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Date : 20200515


Dossiers : T‑1163‑18

T‑220‑19

Référence : 2020 CF 621

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 mai 2020

En présence de monsieur le juge Manson

Dossier : T‑1163‑18

ENTRE :

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH et

ACORDA THERAPEUTICS INC.

demanderesses

et

TARO PHARMACEUTICALS INC.

défenderesse

Dossier : T‑220‑19

ET ENTRE :

BIOGEN CANADA INC.,

BIOGEN INTERNATIONAL GMBH et

ACORDA THERAPEUTICS INC.

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La présente instance concerne deux actions en contrefaçon de brevet intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement]. Les demanderesses [appelées collectivement Biogen] allèguent la contrefaçon du brevet canadien no 2 562 277 [le brevet 277]. Les défenderesses, Taro Pharmaceuticals Inc [Taro] et Pharmascience Inc [Pharmascience], nient toute contrefaçon et allèguent que le brevet est invalide pour cause d’absence d’objet brevetable, d’antériorité et d’évidence.

[2]  Le brevet 277 a trait à diverses administrations de préparations de fampridine à libération prolongée et il est inscrit dans le registre des brevets sous la marque nominative FAMPYRA®. Le 3 mai 2018, Taro a envoyé à Biogen un avis d’allégation [AA] en vertu du paragraphe 5(3) du Règlement. En réponse, Biogen a intenté l’action portant le numéro de dossier T‑1163‑18 le 15 juin 2018. Parallèlement, Pharmascience a envoyé à Biogen un AA en vertu du paragraphe 5(3) du Règlement le 20 décembre 2018, et Biogen a engagé l’action portant le numéro de dossier T‑220‑19 le 1er février 2019.

[3]  Les questions de validité ont été instruites en même temps pour les deux actions, en prenant pour base les mêmes allégations d’invalidité et de preuve, de pair avec la contrefaçon dans le cas de Taro. S’il le faut, la partie « contrefaçon » de l’action de Pharmascience est censée avoir lieu plus tard cette année. La présente décision et les motifs connexes ont trait à la validité du brevet 277, de même que la contrefaçon reprochée à Taro du brevet 277, dans le dossier T‑1163‑18.

II.  Le contexte

A.  Les parties

[4]  Biogen Canada Inc est une société ontarienne, et Biogen International GMBH est une société suisse. Biogen Canada est la première personne au sens des paragraphes 4(1) et 6(1) du Règlement.

[5]  Acorda Therapeutics Inc [Acorda], une société du Delaware, est une petite société biotechnologique et la propriétaire inscrite du brevet 277. Acorda est constituée partie à la présente instance en application du paragraphe 6(2) du Règlement.

[6]  Acorda accorde une licence sur le brevet 277 à Biogen International, qui, à son tour, autorise Biogen Canada, une société apparentée, à exploiter et à vendre l’invention qui est revendiquée dans ce brevet. Biogen Canada commercialise et vend FAMPYRA au Canada.

[7]  Taro et Pharmascience sont des sociétés pharmaceutiques qui fabriquent des médicaments génériques et qui sont constituées en vertu des lois de l’Ontario. Chacune d’elle souhaite commercialiser au Canada son propre produit de fampridine à libération prolongée.

B.  La sclérose en plaques

[8]  La sclérose en plaques [SP] est une maladie chronique, évolutive et imprévisible qui touche le système nerveux central. Les lésions causées au système nerveux central nuisent à la transmission de l’influx nerveux entre le cerveau, la moelle épinière et le reste de l’organisme.

[9]  La sclérose en plaques est notamment une maladie démyélisante. La gaine de myéline tient lieu de matière isolante qui entoure les fibres nerveuses, et permet une transmission rapide des signaux électriques du cerveau vers les différentes parties de l’organisme. Sans cette gaine, il y a perturbation de cette transmission. La fonction isolante de la myéline s’apparente à celle de la gaine des câbles électriques. Si la gaine isolante est défectueuse, le courant électrique de la fibre nerveuse perd de sa puissance.

[10]  D’après ce que l’on sait de la physiopathologie, la maladie serait attribuable à une fuite d’ions potassium dans les fibres nerveuses. Par conséquent, il était logique de bloquer la fuite des ions potassium pour traiter la maladie. Les inhibiteurs de canaux potassiques comme la fampridine sont connus pour rétablir la conduction du potentiel d’action des fibres nerveuses démyélisées. C’est pourquoi on a mis à l’essai le fampridine comme traitement potentiel des symptômes de certains patients atteints de sclérose en plaques.

[11]  La sclérose en plaques comprend généralement deux phases. La phase 1 est constituée de poussées de déficits neurologiques focaux comme la perte de vision, une faiblesse dans les membres et un engourdissement. La phase 2 est habituellement appelée sclérose en plaques évolutive secondaire et se prête à un traitement par des inhibiteurs de canaux potassiques. Les patients ayant une sclérose en plaques évolutive secondaire ont généralement de la difficulté à marcher et ont besoin d’une aide telle que la canne, la marchette ou la chaise roulante (à l’occasion).

[12]  La difficulté ou l’incapacité à marcher sont les symptômes les plus fréquemment signalés de la sclérose en plaques. La difficulté à marcher peut avoir des effets désastreux chez les patients, et est l’un des signes de l’évolution de la maladie qui a des répercussions pratiques dans la vie quotidienne du patient atteint de cette maladie.

[13]  Le score à l’échelle étendue d’incapacité ou score EDSS (Expanded Disability Status Scale) de Kurtzke est utilisé de façon courante pour évaluer le degré d’incapacité d’un patient atteint de sclérose en plaques. On donne au patient un score de 0 à 10, comme il est résumé ci‑après. Les scores 5 à 8 portent particulièrement sur la capacité à marcher du patient, et rendent compte de la fréquence de ce symptôme :

 

Score EDSS

Incapacité

0

Normal

1

Aucune incapacité

2

Incapacité minimale

3

Incapacité légère ou modérée

4

Incapacité modérée ou importante

5

Incapacité à marcher qui nuit aux activités quotidiennes

6

Aide requise pour marcher

7

Nécéssite une chaise roulante

8

Doit rester au lit ou utiliser une chaise roulante

9

Perte d’autonomie

10

Décès causé par la sclérose en plaques

 

[14]  FAMPYRA et la fampridine de Taro sont tous deux indiqués chez les patients adultes atteints de sclérose en plaques ayant une difficulté à marcher définie par les scores EDSS de 3,5 à 7.

[15]  Les symptômes de la sclérose en plaques sont hautement imprévisibles et varient considérablement en nature et en gravité selon la personne, et même au fil du temps chez la même personne. Les symptômes peuvent être transitoires ou persister, et s’aggravent souvent avec le temps. Compte tenu de ce degré de variabilité, les essais cliniques menés chez les patients atteints de sclérose en plaques sont problématiques. En raison de la nature de la maladie, il est très difficile de déterminer si un traitement potentiel a un effet significatif du point de vue clinique, ou si le changement observé est simplement attribuable à la variabilité inhérente à la maladie.

[16]  Pour déterminer si un résultat donné est réellement attribuable au traitement à l’essai, les essais cliniques doivent être contrôlés par placebo et avoir une puissance statistique suffisante pour mesurer une réponse valable. Compte tenu de la variabilité inhérente des symptômes de la sclérose en plaques, on observe souvent une variation significative entre le groupe placebo et le groupe traité, d’où la difficulté à déceler si l’intervention offre un bienfait ayant une pertinence clinique.

[17]  Il n’existe aucun traitement curatif de la sclérose en plaques. Bon nombre de traitements approuvés visent à ralentir l’évolution de la maladie et à réduire les symptômes. Comme il n’existe aucun traitement de la sclérose en plaques efficace pour tous, les traitements doivent donc être adaptés à chaque patient. En plus des traitements approuvés, divers traitements de rechange ont été utilisés dans l’espoir d’offrir un certain soulagement. Dans le passé, certains traitements de rechange étaient censés être « la meilleure solution », mais n’ont finalement pas passé l’étape des essais cliniques. Après ces faux espoirs apparus à répétition, les chercheurs en sclérose en plaques se sont mis à douter des traitements de rechange qui ne s’appuient pas sur des essais menés à double insu et contrôlés par placebo.

C.  Le brevet 277

[18]  Le brevet 277 est intitulé « Utilisation de compositions d’aminopyridine à libération soutenue ». Les inventeurs nommés sont Andrew Blight, Lawrence Marinucci et Ron Cohen. Ce brevet découle d’une demande déposée au Canada le 11 avril 2005 et revendiquant la priorité sur le fondement de la demande de brevet des États‑Unis portant le no 60/560 894, déposée le 9 avril 2004. Le brevet est devenu accessible au public le 27 octobre 2005 et a été délivré le 27 janvier 2015.

[19]  L’invention revendiquée dans le brevet 277 porte sur l’utilisation de préparations à libération prolongée d’inhibiteurs de canaux potassiques, surtout les aminopyridines, pour traiter efficacement diverses maladies, dont la sclérose en plaques. La préparation à libération prolongée aboutit à des concentrations plasmatiques efficaces et sûres d’aminopyridine pendant une période pouvant aller jusqu’à 12 heures, ce qui permet l’administration du traitement deux fois par jour tout en évitant les pics et les creux extrêmes de concentration plasmatique.

[20]  Dans la partie « Résumé de l’invention » du brevet, il est indiqué que l’un des modes de réalisation de l’invention concerne le recours à moins de 15 mg d’aminopyridine deux fois par jour pour accroître la vitesse de marche ou augmenter la force des muscles des membres inférieurs chez une personne atteinte de sclérose en plaques.

[21]  Dans le brevet, il est aussi mentionné que l’une des réalisations de l’invention concerne une méthode de sélection de personnes fondée sur leur réponse à un traitement. Cette « réponse » ou analyse « a posteriori » a été l’objet de bien des discussions durant le procès. La description renvoie à une méthode de sélection des personnes, mais cette méthode ne fait pas partie de l’invention revendiquée dans le brevet 277.

[22]  Les revendications invoquées ont trait à l’administration deux fois par jour (aussi désignée « bid ») de 10 mg d’une préparation de fampridine à libération prolongée pour améliorer la marche (ou augmenter la vitesse de marche) chez une personne atteinte de sclérose en plaques qui en a besoin, durant au moins deux semaines. Les revendications dépendantes ajoutent certaines restrictions d’ordre pharmacocinétique. Les revendications 17 à 19, et 21 en sont des exemples :

17. L’administration d’une préparation de 4‑aminopyridine à libération prolongée pour améliorer la marche chez une personne atteinte de sclérose en plaques qui en a besoin, durant au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4‑aminopyridine, deux fois par jour.

18. L’utilisation d’une préparation de 4‑aminopyridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament permettant d’améliorer la marche chez une personne atteinte de sclérose en plaques qui en a besoin, durant au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4‑aminopyridine, deux fois par jour.

19. L’utilisation de la revendication 15 ou 17, où la préparation de 4‑aminopyridine aboutit une Cmoy à l’équilibre de 15 ng/ml à 35 ng/ml.

[…]

21. L’utilisation de la revendication 15 ou 17, où la préparation de 4‑aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration de la préparation de 4‑aminopyridine.

[23]  Les revendications se divisent généralement en deux catégories : 1) utilisation de la fampridine à libération prolongée pour améliorer la marche (ou augmenter la vitesse de marche) chez les sujets atteints de sclérose en plaques; 2) utilisation de la fampridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament destiné à améliorer la marche (ou augmenter la vitesse de marche) des sujets atteints de sclérose en plaques.

III.  Les questions en litige

[24]  Les parties ont circonscrit les questions en litige avant le procès, et celles qui subsistent sont les suivantes :

  1. Le document S‑1 d’Acorda antériorise‑t‑il l’une quelconque des revendications 17, 18, 23, 28, 31, 32, 37 ou 42 du brevet 277?

  2. L’une quelconque des revendications 17 à 19, 21, 23, 24, 26, 28, 31 à 33, 35, 37, 38, 40 ou 42 [les revendications invoquées] du brevet 277 est-elle invalide pour cause d’évidence?

  3. L’une quelconque des revendications invoquées du brevet 277 est-elle axée sur des méthodes de traitement médical non brevetables?

  4. Le fait que Taro fabrique, construise, exploite ou vende la Taro‑Fampridine d’une manière conforme à sa PADN contrefait‑il l’une quelconque des revendications invoquées du brevet 277?

[25]  Pour les motifs qui suivent, le document S‑1 d’Acorda antériorise les revendications 17, 18, 31 et 32, et toutes les revendications invoquées du brevet 277 sont invalides pour cause d’évidence. Aucune des revendications invoquées n’est axée sur des méthodes de traitement médical non brevetables.

IV.  Les témoins des faits

[26]  Ceci étant dit à titre préliminaire, Biogen a présenté une preuve par affidavit de Mme Preeti Singh et de M. H. Samuel Frost, mais ces deux témoins n’ont été ni présentés ni contre-interrogés au procès, et leur preuve n’a eu aucune incidence sur les questions déterminantes. La Cour signale que cette preuve figurait dans le dossier.

A.  Le Dr Ron Cohen

[27]  Le Dr Cohen est président et chef de la direction d’Acorda et un inventeur nommé sur le brevet 277. Il a témoigné au sujet de l’invention qui a mené à ce brevet.

[28]  Acorda a d’abord étudié la fampridine en tant que traitement potentiel des lésions de la moelle épinière à l’aide de préparations à libération immédiate. Le Dr Cohen a appris que Elan, une compagnie pharmaceutique irlandaise, avait mis au point une préparation de fampridine à libération prolongée, et en 1998, Acorda a repris le travail de mise au point du traitement de la sclérose en plaques par de la fampridine à libération prolongée commencé par Elan.

[29]  Elan avait obtenu des résultats négatifs après une étude de phase 2 d’envergure menée avec de la fampridine à libération prolongée pour traiter les patients atteints de sclérose en plaques. L’étude d’Elan comprenait 161 patients atteints de sclérose en plaques à qui on a administré des doses croissantes de fampridine à libération prolongée variant de 12,5 mg bid à 22,5 mg bid.

(1)  MS‑F200

[30]  MS‑F200 était une étude de phase 1 qui permettait d’examiner l’innocuité et l’efficacité de doses de 5, 15 et 25 mg de fampridine à libération prolongée sur l’oculomotricité de patients atteints de sclérose en plaques présentant une ophtalmoplégie internucléaire. Acorda espérait se distinguer d’Elan, dont l’étude n’avait pas réussi à montrer une amélioration statistiquement significative du score EDSS et de la plupart des mesures secondaires. Les résultats de l’étude MS‑F200 étaient négatifs. Acorda a été forcé d’envisager d’autres paramètres dans les futures études sur la fampridine à libération prolongée.

(2)  MS‑F201

[31]  Par la suite, Acorda a réalisé un petit essai clinique de phase 2 axé sur l’innocuité et la tolérabilité de doses croissantes de fampridine à libération prolongée. Cette étude comprenait diverses mesures de paramètres secondaires. L’étude MS‑F201 était une étude « exploratoire ».

[32]  Les doses commençaient à 10 mg bid et augmentaient jusqu’à 40 mg bid à raison de 5 mg chaque semaine. Étant donné la petite taille de l’échantillon, constitué de 36 sujets, cette étude manquait de puissance statistique et ne permettait pas d’évaluer l’efficacité de chacune des doses par rapport au placebo. Plutôt que d’évaluer l’efficacité de chacune des doses, Acorda a examiné des paramètres de l’efficacité en comparant les données groupées du groupe ayant reçu la fampridine (toutes les doses réunies) avec les données du groupe ayant reçu le placebo, et en comparant directement la dernière mesure de l’augmentation des doses.

