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Date : 20040723

Dossier : IMM-5203-03

Référence : 2004 CF 1030

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                               VADYM GRAMA,

                                          YANA GRAMA (alias YANA VITALIYIVN)

                                                              et TARAS GRAMA

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                La famille Grama - Vadym, Yana et leur fils Taras - ont fui l'Ukraine en 2002. Ils sont venus au Canada, disent-ils, pour échapper à de l'antisémitisme grave, violent et généralisé. Ils ont cherché à obtenir l'asile ici, mais un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé leur demande. La Commission a conclu que la preuve documentaire dont elle disposait contredisait la description faite par les Grama de la situation en Ukraine.

[2]                Les Grama prétendent que la Commission a commis une erreur en omettant d'examiner leurs éléments de preuve de manière adéquate. En particulier, ils avancent que la Commission a trop rapidement tiré une conclusion négative sur leur crédibilité. Ils me demandent d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience. Je suis d'accord que la Commission a commis une erreur et j'accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Question en litige

[3]                Je n'ai qu'une question à examiner : La Commission a-t-elle expliqué de manière adéquate sa conclusion que les prétentions des Grama n'étaient pas dignes de foi?

II. Analyse

[4]                Les décisionnaires doivent expliquer les conclusions défavorables sur la crédibilité en des termes clairs et sans équivoque : Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL). Dans la présente affaire, la Commission a rejeté la demande des Grama de la façon suivante :

Les demandeurs allèguent avoir été battus et avoir été la cible d'autres actes de persécution au cours des dernières années; d'après eux, il s'agit du sort habituellement réservé aux Juifs à Kiev. L'examen approfondi de la preuve portée à notre connaissance ne corrobore pas leurs allégations.


[5]                Les trois membres de la famille ont témoigné dans cette affaire. La transcription de l'audience compte plus de cent pages. Les exposés circonstanciés de Vadym et Yada sont longs et détaillés. Cependant, la Commission a rejeté leurs demandes sans avoir vraiment renvoyé à ces éléments de preuve de manière détaillée.

[6]                Il est clair que la Commission a estimé que les Grama avaient présenté un récit exagéré de leurs expériences. Elle a renvoyé à de la preuve documentaire montrant qu'il existe un comportement antisémite en Ukraine, mais ses sources ne mentionnaient pas que la situation était aussi sérieuse que les Gramas le prétendaient. La Commission avait des motifs de douter de certaines de leurs allégations.

[7]                Toutefois, la Commission a commis une erreur en rejetant l'ensemble des éléments de preuve des demandeurs sans en avoir véritablement fait l'analyse. Son affirmation qu'elle préférait « [...] ajouter foi à la preuve tirée de différentes sources, toutes étrangères à l'espèce, qu'au témoignage intéressé des demandeurs » ne constituait ni une évaluation adéquate des éléments de preuve ni une bonne explication de ses conclusions sur la crédibilité.

[8]                Dans les situations où la Commission est d'avis qu'on a exagéré une prétention, elle doit tout de même établir s'il existe suffisamment d'éléments de preuve pour justifier l'existence d'une crainte fondée de persécution. Je suis d'accord ave les commentaires du juge Marceau :


[traduction] Il nous semble que la Commission aurait dû se demander si, même si l'on tient compte de certaines exagérations, le demandeur n'avait pas démontré qu'il avait sans aucun doute été victime de différentes formes de harcèlement constituant de la persécution, rendant ainsi sa crainte de retourner dans son pays non seulement authentique mais fondée sur le plan objectif. (Yaliniz c.Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 7 Imm.L.R. (2d) 163, à la page 164 (C.A.))

[9]                Je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué de la Commission. Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé de question de portée générale pour certification et aucune question n'est formulée.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.          Les demandeurs ont droit à une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué;

3.          Aucune question de portée générale n'est formulée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »          

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5203-03

INTITULÉ :                                                    GRAMA ET AL

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MERCREDI 21 JUILLET 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                           LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                   LE VENDREDI 23 JUILLET 2004

COMPARUTIONS :

Arthur Yallen                                                     POUR LES DEMANDEURS

Aviva Basman                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Yallen & Associates                                          POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)                                             

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                             


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