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Date : 20040528

Dossier : T-2291-03

Référence : 2004 CF 787

IN THE MATTER of an action pursuant to s. 17(1) &

17(2)(d) of the Federal Courts Act, arising from a successful

application, against the Commissioner of Official

Languages pursuant to s. 41 of the Privacy Act,

R.S. 1985, c. P-21

IN THE MATTER of an action pursuant to

s. 17(1) & 17(2)(d) of the Federal Courts Act,

arising from contravening s. 12(1) of the

Privacy Act by the Commissioner of Official

Languages and therefore contravening s. 3(a) & 10

of the Crown Liability and Proceedings Act, S.C. 1990, c. 8, s. 21

IN THE MATTER of an action pursuant to s. 17(1) &

17(2)(d) of the Federal Courts Act, arising from

the impartiality and lack of independence, by the

Commissioner of Official Languages in the handling

of the language complaints arising out of T-1977-94

and the handling of the access to personal

information complaints arising out of T-909-97

IN THE MATTER of an action pursuant to s. 17(1) &

17(2)(d) of the Federal Courts Act and s. 24(1)

of the Canadian Charter of Rights and Freedoms

arising from the contravention of s. 7 of the

Canadian Charter of Rights and Freedomsby the

Commissioner of Official Languages

& Her Majesty the Queen

IN THE MATTER of an action pursuant to s. 17(1)

& 17(2)(d) of the Federal Courts Act,

arising from s. 75(1) of the Official Languages Act

contravening s. 24 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms

and therefore s. 75(1) being unconstitutional with no force or effect


IN THE MATTER of RELITIGATING T-1977-94 because

the first procedure was tainted with fraud and dishonesty

by Her Majesty the Queen and the new evidence

obtained in SCC 28188 impeaches the result in T-1977-94

pursuant to s. 17(1), 17(2)(d), 18.4(2) & 48 of the Federal Courts Act

BETWEEN:

                                                            ROBERT LAVIGNE

                                                                                                                                               Plaintiff

                                                                           and

                                          THE OFFICE OF THE COMMISSIONER

OF OFFICIAL LANGUAGES

                                                                                                                                           Defendant

and

HER MAJESTY THE QUEEN

Defendant

and

HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT

(FORMERLY HEALTH AND WELFARE CANADA)

Defendant

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

Introduction

[1]                Il s'agit de déterminer en l'espèce si la Cour doit permettre au demandeur d'aller de l'avant avec la présente action qui vise essentiellement à instruire et à plaider de nouveau une situation que le demandeur a portée en 1994 devant cette Cour et sur laquelle notre Cour a tranché de façon finale dans le dossier T-1977-94. Par son action, le demandeur cherche donc à échapper au principe de la chose jugée en soulevant une exception reconnue à ce principe qui réside dans l'obtention récente par ce dernier d'une nouvelle preuve.

[2]                Le Commissariat aux langues officielles (ci-après le Commissaire) d'une part, et les deux autres défendeurs à l'action, soit le ministre du Développement des ressources humaines (le DRH) et Sa Majesté la Reine (la Reine) d'autre part, soutiennent par le biais chacun d'une requête en radiation de la déclaration d'action du demandeur sous la règle 221 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles)[1] que le demandeur ne rencontre pas les conditions sévères établies par la jurisprudence pour pouvoir bénéficier de l'exception de la nouvelle preuve.

[3]                Pour les motifs qui suivent, je considère que les trois défendeurs ont raison et qu'il y a lieu de faire droit aux requêtes en radiation qu'ils ont soumises.


Contexte

[4]                Du 27 août 1992 au 31 mars 1993, le demandeur a occupé un poste classé bilingue de commis aux renseignements auprès du DRH, tel que connu alors comme le ministère de la Santé et Bien-être social.

[5]                Vers la fin de ce terme, le demandeur ainsi que plusieurs collègues du demandeur ont fait l'objet d'un examen de rendement en vue d'être réembauchés.

[6]                Suite à une évaluation de rendement effectuée par Mme Jacqueline Dubé, la superviseure immédiate du demandeur à l'époque, ce dernier n'a pas obtenu la note de passage et n'a donc pas été placé sur une liste d'admissibilité.

[7]                De façon concurrente, il ressort que le demandeur a, de novembre 1992 à mars 1993, déposé quatre plaintes auprès du Commissaire.

[8]                Par ces plaintes, le demandeur soutenait essentiellement qu'on lui avait refusé la formation et les instruments de travail en anglais, ainsi que la possibilité de travailler dans cette langue. En conséquence, le demandeur soutenait que cela avait affecté défavorablement son acquisition de connaissances, son rendement ainsi qu'ultimement son évaluation.


[9]                Le Commissaire a conclu que les plaintes du demandeur étaient fondées. Il a formulé des recommandations de nature générale afin d'améliorer la situation des fonctionnaires anglophones travaillant à Montréal et il a recommandé de revoir, sans tarder, l'évaluation de rendement du demandeur, en tenant compte du fait qu'il avait été placé dans une position défavorable pour faire valoir ses connaissances et ses capacités.

[10]            Le rendement du demandeur fut effectivement revu par une dame Lavoie du DHR. Dans son rapport cette dernière a toutefois conclu que le requérant ne répondait toujours pas aux exigences minimales nécessaires pour figurer sur une liste de réembauchage.

