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Date : 20200505


Dossier : T-353-18

Référence : 2020 CF 593

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2020

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

JANSSEN INC.

demanderesse

et

JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

TEVA CANADA LIMITED

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une action en contrefaçon de brevet intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement]. Les demanderesses sont Janssen Inc., société dont le siège est situé à Toronto, et Janssen Pharmaceutica NV, société dont le siège est situé en Belgique [collectivement, Janssen].

[2] Janssen Inc. est une « première personne » au sens du Règlement, et Janssen Pharmaceutica N.V. est partie à la présente action à titre de propriétaire inscrit du brevet canadien no 2,655,335 [le brevet 335], conformément au paragraphe 6(2) du Règlement. Janssen Inc. est autorisée par Janssen Pharmaceutica N.V. à vendre du INVEGA SUSTENNA® (palmitate de palipéridone) au Canada.

[3] La défenderesse, Teva Canada Limited [Teva], est une entreprise pharmaceutique qui fabrique des produits génériques et dont le siège est situé à Toronto. Teva a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle [PADN] auprès de Santé Canada afin d’obtenir l’autorisation de vendre son propre produit de palmitate de palipéridone au Canada. Le 9 janvier 2018, Teva a signifié à Janssen un avis d’allégation conformément au Règlement, ce qui a déclenché l’introduction de la présente action.

II. Contexte

A. Renseignements techniques

(1) Schizophrénie et troubles connexes

[4] La schizophrénie est une maladie invalidante permanente, qui toucherait plus de 300 000 Canadiens. L’apparition des symptômes se manifeste habituellement par une crise psychotique et survient souvent lorsque la personne est au début ou au milieu de la vingtaine.

[5] La schizophrénie se caractérise par des symptômes « positifs », comme des hallucinations, des idées délirantes et un comportement désorganisé, et des symptômes « négatifs », comme une apathie, un manque de motivation et un retrait social. Le diagnostic est fait lorsque les symptômes persistent pendant au moins six mois après leur apparition, et qu’au moins deux symptômes caractéristiques ont été présents durant une proportion significative de temps au cours d’une période d’un mois.

[6] Le trouble schizophréniforme se caractérise par des symptômes caractéristiques dont la durée est d’au moins un mois, mais de moins de six mois. Le trouble schizo-affectif est défini par des critères diagnostiques semblables à ceux de la schizophrénie, avec en plus un élément relatif à l’humeur, comme des épisodes dépressifs caractérisés, des épisodes maniaques ou les deux. Sauf indication contraire, les renvois à la « schizophrénie » dans les présents motifs s’entendent de la schizophrénie, du trouble schizophréniforme et du trouble schizo-affectif.

[7] Le mécanisme à l’origine des symptômes de la schizophrénie est un fonctionnement anormal de la dopamine dans certaines parties du cerveau. Depuis les années 1970, les chercheurs savent que les antipsychotiques efficaces agissent en bloquant la dopamine au récepteur D2.

(2) Traitement de la schizophrénie

[8] Les antipsychotiques sont la pierre angulaire du traitement et de la prise en charge de la schizophrénie. Ils peuvent être répartis en deux catégories : 1) les antipsychotiques typiques (première génération), et 2) les antipsychotiques atypiques (deuxième génération).

[9] Les antipsychotiques typiques bloquent les récepteurs D2 dans le cerveau et soulagent efficacement les symptômes positifs de la schizophrénie. Toutefois, ils sont associés à une incidence élevée d’effets secondaires graves, appelés symptômes extrapyramidaux, qui concernent habituellement le contrôle moteur, comme des spasmes musculaires, une rigidité musculaire, une instabilité psychomotrice et des mouvements saccadés.

[10] Les antipsychotiques atypiques ont fait leur entrée sur le marché dans les années 1990 et agissent à la fois sur les récepteurs de la dopamine et de la sérotonine. Les antipsychotiques atypiques ont beaucoup moins tendance à causer des symptômes extrapyramidaux.

