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Date : 19990322


Dossier : IMM-2636-98

ENTRE:


Madjid YALA


Partie demanderesse

     ET


LE MINISTRE


Partie défenderesse

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l"immigration et du statut du réfugié en date du 5 mai 1998 refusant la revendication du demandeur au motif qu"il n"est pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur demande à cette Cour d"infirmer la décision et de renvoyer le dossier devant une nouvelle formation de la Commission.

FAITS

[2]      Le demandeur, Madjid Yala, citoyen algérien, revendique le statut de réfugié parce qu"il craint d"être persécuté en raison de ses opinions politiques imputées et de son appartenance à un groupe social, les officiers de la marine marchande algérienne.

[3]      Le demandeur est un officier de la marine marchande depuis 1978. Le 9 mai 1997, alors qu"il était en congé, le demandeur est allé à la pêche près de son domicile à Ain-Taya. Sur le chemin du retour, il allègue avoir été enlevé par quatre hommes en fourgonnette. Après s"être assuré de son identité et du travail qu"il occupait, les hommes auraient braqué une arme à feu sur lui pour le convaincre de faire passer deux hommes clandestinement en Belgique ou en Allemagne. Deux de ces hommes portaient la barbe et le demandeur soutient que se sont des intégristes. Mais ils n"ont pas dévoilé leur identité ou leur affiliation à un regroupement quelconque. Ils lui auraient demandé la date de son retour au travail et ils l"auraient forcé d"accepter de collaborer avec eux une fois de retour au travail en juillet 1997. Ils l"ont déposé à une quinzaine de kilomètres de sa résidence et l"ont menacé de le tuer et de s"en prendre à sa famille s"il devait se désister ou aviser la police. Il allègue avoir vécu chez sa tante et n"être retourné que très rarement chez lui. Le demandeur allègue n"avoir eu d"autre choix que de quitter l"Algérie afin de sauver sa vie. Il s"est rendu à Tunis en Tunisie en mai 1997 pour obtenir un visa américain qui lui a été délivré. Il est ensuite revenu en Algérie pour repartir le 8 juillet 1997. Il est passé par l"Espagne et a séjourné aux États-Unis avant d"arriver au Canada et de revendiquer le statut de réfugié le 31 juillet 1997.

Décision du Statut du réfugié

[4]      Le Statut du réfugié a jugé que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention. Selon la Commission, le récit du demandeur n"est pas crédible. La Commission a jugé que les allégations d"enlèvement aux mains d"intégristes ne sont pas dignes de foi pour les raisons suivantes : ses agresseurs ne se sont jamais identifiés; ils ne se sont manifestés qu"une seule fois; ils n"ont jamais tenté de le rejoindre ou de s"informer auprès de sa famille. La Commission a aussi jugé que le comportement du demandeur est incompatible avec ses allégations de crainte de persécution. Il a attendu trois semaines avant de considérer de quitter l"Algérie, malgré le fait qu"il connaissait d"autres personnes victimes de menaces semblables. Après avoir obtenu un visa américain en Tunisie le 22 mai 1997, il est retourné en Algérie et y a séjourné pendant un mois et demi jusqu"à son départ le 8 juillet. En outre, le demandeur n"a pas revendiqué le statut de réfugié lors de son passage en Espagne ou de son séjour d"un mois aux États-Unis. Le demandeur a expliqué qu"il avait opté pour le Canada parce qu"il parle français. La Commission juge cette explication insatisfaisante étant donné que le demandeur parle aussi anglais.

                

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

[5]      Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur déraisonnable en jugeant que le demandeur n"est pas crédible et que ses craintes de persécution ne sont pas bien fondées. Selon le demandeur, la Commission n"a pas de raisons valables de mettre en doute sa crédibilité et cette conclusion est déraisonnable à la lumière des faits et de son témoignage. Le demandeur allègue aussi que la Commission a commis une erreur déraisonnable en concluant que son comportement - le fait de ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié en Espagne et aux États-Unis - est incompatible avec les craintes de persécution qu"il allègue. La Commission a erré en ne tenant pas compte des faits et des explications du demandeur à cet égard.

[6]      Le défendeur allègue que la Commission n"a pas commis d"erreur puisque les faits ne portent pas à croire que le demandeur ait été victime de persécution aux mains des intégristes. Le dossier du demandeur met en preuve un incident isolé aux mains d"individus non identifiés. Le demandeur ne s"est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu"il existe une possibilité raisonnable de persécution, subjective et objective, s"il devait retourner en Algérie. Ainsi, le défendeur soutient que la Commission n"a pas erré en concluant qu"il n"existait pas de craintes de persécution puisqu"elle a tenu compte de l"ensemble des faits, du comportement du demandeur, ainsi que de ses explications qu"elle a jugé insatisfaisantes.