[33]  À l’exception du bilan manuel des muscles des membres inférieurs, chaque paramètre pré-établi examiné dans l’étude MS‑F201 a donné des résultats négatifs; c’est‑à‑dire qu’il n’y a pas eu de différence statistiquement significative par rapport aux valeurs de départ et comparativement au placebo. Ces paramètres comprenaient la marche chronométrée de 25 pieds (7,6 m), une épreuve quantitative de mobilité fondée sur le temps que prend un patient pour marcher une distance de 25 pieds. Les résultats ont révélé une grande variabilité, comme on s’y attendait, et montraient un grand effet placebo. Acorda a examiné d’autres moyens d’analyser les données de l’étude dans l’espoir de trouver d’autres hypothèses à partir desquelles il serait possible de justifier des études à venir sur la fampridine à libération prolongée.

[34]  Acorda a analysé de nouveau les données de l’étude MS‑F201 et a trouvé que les scores de deux patients étaient disproportionnellement influencés par la durée de la marche. Après avoir examiné la vitesse de marche plutôt que sa durée, on a constaté une différence tout juste significative par rapport aux valeurs de départ dans l’ensemble des groupes traités par la fampridine à libération prolongée et comparativement au groupe placebo. Ces résultats sont communiqués dans les documents de référence de Goodman et le document S‑1 d’Acorda, mentionnés plus loin. En se fondant sur ces résultats, Acorda avait planifié une étude de phase 2 plus approfondie, soit l’étude MS‑F202, pour évaluer la vitesse de marche.

(3)  La tentative de lancement d’un appel public à l’épargne d’Acorda

[35]  À la suite de l’étude MS‑F201, Acorda a décidé de lancer un appel public à l’épargne en vue de lever des fonds supplémentaires. Le Dr Cohen et le Dr Andy Blight ont pris part à la rédaction de la section commerciale de la déclaration d’immatriculation à soumettre à la Securities and Exchange Commission [SEC] des États‑Unis. Cette déclaration d’immatriculation, maintenant appelée le [traduction« document S‑1 d’Acorda » est un document clé dans le présent litige.

[36]  Le document S‑1 d’Acorda présente les résultats de l’essai MS‑F201, et le plan d’étude de l’essai MS‑F202, abordés en détail plus loin, mais indique que les données de l’étude MS‑F202 ne devraient pas être accessibles avant mars 2004. Les signatures du document S‑1 d’Acorda datent du 23 septembre 2003.

[37]  Le document soumis à la SEC n’a pas obtenu la réaction souhaitée sur le plan des investissements, et Acorda l’a retiré en janvier 2004.

(4)  MS‑F202

[38]  L’étude MS‑F202 était un essai de phase 2 sur la fampridine à libération prolongée utilisée dans le traitement de la sclérose en plaques. Il s’agissait d’une étude multicentrique, à répartition aléatoire, menée à double insu, contrôlée par placebo et avec groupes parallèles réalisée chez 206 patients atteints de sclérose en plaques. L’étude MS‑F202 a débuté en février 2003, et s’est terminée en décembre 2003. Elle avait pour objectif de comparer l’efficacité de trois doses individuelles mises à l’essai – 10, 15 et 20 mg bid – sur des paramètres pré-définis, dont la vitesse de marche, et a été conçue pour avoir une puissance statistique suffisante. Les évaluations ont été effectuées lors de cinq visites sans traitement et de quatre visites avec traitement durant les 12 semaines d’administration d’une posologie stable, comme l’indique la figure ci‑dessous :

Pièce 5 jointe à l’affidavit du Dr Ron Cohen, Figure 1, page 28

EN

FR

1

Visite d’évaluation

2

Visite 0

3

Visite 1

4

Visite 2

5

Visite 4

6

Visite 7

7

Visite 8

8

Visite 9

9

Visite 10

10

Visite 11

11

20 mg bid

12

15 mg bid

13

10 mg bid

14

Placebo

15

Placebo administré durant 2 semaines (simple insu)

16

Ajustement à la hausse durant 2 semaines (10 ou 15 mg bid ou placebo)

17

Période stable de traitement de 12 semaines

18

Ajustement à la baisse durant 1 semaine (15 ou 10 mg bid ou placebo)

19

Suivi post-traitement de 2 semaines

[39]  L’étude MS‑F202, en tant qu’étude avec groupes parallèles, permettait une comparaison statistique entre les doses mises à l’essai. Le paramètre d’efficacité primaire était la variation en pourcentage de la vitesse moyenne de marche au cours de la période de 12 semaines de posologie stable par rapport aux valeurs de départ, mesurée à l’aide de la marche chronométrée sur 25 pieds.

[40]  Sur la base de certains paramètres pré-définis, l’étude MS‑F202 a échoué. On n’a pas observé de différence statistiquement significative quant au paramètre d’efficacité primaire, soit la vitesse de marche, peu importe la dose mise à l’essai. Par ailleurs, dans l’analyse des sujets ayant obtenu la réponse précisée dans le protocole (variation moyenne d’une amplitude d’au moins 20 %), on n’a constaté aucune différence significative entre toutes les doses de fampridine à libération prolongée et le placebo.

[41]  Insatisfait d’une apparence d’échec, le Dr Cohen a examiné de nouveau les données. Il a recueilli les imprimés anonymes affichant les résultats de la vitesse de marche des 206 patients pour chacune des semaines de l’étude où on a mesuré la marche chronométrée sur 25 pieds et les a personnellement étudiés.

[42]  Le Dr Cohen a créé une échelle, qui accordait aux patients un score de 0, 1+, 2+, 3+ ou 4+, selon le nombre de visites avec traitement dont l’épreuve de marche était plus rapide que la même visite sans traitement dont l’épreuve était la plus rapide. Dans cette analyse a posteriori non planifiée, les patients dont la marche était plus rapide durant 3 visites avec traitement sur 4 ou 4 visites sur 4 ont été désignés comme des « patients ayant obtenu une réponse » par opposition aux « patients n’ayant pas obtenu une réponse ». L’analyse a posteriori fortuite du Dr Cohen a permis d’examiner la persistance de la réponse plutôt que l’ampleur de la réponse. Environ 36,7 % des patients ayant reçu le médicament étaient des patients ayant obtenu une réponse, comparativement à environ 8,5 % des patients ayant reçu le placebo.

[43]  Les résultats de l’étude MS‑F202 n’indiquaient aucune différence significative quant à la vitesse de marche entre les doses de 10 mg, 15 mg et 20 mg bid, et ne montraient qu’une légère augmentation de la fréquence des événements indésirables dans les deux groupes ayant reçu les doses élevées. C’est la raison pour laquelle Acorda a choisi la dose de 10 mg bid pour les essais de phase 3, qui ont débuté après la date de la revendication.

V.  Les témoins experts

[44]  À titre de remarque préliminaire, le témoignage des principaux témoins des parties a été systématiquement affaibli en contre-interrogatoire. Compte tenu des incohérences relevées dans la preuve, de la défense des intérêts des parties et des positions déraisonnables adoptées par les Drs Oh et Leist pour le compte de Biogen, et par le Dr Ebers et M. Bailey pour le compte des défenderesses, la Cour, sauf indication contraire, accorde peu d’importance à leurs témoignages d’expert.

[45]  De manière générale, M. Kealey et le Dr Williams étaient des témoins crédibles et utiles, mais leur preuve avait une portée limitée. M. Kealey, pour les défendeurs, a déclaré que le document S‑1 d’Acorda était accessible au public à partir d’avril 2004. Le Dr Williams, qui représentait Biogen, a donné son avis sur la possibilité de déduire les concentrations à l’équilibre de médicaments à libération prolongée à partir d’études de bioéquivalence à dose unique.

A.  Les témoins de Biogen

(1)  La Dre Jiwan Oh, PhD

[46]  La Dre Oh est neurologue à l’hôpital St. Michael et chercheure au Keenan Research Center for Biomedical Science à Toronto. Sa pratique clinique est axée sur le traitement de patients atteints de sclérose en plaques, et ses recherches portent sur le recours à des techniques avancées d’imagerie par résonance magnétique et sont menées dans le cadre du programme de recherche sur la sclérose en plaques de l’hôpital St. Michael.

[47]  La Dre Oh était qualifiée pour donner un avis d’expert sur les sujets suivants : neurologie; sclérose en plaques; traitement de la sclérose en plaques; produits thérapeutiques utilisés dans le traitement de la sclérose en plaques (dont la pharmacologie, la formulation et la pharmacocinétique des produits thérapeutiques); fampridine; conception, réalisation et analyse (dont l’analyse statistique) d’essais cliniques (dont des essais cliniques avec des patients atteints de sclérose en plaques).

[48]  La Dre Oh a témoigné au sujet de la personne moyennement versée dans l’art, des connaissances générales courantes et de la contrefaçon, par Taro, du brevet 277. Elle a adopté quelques positions incohérentes entre son rapport d’expert et son contre-interrogatoire. Par exemple, lors de ce dernier, elle a déclaré que la monographie de produit éclaire la manière dont elle conçoit les revendications. Elle a dit de plus que l’analyse a posteriori qui est décrite dans la divulgation fait partie des revendications. À la simple lecture du texte des revendications, cette approche est à la fois inexacte et non crédible.

[49]  Par ailleurs, en réponse à la question de savoir si la monographie de produit de Taro traite d’un type d’analyse sur des « patients ayant obtenu une réponse », la Dre Oh a répondu que, comme la monographie de produit de Taro renvoie à celle de FAMPYRA, la personne versée dans l’art importerait l’analyse des essais cliniques de la monographie de produit de FAMPYRA et intégrerait l’analyse a posteriori des patients ayant obtenu une réponse dans la monographie de Taro. Une fois de plus, ce point de vue montre qu’il est irraisonnable de concevoir la monographie de produit de Taro de manière téléologique.

 

(2)  Le Dr Roger Williams

[50]  Le Dr Williams est un consultant en pharmacologie clinique et est certifié en pharmacologie clinique et en médecine interne. Dans le cadre de ses expériences professionnelles antérieures, il a été directeur du bureau des médicaments génériques à la FDA de 1990 à 1993, directeur associé aux affaires scientifiques et médicales de 1993 à 1994, directeur intérimaire au bureau de la chimie des nouveaux médicaments de 1995 à 1996, et directeur adjoint du centre de 1995 à 2000.

[51]  Biogen a présenté l’affidavit du Dr Williams en réponse aux questions soulevées par M. Bailey. Le seul mandat du Dr Williams était de se pencher sur les paragraphes 17 à 23 du rapport de M. Bailey, de répondre à la question de savoir si les concentrations à l’équilibre de médicaments à libération prolongée peuvent être déduites à partir d’études de bioéquivalence à dose unique, et d’indiquer les points d’accord et de désaccord.

[52]  Le Dr Williams était qualifié pour donner une opinion d’expert sur les sujets suivants : pharmacocinétique, notamment la pharmacocinétique à l’état d’équilibre de produits à libération prolongée; bioéquivalence et essais de bioéquivalence, dont les normes et les méthodes réglementaires qui s’y rapportent.

[53]  Le Dr Williams a été un témoin digne de foi.

(3)  Le Dr Thomas Leist, PhD

[54]  Le Dr Leist est le chef de la Division de la neuroimmunologie clinique et directeur du Comprehensive MS Center de l’Université Thomas Jefferson à Philadelphie, en Pennsylvanie. Il est en poste depuis l’an 2000, et enseigne la neurologie comme professeur à l’Université Thomas Jefferson depuis 2014.

[55]  Le DLeist a obtenu son doctorat en biochimie à l’Université de Zurich (Suisse) en 1985, et son diplôme de médecine à l’Université de Miami en 1993.

[56]  Le DLeist a témoigné au sujet du contexte scientifique de la sclérose en plaques, de l’interprétation des revendications, de l’état de la technique et des connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art en date d’avril 2004, ainsi qu’au sujet de l’antériorité et de l’évidence. Il a également répondu aux opinions du DEbers sur l’antériorité et l’évidence.

[57]  Le Dr Leist était qualifié pour donner son opinion d’expert sur les sujets suivants : neurologie; sclérose en plaques; traitement de la sclérose en plaques; produits thérapeutiques utilisés dans le traitement de la sclérose en plaques (dont la pharmacologie, la formulation et la pharmacocinétique des produits thérapeutiques); fampridine; la conception, la réalisation et l’analyse (dont l’analyse statistique) d’essais cliniques (notamment des essais cliniques menés avec des patients atteints de sclérose en plaques).

[58]  En contre-interrogatoire, le DLeist s’en est tenu aux opinions exprimées dans son rapport. Cependant, il a abordé une bonne part des éléments d’art antérieur en faisant apparemment montre d’un esprit non disposé à comprendre. Il s’est exprimé de manière évasive en répondant à de simples questions sur les éléments d’art antérieur cité dans son rapport, notamment au sujet des résumés et de l’affiche de Goodman. Il a semblé s’attacher au fait de dénigrer les éléments d’art antérieur qui étaient défavorables à Biogen, et ce, au point où, d’après lui, la personne moyennement versée dans l’art n’aurait rien appris de ces éléments.

B.  Les témoins des défenderesses

(1)  M. Burch Kealey, PhD

[59]  M. Kealey est professeur agrégé de comptabilité à l’Université du Nebraska, à Omaha. Son témoignage d’opinion porte uniquement sur la date à laquelle le document S‑1 d’Acorda aurait été rendu accessible au public par l’entremise de la base de données EDGAR de la SEC, et sur le nombre de fois où ce document a été consulté entre sa date de diffusion et le 11 avril 2004.

[60]  M. Kealey était qualifié pour donner son opinion d’expert sur l’accès du public aux documents financiers fournis à la base de données électronique EDGAR de la SEC, ainsi que sur la mesure dans laquelle les documents de cette nature étaient diffusés au public par l’entremise de cette base.

[61]  M. Kealey a été un témoin digne de foi.

(2)  Le Dr George Ebers

[62]  Le Dr Ebers est professeur émérite au Service de neurologie clinique de Nuffield, à l’Université d’Oxford. Il a témoigné sur le contexte scientifique entourant la sclérose en plaques, sur la personne moyennement versée dans l’art et sur ses connaissances générales courantes, sur l’interprétation des revendications, sur l’état de la technique en date d’avril 2004, sur l’antériorité et sur l’évidence.

[63]  Le Dr Ebers est neurologue consultant et médecin. Il a pratiqué comme neurologue et a enseigné à la Western University de 1977 à 1999, a traité des patients atteints de sclérose en plaques et des patients ayant des troubles neurologiques généraux durant cette période. Ses travaux de recherche à la Western University portaient sur l’épidémiologie, la génétique, l’histoire naturelle et les essais cliniques sur la sclérose en plaques. Il dirige le département de neurologie clinique d’Oxford depuis 1999, et poursuit la pratique de la médecine.

[64]  Le Dr Ebers estime qu’il a vu entre 6 000 et 7 000 patients atteints de sclérose en plaques dans les quarante dernières années. Il était responsable de la clinique de sclérose en plaques de London, en Ontario, laquelle est devenue la plus grande au monde sous sa direction, et a co‑créé et développé le réseau canadien de cliniques sur la sclérose en plaques. Dans le cadre de ces rôles, il a activement participé à la réalisation d’essais cliniques et à l’évolution des connaissances sur la maladie et ses traitements.

[65]  Le Dr Ebers était qualifié pour donner un avis d’expert sur la sclérose en plaques; l’étiologie de la maladie; son évolution; son traitement et ses symptômes; le rôle des inhibiteurs de canaux potassiques dans le traitement de la maladie; le recours à des médicaments, dont la fampridine, pour traiter les symptômes; la conception, la réalisation et l’analyse d’essais cliniques sur la maladie; et l’utilisation et la pharmacocinétique de produits thérapeutiques à libération prolongée dans un but de traitement.