[11] Comme la schizophrénie est incurable et nécessite une prise en charge permanente au moyen d’antipsychotiques, le respect du schéma de traitement est essentiel. De nombreux patients atteints de schizophrénie prennent des antipsychotiques oraux et s’administrent eux‑mêmes leurs médicaments. Une cause majeure de rechute est la non‑observance thérapeutique, c’est-à-dire que les patients ne prennent pas rigoureusement les antipsychotiques prescrits ou ne les prennent pas du tout. Les taux de non‑observance sont très élevés parmi les personnes atteintes de schizophrénie.

[12] Une stratégie permettant d’assurer le respect du traitement est l’emploi d’antipsychotiques sous forme de préparations à action prolongée. Il existe différents types de préparations à action prolongée, dont les injections intramusculaires d’antipsychotiques, appelées « préparations retard » ou « préparations injectables à action prolongée ». Lorsqu’il est injecté, le médicament se libère lentement à partir du site d’injection, ce qui fournit au patient une dose prolongée du médicament.

B. Le brevet 335

[13] Le brevet 335 est intitulé « Posologie associée aux esters de palipéridone injectables à action prolongée ».

[14] Le brevet 335 a été délivré par suite d’une demande déposée au Canada le 17 décembre 2008, revendiquant la priorité sur le fondement de la demande no 61/014,918 déposée aux États-Unis le 19 décembre 2007. Le brevet 335 a été mis à la disposition du public le 19 juin 2009, délivré le 6 septembre 2016, et n’a pas expiré. Il contient 63 revendications, et Janssen allègue la contrefaçon des revendications 1 à 48 [les revendications en cause].

[15] L’invention concerne les schémas posologiques associés à l’utilisation de palmitate de palipéridone en préparation injectable à action prolongée dans le traitement de la schizophrénie. L’objectif de l’invention était l’établissement d’un schéma posologique qui assure une courbe de concentration plasmatique optimale en fonction du temps chez les patients traités par la palipéridone. Les inventeurs ciblaient une plage d’exposition à des concentrations plasmatiques de 7,5 à 40 ng/mL de palipéridone après l’injection, afin d’assurer l’efficacité et de réduire au minimum les effets secondaires.

[16] Pour parvenir rapidement aux concentrations plasmatiques thérapeutiques, le brevet décrit un schéma composé de [traduction] « doses d’attaque » de palmitate de palipéridone administrées le jour 1 et le jour 8 dans le muscle deltoïde, suivi d’un schéma composé de [traduction] « doses d’entretien » de palmitate de palipéridone administrées tous les mois par la suite, dans le muscle deltoïde ou fessier.

[17] Le schéma posologique comprend des « fenêtres posologiques » de ± 2 jours pour la deuxième dose d’attaque et de ± 7 jours pour les doses d’entretien mensuelles. Les fenêtres posologiques apportent de la flexibilité au schéma sans influencer l’effet thérapeutique.

[18] Les revendications en cause dans le brevet 335 sont divisées en trois ensembles :

i. les revendications 1 à 16 concernent des seringues préremplies adaptées à l’administration selon les schémas posologiques revendiqués;

ii. les revendications 17 à 32 concernent l’emploi d’une « forme médicamenteuse » conformément aux schémas posologiques revendiqués;

iii. les revendications 33 à 48 concernent l’emploi de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone dans la fabrication et la préparation d’un « médicament » adapté à l’administration conformément aux schémas posologiques revendiqués.

[19] Voici les schémas posologiques revendiqués pour le traitement de la schizophrénie chez les patients psychiatriques qui ne présentent pas d’insuffisance rénale, ainsi qu’ils sont définis dans les revendications 1, 17 et 33 :

i. Une première dose d’attaque de 150 mg éq. de palmitate de palipéridone administrée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement.

ii. Une deuxième dose d’attaque de 100 mg éq. de palmitate de palipéridone administrée dans le muscle deltoïde le jour 8 ± 2 jours.

iii. Des doses d’entretien de 75 mg éq. de palmitate de palipéridone administrées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours après la deuxième injection.