[11]            Il faut retenir également qu'avant d'émettre son rapport, le Commissaire, via des enquêteurs travaillant pour lui, a procédé à interroger quelque vingt-cinq (25) employés du DRH. Inclus dans cette liste se trouvaient le demandeur lui-même ainsi que Mme Jacqueline Dubé, le directeur de district du bureau de Montréal, M. Normand Chartrand, ainsi que la coordonnatrice régionale des langues officielles, Mme France Doyon.

[12]            Bien que le Commissaire émît son rapport en juin 1994, il ressort que dès le 7 juillet 1993 le demandeur débuta une série de demandes d'accès afin d'obtenir les renseignements personnels le concernant et contenus aux dossiers du Commissaire par suite des plaintes linguistiques préalablement formulées auprès de ce dernier par le demandeur.


[13]            Ces demandes d'accès ont été formulées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, telle que modifiée, et ne pouvaient en toute logique viser autre chose que l'obtention par le demandeur des notes d'entrevues des diverses personnes interrogées par les enquêteurs du Commissaire lors de l'enquête conduite par ce dernier.

[14]            Il ressort que le demandeur a reçu communication de renseignements par suite de ces demandes d'accès. Ces renseignements ne contenaient toutefois pas les notes d'entrevues.

[15]            À cet égard, le 10 septembre 1993, on avisa le demandeur que partie de l'information recherchée par lui ne lui serait pas divulguée par le Commissaire en application de l'alinéa 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, supra. Cet alinéa se lit :

22. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) :

[...]

22. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any personal information requested under subsection 12(1)

[...]

b) soit dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d'enquêtes licites, notamment :

b) the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information


(i) des renseignements relatifs à l'existence ou à la nature d'une enquête déterminée,

(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d'une enquête;

(i) relating to the existence or nature of a particular investigation,

(ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or

(iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation;

[16]            C'est peu après cette époque, soit en août 1994, que le demandeur a en quelque sorte poursuivi de façon séparée ses démêlés avec les autorités fédérales.

[17]            En effet, le 23 août 1994, fort du rapport du Commissaire concluant que ses plaintes linguistiques étaient fondées à l'encontre du DRH, le demandeur entreprit contre le DRH devant cette Cour - par le biais du dossier T-1977-94 - une demande en vertu du paragraphe 77(4) de la Loi sur les langues officielles, L.R. (1985) , ch. 31 (4e suppl.), telle que modifiée. Les paragraphes 77(1), (4) et (5) de cette loi se lisent :

77. (1) Quiconque a saisi le commissaire d'une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV ou V, ou fondée sur l'article 91 peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

[...]

77. (1) Any person who has made a complaint to the Commissioner in respect of a right or duty under sections 4 to 7, sections 10 to 13 or Part IV or V, or in respect of section 91, may apply to the Court for a remedy under this Part.

[...]


(4) Le tribunal peut, s'il estime qu'une institution fédérale ne s'est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu'il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

(4) Where, in proceedings under subsection (1), the Court concludes that a federal institution has failed to comply with this Act, the Court may grant such remedy as it considers appropriate and just in the circumstances.

(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d'action.

(5) Nothing in this section abrogates or derogates from any right of action a person might have other than the right of action set out in this section.

[18]            Il faut retenir que le demandeur a entrepris sa demande dans le dossier T-1977-94 sans être en possession des notes d'entrevues qu'il recherchait toujours par ailleurs. Il ressort qu'en aucun temps pertinent dans le cours de ce dossier T-1977-94, le demandeur chercha à obtenir les notes d'entrevues ou à arrêter le cours de ce dossier le temps que le sort desdites notes d'entrevues soit résolu. Nous reviendrons en analyse sur cet aspect.

[19]            C'est de façon parallèle et séparée que le demandeur poursuivit ses efforts à l'égard de l'obtention de ces notes d'entrevues par le biais d'une plainte en septembre 1994 auprès du Commissaire à la vie privée. En avril 1997, ce dernier appuya la position prise par le Commissaire (aux langues officielles) ce qui amena le demandeur le 7 mai 1997 à entreprendre contre le Commissaire une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour (dossier T-909-97) pour laquelle le demandeur aura ultimement raison en Cour suprême.

[20]            Puisque le demandeur cherche à rouvrir le dossier T-1977-94, il est important de se rapporter aux décisions de notre Cour et de la Cour d'appel fédérale dans ce dossier pour comprendre ce que le demandeur réclamait alors et ce qui lui fut ultimement accordé.

[21]            La décision en première instance fut rendue par le juge Pinard le 30 octobre 1996 (Lavigne c. Canada, [1997] 1 C.F. 305). Les extraits suivants contenus aux pages 314 à 324 de cette décision sont instructifs :

[Pages 314 à 316 :]

LA QUESTION LITIGIEUSE

Comme l'intimé DRH a admis avoir enfreint la partie V de la Loi, la seule question restante est la réparation appropriée que doit accorder la Cour.