[66]  Les parties s’entendent sur ses qualifications, mais le Dr Ebers a admis en contre‑interrogatoire qu’il ne se considère pas comme un expert du rôle des inhibiteurs de canaux potassiques dans le traitement de la sclérose en plaques ni de la pharmacocinétique des produits thérapeutiques à libération prolongée utilisés pour traiter la sclérose en plaques.

[67]  Le témoignage du Dr Ebers sur l’histoire de la sclérose en plaques et les traitements de cette maladie était crédible et détaillé. Il a clairement consacré une grande partie de sa vie à étudier et à documenter la sclérose en plaques et ses traitements.

[68]  Cependant, le témoignage du Dr Ebers au sujet de l’état de la technique et de l’évidence a été affaibli en contre-interrogatoire. Quand on l’a orienté vers les éléments d’art antérieur cités dans son rapport, il a dénigré presque toutes les études présentées comme telles, les qualifiant de conjecturales, mal conçues et limitées par le faible nombre de patients testés.

[69]  Comme il traite la sclérose en plaques depuis longtemps et compte tenu des « faux espoirs » apparus à répétition, le Dr Ebers était sceptique, et à juste titre, des présumés nouveaux traitements. Cela dit, son scepticisme désabusé a affaibli son opinion, car il semblait ne voir aucun intérêt dans les nombreuses études qui lui ont été présentées, y compris celles citées dans son propre rapport, et les études menées dans le cadre de l’élaboration du brevet 277.

[70]  Le rapport du Dr Ebers était également loin d’être impartial. Biogen a fait ressortir environ une centaine de paragraphes de son rapport qui avaient été copiés presque textuellement de l’AA de Taro, un document qu’il, a-t-il reconnu, n’avait jamais lu.

[71]  Il est certes admissible qu’un avocat aide un expert à rédiger son rapport (Moore c Getahun, 2015 ONCA 55, aux para 55 et 64). Cet avocat peut même orienter l’expert vers des éléments d’art antérieur pertinents, tant que cet expert examine et confirme le contenu de son rapport, car le choix de ces éléments repose entièrement entre les mains de la partie qui allègue l’évidence (Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc., 2017 CAF 225, au para 60). Par contre, quand un expert effectue peu de recherches indépendantes, sinon aucune, et qu’il souscrit in extenso à de longs passages d’un AA qu’un conseiller juridique a préparés et que cet expert n’a jamais vu, et encore moins lu, c’est une toute autre histoire. Cette situation déborde les limites de la convenance et met véritablement en doute l’impartialité et l’indépendance de l’expert, qui sont des aspects fondamentaux de l’obligation des experts envers le tribunal (White Burgess Langille Inman c Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, aux para 26-32).

(3)  M. David Bailey, PhD

[72]  M. Bailey est pharmacologue clinique au Lawson Health Research Institute et professeur émérite au département de médecine, et de pharmacologie clinique à la Western University à London, en Ontario.

[73]  Le domaine de recherche de M. Bailey est la pharmacocinétique des interactions médicamenteuses, plus particulièrement les paramètres de pharmacocinétique comme ceux que l’on mesure dans les études de bioéquivalence.

[74]  M. Bailey était qualifié pour donner son opinion d’expert sur la pharmacocinétique des produits thérapeutiques à libération prolongée, notamment la pharmacocinétique à l’état d’équilibre des produits à libération prolongée. Il a répondu au témoignage d’opinion de la Dre Oh sur la contrefaçon, à savoir si les concentrations à l’état d’équilibre de produits thérapeutiques à libération prolongée peuvent être établies à partir d’études de bioéquivalence à dose unique.

[75]  M. Bailey s’est exprimé, comme il l’a dit lui-même, avec passion. Toutefois, en contre‑interrogatoire, il a parfois fait montre d’une attitude obstructionniste, répondant à des questions de l’avocat par d’autres questions. À maintes reprises il a évité de répondre de manière directe à des questions en parlant de ses propres recherches et nombreuses publications.

VI.  L’interprétation des revendications

[76]  Pour le juge, l’interprétation des revendications est une question de droit, et cette tâche précède l’examen des questions d’évidence et de validité (Whirlpool Corp. c Camco Inc., 2000 CSC 67, aux para 43 et 61 [arrêt Whirlpool]). La même interprétation des revendications s’applique aux questions de contrefaçon et de validité (arrêt Whirlpool, précité, au para 49).

[77]  Dans les cas où le juge peut interpréter le brevet comme le ferait une personne versée dans l’art, il n’est pas nécessaire de produire une preuve d’expert (Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé), 2007 CF 446, aux para 25, 35 et 36; Excalibre Oil Tools Ltd. c Advantage Products Inc., 2016 CF 1279, au para 119).

[78]  La Cour suprême du Canada a énoncé les principes d’interprétation qui s’appliquent en matière de revendications dans les arrêts Whirlpool et Free World Trust (Whirlpool, aux para 49‑55; Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, aux para 44‑54 [arrêt Free World Trust]). Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et de manière téléologique, avec la volonté de les comprendre et sous l’angle d’une personne moyennement versée dans l’art, en tenant compte des connaissances générales courantes. Il est nécessaire de prendre en considération le mémoire descriptif du brevet tout entier pour déterminer la nature de l’invention; cependant, le fait de s’en tenir au texte des revendications permet d’interpréter ces dernières de la manière dont l’inventeur est présumé l’avoir voulu, en mettant l’accent sur l’équité et la prévisibilité.

[79]  Pour ce qui est de l’interprétation des revendications, la date pertinente est celle de la publication : le 27 octobre 2005.

A.  La personne moyennement versée dans l’art

[80]  Les parties s’entendent généralement pour dire que le brevet 277 vise une équipe versée dans l’art comprenant un clinicien ayant de l’expérience dans le traitement de patients atteints de la sclérose en plaques, une personne ayant des connaissances de base des paramètres de la pharmacocinétique, un spécialiste de la formulation de produits pharmaceutiques ayant de l’expérience avec des préparations à libération prolongée, et une personne ayant de l’expérience dans la conception et l’analyse d’essais cliniques.

[81]  Le Dr Ebers est d’avis que l’équipe versée dans l’art comprendrait aussi du personnel de soutien qui surveille l’information du domaine public, dont les publications sur les brevets, les communiqués de presse ou les documents techniques sur la fampridine et d’autres traitements modificateurs de l’évolution de la sclérose en plaques.

[82]  Biogen conteste le fait que le Dr Ebers inclue dans l’équipe moyennement versée dans l’art du « personnel de soutien » ou de « recherche ». Je suis du même avis. La personne moyennement versée dans l’art est un travailleur moyennement versé « dans l’art dont relève le brevet » (arrêt Whirlpool, au para 53).

[83]  Il est reconnu que la personne moyennement versée dans l’art fictive peut être une équipe formée de personnes ayant des compétences différentes (Pfizer Canada Inc. c Pharmascience Inc., 2013 CF 120, au para 28). Cependant, l’équipe fictive doit quand même se composer de travailleurs moyennement versés dans le domaine auquel se rapporte le brevet. Indépendamment de la question de savoir si une équipe de mise au point d’un médicament comprendrait concrètement du personnel de soutien dont les fonctions consisteraient à faire des recherches dans des publications sur des brevets et des communiqués de presse, le brevet dont il est question en l’espèce ne se rapporte pas au domaine de la recherche de brevets. Il se rapporte au traitement de la sclérose en plaques, et la composition de l’équipe moyennement versée dans l’art devrait le montrer.

[84]  Après avoir pris en considération le témoignage de l’expert sur l’équipe moyennement versée dans l’art, j’estime que le brevet 277 s’adresse à une équipe moyennement versée dans l’art, spécialisée dans le traitement de la sclérose en plaques, la conception et l’analyse d’essais cliniques sur la sclérose en plaques, et les préparations pharmaceutiques. Par ailleurs, la personne moyennement versée dans l’art a des connaissances sur les paramètres de base de la pharmacocinétique et la biostatistique. Comme aucun expert en pharmacocinétique ni biostatisticien n’a été appelé à titre de témoin pour débattre de l’interprétation des revendications, je suis d’accord pour dire que le clinicien ou neurologue versé dans l’art de la sclérose en plaques aurait suffisamment de connaissances spécialisées dans ces domaines pour comprendre et interpréter le brevet 277.

[85]  L’équipe versée dans l’art n’inclut pas du personnel de soutien qui surveille des informations du domaine public, comme les publications sur les brevets et d’autres documents techniques.

B.  Les connaissances générales courantes

[86]  Tout en reconnaissant que la date pertinente, pour ce qui est de l’interprétation des revendications, est le 27 octobre 2005, les Drs Ebers et Leist ont tous deux décrit quelles étaient les connaissances générales courantes en date d’avril 2004, qui est la date pertinente pour évaluer les questions d’antériorité et d’évidence. Ni l’une ni l’autre des parties n’ont produit une preuve que ces connaissances avaient nettement changé entre avril 2004 et octobre 2005, ce qui veut dire que, pour l’interprétation des revendications, nous considèrerons que les connaissances générales courantes seront les mêmes à ces deux dates.

[87]  Les connaissances générales courantes sont constituées d’au moins les renseignements de base sur la sclérose en plaques mentionnés au début des présents motifs, en plus des connaissances sur la fampridine en tant que traitement de la sclérose en plaques, comme il est indiqué de façon détaillée plus loin.

[88]  En se basant sur ses connaissances générales courantes, la personne moyennement versée dans l’art aurait été au fait du mécanisme d’action hypothétique de la fampridine, et su que ce médicament avait potentiellement une utilité dans diverses affections du système nerveux central, notamment les lésions de la moelle épinière et la sclérose en plaques.

[89]  La personne moyennement versée dans l’art saurait que la sclérose en plaques n’est pas une maladie immuable, s’accompagne d’une variabilité substantielle à la fois, entre les patients (variabilité interindividuelle) et au sein d’un même patient (variabilité intra-individuelle) que l’on observe hebdomadairement ou parfois quotidiennement. En raison de cette variabilité, une substance thérapeutique peut offrir un soulagement important à une personne et avoir peu ou pas d’effets chez une autre.

[90]  Les études indiquaient que les patients atteints d’une sclérose en plaques stable peuvent présenter une variabilité quotidienne dans les résultats de la marche chronométrée de 25 pieds pouvant aller jusqu’à 20 %. En conséquence, certains chercheurs ont eu recours à un seuil d’une amélioration de 20 % statistiquement significative comme exigence minimale lorsqu’ils évaluent si une intervention donnée a entraîné un effet précis, à l’opposé d’une amélioration aléatoire attribuable à la variabilité.

[91]  La personne moyennement versée dans l’art aurait su que la sclérose en plaques est une maladie chronique, débilitante et évolutive. Lorsque des traitements symptomatiques comme la fampridine sont utilisés, il faut une administration continue ou sur une longue période pour voir les bienfaits en continu. La fampridine était censée avoir une fenêtre thérapeutique étroite, et les doses élevées de fampridine ont été associées à des effets indésirables graves, dont les poussées. Au moment de choisir la dose appropriée de fampridine, la personne moyennement versée dans l’art aurait été au fait des effets indésirables potentiels, et l’approche thérapeutique d’« y aller petit à petit » était couramment utilisée. Dans nombreuses études cliniques faisant appel à la fampridine, on a administré aux patients une dose faible avant de l’augmenter graduellement.

C.  Les termes des revendications qui doivent être interprétés

[92]  Comme il est mentionné plus haut, les revendications se divisent généralement en deux catégories : 1) l’utilisation de la fampridine à libération prolongée pour améliorer la marche (ou augmenter la vitesse de marche) chez les sujets atteints de la sclérose en plaques à une dose unitaire de 10 mg bid; 2) les revendications de type suisse pour l’utilisation de la fampridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament destiné à améliorer la marche (ou augmenter la vitesse de marche) chez les sujets atteints de la sclérose en plaques à une dose unitaire de 10 mg bid. Les revendications dépendantes ajoutent d’autres restrictions, soit certains paramètres de pharmacocinétique et le calendrier de l’administration.

[93]  Toutes les revendications pertinentes du brevet 277 sont présentées à l’Annexe A. À des fins de consultation facilitée, le libellé de la revendication indépendante 17 est le suivant :

L’administration d’une préparation de 4‑aminopyridine à libération prolongée pour améliorer la marche chez une personne atteinte de sclérose en plaques qui en a besoin, durant au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4‑aminopyridine, deux fois par jour.

[94]  Dans les revendications invoquées, les termes sont clairs et simples. La Cour n’a généralement pas besoin de l’aide d’un expert pour comprendre les termes « 10 mg deux fois par jour », « améliorer la marche », « augmenter la vitesse de marche » et « sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin ». La personne moyennement versée dans l’art aurait compris ces termes à la date pertinente comme suit :

Améliorer la marche signifie améliorer certains aspects de la marche, comme l’endurance, la force des jambes ou la vitesse de marche. L’amélioration doit être mesurée quantitativement, et étant donné la variabilité des symptômes et la fréquence de l’effet placebo dans le traitement de la sclérose en plaques, l’amélioration quantitative doit être statistiquement significative.

Un sujet atteint de la sclérose en plaques qui en a besoin renvoie à un patient atteint de sclérose en plaques qui présente une certaine difficulté à marcher. Il s’agit nécessairement d’un sous‑groupe de patients atteints de sclérose en plaques, car les patients n’ayant aucune difficulté à marcher ou un peu de difficulté (c.‑à‑d. score EDSS 0 à 2) n’ont pas besoin d’améliorer leur marche, et les patients immobilisés (c.‑à‑d. score EDSS 8 à 9) sont incapables de marcher et ne bénéficieront pas d’un traitement qui améliore la marche. Par conséquent, un sujet atteint de sclérose en plaques ayant besoin d’un traitement est un sujet dont le score EDSS est d’environ 3,5 à 7.

Durant une période d’au moins deux semaines signifie que la fampridine à libération prolongée est utilisée durant au moins deux semaines, à la dose fixe de 10 mg bid.

Une dose unitaire de 10 milligrammes de 4‑aminopyridine deux fois par jour signifie que la dose est de 10 mg, administrée deux fois par jour ou 10 mg bid.

[95]  Il n’est pas nécessaire que l’amélioration de la marche ou l’augmentation de la vitesse de marche soit « significative du point de vue clinique », comme l’a fait valoir Biogen. Le Dr Leist a indiqué que la personne moyennement versée dans l’art ne considère la marche améliorée que si l’amélioration quantitative a aussi été perçue par le patient atteint de sclérose en plaques comme un bienfait, mais suivant une interprétation téléologique, un tel élément subjectif ne fait pas partie de l’invention revendiquée.

[96]  En faisant valoir une interprétation qui comprend une amélioration de la marche significative du point de vue clinique, Biogen invite la Cour à inclure un élément qualitatif qui fait appel au talent et au jugement nécessaire à l’évaluation du bienfait subjectif perçu par un patient donné dans le contexte d’une relation médecin-patient. Or, il s’agit là d’une méthodologie de traitement médical non brevetable. En outre, l’inclusion d’un élément subjectif aurait rendu presque impossible l’établissement de la contrefaçon, car le titulaire du brevet aurait eu besoin de démontrer que tout patient donné peut percevoir un bienfait sur la marche ou la vitesse de marche.

[97]  Par ailleurs, je ne souscris pas à l’argument de Biogen suivant lequel la restriction « pour une période d’au moins deux semaines » dans la revendication nécessite que la marche soit systématiquement améliorée. Les termes clairs et simples de la revendication énoncent une utilisation de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée sur une période de deux semaines.

[98]  La revendication indépendante 18 est une revendication de type suisse qui est, par ailleurs, identique à la revendication 17. Les experts s’entendent pour dire que la revendication 18 et ses revendications dépendantes englobent les activités d’un fabricant de produits pharmaceutiques.