[20] Le schéma posologique revendiqué pour les patients atteints d’insuffisance rénale, défini aux revendications 2, 18 et 34, comprend le même calendrier d’administration et les mêmes fenêtres posologiques et sites d’injection, mais avec des doses d’attaque de 100 et de 75 mg éq. et des doses d’entretien de 50 mg éq.

C. L’historique de l’invention

[21] Janssen a commencé à travailler sur une préparation de palipéridone injectable à action prolongée au début des années 1990, mettant sur pied une équipe de recherche internationale pour appuyer son développement. Vers 2003, cette équipe portait le nom d’Équipe de développement d’un composé de palmitate de palipéridone [l’Équipe de développement].

[22] Les principaux buts de l’Équipe de développement consistaient à optimiser la préparation injectable de palmitate de palipéridone en vue d’une administration mensuelle, à évaluer l’innocuité et l’efficacité du palmitate de palipéridone dans le traitement de la schizophrénie et d’autres troubles et à établir des schémas posologiques en prévision de l’approbation réglementaire du médicament.

[23] Mme An Vermeulen, Ph. D., pharmacométricienne à Janssen, participait activement à l’établissement du schéma posologique pour le palmitate de palipéridone. Selon les premières études à doses multiples effectuées par Janssen, les concentrations plasmatiques de palipéridone n’atteignaient l’état d’équilibre qu’après quatre à cinq mois avec des injections mensuelles. En 1999, Mme Vermeulen a conçu l’étude BEL-7, une étude de phase 1 comparant deux posologies d’attaque : 1) administration d’une dose double le jour 1 et de doses mensuelles par la suite, et 2) administration de la même dose les jours 1 et 8 et de doses mensuelles par la suite. Toutes les doses étaient administrées dans le muscle fessier. L’étude BEL-7 a montré que la deuxième posologie d’attaque, avec des doses fixes aux jours 1 et 8 avant le passage aux doses mensuelles, portait les concentrations plasmatiques à l’état d’équilibre au cours du premier mois.

[24] Après les essais cliniques de phase 1, Mme Vermeulen a mis au point un modèle pharmacocinétique de population pour favoriser une prise de décisions éclairées et faciliter la sélection de schémas posologiques. À la lumière des résultats de l’étude BEL-7 et du modèle de Mme Vermeulen, Janssen a entrepris une étude de phase 2 – SCH-201 – en 2003, laquelle portait sur des doses fixes de 50 mg éq. et de 100 mg éq. administrées les jours 1 et 8 et tous les mois par la suite. Étant donné le succès de l’étude SCH-201, Janssen a conçu deux études de phase 3, PSY-3003 et PSY-3004, pour examiner des doses fixes de 25 mg éq., 50 mg éq., 100 mg éq. et 150 mg éq. administrées dans le muscle fessier les jours 1 et 8 et tous les mois par la suite. Ces études ont été menées de décembre 2004 à mars 2006 et de juin 2005 à juin 2006, respectivement.

[25] En avril 2006, le Dr Srihari Gopal s’est joint à Janssen en tant que médecin de projet dans l’équipe clinique, un sous-groupe de l’Équipe de développement. Il s’est vu attribuer la responsabilité des essais cliniques de phase 3 dont faisait alors l’objet le palmitate de palipéridone. À l’époque, les études PSY-3003 et PSY-3004 étaient terminées ou presque. Contre toute attente, les résultats de ces études étaient décevants et ont mené à la création d’un groupe de travail spécial, dont faisaient partie Mme Vermeulen et le Dr Gopal, pour résoudre les problèmes décelés dans la foulée des études de phase 3 et proposer des améliorations au schéma posologique.

[26] Pour aider à réviser le schéma posologique, Mme Vermeulen a conçu un nouveau modèle pharmacocinétique de population à l’aide des données cliniques provenant de plus de 1 200 patients. Elle a utilisé ce modèle pour évaluer différents schémas posologiques en simulant les concentrations plasmatiques d’une population de patients virtuelle mais représentative.

[27] Le groupe de travail a finalement cerné une interaction liée au « traitement par pays » chez les patients des États-Unis, qui a été attribuée à un indice de masse corporelle élevé. Le groupe de travail a cherché à surmonter le problème en modifiant le schéma posologique en vue d’essais futurs.