ANALYSE

Étant donné que l'intimé DRH a admis qu'il y avait eu infraction aux droits du requérant en matière de langue de travail, lesquels sont garantis par la partie V de la Loi, le requérant recherche les réparations suivantes conformément aux paragraphes 77(1) et (4) de la Loi:

1. une ordonnance contraignant le DRH à fournir au requérant et au CLO les résultats de l'examen du dossier du requérant, y compris les motifs de la décision prise à l'égard de son défaut, en 1993, de réembaucher le requérant, tel que le recommandait le CLO dans son rapport;

2. des dommages-intérêts s'élevant aux montants suivants:

- 50 000 $ de dommages-intérêts exemplaires en raison de la conduite discriminatoire du DRH

- 39 393,648 $ pour perte de salaire

- 4 924,152 $ pour avantages perdus (congés/congés de maladie)

- 25 000 $ pour angoisse physique et morale et la perte de la [traduction] "jouissance de la vie", y compris tous les frais médicaux

Au total: 119 317,80 $


3. une ordonnance imposant au DRH de rétablir le requérant dans la fonction publique fédérale;

4. une ordonnance déclarant que les antécédents professionnels du requérant lorsqu'il était au DRH doivent être vérifiés et rectifiés si nécessaire;

5. une lettre de recommandation sans réserves;

6. une ordonnance enjoignant au DRH de donner au requérant une lettre d'excuse, laquelle sera affichée dans toutes les installations du DRH;

7. l'adjudication des dépens.

Pour sa part, l'intimé DRH soutient que la Cour devrait déclarer que compte tenu de toutes les circonstances, le requérant a déjà reçu une réparation juste et appropriée pour les infractions alléguées.

Ainsi, comme l'indique la discussion précédente, l'intimé DRH a déjà reconnu avoir enfreint la Loi. De plus, l'intimé DRH a convenu d'appliquer les recommandations du rapport du CLO. Je suis convaincu, d'après les faits, que la nouvelle appréciation recommandée par le rapport du CLO et réalisée par le DRH a été faite raisonnablement et de façon adéquate par Mme Lavoie. Bien que le requérant aurait préféré ne pas être comparé à ses collègues francophones, selon le témoignage de Mme Lavoie, elle a revu l'appréciation du rendement du requérant, selon les recommandations du rapport du CLO, "en tenant compte du fait que le plaignant a été placé dans une situation défavorable pour faire valoir ses connaissances et ses capacités". Vu les paragraphes 37 à 50 de l'affidavit de Mme Lavoie, je suis persuadé qu'elle a procédé à l'examen conformément aux lignes directrices du rapport du CLO et qu'elle a apprécié le requérant de façon équitable. Je note cependant que même si la nouvelle appréciation de Mme Lavoie constitue un redressement objectif et très important dans les circonstances, la Cour n'a pas à s'en tenir aux recommandations du rapport du CLO. Le paragraphe 77(4) de la Loi donne clairement à la Cour un grand pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit d'accorder une réparation appropriée. Afin de déterminer laquelle conviendrait dans les circonstances de l'espèce, je propose de considérer chacune des réparations particulières demandées par le requérant.

Je note qu'en ce qui concerne la première réparation réclamée par le requérant, celui-ci a indiqué au cours de l'audition devant moi que l'intimé s'était conformé à sa demande de communication des résultats de l'examen de son dossier.


Quant aux réparations qui demeurent en litige, je conclus qu'il n'y a aucune preuve sérieuse à l'appui de trois des ordonnances recherchées par le requérant contre l'intimé DRH. À mon sens, la preuve n'appuie pas non plus la demande du requérant en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au DRH de le réintégrer dans la fonction publique fédérale, ni la demande du requérant visant à obtenir une ordonnance déclarant que ses antécédents professionnels lorsqu'il était au DRS doivent être vérifiés et rectifiés si nécessaire. En outre, la preuve n'étaye pas la demande du requérant visant à obtenir une lettre de recommandation sans réserves. Je fonde ma première conclusion sur le fait que le requérant n'a pas, à mon avis, établi un lien causal entre le non-respect, par l'intimé DRH, de la partie V de la Loi et le fait qu'il n'a pas été réembauché lorsque son contrat pour une période déterminée a pris fin le 31 mars 1993. Quant à la seconde conclusion, je me contente de remarquer que le requérant ne m'a pas convaincu que ses antécédents professionnels avaient besoin d'être rectifiés. Finalement l'intimé DRH a déjà adressé une lettre au requérant confirmant son embauchage par SBES du 27 août 1992 au 31 mars 1993. Par ces motifs, et compte tenu du résultat du nouvel examen du rendement du requérant communiqué par Mme Lavoie, les trois ordonnances susmentionnées que recherche le requérant seraient des réparations inappropriées en l'espèce.

[...]

[Page 321 :]

[...] je dois maintenant traiter de la demande de dommages-intérêts du requérant. Comme j'ai déjà décidé que le requérant n'a établi aucun lien causal entre la non-observation, par le DRH, de la partie V de la Loi et le fait qu'il n'a pas été réembauché lorsque son contrat pour une période déterminée a pris fin le 31 mars 1993, le requérant n'a droit à aucune compensation pour perte de salaire et d'avantages.

En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts pour l'angoisse physique et mentale du requérant subie et la perte de la [traduction] "jouissance de la vie", y compris tous les frais médicaux engagés, le lien causal entre d'une part, la violation, par le DRH, des droits linguistiques du requérant et d'autre part, la preuve médicale, qui se limite à la lettre du Dr Dalton en date du 25 janvier 1996 et aux frais médicaux (remèdes) qui s'élèvent à 139,51 $, n'a pas été établi de façon satisfaisante. Toutefois, la violation par le DRH a incité le requérant à déposer de nombreuses plaintes auprès du CLO. Ces efforts légitimes du requérant de protéger ses droits linguistiques lui ont causé une gêne considérable et la perte de la jouissance de la vie, qui doivent se compenser par des dommages-intérêts s'élevant à trois mille dollars (3 000 $), avec intérêt à compter de la date de l'ordonnance rendue dans cette affaire.

Pour ce qui est de la demande de dommages- intérêts exemplaires le requérant n'a pas établi que le DRH s'était conduit de façon dure, rancunière, répréhensible ni malveillante.