[99]  Les revendications indépendantes 31 et 32 sont identiques aux revendications 17 et 18, mais font état d’une utilisation de la fampridine à libération prolongée « pour augmenter la vitesse de marche » plutôt que pour « améliorer la marche ». Les experts ont convenu que « augmenter la vitesse de marche » est plus restreint que « améliorer la marche ».

[100]  Les revendications dépendantes 19, 24, 33 et 38 ajoutent une plus grande restriction, à savoir que la préparation de fampridine à libération prolongée doit aboutir à une Cmoy à l’équilibre située entre 15 ng/mL et 35 ng/mL. J’accepte la preuve du Dr Ebers à l’effet que la Cmoy à l’équilibre est la concentration plasmatique moyenne à l’état d’équilibre.

[101]  Les revendications dépendantes 21, 26, 35 et 40 ajoutent une plus grande restriction qui est la suivante : la préparation de fampridine à libération prolongée aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration. Comme il est défini dans la description, Tmax est le « délai nécessaire à l’obtention d’une concentration plasmatique maximale ».

[102]  Les revendications dépendantes 23, 28, 37 et 42 énoncent que la préparation de fampridine à libération prolongée se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures, ce qui restreint davantage l’administration « deux fois par jour ».

[103]  Chacune des revendications dépendantes dépend aussi de revendications non invoquées précédemment. Ces revendications non invoquées sont de portée plus grande en ce sens qu’elles ne comprennent pas l’élément « pour une période d’au moins deux semaines » (revendications 15, 16, 29 et 30), et certaines des revendications précisent un intervalle plus grand pour le Tmax moyen, soit de 1 à 6 heures ou de 2 à 6 heures après l’administration (revendications 20, 22, 25, 27, 34, 36, 39 et 41).

[104]  En guise de conclusion sur l’interprétation des revendications, dans la mesure où les experts de Biogen ont préconisé de s’appuyer sur la description pour considérer l’analyse a posteriori des sujets ayant obtenu une réponse comme faisant partie intégrante des revendications, cette approche est incorrecte. Les Drs Oh et Leist ont tous deux présenté cette interprétation tortueuse, et ont tenté d’envisager l’analyse des sujets ayant obtenu une réponse comme faisant partie des revendications.

[105]  Comme il est décrit en détail dans l’exposé conjoint des faits, la demande 277 comprenait des revendications sur l’utilisation d’une préparation de fampridine à libération prolongée, et des revendications sur une méthode de sélection d’individus fondée sur leur réponse au traitement. Dans le rapport du Bureau des brevets du 26 août 2011, l’examinateur des brevets s’est opposé au fait que les revendications ont été déposées en vue de porter sur plusieurs inventions. Dans sa réponse du 27 février 2012 au rapport du Bureau, Acorda a choisi de poursuivre avec les revendications de la demande 277, et a déposé une demande complémentaire pour les revendications sur la méthode de sélectionner les patients ayant obtenu une réponse. La demande complémentaire demeure en règle avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

[106]  Pendant toute la durée du procès, Biogen a dit de la demande complémentaire qu’elle était [traduction« imposée ». C’est là une exagération, car le rapport du Bureau des brevets daté du 26 août 2011 était une objection, plutôt qu’un rejet sous la forme d’une [traduction« mesure finale ». À ce stade‑ci de la poursuite, le choix qu’a fait Acorda de donner suite aux revendications relatives à l’utilisation et de déposer une demande complémentaire pour les revendications relatives à la méthode était volontaire. Si Acorda avait considéré que l’objection fondée sur l’unité de l’invention était infondée, elle aurait pu faire valoir que la méthode basée sur les patients ayant obtenu une réponse faisait bel et bien partie de l’invention revendiquée.

[107]  Les revendications relatives à la méthode d’analyse des patients ayant obtenu une réponse qui ont été séparées et inscrites dans la demande complémentaire en instance sont peut-être bien fondées, mais il est évident qu’elles ne sont pas soumises à la Cour.

[108]  À sa décharge, Biogen n’a pas mis de l’avant cette interprétation dans sa plaidoirie finale, reconnaissant que l’analyse des patients ayant obtenu une réponse ne fait pas partie des revendications interprétées ou de l’idée originale, mais qu’elle fait bel et bien partie de la démarche des inventeurs.

[109]  En résumé, les éléments essentiels des revendications 17 et 18 sont les suivants :

  1. Utilisation d’une préparation de fampridine à libération prolongée (ou utilisation d’une préparation de fampridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament)

  2. Pour améliorer la marche d’une manière statistiquement significative

  3. Chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui a de la difficulté à marcher

  4. Pour une période d’au moins deux semaines

  5. À la dose unitaire de 10 mg bid.

[110]  Les autres revendications invoquées intègrent un ou plusieurs des éléments essentiels suivants :

  1. Augmenter la vitesse de marche de façon statistiquement significative (revendications 31 et 32)

  2. La préparation de fampridine à libération prolongée aboutit à une Cmoy à l’équilibre de 15 ng/mL à 35 ng/mL (revendications 19, 24, 33 et 38)

  3. La préparation de fampridine à libération prolongée aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration (revendications 21, 26, 35 et 40)

  4. La préparation de fampridine à libération prolongée se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures (revendications 23, 28, 37 et 42).

[111]  Comme il a été mentionné, les revendications dépendantes invoquées dépendent aussi de revendications antérieures non invoquées qui ne comprennent pas l’élément « pour une période d’au moins deux semaines » ou ne précisent pas un intervalle plus grand de Tmax moyen, soit de 1 à 6 heures ou de 2 à 6 heures après l’administration.

VII.  Les contestations de la validité

[112]  Le brevet 277 est présumé valide (Loi sur les brevets, LRC (1985), c P‑4, art. 43(2)), et il incombe aux défenderesses d’établir chacun des motifs d’invalidité selon la prépondérance des probabilités (Diversified Products Corp c Tye‑Sil Corp, (1991) 35 CPR (3 d) 350, aux p. 357-359 (CAF)).

[113]  Pour ce qui est des éléments d’art antérieur invocables, les dates butoirs sont le 11 avril 2004 dans le cas des divulgations qui émanent des inventeurs, et le 9 avril 2004 dans le cas des divulgations qui n’émanent pas des inventeurs (Loi sur les brevets, art. 28.2 et 28.3).

A.  L’antériorité

[114]  Aux termes de l’article 2 de la Loi sur les brevets, il faut qu’une invention présente le caractère de la nouveauté. Il y a antériorisation des revendications d’un brevet si une seule référence d’antériorité divulgue l’invention revendiquée et en permet la réalisation (Apotex Inc. c Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, aux para 25-27 [arrêt Sanofi]).

[115]  Ces deux exigences ont récemment été décrites de la manière suivante par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30, au para 66 [arrêt Hospira]) :

[traduction]
1) La référence d’antériorité doit divulguer l’invention revendiquée de telle sorte que si, celle‑ci était réalisée, elle causerait forcément une contrefaçon;

2) La référence d’antériorité doit être suffisamment détaillée pour permettre à [une personne moyennement versée dans l’art] de réaliser l’invention revendiquée sans devoir faire preuve d’une ingéniosité inventive ou d’une expérimentation excessive.

[116]  Au stade « divulgation » de l’analyse, il n’est pas permis à la personne moyennement versée dans l’art de faire des essais successifs ou des expériences; cette personne lit simplement les références d’antériorité en vue d’en comprendre la teneur (arrêt Sanofi, précité, au para 25). Il n’est pas nécessaire que les réalisations censément anticipées décrivent l’invention revendiquée avec exactitude (Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2008 CF 1359, au para 75, conf 2009 CAF 94).

(1)  Les références d’antériorité

[117]  Avant le procès, les parties ont fourni à la Cour un énoncé conjoint des questions en litige, qui indique que les défenderesses, pour ce qui est de l’antériorité, ne revendiquent que le document S‑1 d’Acorda.

[118]  Au début des observations finales, l’avocat de Taro s’est levé pour expliquer que cela n’avait jamais été l’intention des défenderesses. Une ébauche antérieure de l’énoncé conjoint des questions en litige indiquait de plus les résumés et l’affiche de Goodman en tant que références pertinentes pour l’antériorité, et le fait d’avoir souscrit à la version finale de cet énoncé sans ces références additionnelles était un oubli imputable à un problème de communication entre les avocats.

[119]  Après examen des observations qu’ont faites les parties avant les observations finales, les références de Goodman ne seront pas appliquées dans le cas de l’antériorité. L’énoncé conjoint des questions en litige indique explicitement que seul le document S‑1 d’Acorda est revendiqué pour l’antériorité, et Biogen a présenté ses arguments sur ce fondement. Il serait injuste et préjudiciable pour cette dernière qu’on ajoute aux réalisations anticipées des documents supplémentaires après l’étape de la présentation de la preuve et après celle des observations écrites.

[120]  Quoi qu’il en soit, les références de Goodman révèlent une bonne partie des mêmes informations que celles que l’on trouve dans les résultats de l’étude MS‑F201 dont il est fait état dans le document S‑1 d’Acorda, lequel document est en jeu pour ce qui est de déterminer l’antériorité.

[121]  Le document S‑1 d’Acorda est un document financier qu’Acorda a déposé auprès de la SEC. D’après le témoignage de M. Kealey, ce document était accessible au public avant avril 2004. Le témoignage de M. Kealey concorde avec celui du DCohen, à savoir qu’Acorda a établi et déposé le document S‑1 en vue de réaliser un investissement public, et qu’elle l’a finalement retiré en janvier 2004 parce que la réponse des investisseurs était inférieure à ce qu’elle espérait.

[122]  Le document S‑1 d’Acorda décrit les études MS‑F201 et MS‑F202, et précise que l’étude MS‑F201 s’est terminée en 2001, et l’étude MS‑F202 a débuté au début de 2003, et qu’on anticipait les résultats à la fin de mars 2004. Les études ont été menées avec la collaboration d’Elan, qui fournissait la préparation de fampridine à libération prolongée.

[123]  Comme il est décrit dans le document S‑1 d’Acorda, l’étude MS‑F201 a été conçue pour déterminer la dose optimale de fampridine à libération prolongée et pour évaluer les différentes façons possibles de mesurer les effets du médicament, notamment la force motrice, la marche chronométrée et la fatigue auto-déclarée. Les sujets atteints de sclérose en plaques ont reçu de la fampridine à libération prolongée à des doses croissantes variant de 10 mg à 40 mg bid durant huit semaines de traitement. Les résultats sont décrits comme suit :

L’essai clinique a montré que des doses pouvant aller jusqu’à 25 mg deux fois par jour étaient bien tolérées, et étaient associées à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche et de la force musculaire dans les jambes. La majeure partie de l’augmentation de la force et de la vitesse de marche était observable dans les trois premières semaines du traitement par la fampridine à libération prolongée, à des doses variant de 10 à 25 mg deux fois par jour.

[124]  Le document S‑1 d’Acorda décrit l’étude MS‑F202 comme un essai clinique conçu pour comparer les doses de 10, 15 et 20 mg bid, et évaluer leur innocuité et efficacité relatives sur une période de traitement de 12 semaines. Le paramètre primaire était l’augmentation de la vitesse moyenne de marche, mesurée à l’aide de la marche chronométrée sur 25 pieds.

[125]  En s’appuyant sur ces descriptions des études MS‑F201 et MS‑F202, la personne moyennement versée dans l’art déduirait les données suivantes :

  Elan était le fournisseur de la préparation de fampridine à libération prolongée;

  Les doses pouvant aller jusqu’à 25 mg bid étaient associées à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche et de la force musculaire des jambes;

  La majeure partie de l’augmentation notée dans les huit semaines de l’essai MS‑F201 était observée à des doses entre 10 et 25 mg bid, et 9 sujets sur 25 avaient augmenté leur vitesse de marche de plus de 20 % par rapport aux valeurs de départ;

  L’essai MS‑F202 en cours visait à comparer trois doses fixes, soit 10, 15 et 20 mg bid, sur une période de traitement de 12 semaines.

(2)  La divulgation

[126]  L’objectif principal de l’argument relatif à la nouveauté de Biogen est que le recours à des revendications, comme celles en litige dans le brevet 277, est étroitement lié à leur utilité, de sorte qu’elles sont inventives du fait qu’elles transmettent « de nouvelles connaissances qui permettent d’atteindre un résultat désiré » (Shell Oil Co. c Commissaire des brevets,​ [1982] 2 RCS 536, à la p 549). Dans ce cas précis, l’invention revendiquée est le fait de savoir que 10 mg bid de fampridine à libération prolongée aboutit à une amélioration statistiquement et cliniquement significative de la marche chez les patients atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher. La divulgation du protocole de l’étude MS‑F202 uniquement, sans divulgation des résultats, ne respecte pas l’exigence de divulgation de l’analyse en matière d’antériorité.

[127]  Telle qu’elle est interprétée, l’amélioration résultante de la marche n’a pas besoin d’être cliniquement et subjectivement significative. D’après le raisonnement de Biogen, l’invention revendiquée est donc le fait de savoir que 10 mg bid de fampridine à libération prolongée aboutit à une amélioration statistiquement significative de la marche chez des patients atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher.

[128]  L’argument de Biogen portant sur la description est quelque peu circulaire. Si l’invention revendiquée est aussi simple que le fait de savoir que les effets découlant de l’utilisation revendiquée entraînent le résultat revendiqué, ce savoir était clairement divulgué dans le document S‑1 d’Acorda dans les résultats de l’essai MS‑F201, qui précisaient que les doses de 10 mg bid à 25 mg bid étaient associées à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche.

[129]  Biogen minimise ce résultat en soulignant que l’augmentation était uniquement tout juste significative lorsqu’on examine les données groupées sur la vitesse de marche, par rapport à la prise en compte du paramètre prédéfini qu’est la durée de la marche. Pour appuyer ses observations, la personne moyennement versée dans l’art n’aurait pas compris que les doses fixes de 10 mg bid améliorent la marche, parce que les résultats de l’étude MS‑F201 faisaient appel à des données groupées de l’étude sur les doses croissantes, et n’étaient pas en fonction de la dose. Par ailleurs, l’élément essentiel « au moins deux semaines » n’a pas été divulgué dans le cadre de l’essai MS‑F201, et l’élément dépendant « toutes les 12 heures » n’a pas été divulgué du tout dans le document S‑1 d’Acorda. D’une part, Biogen fait valoir une invention revendiquée simplifiée, et d’autre part, Biogen plaide en faveur d’une analyse détaillée des éléments essentiels revendiqués.

[130]  La personne moyennement versée dans l’art est censée essayer de comprendre ce que les auteurs du document S‑1 d’Acorda voulaient dire, et ce, en lisant le document pour en comprendre la teneur (arrêt Sanofi, au para 25). Même s’il ressort de la preuve que cette personne aborderait les études de faible envergure comme l’étude MS‑F201 avec une bonne dose de scepticisme, il ne fait aucun doute qu’elle comprendrait les résultats déclarés de l’étude MS‑F201, de même que la conception et la mise en œuvre de l’étude MS‑F202.

[131]  Comme il a déjà été indiqué, l’exigence de divulgation est respectée si l’exécution de ce qui est décrit dans l’art antérieur résultait nécessairement en une contrefaçon. Les résultats de l’étude MS‑F201 révèlent que l’utilisation d’une préparation de fampridine à libération prolongée à des doses unitaires de 10 à 25 mg bid pour traiter un sujet atteint de sclérose en plaques est associée à une amélioration statistiquement significative de la marche. À l’exception de l’élément « période d’au moins deux semaines », tous les éléments essentiels des revendications 17, 18, 31 et 32 sont divulgués.