[28] En 2006, Mme Vermuelen a changé de poste chez Janssen. M. Mahesh Samtani, Ph. D., l’a remplacée dans l’Équipe de développement en février 2007. Il s’est vu attribuer la tâche de concevoir un nouveau modèle pharmacocinétique de population pour la préparation injectable à action prolongée de palmitate de palipéridone mise au point par Janssen.

[29] M. Samtani a utilisé le modèle de Mme Vermeulen comme point de départ et a créé un nouveau modèle avec les données de plus de 1 400 patients, représentant 15 000 échantillons des études des phases 1, 2 et 3. Son modèle tenait compte d’un vaste éventail de covariables et du processus complexe d’absorption et d’élimination du palmitate de palipéridone. Il lui a fallu environ six mois pour concevoir et valider à l’externe le modèle; une fois le modèle prêt, des simulations ont été réalisées en vue d’optimiser le schéma posologique du palmitate de palipéridone.

[30] M. Samtani a utilisé son modèle pour établir un schéma posologique composé de doses d’attaque injectées dans le muscle deltoïde, à raison de 150 mg éq. le jour 1 et de 100 mg éq. le jour 8, puis de doses d’entretien mensuelles de 75 mg éq., injectées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier. D’après la modélisation, la simulation et les résultats d’une autre étude de phase 3, PSY-3007, l’équipe était convaincue que ce schéma posologique était sûr et efficace, n’exigeait pas un supplément oral, amenait les patients à une concentration plasmatique à l’équilibre en une semaine et correspondait aux concentrations plasmatiques de patients prenant des doses orales de 6 mg de palipéridone à libération prolongée.

[31] Bien que Janssen n’ait reçu les résultats de l’étude PSY-3007 qu’après la date de revendication du brevet 353, M. Samtani a établi ce schéma posologique en utilisant le modèle pharmacocinétique de population. Il a confirmé l’innocuité et l’efficacité du schéma en partie en utilisant les résultats de l’étude PSY-3007.

[32] M. Samtani a aussi utilisé son modèle pour définir les fenêtres posologiques recommandées, soit les marges de tolérance acceptables quant au moment d’administration de la deuxième dose d’attaque et des doses d’entretien subséquentes. Il a conclu que des fenêtres posologiques de ± 2 jours pour la deuxième dose d’attaque et de ± 7 jours pour les doses d’entretien mensuelles maintiendraient les concentrations plasmatiques thérapeutiques sans qu’il y ait d’incidence sur l’innocuité et l’efficacité. Au moyen du modèle et des données cliniques, M. Samtani a aussi établi les réductions de dose appropriées pour les patients atteints d’insuffisance rénale.

III. Questions en litige

[33] Au début du procès, trois questions principales étaient en litige : la contrefaçon, et l’invalidité en raison de l’évidence et de l’objet non brevetable. Au cours du procès, Teva a retiré son argument relatif à l’objet non brevetable, ne laissant en litige que les questions de l’évidence et de la contrefaçon.

[34] Les questions qu’il nous reste à trancher sont les suivantes :

[35] Pour les motifs qui suivent, je conclus que :

IV. Témoins des faits

A. Témoins des faits de Janssen

(1) Mme An Vermeulen

[36] Mme Vermeulen est désignée comme co-inventrice du brevet 335. Elle est actuellement directrice scientifique principale et membre du groupe de consultation sur les sciences quantitatives à Janssen.

[37] Mme Vermeulen s’est jointe à Janssen Pharmaceutica NV en 1992 en tant que scientifique et s’est jointe au service de pharmacométrie comme pharmacométricienne en 2001. En cette qualité, elle était responsable de l’élaboration de modèles pharmacocinétiques, de modèles pharmacocinétiques de population et de modèles pharmacodynamiques de population. Mme Vermeulen a utilisé des modèles pour orienter la prise de décisions, la conception d’essais cliniques, ainsi que la sélection et l’adaptation des schémas posologiques.