[...]

[Pages 323 et 324 :]

Dans ces circonstances, le DRH ayant aussi convenu de suivre les recommandations contenues dans le rapport du CLO, je ne puis conclure que la conduite de DRH a été excessive, ni que selon tout critère raisonnable, il mérite une condamnation et une peine pleines et entières. Par conséquent, le requérant n'a droit à aucune somme en guise de dommages-intérêts pour la conduite discriminatoire des employés de l'intimé.


Finalement, étant donné que le CLO a conclu que les plaintes du requérant à l'égard de sa langue de travail étaient fondées, et vu que les intimés ont admis les infractions à la partie V de la Loi sur les langues officielles, je conviens avec le requérant que le DRH lui doit des excuses formelles. J'estime que ces excuses serviront les fins de la Loi. Elles signaleront à chaque employé d'une institution fédérale qu'en ce qui concerne la langue au travail et la fourniture des services, le DRH est fermement déterminé, conformément à la Loi, à maintenir et à accorder un statut égal aux deux langues officielles, aussi bien qu'à voir à ce que chaque employé ait des droits et des privilèges égaux, indépendamment de la langue officielle qu'il préfère. Conséquemment, il sera ordonné que des excuses formelles soient faites par écrit au requérant et qu'elles soient affichées dans toutes les installations de DRH.

Après avoir entendu les observations des parties au sujet des frais, le requérant aura droit à ses frais sur la base des frais entre parties.

[Non souligné dans l'original.]

[22]            Non satisfait des remèdes qui lui furent accordés, le demandeur s'est pourvu en Cour d'appel fédérale. Le 12 mai 1998, la Cour rendait séance tenante le jugement suivant :

[1]            We have not been persuaded that this appeal should succeed.

[2]            While we substantially agree with the statements of Pinard J. about the wide discretion of the Trial Division, pursuant to subsection 77(4) of the Official Languages Act, to award the appropriate remedies, including damages, we are of the view that on the basis of the evidence he had before him, he properly refused to re-instate the Appellant within the Federal Public Service. There is no ground for intervention in his conclusions that the Appellant, having established no causal link between the non-compliance by Human Resources Development with Part V of Act and the fact that he was not re-hired, he was not entitled to loss of salary and benefits, and that the circumstances of the case did not justify that exemplary damages be granted. Nothing in the arguments raised by the Appellant warrants the intervention of this Court.

[3]            The appeal will be dismissed, with costs to the Respondents only.

[23]            Le 7 août 1998, le demandeur rechercha auprès de la Cour suprême permission d'en appeler de cette dernière décision. Cette permission fut refusée le 17 décembre 1998.


[24]            Quant à l'historique du dossier T-909-97 portant sur les notes d'entrevues vues par le demandeur comme des renseignements personnels, le 16 octobre 1998, le juge Dubé de notre Cour donna raison au demandeur (décision rapportée à 157 F.T.R. 15). Toutefois, le Commissaire porta cette décision en appel devant la Cour d'appel fédérale. Le 6 septembre 2000 dans une décision rapportée à 261 N.R. 19, la Cour d'appel fédérale rejeta l'appel du Commissaire. Ce dernier se pourvut en appel devant la Cour suprême. L'appel devant cette dernière se tint le 17 janvier 2002 et par décision émise le 20 juin 2002, la Cour suprême rejeta l'appel du Commissaire (Lavigne c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 773).

[25]            C'est donc fort de ce succès en Cour suprême qui permit au demandeur d'accéder, le 20 août 2002, aux notes d'entrevues de M. Chartrand et de mesdames Doyon et Dubé que le demandeur, par son action dans le présent dossier, cherche à instruire et à plaider de nouveau la demande, et les remèdes y associés, qu'il a fait valoir dans le dossier T-1977-94.

[26]            Avant d'aborder notre analyse, il n'est pas sans intérêt de remarquer qu'à la suite de la décision de la Cour suprême dans le dossier T-909-97 et fort des notes d'entrevues obtenues alors, le demandeur chercha en octobre 2002 à amener la Cour suprême à reconsidérer son refus de permettre un appel de la décision de la Cour d'appel fédérale dans le dossier T-1977-94. Dans sa requête en Cour suprême, le demandeur souleva entre autres les motifs suivants qui se retrouvent également pour l'essentiel dans son action dans le présent dossier :

AND FURTHER TAKE NOTICE that the said application to admit new evidence and for reconsideration of leave to appeal, shall be made on the following grounds:


6.    The main issue is, the new evidence was illegally withheld from the Applicant and the new evidence puts the credibility of the Respondents's main witness into question. If Mrs. Jacqueline Dube cannot be believed on peripheral issues, how can the Court believe her with regards to the Applicant's performance evaluation? That the following demonstrates, the exceedingly rare circumstances that warrant the reconsideration of leave to appeal:

a)    That the new evidence has come to light via the Supreme Court decision, 28188;

b)    That this new evidence proposed to be adduced has been obtained by reasonable due diligence and the new evidence is such that if adduced, along with the rest of the evidence, it is conclusive;

c)    That in any event, due diligence is not an issue because the information was illegally withheld, a party cannot profit from its own misdeeds and that such illegal non-disclosure could not be foreseen;

d)    That pursuant to the Federal Court rules regarding Applications, a person can only be questioned on his or her Affidavit, it is not the same as discovery pursuant to an action;

e)    That pursuant to the former Federal Court Rules 319(2), the Respondents did not have to file any evidence;

