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Date : 20050502

 

Dossier : IMM-8494-03

 

Référence : 2005 CF 596

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 2 MAI 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

 

ENTRE :

 

DIANA THEVASAGAYAMPILLAI

 

demanderesse

                                                                                                                                                           

                                                                             et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

 

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), à la suite d'une décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration (la Section d'appel) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) a conclu, le 9 octobre 2003, que l'appel interjeté par la demanderesse devait être rejeté pour défaut de compétence.

 


[2]               La demanderesse a parrainé la demande que son mari avait faite en vue de s'établir au Canada. L'agent des visas a refusé la demande parce qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que le mari était membre d'une organisation qui était ou allait être l'auteur d'actes de terrorisme. Conformément aux alinéas 34(1)c) et f) de la LIPR, emporte interdiction de territoire pour raison de sécurité le fait de se livrer au terrorisme ou d'être membre d'une organisation dont il y a motifs raisonnables de croire qu'elle est, a été ou sera l'auteur d'actes de terrorisme.

 

[3]               La demanderesse a interjeté appel du refus de la demande parrainée conformément au paragraphe 63(1) de la LIPR. L'appel a été rejeté pour défaut de compétence. En effet, le paragraphe 64(1) de la LIPR établit clairement qu'aucun appel ne peut être interjeté devant la Section d'appel par l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité (article 34 de la LIPR), ni par son répondant.

 

[4]               Le paragraphe 64(1) est rédigé comme suit :

 

 64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.

 

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

 


[5]               L'étendue de la compétence de la Section d'appel en pareil cas a récemment été examinée par la Cour dans la décision Kang c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2005 C.F. 297; [2005] A.C.F. no 367 (C.F.) (QL). Aux paragraphes 41 et 42, la juge McTavish a fait les remarques suivantes :

Selon une interprétation claire de la loi, je suis convaincue que la question de la compétence que la SAI devait trancher n'était pas de savoir si l'étranger était de fait interdit de territoire, mais qu'il s'agissait plutôt de savoir s'il avait été jugé que l'individu en question était interdit de territoire pour l'un des motifs énumérés. Une fois qu'il est répondu par l'affirmative à cette question, la loi est claire : la SAI n'a pas compétence pour examiner l'affaire plus à fond.

 

 

Si je retenais la prétention de Mme Kang selon laquelle il incombait à la SAI de décider si M. Kang était de fait interdit de territoire afin de décider si elle avait compétence pour entendre l'appel, cette interprétation aurait pour effet de rendre l'article 64 de la LIPR en bonne partie inutile. Exiger que la Commission réexamine la question de l'admissibilité conférerait essentiellement un droit d'appel aux personnes mêmes qui se sont vu dénier ce droit par la disposition en question.

 

 

 

[6]               Malgré les nobles efforts que l'avocat de la demanderesse a faits en vue de me convaincre que l'approche adoptée dans la décision Kang, précitée, n'est pas conforme à la décision rendue en 1980 par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Brendan Leeson Selby, [1981] 1 C.F. 273 (C.A.F.), ou qu'elle est par ailleurs erronée en droit, je conclus que ces reproches sont dénués de fondement.

 


[7]               Comme il a implicitement été conclu dans la décision Kang, l'arrêt Selby, précité, n'est pas déterminant pour ce qui est de la question que la Cour doit trancher en l'espèce (voir Kang, précité, paragraphes 32 à 36). De fait, dans l'affaire Selby, précitée, le paragraphe 72(1) de l'ancienne Loi sur l'immigration, 1976 S.C. 1976‑77, ch. 52 (l'ancienne Loi), conférait un droit d'appel à un « résident permanent ». Le paragraphe 24(2) de l'ancienne Loi se rapportait à la perte de statut, mais il n'avait pas été incorporé par renvoi dans la définition de l'expression « résident permanent » figurant au paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi. Seul le paragraphe 24(1) de l'ancienne Loi avait été incorporé par renvoi dans la définition. Voici ce que le juge en chef Thurlow a dit au paragraphe 5 :

En application du paragraphe 24(1), il faut se demander si le «résident permanent» a quitté le Canada ou est demeuré à l'étranger avec l'intention de renoncer à considérer le Canada comme son lieu de résidence permanente. Il s'agit là d'une question de fait relevant du pouvoir d'appréciation, tout d'abord, de l'agent d'immigration qui en est saisi, et ensuite, en cas de contestation, de celui de l'arbitre. Mais le paragraphe 72(1) confère au «résident permanent» frappé par une ordonnance de renvoi le droit d'interjeter appel à la Commission d'appel de l'immigration. Ainsi, la personne qui a obtenu le droit d'établissement et qui n'a pas quitté le Canada ou demeuré à l'étranger avec l'intention de renoncer à considérer le Canada comme son lieu de résidence permanente, a le droit d'interjeter appel, nonobstant la conclusion de l'arbitre qu'il a quitté le Canada ou demeuré à l'étranger avec l'intention de renoncer à considérer le Canada comme son lieu de résidence permanente. Toute autre interprétation des paragraphes 24(1) et 72(1) rendrait définitives et non susceptibles d'appel les conclusions de l'arbitre, même si, aux termes du paragraphe 59(1), la Commission d'appel de l'immigration a «compétence exclusive [...] pour entendre et juger sur des questions de droit et de fait, y compris des questions de compétence, relatives à la confection d'une ordonnance de renvoi» et même si, aux termes du paragraphe 76(1), la Commission, sur un appel fondé sur l'article 72, peut annuler l'ordonnance de renvoi. À mon avis, il ne faut pas adopter une interprétation des paragraphes 24(1) et 72(1) qui fasse échec au droit d'appel précité. Selon moi, la Commission d'appel de l'immigration, lorsqu'elle est saisie d'un appel interjeté par une personne faisant l'objet d'une ordonnance de renvoi au motif que l'arbitre a conclu que cette personne n'était plus une résidente permanente pour avoir quitté le Canada ou être demeurée à l'étranger avec l'intention de renoncer à considérer le Canada comme son lieu de résidence permanente, est compétente pour recevoir des preuves et statuer sur le fait dont dépend le droit d'appel.