[38] Mme Vermeulen a témoigné au sujet de ses travaux dans le cadre du développement de la préparation injectable de palmitate de palipéridone de Janssen et des schémas posologiques connexes.

(2) M. Mahesh Samtani

[39] M.Samtani est désigné comme co-inventeur du brevet 335. Il est actuellement directeur principal du groupe de recherche et développement de Janssen, participant à toutes les étapes du développement d’un médicament. Il s’est joint à l’Équipe de développement en février 2007 en tant que pharmacométricien.

[40] M. Samtani a témoigné au sujet de sa contribution à la mise au point du schéma posologique du palmitate de palipéridone; toutefois sa crédibilité a été remise en question. Il a eu une attitude obstructionniste en contre-interrogatoire et n’a pas fourni de réponses franches à de nombreuses questions simples. M. Samtani était manifestement très impressionné par son propre travail de modélisation.

(3) Le Dr Srihari Gopal

[41] Le Dr Gopal est désigné comme co-inventeur du brevet 335. Il est actuellement directeur principal (chef du développement, psychiatrie) du secteur de la recherche et développement de Janssen. Il est aussi le chef d’équipe actuel de l’Équipe de développement, qu’il a intégrée en tant que clinicien en 2006.

[42] Le Dr Gopal a témoigné au sujet de son rôle dans le développement d’une préparation injectable de palmitate de palipéridone dont l’action prolongée a une durée d’un mois.

[43] Le Dr Gopal a adopté plusieurs positions déraisonnables en contre-interrogatoire. On lui a présenté une publication de Janssen de 2014, dans laquelle il est désigné comme auteur. Cette publication décrit une étude où le schéma posologique utilisé était de 150 mg éq. le jour 1 dans le muscle deltoïde, de 100 mg éq. le jour 8 dans le muscle deltoïde, puis de doses d’entretien mensuelles de 25 mg éq. à 150 mg éq. dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier. Le Dr Gopal a déclaré que la référence à une gamme de doses d’entretien était probablement due à une erreur de [traduction« copier-coller » et qu’à la date de publication du document, une gamme de doses d’entretien n’était [traduction« absolument pas la position de la société ».

[44] Malgré la description claire d’une gamme de doses d’entretien, et après avoir reconnu que lui-même et ses coauteurs auraient examiné le document, le Dr Gopal a assuré que Janssen n’avait pas recommandé d’autre dose d’entretien que 75 mg éq. à l’époque.

[45] De même, les avocats de Teva ont produit un document de 2009, corédigé par le Dr Gopal pour présentation à Santé Canada et à la Food and Drug Administration des États‑Unis, qui indique que [traduction] « la bonne pratique clinique consiste à individualiser le traitement selon les symptômes cliniques. L’individualisation de la dose de palmitate de palipéridone peut commencer dès le jour 36, le moment correspondant à la troisième injection ». Même si, selon ses dires, il connaissait le document et que celui-ci a été soumis aux autorités réglementaires, le Dr Gopal a déclaré que cet énoncé était incorrect.

[46] De plus, le Dr Gopal a déclaré durant l’interrogatoire préalable que n’importe laquelle des doses d’entretien fonctionne, selon les besoins du patient et le choix du médecin prescripteur. Janssen a décidé de recommander une dose unique pour aider les médecins à définir la dose de départ, et une dose de 75 mg éq. a été sélectionnée d’après la dose d’entretien moyenne de palipéridone orale, ainsi que la dose d’entretien commune utilisée dans les études à doses flexibles sur le palmitate de palipéridone. Les extraits de l’interrogatoire préalable du Dr Gopal donnent un portrait différent de la position de Janssen quant à la dose d’entretien, en comparaison de la position qu’il a exposée en contre-interrogatoire.

[47] Les positions contradictoires du Dr Gopal exposées lors du contre-interrogatoire et dans les déclarations faites lors de l’interrogatoire préalable et dans les documents dont il est le coauteur ont nui à sa crédibilité.