f)    Once a witness decides to testify, the witnesses' prior statements, become relevant;

g)    That the new evidence existed before and independently from the witnesses statements produced under oath pursuant to former federal Court Rule 319(2);

h)    The Court can make an adverse inference from the fact that the witness refuses to release the information found in the new evidence. This, puts the affiant's credibility into question, as it pertains to the evidence given under oath;

i)    That the new evidence is relevant because it demonstrates contradictory statements given by witnesses, when under oath and not. Therefore the new evidence, questions, the credibility of the Respondents' witnesses, as a whole;

j)    That it is not the Applicant's fault that it took so long to obtain the information, the Applicant always proceeded with due diligence;

k)    That the evidence is credible, because it was obtained by so called, independant investigators of the OCOL: the new evidence should be considered normal business records;

l)    That the new evidence was requested via a law of the Parliament of Canada;


m)    That the evidence was withheld illegally by the Intervenor and the Respondent, in this case;

n)    That the Applicant and the Court were misled by the Intervenor, on how to proceed to obtain the new evidence;

o)    That the Intervenor has made too many mistakes in this case, whether or not the errors were deliberate, the errors would cause a miscarriage of justice, if leave to appeal is not granted;

p)    That the Courts, including this Court has admitted similar new evidence in the past;

q)    That failure to reconsider and grant leave to appeal based on the new evidence, will cause a great injustice to the Applicant;

r)    That failure to reconsider and grant leave would bring the administration of justice into disrepute, in the eyes of a reasonable person, dispassionate and fully apprised of the circumstances of the case;

s)    That the question of a proper remedy, when information is illegally withheld, by the Respondent and by a socalled independent and impartial body, is a question of public importance that should be answered;

t)    The Court must consider that the Intervenor might not be actionable for the negligence, but even if the OCOL is actionable (Nelles v. Ont. [1989] 2 S.C.R. 170), it should not leave the Respondents unscathed;

[27]            Le 30 juillet 2003, puis le 26 août 2003, cette demande du demandeur fut rejetée par la Cour suprême.

Analyse

[28]            Il est clair à mon avis que fondamentalement la déclaration d'action du demandeur lorsque comparée à son recours dans le dossier T-1977-94 soulève de prime abord la doctrine ou principe de la chose jugée.

[29]            Conscient à coup sûr de cette dynamique, le demandeur soutient toutefois que les notes d'entrevues qu'il a obtenues au terme de son recours dans le dossier T-909-97 constituent de la nouvelle preuve lui permettant de tenir la présente action[2] afin d'instruire et de plaider à nouveau sa demande dans le dossier T-1977-94.

[30]            Bien qu'en bout de course le résultat semble présenter peu de différences, les exceptions au principe de la chose jugée doivent en l'espèce découler d'un contexte de droit civil plutôt que, comme semble le suggérer le demandeur, d'arrêts de droit criminel.


[31]            Dans l'arrêt Wavel Ventures Corp. v. Constantine, [1996] A.J. No. 1093 (l'arrêt Wavel), la Cour d'appel de l'Alberta énonça comme suit, à son paragraphe 41, les conditions que la nouvelle preuve doit rencontrer pour amener une cour à permettre que soit rouvert un débat qui a fait l'objet d'un jugement final :

41.            A second exception to the res judicata principle may apply on the discovery of new evidence. That exception, however, is very limited in scope. It is not the simple acquisition of fresh evidence which permits a party to escape the consequences of the principle of res judicata. Ritchie J. in Grandview (Town) v. Doering, [1976] 2 S.C.R. 621 at p. 636 adopted the following passage from the decision of the Nova Scotia Court of Appeal in Fenerty v. Halifax (1919) 53 N.S.R. 457 at 463 :

The doctrine of res judicata is founded on public policy so that there may be an end of litigation, and also to prevent the hardship to the individual of being twice vexed by the same cause. The rule which I deduce from the authorities is that a judgment between the same parties is final and conclusive not only as to the matters dealt with, but also as to questions which the parties had the opportunity of raising. It is clear that the plaintiff must go forward in the first suit with his evidence; he will not be permitted in the event of a failure to proceed with a second suit on the ground that he has additional evidence. In order to be at liberty to proceed with a second suit he must be prepared to say: I will show you this is a fact which entirely changes the aspect of the case, and I will show you further that it was not, and could not by reasonable diligence have been ascertained by me before.

See also Lake Manitoba Estates Ltd. v. Communities Economic Development Fund, [1984] 3 W.W.R. 695, aff'd. [1985] 1 W.W.W. 36; Sopinka, Lederman and Bryant, The Law of Evidence in Canada, at pp. 1001-1002.

[Non souligné dans l'original.]

[32]            Tel que l'indique l'énoncé précédent, deux conditions doivent être rencontrées pour que l'exception de la nouvelle preuve soit reçue. Premièrement, que cette preuve ne pouvait, en faisant preuve de diligence raisonnable, être obtenue par le passé. Deuxièmement, que cette même preuve soit de nature à changer le résultat obtenu; ici, les remèdes accordés par le juge Pinard dans son jugement du 30 octobre 1996.