[132]  Le protocole de l’étude MS‑F202, qui figure dans le document S‑1 d’Acorda, révèle l’utilisation d’une préparation de fampridine à libération prolongée à la dose unitaire de 10 mg bid pour traiter un sujet atteint de sclérose en plaques pour une période de douze semaines où le paramètre primaire est l’augmentation de la vitesse de marche. Le problème que comporte le protocole de l’étude MS‑F202 est l’absence d’une présentation des résultats. Le protocole de l’étude répertorie chaque élément essentiel des revendications 17, 18, 31 et 32, et révèle qu’Acorda menait une étude pour déterminer si le traitement avait fonctionné. Par conséquent, la personne moyennement versée dans l’art ne saurait pas que le recours à des doses fixes de 10 mg bid aboutit à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche.

[133]  Cela ressemble aux réalisations censément anticipées dont il est question dans l’arrêt Hospira. Dans cette affaire, le [traduction« rapport Kennedy de 1994 » divulguait les éléments essentiels d’au moins certaines des revendications, indiquant que la brevetée menait des études et que l’on ne disposait pas encore de résultats. Notre Cour a conclu que ce rapport, sans résultats, n’antériorisait pas les revendications du brevet, car il était de nature conjecturale. Plus précisément, étant donné qu’aucun résultat n’était encore disponible l’[traduction« avantage spécial » du traitement d’appoint en litige n’était pas divulgué (comme il a été décrit dans l’arrêt Hospira, précité, aux para 67-70).

[134]  La Cour d’appel fédérale a infirmé la décision, concluant que cette analyse était erronée, car elle confondait les exigences de la divulgation et du caractère réalisable que comporte le critère de l’antériorité. La question pertinente consiste à savoir si les éléments essentiels de chaque revendication sont divulgués, et chaque revendication devrait être examinée séparément (arrêt Hospira, aux para 71-72). La Cour d’appel fédérale a réitéré que l’on répond à l’exigence de la divulgation si la réalisation de ce qui est décrit dans les éléments d’art antérieur donnerait nécessairement lieu à une contrefaçon, et elle a signalé qu’elle ne voyait pas en quoi le rapport Kennedy de 1994, qui divulguait l’étude en cours et mentionnait l’utilité vraisemblable du traitement proposé (arrêt Hospira, aux para 72 et 73), ne répondait pas à cette exigence. La question de l’antériorité a été renvoyée à la Cour fédérale pour examen.

[135]  Les défenderesses se fondent sur l’analyse de la Cour d’appel fédérale à l’appui du principe que l’antériorité n’oblige à divulguer que les éléments essentiels de la revendication en question, et qu’il n’est pas nécessaire de divulguer les résultats obtenus s’ils ne constituent pas des éléments essentiels de la revendication (arrêt Hospira, aux para 71 et 73). Biogen réplique que l’arrêt Hospira n’étaye pas la thèse générale selon laquelle la divulgation d’un protocole d’essai antériorise une revendication d’utilisation qu’un succès clinique confirme.

[136]  Selon moi, dans ce contexte, le « résultat » en litige n’est pas les résultats de l’essai MS‑F202 comme tels, mais plutôt le « résultat » selon lequel l’administration de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée entraîne une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche chez les sujets atteints de sclérose en plaques ayant besoin d’un traitement. Le brevet 277 porte sur une utilisation et un résultat. Le protocole de l’étude MS‑F202 n’est axé que sur l’utilisation, mais le résultat à ce moment était incertain. La distinction est subtile, mais importante.

[137]  Toutefois, la personne versée dans l’art prenant connaissance du document S‑1 d’Acorda – la seule pièce d’antériorité – et ayant un esprit désireux de comprendre, aurait bénéficié à la fois des résultats du protocole de l’étude MS‑F202 et de ceux de l’étude MS‑F201. Sachant que les doses de 10 à 25 mg bid étaient associées à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche, la personne moyennement versée dans l’art aurait une base solide pour examiner plus en profondeur les doses fixes de 10, 15 et 20 mg bid comme il est divulgué dans le protocole de l’étude MS‑F202. Les résultats de l’étude MS‑F201 semblent être des résultats groupés obtenus après l’administration de doses de 10 à 25 mg bid, mais la personne moyennement versée dans l’art comprendrait que le document S‑1 d’Acorda indique que l’utilisation de n’importe laquelle de ces doses pourrait être statistiquement significative. Par conséquent, comme dans l’affaire Hospira, l’art antérieur attire l’attention du lecteur sur précisément le type d’amélioration qui surviendrait avec une dose de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée, soit une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche.

[138]  Malgré le manque de résultats découlant de l’étude MS‑F202, on répond à l’exigence de la divulgation si la réalisation de ce qui est décrit dans la référence d’antériorité donnerait nécessairement lieu à une contrefaçon (arrêt Sanofi, au para 25; arrêt Hospira, au para 73). L’exécution du protocole de l’étude MS‑F202 entraînerait forcément une contrefaçon du brevet 277 et, de ce fait, l’exigence en matière de divulgation est remplie dans le cas des revendications 17, 18, 31 et 32.

[139]  C’est donc dire que le document S‑1 d’Acorda divulgue tous les éléments essentiels des revendications 17, 18, 31 et 32. Il divulgue l’administration de 10 mg bid, mais il ne précise pas la limite inférieure de la revendication, soit une administration « toutes les 12 heures » et, de ce fait, il y a un élément essentiel des revendications 23, 28, 37 et 42 qui n’est pas divulgué.

(3)  Le caractère réalisable

[140]  À propos de l’exigence relative au caractère réalisable, Biogen fait valoir que si la personne moyennement versée dans l’art avait suivi le protocole de l’étude MS‑F202, dont le paramètre prédéfini qu’est la marche chronométrée de 25 pieds, l’essai aurait échoué, comme dans l’essai MS‑F202. Ce n’est qu’en appliquant l’analyse des patients ayant obtenu une réponse que la personne moyennement versée dans l’art aurait obtenu des résultats statistiquement significatifs. En conséquence, le document de référence S‑1 ne permet pas la réalisation.

[141]  Comme le souligne la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hospira, ce sont les éléments essentiels de l’invention revendiquée qui doivent être réalisés, et non des expériences particulières divulguées dans le brevet 277 (arrêt Hospira, au para 74). C’est donc dire qu’il faut continuer de se concentrer sur les éléments essentiels, plutôt que sur la capacité de la personne moyennement versée dans l’art d’exécuter l’analyse a posteriori précise qui est exposée en détail dans la divulgation.

[142]  Je souscris à l’argument de Biogen selon lequel si la personne moyennement versée dans l’art suivait avec précision le protocole de l’étude MS‑F202, conformément au paramètre pré‑défini, l’étude échouerait. Cependant, au stade « caractère réalisable » de l’analyse, la personne moyennement versée dans l’art est censée être disposée à mener des expériences successives ordinaires pour arriver à l’invention. De plus, cette personne peut prendre en considération la totalité des éléments d’art antérieur et recourir à ses connaissances générales courantes pour compléter ce que ces éléments enseignent (arrêt Sanofi, au para 37).

[143]  Dans le document S‑1 d’Acorda, les résultats de l’étude MS‑F201 indiquent que les sujets ayant reçu le placebo présentaient une vitesse de marche légèrement augmentée ou réduite, mais aucun des 11 sujets ayant reçu le placebo n’ont dépassé le seuil d’une amélioration de 20 %. À l’opposé, 9 des 25 sujets ayant reçu de la fampridine à libération prolongée deux fois par jour avaient augmenté leur vitesse de marche de plus de 20 % par rapport aux valeurs de départ. Cette information concorde étroitement avec les connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art selon lesquelles, en raison de la variabilité chez les patients atteints de la sclérose en plaques, une substance thérapeutique donnée peut améliorer considérablement l’état d’un individu et avoir peu, voire aucun effet, chez un autre. En outre, la personne moyennement versée dans l’art saurait d’après les résultats de l’étude MS‑F201 que les « doses pouvant aller jusqu’à 25 mg deux fois par jour étaient bien tolérées, et étaient associées à une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche ».

[144]  La personne moyennement versée dans l’art aurait aussi été au fait de l’existence des analyses a posteriori et de la possibilité de mener des essais dits « n = 1 » pour mesurer la réponse de patients recevant de façon séquentielle le placebo et le traitement thérapeutique en vue de comparer chaque patient avec lui-même.

[145]  En suivant le protocole de l’étude MS‑F202, la personne moyennement versée dans l’art serait en mesure de réaliser l’invention revendiquée sans recourir à une ingéniosité inventive ou à une expérimentation excessive, même après avoir découvert que le paramètre primaire qu’est l’augmentation de la vitesse moyenne de marche mesurée à l’aide de la marche avait donné un résultat négatif. En faisant appel à ses connaissances générales courantes, la personne moyennement versée dans l’art serait en mesure de repérer de façon systématique un sous-groupe de sujets présentant une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche lorsqu’ils prennent 10 mg bid de fampridine à libération prolongée.

(4)  La conclusion sur l’antériorité

[146]  Les résultats de l’étude MS‑F201 et le protocole de l’essai clinique MS‑F202 contenus dans le document S‑1 d’Acorda divulguent et permettent à la personne moyennement versée dans l’art de réaliser l’invention revendiquée dans les revendications 17, 18, 31 et 32 du brevet 277, soit l’utilisation de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée pour améliorer la marche ou augmenter la vitesse de marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin. Ces revendications ont donc été antérieurement divulguées.

[147]  Étant donné que la restriction d’une administration « toutes les 12 heures » n’est pas divulguée dans le document S‑1 d’Acorda, les revendications 23, 28, 37 et 42 ne sont pas antériorisées.

B.  L’évidence

[148]  Le cadre de l’évidence, qui comporte quatre volets, a été décrit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, au paragraphe 67 :

i.  a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

  b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

ii.  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

iii.  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

iv.  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[149]  Dans le cas des inventions pharmaceutiques comme celle dont il est question en l’espèce, le critère de l’« essai allant de soi » est approprié et il y a lieu de prendre en compte la liste de facteurs non exhaustifs qui suit au quatrième volet de l’examen de l’évidence (arrêt Sanofi, aux para 68 à 71) :

i.  Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

ii.  Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

iii.  L’art antérieur fournit‑il un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

iv.  Quelles ont été les mesures concrètes ayant mené à l’invention?

[150]  La Cour d’appel fédérale a qualifié le facteur des mesures concrètes de « développement du second facteur » (Société Bristol‑Myers Squibb Canada c Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76, au para 44). J’examinerai les mesures qu’ont prises les inventeurs dans le cadre des « efforts – leur nature et leur ampleur – [qui] sont requis pour réaliser l’invention ».

[151]  La personne moyennement versée dans l’art et ses connaissances générales courantes ont été définies plus tôt. Avant de déterminer l’idée originale, je vais traiter de l’état de la technique à la date pertinente.

(1)  L’état de la technique

[152]  Conformément à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, l’invention revendiquée ne devait pas être évidente aux yeux de la personne moyennement versée dans l’art à la date de la revendication. Avant l’introduction de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, il n’existait pour l’évidence aucun fondement législatif. Quand cet article est entré en vigueur, on a généralement reconnu que, dans le cas de l’évidence, les éléments d’art antérieur invocables se limitaient à ce que la personne moyennement versée dans l’art aurait découvert en procédant à une recherche raisonnablement diligente, ce qui cadrait avec le droit en vigueur avant la codification (Janssen‑Ortho Inc. c Novopharm Ltd., 2006 CF 1234, au para 109 [décision Janssen‑Ortho]; arrêt Hospira, aux para 83 à 85).

[153]  Cependant, la Cour d’appel fédérale a récemment décrété qu’il était erroné d’exclure des éléments d’art antérieur de l’analyse de l’évidence juste parce qu’on ne les aurait pas trouvés dans le cadre d’une recherche raisonnablement diligente. La notion de recherche raisonnablement diligente peut être encore pertinente quand on examine si la personne moyennement versée dans l’art qui est dépourvue d’esprit inventif aurait pensé à combiner certains éléments d’art antérieur pour réaliser l’invention revendiquée (arrêt Hospira, au para 86).

[154]  Biogen soutient que cette interprétation va à l’encontre de l’esprit de l’article 28.3 et que la Cour devrait plutôt prendre en considération les éléments que la personne moyennement versée dans l’art aurait trouvés en procédant à une recherche raisonnablement diligente. La décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt Hospira est claire et elle lie notre Cour. Les éléments d’art antérieur ne seront pas exclus de l’analyse de l’évidence juste parce que la personne moyennement versée dans l’art ne les aurait pas trouvés après une recherche raisonnablement diligente.

[155]  Les Drs Ebers et Leist ont présenté de nombreuses références faisant état de l’utilisation de la fampridine comme traitement potentiel de la sclérose en plaques, dès le début des années 1990. Les deux experts ont convenu qu’en 2004 la personne moyennement versée dans l’art consulterait les documents les plus récents pour comprendre l’état de la technique, plutôt que des études antérieures peut-être remplacées par d’autres.

a)  Schwid 1997 et Hayes 2003

[156]  Les deux parties se fondent sur Schwid 1997 et l’interprétation de leurs experts. Schwid 1997 est un article publié dans Neurology qui évaluait l’efficacité de la fampridine à libération prolongée à l’aide mesures quantitatives de fonctions de patients atteints de sclérose en plaques. L’étude était une étude à répartition aléatoire, menée à double insu, contrôlée par placebo et conçue pour comparer le placebo et la dose de 17,5 mg bid de fampridine à libération prolongée chez 10 patients. Le fournisseur de la fampridine à libération prolongée était Elan.

[157]  Schwid 1997 fait état d’une étude antérieure menée à double insu, contrôlée par placebo au cours de laquelle on a administré de la fampridine à libération prolongée à 161 patients durant six semaines qui n’a pas réussi à montrer une amélioration du score EDSS par rapport au placebo. Les parties conviennent qu’il s’agissait de l’étude réalisée par Elan en 1994. Les auteurs soulignent, toutefois, que le score EDSS peut avoir été une mesure inadéquate en raison de la variabilité intra-évaluateur et inter-évaluateur importante et de la relative insensibilité du score EDSS au changement. C’est la raison pour laquelle les auteurs ont cherché à explorer des paramètres quantitatifs plus sensibles de la fonction chez les patients atteints de sclérose en plaques.

[158]  La section des résultats mentionne que dans l’étude de Schwid 1997, 9 patients sur 10 ont marché plus rapidement avec l’administration de fampridine à libération prolongée. Les auteurs ont souligné que le traitement semblait particulièrement efficace à des concentrations sériques supérieures à 60 ng/mL, mais indiquent aussi qu’une étude antérieure n’a fait état d’aucune différence dans les effets de la fampridine après le traitement de huit patients à des concentrations sériques élevées et faibles.

[159]  Les parties ne s’entendent pas sur la façon dont la personne moyennement versée dans l’art interpréterait Schwid 1997. Les Dr Ebers et Leist critiquaient tous deux l’étude et lui reprochaient de manquer de puissance en raison du petit nombre de sujets, et d’être désuète car elle datait de 2004, mais Biogen affirme que l’enseignement clé donné à la personne versée dans l’art est qu’il semble y avoir un seuil d’efficacité des concentrations plasmatiques de fampridine à libération prolongée d’environ 60 ng/mL. Dans les publications ultérieures, les auteurs ont continué à suggérer une efficacité à des concentrations plasmatiques plus élevées, et citaient Schwid 1997.

[160]  Une publication ultérieure faisant état des propriétés pharmacocinétiques de la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan, soit Hayes 2003, indiquait que les doses de 25 mg bid aboutissaient à des concentrations plasmatiques moyennes à l’état d’équilibre d’environ 53 ng/mL. Par conséquent, d’après l’argument de Biogen, une personne moyennement versée dans l’art cherchant à maintenir les concentrations plasmatiques de fampridine au‑delà du seuil de 60 ng/mL s’attendrait à ce que des doses d’au moins 30 mg bid de la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan soient nécessaires.