B. Témoins des faits de Teva

(1) David Boughner

[48] M. Boughner est directeur principal de la gestion commerciale de Teva. Il a témoigné que Teva ne commercialise pas ses produits génériques auprès des médecins, et à l’exception des monographies de produits [MP], ne les commercialise généralement pas.

V. Témoins experts

A. Témoins experts de Janssen

(1) Le Dr Ofer Agid

[49] Le Dr Agid est médecin et a suivi une formation spécialisée en psychiatrie. Il travaille comme psychiatre et clinicien-chercheur au programme de schizophrénie du Centre de toxicomanie et de santé mentale [CAMH] à Toronto. Ses principaux champs d’intérêt sont le diagnostic, le traitement et la prise en charge des troubles psychotiques, dont la schizophrénie.

[50] Le Dr Agid a obtenu son diplôme en médecine de l’Université hébraïque de Jérusalem, en Israël, en 1992. Il a terminé sa résidence en psychiatrie auprès de l’Israeli Psychiatric Association en 1999 et s’est joint au CAMH en 2001 comme boursier de recherches postdoctorales en recherche clinique.

[51] En plus de ses activités cliniques au CAMH, le Dr Agid a déjà siégé au comité de pharmacologie et de thérapeutique du CAMH, lequel est responsable de la création, de l’examen et de la mise en œuvre de politiques et procédures en ce qui concerne les médicaments à l’hôpital. Le Dr Agid effectue aussi des recherches sur la schizophrénie en association avec le CAMH et l’Université de Toronto, et il est un professeur agrégé de psychiatrie à l’Université de Toronto.

[52] Le Dr Agid a été reconnu à titre d’expert dans le diagnostic, le traitement et la prise en charge des troubles psychotiques, y compris la schizophrénie, le trouble schizo-affectif, le trouble schizophréniforme et la schizophrénie réfractaire, ainsi qu’en ce qui concerne la nature et l’utilisation clinique des antipsychotiques, dont INVEGA SUSTENNA, pour le traitement de troubles psychotiques, y compris la schizophrénie, le trouble schizo-affectif, le trouble schizophréniforme et la schizophrénie réfractaire. Bien qu’il ait donné son avis sur les pratiques de prescription d’antipsychotiques pour ces indications au Canada, son témoignage sur cette question se voit accorder un poids limité seulement, puisqu’il s’agit essentiellement de ouï-dire.

[53] Il a témoigné au sujet de l’interprétation des revendications, de la contrefaçon et de l’évidence.

[54] Deux problèmes de crédibilité sont ressortis du contre-interrogatoire du Dr Agid. Tout d’abord, il a semblé adopter des positions contraires dans son rapport d’expert et son contre‑interrogatoire. Il a soutenu à plusieurs reprises que les revendications permettent le traitement en utilisant seulement une dose d’entretien unique. Cette position est incompatible avec son rapport, dans lequel il déclare que le traitement doit être continu en raison de la nature incurable de la schizophrénie.

[55] Il a maintenu avec fermeté son interprétation selon laquelle le clinicien qualifié comprendrait que les revendications visent seulement une dose d’entretien unique, même si, dans le libellé clair de la revendication, il est indiqué que les doses d’entretien sont adaptées à l’administration intramusculaire, conformément à un calendrier continu dont l’intervalle posologique est d’un mois ± 7 jours.

[56] Ensuite, le Dr Agid a soutenu que le schéma posologique décrit dans le brevet 335 était le schéma [traduction] « optimisé et normalisé ». Questionné davantage par l’avocat de Teva, le Dr Agid a renvoyé à la revendication 1 du brevet pour appuyer sa position. Toutefois, les exemples et les réalisations préférentielles du brevet décrivent de nombreux schémas posologiques différents. Le Dr Agid n’a pu relever d’élément dans la divulgation qui appuyait sa position selon laquelle le schéma posologique était [traduction« optimisé et normalisé ».

[57] En plus de ces deux problèmes de crédibilité, le Dr Agid a admis que les médecins se concentraient sur la section « Posologie et administration » d’une MP, y compris les MP du palmitate de palipéridone de Janssen et de Teva. Cette admission tend à miner sa position voulant que les cliniciens praticiens interprètent la monographie de produit [MP] de Teva comme recommandant une dose d’entretien de 75 mg éq. dans l’intégralité du document.

