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                                                                                                                                           T-2000-96

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 MAI 1997.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU.

 

                           AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                                                               L.R.C. 1985, C-29;

 

                                              ET un appel interjeté contre une décision

                                                        d'un juge de la citoyenneté;

 

                                                                            ET

 

                                                                   Pui Ching Yu,

                                                                                                                                            appelante.

 

 

                                                                   JUGEMENT

 

 

                        L'appel est accueilli.

 

 

 

 

                                                                                                                                    P. ROULEAU         

JUGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                             

Christiane Delon, LL. L.

 


 

 

                                                                                                                                           T-2000-96

 

 

                           AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                                                               L.R.C. 1985, C-29;

 

                                              ET un appel interjeté contre une décision

                                                        d'un juge de la citoyenneté;

 

                                                                            ET

 

                                                                   Pui Ching Yu,

                                                                                                                                            appelante.

 

 

 

 

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE ROULEAU

 

            Il s'agit d'un appel de la décision par laquelle, le 16 juillet 1996, un juge de la citoyenneté a refusé la citoyenneté canadienne à l'appelante.  Il a été déterminé que Mme Yu ne satisfaisait pas à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, aux termes duquel l'auteur d'une demande de citoyenneté canadienne doit, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.  Le juge de la citoyenneté a conclu que l'appelante n'avait été physiquement présente au Canada que 246 jours pendant la période en cause.

 

            Il a été déterminé que l'appelante n'avait pas maintenu de liens suffisants avec le Canada au cours de ses absences pour qu'on puisse prendre celles‑ci en considération pour la durée de résidence en vertu de la Loi, et le juge de la citoyenneté n'a conclu à l'existence d'aucune raison de recommander au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire.

 

            Pour arriver à sa décision, le juge de la citoyenneté a tenu compte du fait que l'appelante avait passé la majorité de son temps à Hong Kong, où elle travaillait dans la manufacture de montres de son père, et qu'elle devait continuer à y travailler jusqu'à ce que son beau‑frère prenne la compagnie en main à l'automne de 1996.


 

            Puisque les appels interjetés à la Cour d'appel en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté sont des appels de novo, je suis autorisé à examiner l'ensemble de la preuve produite devant moi, y compris le témoignage de l'appelante et celui de tout autre témoin.

 

            Âgée de 43 ans, Mme Yu est née à Guam Dong, en République populaire de Chine, le 20 janvier 1954.  Elle est arrivée au Canada le 1er janvier 1992, en compagnie de son époux et de deux enfants; ils ont obtenu le statut de résidents permanents le même jour.  Mme Yu et son époux ont acheté une maison à Vancouver et les enfants ont été inscrits à l'école de l'endroit.  La requérante a établi une société canadienne et elle s'est rendue fréquemment à Hong Kong.  Cette société devait commercialiser des montres fabriquées à l'usine de son père et elle devait constituer la principale source de travail, tant pour elle que pour son époux.

 

            La requérante a comparu devant moi à Toronto le 6 mai 1997.  Elle a témoigné qu'elle était née en Chine continentale, mais qu'elle avait déménagé avec sa famille à Hong Kong lorsqu'elle avait deux ans; elle a fréquenté l'école jusqu'à ce qu'elle termine sa onzième année.  Elle a alors commencé à travailler à la manufacture de montres de son père.  Elle était l'aînée et le père n'avait aucun fils; elle a donc été formée pour gérer et mener l'entreprise.  Lorsqu'elle s'est mariée, son époux occupait un emploi au sein de la compagnie de téléphone de Hong Kong; il a rapidement quitté cet emploi pour aller travailler avec son épouse à l'usine, en 1986.  L'appelante et son époux ont décidé d'immigrer au Canada après avoir effectué quelques visites avant l'année 1992, principalement parce qu'ils étaient quelque peu préoccupés par la rétrocession imminente de Hong Kong à la République populaire de Chine.  Avant de quitter Hong Kong, elle a vendu la maison qu'elle et son mari avaient occupée et elle a amené tous ses biens à Vancouver.  Son beau‑frère, le frère de son mari, s'était joint à la compagnie avant son départ et il devait continuer à travailler à l'usine, qu'il avait l'intention d'acheter un jour.  Peu après son arrivée au Canada, l'appelante est retournée à Hong Kong dans l'intention d'y passer quelques mois pour aider son père et son beau‑frère; au cours de cette visite, son père est décédé et elle s'est sentie obligée de rester pour protéger l'entreprise et ses propres intérêts.  Elle a alors habité chez son père.  Peu après, son beau‑frère a décidé de quitter son emploi à la manufacture de montres et de mettre sur pied sa propre entreprise.  Ce n'est qu'en 1996 qu'il est revenu pour prendre part activement à la manufacture et pour acheter des actions de l'appelante et de son époux.  De toute évidence, les absences de l'appelante ressortissaient à des circonstances indépendantes de sa volonté.