[161]  Les défendeurs soutiennent qu’il s’agit d’une erreur, et l’enseignement clé de Schwid 1997 est que 9 patients sur 10 ont marché plus rapidement après avoir pris 17,5 mg bid de fampridine à libération prolongée dans le cadre d’une étude menée à double insu et contrôlée par placebo. À ce sujet, la personne moyennement versée dans l’art reconnaîtrait que Hayes 2003 a rapporté que les doses de 17,5 mg bid ont donné des concentrations plasmatiques moyennes à l’équilibre d’environ 35 ng/mL, ce qui est beaucoup plus bas que le seuil hypothétique de 60 ng/mL.

b)  Les documents de Goodman

[162]  Les résumés de Goodman décrivent les résultats de l’étude MS‑F201, et indiquent que le groupe ayant reçu la fampridine à libération prolongée montrait une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche par rapport aux valeurs de départ et comparativement au placebo, et les courbes dose-effet illustraient un bienfait croissant dans l’intervalle de 10 et 25 mg bid. Les résumés faisaient aussi état du fait que les doses supérieures à 25 mg bid ont eu peu de bienfaits et plus d’effets indésirables. Les parties conviennent que les résumés de Goodman étaient accessibles au public avant avril 2004.

[163]  L’affiche de Goodman est un document que le DAndrew Goodman a présenté lors d’une conférence sur la neurologie tenue à Baltimore en 2002. Le DGoodman a travaillé avec les inventeurs nommés dans le cadre d’essais cliniques portant sur la fampridine à libération prolongée. Biogen soutient que le DGoodman n’a présenté son affiche que pendant peu de temps, et que cela déborderait le cadre d’une recherche raisonnablement diligente (décision Janssen‑Ortho, précitée aux para 57 et 58).

[164]  Comme il a été mentionné plus tôt, compte tenu de l’arrêt Hospira, l’affiche de Goodman ne sera pas exclue juste parce que la personne moyennement versée dans l’art ne l’aurait pas trouvée à la suite d’une recherche raisonnablement diligente. La seule question en suspens est la portée de ce que le DGoodman a présenté en 2002. Les défenderesses ont présenté trois types d’arguments établissant que l’affiche qui a été présentée à la Cour et sur laquelle les experts se sont fondés est en fait la même que celle que le DGoodman avait présentée à Baltimore en 2002. Je les trouve tous convaincants, et je suis persuadé que l’affiche de Goodman qui a été produite au procès représente de manière exacte les informations qui ont été présentées à Baltimore en 2002, et qu’elle fait partie de l’état de la technique pour les besoins de l’analyse de l’évidence.

[165]  L’affiche de Goodman fait aussi état des résultats de l’étude MS‑F201, et de la majeure partie des données des résumés de Goodman et du document S‑1 d’Acorda. Outre l’information trouvée dans d’autres documents d’antériorité, l’affiche de Goodman révèle les points suivants :

  Le protocole de l’étude MS‑F201 précisait que la fampridine à libération prolongée devait être prise toutes les 12 heures;

  La courbe « dose‑effet sur la marche sur 25 pieds » indique une diminution apparente du temps pris à marcher 25 pieds lorsqu’on compare le temps sans médicament au temps avec médicament après que les sujets aient pris 10 à 40 mg bid de fampridine à libération prolongée;

  L’augmentation moyenne de la vitesse de marche durant la période avec dose faible (10 à 25 mg bid) était supérieure à une augmentation de 20 % chez 9 sujets sur 25;

  Dans la section « Conclusions » de l’affiche, on rapporte que l’étude MS‑F201 montrait des signes d’une relation dose‑effet dans l’intervalle de 20 à 40 mg/jour (10 à 20 mg bid), et qu’il y avait peu de bienfaits supplémentaires et des effets indésirables accrus aux doses supérieures à 50 mg/jour (25 mg bid).

[166]  Les défenderesses ont établi que les informations figurant dans le document S‑1 d’Acorda étaient accessibles au public avant la date de la revendication, et ce document fait donc partie de l’état de la technique.

[167]  Biogen affirme que le Dr Ebers a fondé la majeure partie de l’opinion qu’il a exposée dans son rapport sur les résumés de Goodman, l’affiche de Goodman et le document S‑1 d’Acorda, mais a révélé son véritable avis sur ces pièces de l’art antérieur qu’en contre‑interrogatoire. Ainsi, il a indiqué que les données de l’étude MS‑F201 ne sont pas très persuasives, et que la personne moyennement versée dans l’art examinerait les résultats avec prudence, compte tenu du regroupement des données, de la petite taille de l’échantillonnage (25 sujets traités) et d’un bras placebo limité (11 sujets). De l’avis de Biogen, cet avis est cohérent avec la position du Dr Leist dans son rapport et en contre‑interrogatoire, à savoir que la personne moyennement versée dans l’art donnerait peu de valeur aux résultats de l’étude MS‑F201.

[168]  Les défenderesses se sont élevées contre la réticence du DLeist à répondre à des questions en contre-interrogatoire, ainsi que contre la norme exagérément critique qu’il a fait appliquer par la personne moyennement versée dans l’art aux éléments d’art antérieur, notamment l’affiche de Goodman. De l’avis des défenderesses, le DLeist a abordé les éléments d’art antérieur en cherchant à les prendre en défaut.

[169]  Pour les motifs énoncés dans la section sur les témoins experts qui précède, la Cour accorde fort peu de poids aux témoignages d’opinion des Drs Leist et Ebers sur l’évidence, surtout en ce qui concerne la manière dont la personne moyennement versée dans l’art interpréterait et comprendrait les éléments d’art antérieur. Cela laisse la Cour dans la position quelque peu inusitée d’avoir à interpréter l’art antérieur sous l’angle de la personne moyennement versée dans l’art, tout en rejetant une bonne part du témoignage d’expert qu’ont fait au procès les neurologues experts des deux parties.

[170]  La Cour souscrit aux conclusions qu’a tirées le DGoodman, un chercheur indiscutablement réputé dans le domaine de la sclérose en plaques, dans son affiche et dans ses résumés. Bien qu’il ressorte du témoignage qu’ont fait les Drs Leist et Ebers au procès que les chercheurs dans le domaine de la sclérose en plaques, notamment ceux qui y travaillent de longue date, considèrent avec beaucoup de scepticisme les nouveaux traitements qui ne sont pas appuyés par des études menées à double insu et contrôlées par placebo, il faudrait qu’une personne moyennement versée dans l’art motivée aborde les éléments d’art antérieur avec un esprit désireux de comprendre et non étroitement axé sur la démonstration d’un échec. Comme l’a déclaré le juge Hughes au sujet de divulgations antérieures dans le contexte de l’antériorité, il convient de donner aux éléments d’art antérieur la même interprétation téléologique qu’aux revendications en litige (Shire Biochem Inc. c Canada (Santé), 2008 CF 538, aux para 64 et 65; voir aussi l’arrêt Sanofi, au para 25).

[171]  Après avoir considéré la personne moyennement versée dans l’art comme quelqu’un ayant un esprit désireux de comprendre, j’estime que l’état de la technique à la date pertinente comprenait l’information suivante :

  1. Une étude de 1994 sur la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan menée chez des sujets atteints de sclérose en plaques et faisant appel au score EDSS comme paramètre primaire n’a pas donné de résultats concluants (Schwid 1997);

  2. Une étude randomisée, contrôlée par placebo et menée à double insu avec 17,5 mg bid de fampridine à libération prolongée, où on a utilisé la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan, a permis d’établir que 9 patients sur 10 ont marché plus rapidement après avoir pris de la fampridine à libération prolongée (Schwid 1997);

  3. L’étude MS‑F201 contrôlée par placebo et menée à double insu a fait état d’une relation dose‑effet avec l’intervalle de 10 à 20 mg bid, et 9 sujets sur 25 ont connu une augmentation de la vitesse de marche supérieure à 20 % au cours de la période d’administration de doses faibles allant de 10 à 25 mg bid. On a constaté peu de bienfaits supplémentaires et des effets indésirables accrus avec les doses supérieures à 25 mg bid (Documents de Goodman, S‑1 d’Acorda).

  4. La préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan présentait les propriétés pharmacocinétiques suivantes après l’administration de doses multiples (Hayes 2003) :

 

10 mg bid

15 mg bid

20 mg bid

25 mg bid

CavSS (ng/mL)

20,8 ± 5,7

31,0 ± 7,2

39,4 ± 9,3

53,3 ± 14,5

Tmax (h)

2,7 ± 1,0

3,2 ± 0,9

3,1 ± 1,2

2,6 ± 0,9

  1. L’étude MS‑F202 comparant des doses fixes de fampridine à libération prolongée à raison de 10, 15 et 20 mg bid durant 12 semaines chez environ 200 sujets était une étude en cours (S‑1 d’Acorda).

(2)  L’idée originale

[172]  Les parties semblent convenir que l’idée originale correspond aux revendications telles qu’elles sont interprétées. Bien que j’aie conclu que les revendications 17, 18, 31 et 32 sont antériorisées par le document S‑1 d’Acorda, étant donné que les parties ont débattu à fond de la question de l’évidence je vais examiner la totalité des revendications invoquées.

[173]  Telles qu’elles sont interprétées, toutes les revendications invoquées contiennent l’idée originale selon laquelle 10 mg bid de fampridine à libération prolongée améliore la marche ou augmente la vitesse de marche chez les patients atteints de sclérose en plaques qui en ont besoin, et ce de façon statistiquement significative.

[174]  Biogen affirme que les revendications 19, 24, 33 et 38 et les revendications dépendantes contiennent l’idée originale selon laquelle les concentrations plasmatiques de fampridine de 15 à 35 ng/mL induisent l’amélioration désirée de la marche ou augmentent la vitesse de marche.

[175]  Les revendications dépendantes 21, 26, 35 et 40, telles qu’elles sont interprétées, contiennent une autre restriction selon laquelle la préparation de fampridine à libération prolongée aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration.

[176]  Les revendications dépendantes 23, 28, 37 et 42, telles qu’elles sont interprétées, contiennent la restriction selon laquelle la préparation de fampridine à libération prolongée se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures.

(3)  Quelles différences y a-t-il entre l’état de l’art et l’idée originale?

[177]  Biogen affirme qu’en 2004, la personne moyennement versée dans l’art ne savait pas quelle dose de fampridine à libération prolongée améliorerait efficacement la marche ou augmenterait la vitesse de marche de sujets atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher. Par conséquent, la différence entre l’état de la technique et l’idée originale des revendications est que la fampridine à libération prolongée, prise à des doses fixes de 10 mg bid, confère une amélioration statistiquement significative de la marche ou une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche chez les patients atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher.

[178]  Biogen ne semble pas soutenir que les revendications sur le Tmax ou les revendications sur l’« administration toutes les 12 heures » amènent quelque chose de nouveau qui n’a pas été divulgué dans les antériorités. Jusqu’ici, l’affiche de Goodman révèle que dans l’étude MS‑F201 renvoie à une posologie toutes les 12 heures, et Hayes 2003 divulgue que le Tmax de la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan était environ de 3 heures.

[179]  Je suis d’accord pour dire que les résultats de l’étude MS‑F201 tels qu’ils sont divulgués dans les documents de Goodman et dans le document S‑1 d’Acorda indiquent une relation dose‑effet et des augmentations statistiquement significatives de la vitesse de marche dans l’intervalle de 10 et 25 mg bid, mais les antériorités n’ont pas précisé que les doses fixes de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée prises « pour une période d’au moins deux semaines » amélioreraient la marche ou augmenteraient la vitesse de marche de sujets atteints de sclérose en plaques ayant des difficultés de marche de manière statistiquement significative.

[180]  Comme il a été rapporté dans Hayes 2003, la Cmoy à l’équilibre associée à la dose de 10 mg bid de la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan est d’environ 21 ng/mL. Dans la mesure où les résultats de l’étude MS‑F201 reposent sur des résultats regroupés d’une étude réalisée avec des doses croissantes, la personne moyennement versée dans l’art n’aurait pas su l’intervalle exact des concentrations plasmatiques de fampridine à libération prolongée qui induit une amélioration statistiquement significative de la marche ou une augmentation de la vitesse de marche.

(4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne moyennement versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

[181]  Compte tenu des facteurs de l’« essai allant de soi » que la Cour suprême du Canada a énoncé dans l’arrêt Sanofi, je suis convaincu que, à la date pertinente, ces différences auraient été évidentes aux yeux de la personne moyennement versée dans l’art.

[182]  À propos du premier facteur, il est plus ou moins évident que la mise à l’essai d’une faible dose de fampridine à libération prolongée deux fois par jour fonctionnerait. L’affiche de Goodman et le document S‑1 d’Acorda ont fait état d’augmentations statistiquement significatives de la vitesse de marche tirées de données groupées obtenues avec des doses variant de 10 à 25 mg bid, et l’affiche de Goodman montrait une relation dose‑effet dans l’intervalle de 10 à 20 mg bid. D’après les résultats de l’étude MS‑F201 et le protocole de l’étude MS‑F202, la personne moyennement versée dans l’art se serait concentrée sur des doses fixes de 10, 15 et 20 mg bid, et n’aurait eu besoin de mener qu’un petit essai clinique comparant ces doses sur une période de plus de deux semaines pour confirmer l’efficacité de la fampridine. En examinant les plus récents développements de l’état de la technique, la personne moyennement versée dans l’art aurait porté son attention sur ces trois solutions rapportées et prévisibles.

[183]  Selon Biogen, si la personne moyennement versée dans l’art avait abordé le problème, elle aurait réalisé une étude avec des doses croissantes de fampridine en y allant « petit à petit » en raison des risques d’effets indésirables aux doses élevées. Cependant, la personne moyennement versée dans l’art lisant le document S‑1 d’Acorda aurait su que les doses de 10 à 25 mg bid étaient associées à une amélioration statistiquement significative de la marche, et l’étude MS‑F202 en cours avait déjà examiné les doses fixes de 10, 15 et 20 mg bid. La personne moyennement versée dans l’art n’aurait pas eu besoin de procéder à une administration de doses croissantes, sachant que les doses faibles permettent de parvenir au résultat désiré.

[184]  Biogen soutient aussi que la personne moyennement versée dans l’art aurait axé son attention sur les connaissances générales courantes selon lesquelles la fampridine présente une fenêtre thérapeutique étroite et entraîne des événements indésirables accrus aux doses supérieures à 25 mg bid de fampridine à libération prolongée. Par ailleurs, plusieurs pièces de l’art antérieur ont fait état d’un seuil de concentration plasmatique de fampridine présumément efficace de 60 ng/mL. Par conséquent, à la lumière de Hayes 2003, la personne moyennement versée dans l’art aurait su qu’une dose de 30 mg bid était nécessaire pour obtenir une Cmoy à l’équilibre supérieure à 60 ng/mL, et qu’une dose de 20 mg bid était requise pour atteindre une Cmax moyenne de 60 ng/mL.

[185]  Cette thèse peut et doit être rejetée pour plusieurs raisons. En premier lieu, Schwid 1997 indiquait qu’un « traitement semblait particulièrement efficace chez un sujet qui présente une concentration sérique supérieure à 60 ng/mL ». Il ne s’agit pas du tout d’une certitude absolue, et cette position va à l’encontre de l’opinion du Dr Leist selon laquelle les antériorités révèlent une « vue générale », à savoir qu’il faut des concentrations plasmatiques de fampridine supérieures à 60 ng/mL pour obtenir un effet thérapeutique.