(2) M. Barrett E. Rabinow

[58] M. Rabinow, Ph. D., est un expert-conseil dans le domaine des sciences pharmaceutiques. Il a obtenu son doctorat en physique-chimie organique de l’Université de Chicago en 1974 et a mené des travaux postdoctoraux en électrochimie à l’Université de Chicago et en chimie clinique au National Institute of Health de Chicago.

[59] De 1977 à 2016, M. Rabinow a travaillé comme scientifique chez Baxter Healthcare Corporation dans les domaines des produits parentéraux et des liquides stériles, y compris la correction de problèmes de fabrication et le développement de plateformes de formulation de médicaments en nanosuspension.

[60] M. Rabinow a été reconnu à titre d’expert en développement et en fabrication de préparations pharmaceutiques, notamment en ce qui concerne les préparations liquides destinées à l’administration parentérale, ainsi que la préparation et l’utilisation de suspensions et de nanosuspensions dans les préparations et les formes médicamenteuses (y compris les formes injectables). Cette expertise comprend la sélection des excipients, de même que l’analyse et la caractérisation des propriétés physico-chimiques des nanosuspensions médicamenteuses, y compris le pH, la distribution granulométrique, la viscosité et l’isotonicité.

[61] M. Rabinow a donné son avis sur les aspects du brevet 335 qui ont trait à la préparation, ainsi que sur la contrefaçon par Teva.

(3) Richard Jones

[62] M. Jones est pharmacien et est actuellement directeur régional des services de pharmacie pour la Vancouver Island Health Authority.

[63] Il a été reconnu à titre d’expert de la gestion de listes des médicaments – y compris le processus et les considérations entourant l’inscription de produits pharmaceutiques sur les listes de médicaments des hôpitaux –, ainsi qu’à titre d’expert de l’exercice de la pharmacie et de la gestion des médicaments en milieu hospitalier, y compris les méthodes de prescription, les pratiques de délivrance des médicaments et les processus d’exercice clinique en pharmacie. Son témoignage portait sur l’emploi des monographies de produits génériques en pharmacie, la gestion des listes de médicaments en milieu hospitalier et les pratiques de délivrance des médicaments en pharmacie.

[64] M. Jones a été un témoin crédible. Il semble avoir parfois surestimé la participation du pharmacien dans le processus de prescription, qui relève du mandat du clinicien, mais dans l’ensemble son témoignage était crédible et utile pour établir le rôle du pharmacien dans le processus de prescription ainsi que la disponibilité de médicaments particuliers dans la liste des médicaments des hôpitaux.

(4) M. Robert Bies

[65] M. Bies, Pharm. D., Ph. D., est professeur agrégé à l’école de pharmacie et de sciences pharmaceutiques de l’Université d’État de New York à Buffalo, professeur agrégé adjoint au département de pharmacologie et de thérapeutique du Roswell Park Cancer Institute et professeur agrégé adjoint de pharmacologie clinique à l’École de médecine de l’Université de l’Indiana. Ses recherches portent sur la modélisation mathématique et les techniques de simulation en pharmacocinétique et pharmacodynamique.

[66] M. Bies a obtenu son doctorat de premier cycle en pharmacie de l’Université du Texas en 1994 et son doctorat en pharmacologie de l’Université de Georgetown en 1998. Il a effectué des études postdoctorales au Center for Drug Development Sciences à l’Université de Georgetown entre 1998 et 2000. De 2006 à 2016, M. Bies a agi comme chercheur scientifique au CAMH, où il offrait un soutien en modélisation pharmacométrique aux chercheurs qui étudiaient les antipsychotiques.