[33]            Ces deux conditions de l'arrêt Wavel sont semblables à celles retenues par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Saywack, supra, note en bas de page no 2, en page 201, qui a adopté, en citant un extrait de l'arrêt Dumble v. Cobourg and Peterborough R.W. Co. (1881), 29 Gr. 121 (Ch.), la règle établie dans l'arrêt Hoskin v. Terry (1862) 15 Moore's P.C.C. 493:

[Traduction] La demande tient de la requête civile fondée sur la découverte de nouveaux éléments de preuve. Il appert que l'arrêt Hoskin v. Terry ((1862) 15 Moore's P.C.C. 493, 8 Jur. N.S. 975) constitue un des arrêts de principe sinon le principal arrêt de principe sur cette question. Un appel avait été interjeté pour annuler une ordonnance prononcée par la Cour suprême de la colonie de New South Wales; lord Kingsdown, qui a prononcé le jugement de la Cour, a dit: « La règle qui se dégage des décisions citées dans le plaidoyer est la suivante: la partie qui demande la permission de déposer une requête civile sur le fondement de la découverte de nouveaux éléments de preuve doit démontrer qu'elle-même ou ses mandataires n'ont eu pour la première fois connaissance de ces nouveaux faits qu'une fois écoulée la période au cours de laquelle elle aurait pu les utiliser dans l'instance, et démontrer que ceux-ci n'auraient pu être découverts plus tôt si elle avait exercé une diligence raisonnable; en second lieu, elle doit démontrer que ces nouveaux faits ont un caractère tel que, s'ils avaient été mis en preuve dans l'action, le jugement aurait probablement été différent. » Et, après avoir commenté la preuve présentée dans cette affaire, lord Kingsdown a cité des propos tenus par lord Eldon dans l'arrêt Young v. Keighly (16 Ves. 348), selon lesquels: « les éléments de preuve dont la découverte est censée fonder la demande en l'espèce sont très pertinents, et, bien que je rejette la demande du demandeur, je suis convaincu que celui-ci aurait peut-être pu, dans la présente affaire, plaider avec de bonnes chances de succès qu'il avait droit, étant donné la preuve, à la somme d'argent intégrale: la Cour, d'autre part, a l'obligation de s'assurer que la même question ne sera pas soumise à son appréciation à plusieurs reprises; elle doit également, pour que prennent fin les poursuites judiciaires, imposer aux parties l'obligation d'être raisonnablement actives et diligentes en première instance. La Cour ne doit donc pas se laisser convaincre, parce que le demandeur avait au départ des prétentions clairement recevables, d'écarter des règles établies pour la protection du public en général, même si certains justiciables devaient en souffrir » .

[Souligné dans l'original.]

[34]            Pour les motifs qui suivent, je ne considère pas que le demandeur rencontre en l'espèce les deux conditions de l'arrêt Wavel.

[35]            Quant à la première condition, soit que le demandeur ne pouvait obtenir par le passé sa nouvelle preuve, c'est-à-dire les notes d'entrevues, par diligence raisonnable, on notera au départ que le demandeur devait connaître ou à tout le moins soupçonner dès le 7 juillet 1993 (ou à tout le moins le 10 septembre 1993, alors que le Commissaire avise le demandeur qu'il retient des renseignements sous l'alinéa 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels) l'existence de notes d'entrevues puisqu'il avait à cette date formulé une demande d'accès à ses renseignements personnels auprès du Commissaire alors que ce dernier avait conduit une enquête auprès des employés du DRH suite aux plaintes linguistiques logées par le demandeur auprès du Commissaire.

[36]            Cette dynamique était donc connue du demandeur et était inchangée au 24 septembre 1996 alors que débutait devant le juge Pinard l'audition de la demande du demandeur dans le dossier T-1977-94 sous l'article 77 de la Loi sur les langues officielles. Dans le cadre de cette demande on doit comprendre que le DRH a déposé les affidavits de M. Chartrand et de mesdames Dubé, Doyon et Lavoie et que ces affidavits ne renvoyaient pas aux notes d'entrevues.

[37]            Suivant le demandeur, les notes d'entrevues permettent d'attaquer la crédibilité des affiants, donc des témoins produits par le DRH dans le cadre du dossier T-1977-94. Or, le demandeur n'a en aucun temps cherché à interroger ces affiants du DRH dans le cadre de sa demande dans le dossier T-1977-94.

[38]            On peut escompter que le demandeur ne devait pas partager le point de vue des affiants du DRH. Le fait alors que le demandeur n'ait pas cherché à tenir un interrogatoire le plus large possible de ces affiants est étonnant. On ne peut exclure de plus que lors de cet interrogatoire, s'il avait été tenu, les notes d'entrevues auraient pu être produites, soit volontairement par le Commissaire, soit par suite d'une ordonnance de cette Cour. À tout hasard, si de telles démarches du demandeur dans le dossier T-1977-94 n'avaient pu amener la production desdites notes, le demandeur aurait pu demander l'arrêt des procédures dans ce dossier T-1977-94 le temps que l'on connaisse le sort final de ses demandes d'accès pour ces mêmes notes. De plus, il m'apparaît que le demandeur aurait pu, pour obtenir lesdites notes par le biais d'un plein interrogatoire au préalable, songer à interrompre sa demande et intenter une pleine action tel que le permet le paragraphe 77(5) de la Loi sur les langues officielles (voir le paragraphe [17], supra, pour le texte du ce paragraphe 77(5)).

[39]            Pour tous ces motifs, il m'apparaît que l'on peut difficilement conclure que le demandeur a, par le passé, soit dans le cours du dossier T-1977-94, déployé une diligence raisonnable pour obtenir les notes d'entrevues dont il connaissait alors l'existence.

[40]            Nonobstant notre conclusion sur cette première condition de l'exception de l'arrêt Wavel, il m'apparaît que le demandeur ne rencontre pas également la deuxième condition de l'exception recherchée.