            

QUESTIONS EN LITIGE

[7]      Le demandeur soulève deux questions:

     1)      la Commission a-t-elle commis une erreur en jugeant que le demandeur n"est pas crédible?                 
     2)      la Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte des explications du demandeur pour ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié alors qu"il était en Espagne et aux États-Unis et en concluant que ses craintes de persécution ne sont pas fondées?                 

ANALYSE

Crédibilité du demandeur

[8]      Le demandeur soutient que la Commission a erré en jugeant que son récit était invraisemblable du fait que les intégristes n"ont pas cherché à entrer en contact avec lui ou sa famille après l"incident du 22 mai 1997, qu"il est retourné en Algérie après avoir en mains un passeport et un visa américain émis lors de son séjour en Tunisie, et qu"il n"a pas revendiqué le statut de réfugié alors qu"il était en transit en Espagne et séjournait aux État-Unis.

[9]      Le demandeur soumet que cette conclusion est déraisonnable puisqu"il a expliqué que ces hommes n"auraient pu entrer en contact avec lui puisqu"il n"est pas retourné vivre chez lui et est allé vivre chez sa tante après l"incident; qu"il est retourné en Algérie pour récupérer des documents; qu"il n"était en Espagne que pour un transit et qu"une fois aux États-Unis, il a choisi, après réflexion, de venir au Canada puisqu"il pourrait y vivre en français, langue qu"il manie plus habilement que l"anglais.

[10]      La Commission possède toute la discrétion voulue pour évaluer la crédibilité des personnes revendiquant le statut de réfugié. La Commission a tenu compte de tous les faits au dossier ainsi que des explications du demandeur. Malgré ses explications, la Commission a tout de même jugé que le demandeur n"était pas crédible. Dans pareil cas, il n"appartient pas à la Cour de substituer son opinion à celle de la Commission et la Cour ne doit intervenir que s"il est démontré que la décision est déraisonnable eu égard aux faits en l"espèce. À mon avis, le demandeur n"a pas démontré que la décision de la Commission est déraisonnable.

Craintes de persécution non fondées

[11]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de ses explications pour avoir attendu d"être au Canada pour revendiquer le statut de réfugié, et que le délai à revendiquer et le fait de ne pas avoir revendiquer le statut de réfugié dans les pays de transit ne constitue qu"un des critères dont doit tenir compte la Commission pour évaluer la crainte.

[12]      La décision de la Commission démontre que la Commission a jugé que le comportement du demandeur était incompatible avec ses allégations que sa vie était en danger. La Commission a tenu compte du fait qu"il n"a considéré quitté l"Algérie que trois semaines suivant l"incident; qu"il est retourné en Algérie après avoir obtenu un visa pour les État-Unis et y a séjourné pendant un mois et demi; que les explications du demandeur précisant qu"il souhaitait récupérer des documents n"étaient pas satisfaisantes et ne reflétaient pas ses craintes; que le visa a été émis le 22 mai 1997 et qu"il n"a quitté l"Algérie que le 8 juillet; qu"il n"a pas revendiqué le statut de réfugié en Espagne ou aux États-Unis; que son explication concernant le temps de réflexion et sa préférence de vivre en français au Canada n"est pas satisfaisante.

[13]      Le demandeur soutient que le temps mis pour revendiquer le statut et la possibilité de revendiquer la protection dans les pays de transit ne constitue qu"un seul facteur dont doit tenir compte la Commission pour évaluer la crainte.

[14]      En l"espèce, il appert des motifs de la Commission que la décision n"est pas uniquement fondée sur le fait qu"il n"a pas tenté d"obtenir la protection de l"Espagne et des États-Unis. La Commission a tenu compte de son comportement à partir du moment de l"incident, à son retour en Algérie après son séjour en Tunisie pour obtenir un visa, à la date de son départ, ainsi que des explications du demandeur. À mon avis, la conclusion de la Commission ne me semble pas déraisonnable eu égard aux circonstances en l"espèce.

CONCLUSION

[15]      Le demandeur ne m"a pas persuadé que la Commission avait commis une erreur justifiant l"intervention de cette Cour.

[16]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[17]      Aucune question à certifier n"a été soumise par les parties.

                             "Max M. Teitelbaum"

                        

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 22 mars 1999

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