 

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

 

[8]               Le juge Addy, qui a également prononcé des motifs dans l'affaire Selby, précitée, a fait les remarques suivantes aux paragraphes 21, 22 et 23 :

Les paragraphes (1) et (2) de l'article 72 prévoient le cas d'une ordonnance de renvoi, et le paragraphe (3) celui d'une ordonnance d'expulsion. D'après l'article 2(1), l'ordonnance de renvoi englobe l'ordonnance d'exclusion aussi bien que l'ordonnance d'expulsion. Le paragraphe (1) de l'article 72 accorde un droit d'appel au résident permanent et au titulaire d'un permis de retour valable. Le résident permanent a le droit d'obtenir un permis de retour valable avant de quitter le pays. Mais il n'a pas droit d'appel en vertu de ce paragraphe s'il fait l'objet de rapports en matière de sécurité ou de criminalité. Si cette exception n'est pas applicable au titulaire d'un permis de retour valable, c'est probablement parce que le permis aura été annulé si les enquêtes le justifient.


 

 

Le paragraphe (2) traite des appels ouverts au réfugié au sens de la Convention ou au titulaire d'un visa en cours de validité contre lequel un agent d'immigration a fait un rapport énonçant qu'il n'est pas légalement admissible. Enfin, le paragraphe (3) s'applique aux personnes qui, bien qu'elles appartiennent à la même catégorie que celles visées au paragraphe (2), ont été frappées d'une ordonnance d'expulsion plutôt que d'une ordonnance d'exclusion et ont fait l'objet d'une attestation du Ministre et du solliciteur général sur le fondement de rapports secrets en matière de sécurité ou de criminalité ou ont été jugées inadmissibles par l'arbitre à cause de leurs activités d'espionnage ou de subversion ou de leur tendance à la violence, etc.

 

 

Pour chacune des trois catégories d'appelants, l'article 72 prévoit des moyens d'appel différents. D'où il suit que la Commission d'appel de l'immigration doit décider dans quelle catégorie un appelant tombe avant de pouvoir déterminer la nature et l'étendue de sa compétence dans le cas considéré. Ainsi, pour qu'un appel fondé sur l'article 72(1) soit recevable, la Commission doit s'assurer que l'appelant tombe bien dans l'un des deux cas qui y sont mentionnés. La question de savoir si une personne est un résident permanent est donc, en ce qui concerne sa compétence, essentielle à trancher pour la Commission.

 

 

[Non souligné dans l'original.]

 

 

 

[9]               Les articles 63 à 67 de la LIPR, qui régissent les appels devant la Section d'appel, emploient maintenant un libellé différent et ne correspondent pas aux articles 59 et 72 de l'ancienne Loi. En outre, il est clair que le paragraphe 64(1) de la LIPR, qui doit être lu compte tenu du paragraphe 64(2) de la LIPR dans les cas de grande criminalité (article 36 de la LIPR), n'invite pas la Section d'appel à prendre une décision au sujet du statut de l'intéressé. La question du statut est déjà traitée à l'article 63 de la LIPR. Le paragraphe 64(1) de la LIPR se rapporte strictement à la question de savoir si l'intéressé « est interdit de territoire » pour l'un des motifs énumérés. Par conséquent, afin d'exercer sa compétence, la Section d'appel n'a pas à examiner les faits qui ont donné lieu à la conclusion selon laquelle l'intéressé est interdit de territoire pour l'un des motifs énumérés.

 


[10]           En l'espèce, la Section d'appel n'avait pas compétence pour réexaminer la conclusion relative à l'interdiction de territoire que l'agent des visas avait tirée. À mon avis, le libellé clair du paragraphe 64(1), ainsi que l'objet de la LIPR et son économie, empêchent la Section d'appel de réexaminer la conclusion relative à l'interdiction de territoire tirée par un décideur autorisé, soit en l’occurrence l'agent des visas. Si le législateur avait voulu accorder un droit d'appel de novo à l'égard de la question de l'existence d'un des motifs mentionnés au paragraphe 64(1) de la LIPR, il se serait exprimé plus clairement. Or, ce n'est pas ici le cas.

 

[11]           J'ai également tenu compte des autres arguments invoqués par l'avocat de la demanderesse ainsi que de la question dont l'avocat a proposé la certification. Ces arguments ne révèlent aucun motif valable permettant de s'écarter de la décision Kang, précitée; de plus, à mon avis, ils ne soulèvent pas une question de portée générale. Dans les deux cas, je retiens les arguments du défendeur.

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

        « Luc Martineau »        

     Juge

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :

IMM-8494-03

 

INTITULÉ :

Diana Thevasagayampillai c. MCI

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE LAUDIENCE :

Le 27 avril 2005

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 mai 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

POUR LA DÉFENDERESSE

 

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Waldman et associés

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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