[41]            Tel qu'indiqué précédemment, pour rencontrer cette condition, le demandeur doit démontrer que les notes d'entrevues, si elles étaient portées devant notre Cour dans le cadre du présent dossier, seraient de nature à changer les remèdes accordés par le juge Pinard en 1996.

[42]            Suivant le demandeur, une analyse des notes d'entrevues démontre que les témoignages des affiants du DRH contiennent des divergences, des contradictions avec ce qui s'est réellement déroulé sur le terrain dans le dossier du demandeur pendant son séjour au DRH de août 1992 au 31 mars 1993.

[43]            Si l'on saisit bien la position du demandeur, ces contradictions sont de nature à remettre en question les conclusions de la Cour dans son jugement dans le dossier T-1977-94 quant aux conclusions tirées et aux remèdes non accordés alors par la Cour.

[44]            Tel qu'indiqué précédemment, le juge Pinard en octobre 1996 a refusé entre autres au demandeur le droit d'être réintégré à la fonction publique en raison de l'absence de lien causal entre le non respect par le DRH de la Loi sur les langues officielles et le fait que le demandeur n'ait pas été réembauché par le DRH après le 31 mars 1993. L'absence de lieu causal a amené la Cour à refuser au demandeur d'autres remèdes tels une compensation pour perte de salaire et autres avantages ainsi que pour des dommages-intérêts pour angoisse physique et mentale.

[45]            Les contradictions que le demandeur relève à partir des notes d'entrevues ne portent certes pas directement sur l'évaluation et la réévaluation au rendement négatives émises à son encontre par le DRH. Toutefois, selon le demandeur, si les témoignages des affiants peuvent être attaqués par le biais des notes d'entrevues sous d'autres aspects, l'évaluation au rendement portée par le DRH par le passé contre le demandeur serait susceptible d'attaque.

[46]            Le demandeur ne m'a pas convaincu que les contradictions qu'il dit retrouver sont de nature telle qu'elles doivent permettre de revoir l'évaluation au rendement finale du demandeur et ainsi, remettre en question les remèdes non accordés par la Cour dans sa décision du 30 octobre 1996 dans le dossier T-1977-94.

[47]            Je considère donc de façon claire et évidente qu'en ce qui concerne la Reine et le DRH le demandeur ne rencontre pas les deux conditions de l'exception de l'arrêt Wavel. Partant, il n'y a pas lieu en l'espèce de permettre au demandeur d'instruire et de plaider à nouveau le dossier T-1977-94. En conséquence, la déclaration d'action du demandeur en l'espèce en ce qui touche la Reine et le DRH doit être radiée, sans possibilité d'amendement, comme constituant aux yeux de l'alinéa 221(1)f) un abus de procédure et l'action du demandeur doit être rejetée en conséquence.


[48]            Par ailleurs, le demandeur a adjoint en quelque sorte dans son action visant à rouvrir le dossier T-1977-94 une cause d'action directe contre le Commissaire. Cette cause d'action découlerait des agissements du Commissaire dans les dossiers T-1977-94 et T-909-97. Au paragraphe 4 de sa déclaration, le demandeur indique :

4.              The litigation against the Codefendant stems from its liability for contravening section 12 of the Privacy Act in case T-909-97 and its questionable actions during the proceedings of T-1977-94 leading to an apprehension of bias and demonstrated incompetence against the Plaintiff.

[49]            Comme l'accessoire doit suivre le principal, cette seule base d'approche pourrait suffire à radier également cette partie de la déclaration, sans possibilité d'amendement, et entraîner en conséquence le rejet de l'action contre le Commissaire.

[50]            Mais il y a plus.

[51]            Il est à remarquer au départ que dans le dossier T-1977-94, le Commissaire était intervenu en faveur du demandeur pour soutenir son recours contre le DRH vu que le Commissaire supportait le demandeur quant à la violation de la Loi sur les langues officielles. Quant au dossier T-909-97, il découle, tel que vu précédemment, du refus du Commissaire de dévoiler les notes d'entrevues contenues à ses dossiers.


[52]            Quant aux allégations du demandeur portant sur la partialité et l'incompétence du Commissaire, elles visent les actions des préposés du Commissaire pendant le déroulement du dossier T-1977-94 et ces allégations visent donc forcément à rouvrir le dossier T-1977-94. Tel que vu précédemment, les notes d'entrevues, soit la nouvelle preuve, ne permettent pas de rouvrir le dossier T-1977-94 contre la Reine et le DRH. Je ne considère pas davantage que cette nouvelle preuve alliée aux allégations très générales du demandeur à l'égard des actions du Commissaire soit de nature suffisante pour permettre que soit rouvert le débat dans le dossier T-1977-94.

[53]            Quant à l'aspect de l'action du demandeur contre le Commissaire et portant sur la contravention par ce dernier de l'article 12 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, cet aspect se devait d'être soulevé par le demandeur dans le cadre de son recours contre le Commissaire dans le dossier T-909-97. Le principe de la chose jugée s'applique ici à la situation discutée. Tel que mentionné dans l'arrêt Ross v. Canada, [2003] F.C.J. No. 1168, paragraphe 15 :

Key is that the doctrine of res judicata, except in special circumstances, applies not only to what a court, in the initial proceedings, is required to decide, but to all points and issues which properly belong to or should have been a part of that litigation and which a reasonable diligent party might have brought forward in the earlier proceeding.

