accordant pas de valeur au rapport de la psychologue. La commissaire a d'ailleurs fait remarquer que le rapport était « empreint de compassion » et que, personnellement, elle avait « perçu cette compassion de même que l'évaluation de la crédibilité de la [demanderesse] par la psychologue. Quoi qu'il en soit, après avoir entendu le témoignage de la [demanderesse], le tribunal ne partage plus l'impression de la psychologue. » Le fait que la psychologue n'était pas au courant de tous les aspects de la vie de la demanderesse (il semble que la psychologue n'était pas au courant qu'un certain M. Cho l'avait exploitée sexuellement et qu'elle avait travaillé dans un salon de massage) et le fait que la Commission ait conclu que la demanderesse n'était pas crédible constituaient des motifs valables pour écarter ce dernier élément de preuve.

[8]                Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Les avocates conviennent que cette affaire ne soulève pas de question de portée générale.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

                   « Luc Martineau »                    

                                                                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-215-05

INTITULÉ :                                                                   CHUN JA KIM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 16 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 25 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Nora Ng                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Helen Park                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                                            POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

John H. Sims, c.r.                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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