 

            Lorsqu'elle et son époux sont entrés au Canada, ils ont été admis à titre d'entrepreneurs et ils ont investi 250 000 $ dans une fiducie gérée par la Banque royale du Canada; cet investissement leur a permis d'obtenir le statut d'immigrant ayant obtenu le droit l'établissement, dans la catégorie des investisseurs.  Il n'y a aucun doute que les enfants sont demeurés à la maison familiale depuis leur arrivée au Canada et qu'un des fils, qui est maintenant âgé de 15 ans, fréquente encore l'école dans la région de Vancouver.  L'appelante a un permis de conduire de la province de la Colombie‑Britannique, une carte d'assurance‑maladie et un compte bancaire, et elle est inscrite à un club de tennis.

 

            Je suis convaincu que le plan consistait à venir au Canada et à mettre sur pied, pour la manufacture de Hong Kong, une succursale qui effectuerait la vente de montres à Vancouver; malheureusement, en raison de deux événements, le décès prématuré de son père et la décision de son beau‑frère de quitter la manufacture, les plans de l'appelante ont été bouleversés.

 

            La preuve a révélé que lorsque, en juillet, l'appelante, son époux et leurs deux enfants ont comparu devant les juges de la citoyenneté à Vancouver en vue d'obtenir la citoyenneté, l'époux et les deux enfants ont comparu devant un juge et l'appelante, devant un autre.  L'époux, qui n'avait résidé au Canada que pendant trois mois de plus que la requérante, a obtenu la citoyenneté, tout comme les enfants.

 

            Depuis le mois de juillet 1996, le beau‑frère gère la manufacture de montres; pendant une période de deux ou trois ans, l'appelante a passé six semaines à Hong Kong et approximativement deux semaines au Canada, dans le but de protéger l'investissement familial.  Depuis qu'elle a été admise, elle produit des déclarations de revenus au Canada, tout comme son époux.  Je dois déterminer si, malgré ses nombreuses absences du Canada au cours de la période de quatre ans, elle a cessé d'y être résidente.  Il ne fait aucun doute qu'effectivement, elle y est fréquemment revenue, et je suis convaincu qu'elle et son époux avaient l'intention de centraliser leur mode de vie habituel au Canada.  Si je tiens compte de toutes les circonstances décrites précédemment, je suis convaincu que, dans la présente affaire, l'appelante a établi un pied‑à‑terre au Canada et qu'en dépit de ses absences, elle n'a démontré aucune intention d'abandonner sa résidence au Canada.

 

            L'appel est accueilli.

 

 

                                                                                                                                    P. ROULEAU       

                                                                                                                                                  JUGE         

 

 

 

OTTAWA (Ontario)

28 mai 1997.

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                      

Christiane Delon, LL. L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-2000-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Loi sur la citoyenneté

et Pui Ching Yu

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :le 6 mai 1997

 

MOTIFS DU JUGEMENT de M. le juge Rouleau

 

EN DATE DU :28 mai 1997

 

ONT COMPARU :

Gerald W. Kinaszpour l'appelante

Peter K. Largel'amica curiae

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Abraham Dugganpour l'appelante

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

 

Peter K. Largel'amicus curiae

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

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