[54]            Pour ces motifs, la déclaration d'action du demandeur en ce qu'elle touche au Commissaire doit être radiée, sans possibilité d'amendement, comme étant vexatoire et un abus de procédure au sens des alinéas 221(1)c) et f) des Règles et l'action du demandeur doit être rejetée en conséquence.


[55]            Par ailleurs, on doit considérer que les allégations du demandeur à sa déclaration portant sur toute négligence, incompétence, fraude ou partialité demeurent des allégations générales dénuées de tout fait matériel justificatif. Compte tenu de la règle 181a) et du paragraphe 75(1) de la Loi sur les langues officielles, le demandeur se devait de soutenir bien davantage sa déclaration d'action. Les dispositions précédentes de même que la règle 174 des règles se lisent comme suit :

174.    Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l'appui de ces faits.

174.    Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

181.    L'acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation, notamment :

a)    des précisions sur les fausses déclarations, fraudes, abus de confiance, manquements délibérés ou influences indues reprochées;

181    A pleading shall contain particulars of every allegation contained therein, including

(a) particulars of any alleged misrepresentation, fraud, breach of trust, wilful default or undue influence;

75 (1)    Le commissaire -- ou toute personne qui agit en son nom ou sous son autorité -- bénéficie de l'immunité civile ou pénale pour les actes accomplis, les rapports ou comptes rendus établis et les paroles prononcées de bonne foi dans l'exercice effectif ou censé tel de ses attributions.

75 (1)    No criminal or civil proceedings lie against the Commissioner, or against any person acting on behalf or under the direction of the Commissioner, for anything done, reported or said in good faith in the course of the exercise or performance or purported exercise or performance of any power, duty or function of the Commissioner under this Act.


[56]            De plus, pour éviter l'application du paragraphe 75(1) précité de la Loi sur les langues officielles, le demandeur soulève dans sa déclaration d'action qu'il entend attaquer l'inconstitutionalité de ce paragraphe et fournir les précisions quant à cette attaque en temps et lieu. Une telle allégation générale ne vaut pas et c'est dans sa déclaration d'action que le demandeur se devait de détailler sa base d'attaque. Il en va de même pour l'allégation du demandeur quant à l'application de l'article 7 de la Charte en autant que l'on puisse même concevoir qu'un tel article pourrait recevoir application en l'espèce.

[57]            Vu l'absence de faits matériels sur les aspects que l'on vient de revoir, on doit en conclure que la déclaration d'action du demandeur en ce qui a trait au Commissaire mérite également d'être radiée, sans possibilité d'amendement, en ce qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action au sens de l'alinéa 221(1)a) des Règles. En conséquence, l'action du demandeur en ce qui a trait au Commissaire doit être rejetée sous cette base également.

[58]            Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, la déclaration d'action du demandeur mérite d'être radiée sans possibilité d'amendement, sur la base de l'alinéa 221(1)f) des Règles en ce qui a trait à la Reine et au DRH et sur la base des alinéas 221(1)a) c) et f) des Règles en ce qui a trait au Commissaire. L'action entière du demandeur sera également rejetée en conséquence, le tout avec dépens uniquement en faveur de la Reine, le Commissaire n'ayant pas recherché de dépens à l'encontre du demandeur.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 28 mai 2004


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-2291-03

ROBERT LAVIGNE

                                                                                    Plaintiff

and

THE OFFICE OF THE COMMISSIONER OF OFFICIAL LANGUAGES

and

HER MAJESTY THE QUEEN

and

HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT (FORMERLY HEALTH AND WELFARE CANADA)

                                                                              Defendants


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            15 mars 2004


MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                   28 mai 2004

ONT COMPARU :


M. Robert Lavigne

pour le demandeur

Me Amélie Lavictoire

Me Pascale Giguère

pour le défendeur, Commissariat aux langues officielles

Me Guy M. Lamb

Me Nicholas R. Banks

pour les défendeurs, Sa Majesté la Reine et Ministre du Développement des ressources humaines


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Me Amélie Lavictoire

Me Pascale Giguère

pour le défendeur, Commissariat aux langues officielles

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour les défendeurs, Sa Majesté la Reine et Ministre du Développement des ressources humaines



[1]Puisque la Reine soulève en l'espèce l'application du principe de la chose jugée et s'en remet pour partie à des documents autres que la simple déclaration d'action du demandeur, la Cour, à son initiative, a permis à la Reine de s'en remettre également à l'alinéa 221(1)f) des Règles, soit que ladite action serait un abus de procédure.

[2]Il est à noter qu'en vertu du paragraphe 399(2) des règles et de la définition du terme « ordonnance » à la règle 2 qui indique que cette appellation vise également un « jugement » , le demandeur aurait probablement dû se pourvoir en requête plutôt que par la présente action. Ce paragraphe se lit:

399 (2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;

b) l'ordonnance a été obtenue par fraude.

399. (2) On motion, the Court may set aside or vary an order

a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or

b) where the order was obtained by fraud.

Toutefois comme les défendeurs n'ont pas soulevé cette inobservation des règles (voir les règles 56 et 58 à cet effet) et vu que la jurisprudence développée sous cette règle 399(2) (voir l'arrêt Saywack c. Canada (M.E.I.), [1986] 3 C.F. 189, page 201) impose un test quasi identique à celui soulevé par le DRH et la Reine, la Cour n'a pas vu l'intérêt face aux principes de la règle 3 de soulever cette difficulté à l'encontre du demandeur pour rejeter sur cette base son action et le forcer à procéder par requête devant un juge de cette Cour.

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