[186]  En deuxième lieu, les experts conviennent que les connaissances de la personne moyennement versée dans l’art évoluent au fil du temps, et celle‑ci examinerait les publications les plus récentes plutôt que de l’information désuète. L’information la plus récente était constituée des documents de Goodman et du document S‑1 d’Acorda, qui révélaient que les doses faibles de fampridine à libération prolongée – dans l’intervalle de 10 à 25 mg bid – étaient associées à des augmentations statistiquement significatives de la vitesse de marche. La publication de Hayes en 2003, tirée de Journal of Clinical Pharmacology, sur laquelle Biogen s’appuyait, était une étude examinant la pharmacocinétique de doses uniques de fampridine à libération immédiate. La publication renvoie à un seuil d’efficacité possible, soit 60 ng/mL, mais ce seuil a été simplement rapporté et provient de la publication antérieure qu’est Schwid 1997.

[187]  En outre, il est incohérent que Biogen soutienne qu’il était généralement admis que les doses supérieures à environ 25 mg bid étaient toxiques, comme il est mentionné dans les documents de Goodman, mais laisse croire que la personne moyennement versée dans l’art tenterait néanmoins d’augmenter les doses de fampridine à libération prolongée jusqu’à 30 mg bid pour obtenir des concentrations plasmatiques supérieures à 60 ng/mL. À la lumière des plus récents enseignements des documents de Goodman, la personne moyennement versée dans l’art saurait que la relation dose‑effet peut être obtenue avec l’intervalle de 10 à 20 mg bid, et que les doses supérieures à 25 mg bid ont peu de bienfaits supplémentaires et des événements indésirables accrus. Dans la mesure où cet enseignement n’était pas explicitement énoncé dans le document S‑1 d’Acorda, je suis convaincu que la personne moyennement versée dans l’art aurait trouvé les résumés de Goodman à la suite d’une recherche raisonnablement diligente.

[188]  Biogen affirme ensuite que l’essai d’Elan de 1994, qui a été rapporté dans Schwid 1997, s’écarte de l’invention revendiquée. Je ne souscris pas à l’observation de Biogen à l’effet que l’étude d’Elan qui a échoué aurait dissuadé la personne moyennement versée dans l’art de même explorer l’utilisation de la fampridine chez des patients atteints de sclérose en plaques. À la date pertinente, cet essai datait d’environ dix ans. Par ailleurs, les auteurs de Schwid 1997 semblent indiquer que l’échec de l’étude pourrait notamment s’expliquer par le fait que le score EDDS était une mesure insuffisamment sensible de la réponse des sujets. D’après les résultats de l’étude de petite envergure de Schwid, la personne moyennement versée dans l’art se serait concentrée sur des mesures quantitatives plus sensibles comme la marche chronométrée de 25 pieds, à l’instar des inventeurs du brevet 277.

[189]  Pour ce qui est du deuxième facteur, compte tenu de l’état de la technique en avril 2004, la personne moyennement versée dans l’art aurait pu arriver à l’invention revendiquée en effectuant des essais de routine. Les résultats de l’étude MS‑F201 et le protocole de l’étude MS‑F202 fournissent à la personne moyennement versée dans l’art une orientation claire à suivre, et la réalisation d’une étude similaire aurait abouti au résultat selon lequel des doses fixes de 10 mg bid offrent une amélioration statistiquement significative et une augmentation de la vitesse de marche chez certains sujets atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher.

[190]  Les parties conviennent que la démarche des inventeurs est un élément pertinent dans l’essai allant de soi, mais elles ne s’accordent pas sur l’importance de l’analyse a posteriori des patients ayant obtenu une réponse menée par les inventeurs du brevet 277. Biogen reconnaît que cette analyse ne fait pas partie de l’idée originale, mais prétend qu’aucune invention n’aurait été réalisée sans une analyse a posteriori cohérente de la réponse des patients de l’essai clinique. Les défendeurs reconnaissent que la démarche des inventeurs est pertinente, mais insistent sur le fait que l’analyse de l’évidence doit porter sur l’invention revendiquée, plutôt que sur les moyens par lesquels l’invention a été réalisée (Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2019 CAF 16, au para 48).

[191]  Tel qu’on l’interprète, la personne moyennement versée dans l’art comprendrait qu’un sujet atteint de sclérose en plaques ayant besoin d’un traitement est un sujet présentant un score EDSS d’environ 3,5 à 7. Toutefois, comme les résultats de l’analyse a posteriori des patients ayant obtenu une réponse rapportés dans l’exemple 5 de la description en font foi, la fampridine à libération prolongée n’offre qu’une amélioration statistiquement significative de la marche chez environ un tiers des sujets atteints de sclérose en plaques ayant besoin d’un traitement. Par conséquent, l’invention que la personne moyennement versée dans l’art vise est la découverte que 10 mg bid de fampridine à libération prolongée améliore la marche chez certains sujets atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher. Comme il a été discuté ci‑haut pour ce qui est du caractère réalisable, la personne moyennement versée dans l’art aurait habituellement été en mesure de cibler un sous‑groupe de sujets qui ont connu une augmentation statistiquement significative de la vitesse de marche après l’administration de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée. La méthode avec laquelle la personne moyennement versée dans l’art repère ce sous‑groupe n’est pas revendiquée, et ne fait pas partie de l’invention.

[192]  Une fois que la personne moyennement versée dans l’art a trouvé le schéma posologique revendiqué, qui est de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée, il n’y a aucun élément inventif à mesurer les concentrations plasmatiques approximatives qui résultent de ce schéma posologique. De fait, la Cmoy à l’équilibre associée à la dose de 10 mg bid de la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan a été rapportée dans Hayes 2003 comme étant d’environ 21 ng/mL. Les concentrations plasmatiques de fampridine résultant d’une administration de la préparation d’Elan à la posologie de 10 mg bid sont tout simplement des propriétés inhérentes de la préparation elle‑même. L’étape présumément inventive est le fait de savoir que cette faible dose entraîne une amélioration statistiquement significative de la marche ou augmente la vitesse de marche chez certains sujets atteints de sclérose en plaques ayant de la difficulté à marcher. Parce que cette étape n’est pas inventive sur le plan de l’état de la technique et des connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art, aucune des réponses n’est une propriété pharmacocinétique de la préparation de fampridine à libération prolongée.

[193]  Suivant les directives de la Cour d’appel fédérale de l’arrêt Hospira, à savoir qu’il serait peut-être pertinent d’envisager la possibilité qu’un document d’antériorité n’ait pas été trouvé par la personne moyennement versée dans l’art à ce stade de l’analyse de l’évidence, je suis convaincu que la personne moyennement versée dans l’art aurait combiné les paramètres pharmacocinétiques enseignés dans Hayes 2003 avec les doses fixes de 10 mg bid révélées dans le document S‑1 d’Acorda. Les deux références font état de données sur la préparation de fampridine à libération prolongée d’Elan, et le document S‑1 d’Acorda indique que les caractéristiques pharmacocinétiques de la fampridine à libération prolongée chez des sujets atteints de sclérose en plaques ont été établies dans des essais antérieurs parrainés par Elan.

[194]  En ce qui concerne les raisons dans les antériorités motivant la recherche de la solution enseignée dans le brevet, Dr Ebers affirme que dès 1993, les chercheurs avaient suggéré qu’une préparation de fampridine à libération prolongée aurait des bienfaits chez les patients atteints de sclérose en plaques, et Schwid 1997 a enseigné que des doses de fampridine à libération prolongée de 17,5 mg bid aboutissent à une amélioration de la marche chez 9 patients sur 10. Par conséquent, la personne moyennement versée dans l’art aurait eu des raisons de poursuivre l’administration de doses faibles de fampridine à libération prolongée, deux fois par jour, pour améliorer la marche chez les patients atteints de sclérose en plaques.

[195]  À l’inverse, le DLeist a émis l’avis que la personne moyennement versée dans l’art n’aurait pas été motivée à mener une étude comme celle qui est décrite dans l’exemple 5 du brevet 277, et que, plus précisément, elle n’aurait pas été motivée à mener l’analyse a posteriori des patients ayant obtenu une réponse. Comme il a été mentionné plus tôt, cette analyse ne fait pas partie de l’invention revendiquée et, dans la mesure où le DLeist l’intègre dans son analyse de l’évidence, il met l’accent sur la mauvaise question. L’analyse de l’évidence porte principalement sur l’invention revendiquée, laquelle est définie par les éléments essentiels de la revendication. Les revendications n’envisagent aucune expérience ou méthode particulière, et elles n’exigent pas que la personne moyennement versée dans l’art soit capable de mener l’analyse a posteriori sur laquelle se fonde le DLeist (arrêt Hospira, au par. 94).

[196]  Biogen s’est quelque peu distancée de l’inclusion, par le DLeist, de l’analyse a posteriori dans l’idée originale, mais je souscris à l’observation des défenderesses selon laquelle cette analyse, non revendiquée, ne peut servir à rendre inventives des revendications qui ne le sont pas. L’importation d’une étape non revendiquée, et censément inventive, de la divulgation dans le texte ordinaire des revendications va à l’encontre d’une interprétation téléologique de revendications qui ne laissent planer aucun doute et qui, à première vue, sont complètes (BVD Company c Canadian Celanese Ltd, [1937] RCS 221, à la p 237).

[197]  À titre de dernière remarque sur l’analyse a posteriori, pendant la durée du procès Biogen a fait référence à maintes reprises à la demande complémentaire [traduction« imposée » qui résultait de l’objection du commissaire quant à l’unité de l’invention. Comme il a été mentionné plus tôt, il s’agit là d’une exagération, et le choix de donner suite aux revendications relatives à l’utilisation et de déposer une demande complémentaire pour les revendications relatives à la méthode était volontaire. Quoi qu’il en soit, Biogen soutient que les titulaires de brevet n’ont pas à être lésés par des demandes complémentaires imposées, invoquant le passage suivant, tiré de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Consolboard Inc. c MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd, [1981] 1 RCS 504, aux para 536 et 537 :

Je l’ai déjà signalé, l’appelante avait d’abord présenté une seule demande de brevet, mais le commissaire des brevets lui a demandé de diviser sa demande en deux. On peut se demander si le commissaire des brevets aurait dû séparer les copeaux et les traiter comme le sujet d’un brevet distinct, mais, à mon avis, il ne faut pas désavantager le titulaire d’un brevet à cause de demandes divisionnaires imposées.

[Non souligné dans l’original.]

[198]  Il est malavisé de la part de Biogen d’invoquer ce passage comme principe général selon lequel les demandes complémentaires [aussi appelées « divisionnaires »] ne désavantagent pas les titulaires de brevet. MacMillan Bloedel souhaitait faire invalider le second brevet, qui découlait de la demande complémentaire, parce qu’il était identique au premier. C’est sur cette toile de fond que le juge Dickson a fait les commentaires qu’on peut lire au paragraphe précédent. Tout juste après, il a ajouté :

Si des brevets sont accordés à la suite de demandes divisionnaires à la demande du bureau des brevets, aucun de ces brevets ne doit être tenu pour invalide ou contestable du seul fait de l’octroi du brevet original.

[199]  Le principe qui se dégage de l’arrêt Consolboard est que les brevets accordés à la suite d’une demande complémentaire ne peuvent pas être contestés juste à cause de la délivrance du brevet original. Dans la présente affaire, le brevet 277 est le « brevet original », et le principe du double brevet qui se dégage de l’arrêt Consolboard ne s’applique pas.

(5)  La conclusion sur la question de l’évidence

[200]  En conclusion, toutes les revendications invoquées du brevet 277 sont invalides pour cause d’évidence. En avril 2004, la personne moyennement versée dans l’art aurait systématiquement mis en rapport l’état de la technique et l’idée originale des revendications invoquées. La personne moyennement versée dans l’art aurait compris que la posologie de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée était thérapeutiquement efficace pour améliorer la marche et augmenter la vitesse de marche pour au moins certains patients atteints de sclérose en plaques, et aurait systématiquement vérifié cette compréhension en étudiant des doses fixes de 10 mg bid de fampridine à libération prolongée. Le fait de préciser une posologie toutes les 12 heures, plutôt que deux fois par jour, n’est pas inventif. Les paramètres pharmacocinétiques revendiqués – Cmoy à l’équilibre et Tmax –sont des propriétés inhérentes de la préparation d’Elan lorsqu’on administre des doses de 10 mg bid. Comme il n’était pas inventif d’utiliser des doses de 10 mg bid, il n’était pas inventif de revendiquer les concentrations plasmatiques résultantes, lesquelles étaient connues dans le domaine.

[201]  À titre de dernière remarque sur les témoignages d’expert, le Dr Ebers a été très critique à l’égard des éléments d’art antérieur et de l’invention présumée que divulgue le brevet 277, ne voyant rien d’inventif dans les revendications elles-mêmes. Il a vivement critiqué les éléments d’art antérieur, y compris les travaux des inventeurs ayant précédé l’étude MS‑F202, mais il a néanmoins relevé dans les revendications du brevet 277 une certaine inventivité, qui était fondée sur l’analyse de réponse qui avait mené à l’invention revendiquée. Ce qu’il y a de faux dans le témoignage d’opinion du DLeist est que l’analyse a posteriori n’est pas revendiquée, et elle ne peut servir à élever des revendications non inventives au degré de l’inventivité.

C.  Les méthodes de traitement médical

[202]  Sont interdites au Canada les revendications de brevet qui concernent des méthodes de traitement médical (Tennessee Eastman Co. et al. c Commissaire des Brevets, [1974] RCS 111 [arrêt Tenessee Eastman]; Apotex Inc. c Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, aux para 48 à 50). Les défenderesses allèguent que la totalité des revendications invoquées portent sur des méthodes de traitement médical et qu’elles ne sont donc pas brevetables en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

[203]  Les observations des défenderesses reposent sur des analogies avec deux affaires dans lesquelles il a été conclu que les revendications étaient invalides parce qu’elles soutenaient [traduction] « comment et quand » un médicament devait être utilisé. Dans la décision Janssen Inc. c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123 [décision Mylan], notre Cour a conclu que des revendications relatives à l’utilisation de la galantamine étaient invalides en tant qu’objet non brevetable, signalant que l’affaire Tennessee Eastman demeure valable en droit au Canada parce que les préoccupations de principe reconnues dans cette affaire sont encore valides :

Indépendamment de la question du « renouvellement à perpétuité », l’éthique et la santé publique commandent que ces brevets soient exclus parce que les médecins ne doivent pas être empêchés ou limités de travailler au mieux de leur compétence et de leur jugement par peur de contrefaire un brevet protégeant un pur traitement médical (contrairement à un produit médical ou pharmaceutique vendable). Cette préoccupation est particulièrement évidente en l’espèce, car le brevet 950 empêche effectivement l’emploi d’un composé connu (galantamine) dans un but connu (le traitement de la maladie d’Alzheimer) par l’emploi d’une méthode de traitement bien connue (le dosage).

[Paragraphe 53, non souligné dans l’original.]

[204]  Les défenderesses soutiennent qu’il y a fort peu d’éléments qui permettent de distinguer les revendications invoquées de celles qui l’étaient dans l’affaire Mylan. Le brevet 277 fait effectivement obstacle à l’utilisation d’un composé connu (la fampridine à libération prolongée) à une fin établie (accroître la vitesse de marche des personnes atteintes de sclérose en plaques) en recourant à une méthode de traitement bien connue (une administration deux fois par jour, pendant au moins deux semaines). C’est donc dire que, d’après les préoccupations de principe reconnues dans l’arrêt Tennessee Eastman et formulées par la Cour dans la décision Mylan, les revendications du brevet 277 sont invalides parce qu’elles empêchent des médecins d’exercer leur talent et leur jugement.

[205]  Je signale qu’étant donné que la Cour, dans la décision Mylan, a conclu que les revendications visaient un objet non brevetable, elle n’a pas traité ensuite, de manière complète, les autres questions de fond que comportait la demande. Cependant, pour ce qui est de l’évidence présumée des revendications de brevet, la Cour a fait remarquer :

Disons simplement que je suis absolument convaincu que même si Janssen prétend avoir découvert que le lent ajustement posologique de la galantamine atténue les effets secondaires de ce médicament, ce phénomène était bien connu dans l’art antérieur et aurait donc été évident pour une personne versée dans l’art à l’époque.

[206]  À mon avis, cette démarche englobe mieux la situation qui est en jeu en l’espèce. Je conviens avec les défenderesses que le brevet 277 revendique l’utilisation d’un composé connu à une fin établie, en se servant d’une méthode de traitement connue, mais ces faits généraux constituaient le fondement de la conclusion relative à l’évidence, formulée plus tôt. Je ne suis pas d’accord pour dire que ces faits donnent également lieu à une conclusion distincte d’invalidité sur le fondement d’un objet non brevetable.

[207]  Les défenderesses invoquent aussi la décision Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985 [Novartis], conf. 2014 CAF 17 [l’arrêt Novartis CAF]. Les revendications en litige avaient généralement trait à l’administration, une fois par année, de 5 mg d’acide zolédronique pour traiter l’ostéoporose. Notre Cour a conclu qu’étant donné que chaque revendication comportait un traitement par doses administré de façon intermittente à certains intervalles, les revendications englobaient « ce qui [relevait] de la compétence du médecin », et elles étaient donc invalides (décision Novartis, précitée, au par. 99). En particulier, la Cour a fait abstraction de la « nature artificielle » des revendications de type suisse, et elle a interprété la totalité des revendications en litige comme étant des revendications d’utilisation (décision Novartis, au par 101).

[208]  La Cour d’appel fédérale a rejeté sommairement l’appel, concluant que, pour faire droit à ce dernier, il aurait été nécessaire de conclure au vu de l’arrêt Tennessee Eastman qu’une méthode de traitement médical est un objet brevetable ou que la Cour fédérale avait mal interprété le brevet (arrêt Novartis CAF, précité, aux para 2-3).

[209]  Les défenderesses affirment de façon générale que la totalité des revendications invoquées du brevet 277 englobent [traduction« comment et quand » les comprimés de fampridine à libération prolongée doivent être administrées, et qu’elles sont de ce fait invalides par analogie avec la décision Novartis.

[210]  À l’inverse, Biogen soutient que l’argument des défenderesses, à savoir que les revendications englobent [traduction« comment et quand » la fampridine à libération prolongée doit être administrée n’est pas différent de celui qui a été rejeté dans la décision AbbVie Biotechnology Ltd. c Canada (Procureur général), 2014 CF 1251, au paragraphe 74. Elles n’ont produit aucune preuve de la part des neurologues ayant témoigné que le brevet 277 les restreindrait dans l’exercice de leur profession.

[211]  Je suis du même avis que Biogen, et je ne souscris pas à l’argument des défenderesses selon lequel l’arrêt Mylan et la décision Novartis étayent la thèse générale voulant que n’importe quelle revendication de brevet visant [traduction« comment et quand » un médicament est administré englobe un objet non brevetable. Même si les défenderesses soutiennent également qu’il ressort de l’arrêt Hospira que le simple fait de qualifier une chose de [traduction« produit vendable » ne veut pas dire que les revendications de brevet ne restreindraient pas l’exercice du talent et du jugement d’un professionnel de la médecine, je ne considère pas que c’est ce que l’arrêt Hospira donne à penser. En fait, la Cour d’appel fédérale a expressément indiqué que les revendications en litige qui se limitaient à des doses fixes et à des intervalles d’administration étaient des revendications relatives à des produits vendables, et qu’elles n’étaient pas invalides en tant que méthodes de traitement médical (arrêt Hospira, au para 53).

[212]  Dans la présente affaire, toutes les revendications invoquées se limitent à des doses fixes et à des intervalles d’administration. Si l’on se fie à la démarche que la Cour d’appel fédérale a suivie dans l’arrêt Hospira, les revendications invoquées ne sont donc pas invalides en tant que méthode de traitement médical.

[213]  Par ailleurs les revendications de type suisse se rapportent à l’utilisation dans le cadre de la fabrication d’un médicament et elles englobent les actions des fabricants de produits pharmaceutiques. Les défenderesses n’ont formulé aucun argument contraire, mais elles soutiennent que les revendications de type suisse restreignent néanmoins [traduction« comment et quand » la fampridine à libération prolongée doit être administrée, ce qui empiète sur le pouvoir décisionnel du médecin. Comme les défenderesses ne demandent pas à la Cour de considérer que les revendications de type suisse englobent plus que les activités d’un fabricant de produits pharmaceutiques, je ne vois pas en quoi ces revendications pourraient empêcher des professionnels de la médecine d’exercer leur talent et leur jugement.

[214]  Aucune des revendications invoquées n’est invalide au seul motif qu’elles englobent des méthodes de traitement médical non brevetables.

VIII.  La contrefaçon reprochée à Taro

[215]  Seule la contrefaçon reprochée à Taro est en litige en l’espèce. Comme j’ai conclu que la totalité des revendications invoquées du brevet 277 étaient invalides, il n’est nul besoin d’analyser la question de la contrefaçon. Cependant, il est justifié de traiter brièvement des observations qu’ont formulées les parties quant à cette question.

[216]  Il incombe à Biogen de prouver la contrefaçon (Monsanto Canada Inc. c Schmeiser, 2004 CSC 34, au para 29). Cependant, comme Taro l’a reconnu lors de l’interrogatoire préalable, elle se fonde uniquement sur l’invalidité des revendications invoquées comme motif de non‑contrefaçon dans son AA et dans sa défense. Cela étant, rien ne permet à la Cour d’examiner ensuite si les activités proposées par Taro dans le cadre de son PADN constitueraient par ailleurs des motifs de non-contrefaçon. Je conviens avec Biogen que si les revendications étaient valides, Taro ne pourrait pas invoquer un argument juridique pour se distancier de ses arguments et de son admission à l’interrogatoire préalable.

[217]  Quoi qu’il en soit, se fondant sur la monographie de produit de Taro et sur la preuve de contrefaçon des Drs Oh et Williams, Biogen a établi selon la prépondérance des probabilités que si les revendications du brevet 277 étaient valides, Taro prendrait tous les éléments essentiels des revendications 18, 24, 26, 28, 32, 38, 40 et 42 si elle fabriquait, construisait, exploitait ou vendait la Taro-Fampridine d’une manière conforme à sa PADN.

IX.  Conclusion

[218]  En conclusion, le document S‑1 d’Acorda priorise les revendications 17, 18, 31 et 32, et toutes les revendications invoquées du brevet 277 sont invalides pour cause d’évidence.

[219]  Aucune des revendications invoquées ne vise des méthodes de traitement médical non brevetables.

X.  Les dépens

[220]  Aux termes de l’article 6.12 du Règlement, la Cour peut rendre une ordonnance relative aux dépens, conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Elle peut notamment tenir compte de la diligence avec laquelle les parties ont poursuivi l’action et la mesure dans laquelle elles ont collaboré de façon raisonnable à son règlement expéditif.

[221]  Les parties conviennent que dans un litige en matière de brevet pharmaceutique qui est complexe et qui oppose des parties bien averties, comme elles le sont, des dépens conformes au tarif sont insuffisants et, dans la présente affaire, une somme forfaitaire représentant 30 % des honoraires engagés plus 100 % des débours raisonnables est appropriée.

[222]  Les défenderesses demandent également des dépens majorés afin de tenir compte des honoraires et des dépenses qu’elles ont engagés inutilement pour prouver à quel moment le document S‑1 d’Acorda est devenu accessible au public. Plus précisément, elles souhaitent recouvrer la totalité des honoraires et des débours qui sont associés au témoignage d’expert de M. Kealey.

[223]  Aux termes de l’article 400 des Règles, la Cour peut tenir compte, notamment, de la conduite d’une partie qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance, du défaut d’une partie de reconnaître une chose qui aurait dû être admise, ainsi que de la question de savoir si les dépenses engagées pour la déposition d’un témoin expert étaient justifiées.

[224]  Je suis du même avis que les défenderesses. Biogen n’a pas sérieusement contesté le témoignage de M. Kealey, et elle a simplement cherché à miner sa méthode lors du contre‑interrogatoire. De plus, le témoignage du DCohen a corroboré la nature publique du document S‑1 d’Acorda; cette dernière a produit le document en vue de mobiliser des capitaux sur les marchés publics en septembre 2003. Il ne fait aucun doute que ce document était accessible au public avant la date pertinente d’avril 2004.

[225]  J’exercerai donc mon pouvoir discrétionnaire pour adjuger aux défenderesses tous les dépens juridiques et la totalité des débours qui sont associés à la préparation du rapport et du témoignage d’expert de M. Kealey. Ces dépens devraient être taxés séparément du reste des honoraires d’avocat et débours que les défenderesses ont raisonnablement engagés, et pour lesquels elles ont droit à une adjudication forfaitaire équivalant à 30 % des honoraires d’avocat qui ont été raisonnablement engagés, plus 100 % des débours raisonnables. Les défenderesses font valoir qu’elles ont engagé conjointement une somme d’environ un million de dollars en honoraires d’avocat et de 200 000 $ en débours raisonnables, et qu’elles ont droit à une somme forfaitaire d’environ 500 000 $.

[226]  Biogen soutient qu’il ne faudrait pas permettre aux défenderesses de recouvrer des honoraires ou des débours qui sont attribuables à des travaux qui ont été faits en double. À cette fin, les AA et les défenses de Taro et de Pharmascience étaient essentiellement identiques, et les défenderesses se sont servies des mêmes experts pour les questions de validité, et elles n’ont fait signer à ces dernières qu’un code de conduite de Taro. De plus, elles ont procédé à des interrogatoires conjoints lors du procès, elles ont présenté des arguments oraux et écrits communs et elles ont échangé, conjointement toujours, des demandes et des réponses à des demandes d’admission.

[227]  Au vu des observations des parties au sujet des dépens, on ne sait pas avec certitude si les honoraires et les débours des défenderesses sont bel et bien répétitifs. À moins que Biogen oriente la Cour vers des honoraires ou des débours que les défenderesses ont comptés en double, le montant des dépens sera celui que ces dernières ont présenté, avec les rajustements nécessaires pour tenir compte des honoraires et des débours liés au témoignage de M. Kealey.

[228]  Une copie des présents jugements et motifs sera versée dans les dossiers de la Cour portant les nos T‑1163‑18 et T‑220‑19.


JUGEMENT dans les dossiers T‑1163‑18 et T‑220‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. Les actions de Biogen sont rejetées;

  2. Le document S‑1 d’Acorda antériorise les revendications 17, 18, 31 et du brevet 277, et toutes les revendications invoquées du brevet 277 sont invalides pour cause d’évidence;

  3. Les dépens sont adjugés aux défenderesses, et ils se composent de tous les honoraires et débours associés au témoignage d’expert de M. Kealey, de 30 % des honoraires d’avocat raisonnablement engagés qui restent, ainsi que de 100 % des débours raisonnables qui restent.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


ANNEXE A

Revendications pertinentes du brevet 277

Les revendications en gris ne sont pas invoquées par Biogen, sauf dans la mesure où elles sont intégrées dans des revendications dépendantes.

No de la revendication

Texte de la revendication

15

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée pour améliorer la marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

16

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament destiné à améliorer la marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

17

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée pour améliorer la marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin pour une période d’au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

18

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament destiné à améliorer la marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin pour une période d’au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

19

Recours à la revendication 15 ou 17, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à une Cmoy de 15 ng/ml à 35 ng/ml.

20

Recours à la revendication 15 ou 17, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 1 à 6 heures après l’administration de la composition de 4-aminopyridine au sujet.

21

Recours à la revendication 15 ou 17, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration de la composition de 4-aminopyridine au sujet.

22

Recours à la revendication 15 ou 17, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 6 heures après l’administration de la composition de 4-aminopyridine au sujet.

23

Recours à l’une ou l’autre des revendications 15, 17, et 19 à 22, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures.

24

Recours à la revendication 16 ou 18, dans laquelle le médicament aboutit une Cmoy de 15 ng/ml à 35 ng/ml.

25

Recours à la revendication 16 ou 18, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 1 à 6 heures après l’administration du médicament au sujet.

26

Recours à la revendication 16 ou 18, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration du médicament au sujet.

27

Recours à la revendication 16 ou 18, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 6 heures après l’administration du médicament au sujet.

28

Recours à l’une ou l’autre des revendications 16, 18, et 24 à 27, dans laquelle le médicament se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures.

29

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée pour accroître la vitesse de marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

30

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament pour accroître la vitesse de marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

31

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée pour accroître la vitesse de marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin pour une période d’au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

32

Recours à une composition de 4-aminopyridine à libération prolongée dans la fabrication d’un médicament pour accroître la vitesse de marche chez un sujet atteint de sclérose en plaques qui en a besoin pour une période d’au moins deux semaines, à la dose unitaire de 10 milligrammes de 4-aminopyridine, deux fois par jour.

33

Recours à la revendication 29 ou 31, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à une Cmoy de 15 ng/ml à 35 ng/ml.

34

Recours à la revendication 29 ou 31, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 1 à 6 heures après l’administration d’une composition de 4-aminopyridine au sujet.

35

Recours à la revendication 29 ou 31, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration d’une composition de 4-aminopyridine au sujet.

36

Recours à la revendication 29 ou 31, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 6 heures après l’administration d’une composition de 4-aminopyridine au sujet.

37

Recours à l’une ou l’autre des revendications 29, 31, et 33 à 36, dans laquelle la composition de 4-aminopyridine se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures.

38

Recours à la revendication 30 ou 32, dans laquelle le médicament aboutit à une Cmoy de 15 ng/ml à 35 ng/ml.

39

Recours à la revendication 30 ou 32, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 1 à 6 heures après l’administration du médicament au sujet.

40

Recours à la revendication 30 ou 32, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 5 heures après l’administration du médicament au sujet.

41

Recours à la revendication 30 ou 32, dans laquelle le médicament aboutit à un Tmax moyen de l’ordre de 2 à 6 heures après l’administration du médicament au sujet.

42

Recours à l’une ou l’autre des revendications 30, 32, et 38 à 41, dans laquelle le médicament se présente sous une forme permettant son administration toutes les 12 heures.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


 

DoSSIERS :

T‑1163‑18 et T‑220‑19

 

DOSSIER :

T‑1163‑18

INTITULÉ :

BIOGEN CANADA INC., BIOGEN INTERNATIONAL GMBH ET ACORDA THERAPEUTICS INC. c TARO PHARMACEUTICALS INC.

 

ET DOSSIER :

T‑220‑19

 

INTITULÉ :

BIOGEN CANADA INC., BIOGEN INTERNATIONAL GMBH ET ACORDA THERAPEUTICS INC. c PHARMASCIENCE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

du 2 AU 6 ET LES 9, 10 ET 13 MARS 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

lE 15 MAI 2020

 

COMPARUTIONS :

John Norman

Alex Gloor

Rebecca Stiles

Adam Heckman

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Jonathan Stainsby

Scott Beeser

 

pOUR LA DÉFENDERESSE

TARO PHARMACEUTIALS INC.

 

Aleem Abdulla

 

pOUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC.

 


AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

Gowling WLG (Canada) s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Aitken Klee s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pOUR LA DÉFENDERESSE

TARO PHARMACEUTICALS INC.

 

Aitken Klee s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

pOUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC.

 

 

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