[67] M. Bies a été reconnu à titre d’expert en pharmacométrie, y compris en ce qui concerne :

le développement, la sélection et l’utilisation de modèles mathématiques de pharmacocinétique, de pharmacodynamique et de pharmacocinétique et pharmacodynamique de population pour les médicaments, y compris les antipsychotiques;

l’application des approches pharmacométriques en psychiatrie;

l’analyse des simulations obtenues par modélisation mathématique de la pharmacocinétique, la pharmacodynamique et la pharmacocinétique et pharmacodynamique de population, y compris pour la réponse thérapeutique aux antipsychotiques.

[68] M. Bies a témoigné au sujet de la question de l’évidence et de la conduite des inventeurs, et il a été un témoin crédible. Il a parfois semblé quelque peu évasif lors de son contre‑interrogatoire, mais cela semble être dû à son désir d’être précis dans ses réponses.

(5) M. Larry Ereshefsky

[69] M. Ereshefsky, Pharm. D., est un pharmacologue clinicien; il a obtenu la désignation de Certified Psychiatric Pharmacist et il compte plus de 40 ans d’expérience en tant que clinicien, scientifique et chercheur dans le développement de traitements et de méthodologies cliniques pour les maladies neurodégénératives et les troubles psychiatriques, dont la schizophrénie.

[70] M. Ereshefsky a obtenu son doctorat de premier cycle en pharmacie de l’Université de la Californie du Sud en 1976 et il a réalisé sa résidence en pharmacie psychiatrique et psychopharmacologie à l’Université de la Californie du Sud – Centre médical du comté de Los Angeles. Maintenant à la retraite, il a été professeur de pharmacie, de psychiatrie et de pharmacologie à l’Université du Texas de 1977 à 2003, enseignant des cours en thérapeutique psychiatrique et en pharmacologie clinique.

[71] En tant que directeur adjoint de l’unité de recherche clinique du San Antonio State Hospital, M. Ereshefsky a supervisé les soins cliniques et la réalisation de nombreux essais cliniques au cours du développement d’antipsychotiques atypiques et de nouveaux traitements pour la schizophrénie et d’autres troubles.

[72] M. Ereshefsky a été reconnu à titre d’expert dans les domaines suivants :

la pharmacologie clinique, particulièrement la pharmacologie clinique des antipsychotiques;

l’évaluation de la pharmacocinétique, de la pharmacodynamique, de la bioéquivalence, des interactions médicament-médicament et de la pharmacogénétique des antipsychotiques, notamment les antipsychotiques injectables sous forme retard;

l’utilisation clinique d’antipsychotiques, y compris la conception de plans de traitement pour les patients;

la conception et la mise en œuvre d’essais cliniques, en particulier pour les médicaments contre la schizophrénie;

la psychopharmacologie translationnelle, y compris l’évaluation de données précliniques et de modèles visant à prédire les paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques chez les humains;

l’évaluation des signaux relatifs à la toxicologie et à l’innocuité.

[73] M. Ereshefsky a témoigné au sujet de la question de l’évidence et de la conduite des inventeurs. Il a été un témoin crédible.

B. Témoins experts de Teva

(1) M. Richard F. Bergstrom

[74] M. Bergstrom, Ph. D., est professeur adjoint de médecine à l’École de médecine de l’Université de l’Indiana, dans la division de pharmacologie clinique du département de médecine. Il a obtenu un doctorat en chimie pharmaceutique (pharmacocinétique) de l’Université du Michigan en 1980.

[75] M. Bergstrom a travaillé pour Eli Lilly and Company entre 1973 et 2008, principalement comme pharmacocinéticien. En cette qualité, il était responsable de nombreux projets portant sur la conception et l’évaluation de formes médicamenteuses et de préparations pharmaceutiques, y compris les préparations retard destinées à l’injection intramusculaire. Dans le cadre de ces projets, il utilisait son expertise en pharmacocinétique pour aider à concevoir des formes médicamenteuses, des préparations et des schémas posologiques.

[76] Le Bergstrom a été reconnu à titre d’expert des questions liées à la biodisponibilité, à la pharmacocinétique et à la pharmacodynamique, y compris le développement de préparations pharmaceutiques, dont les préparations retard.

[77] M. Bergstrom s’est exprimé sur l’évidence des revendications en ce qui a trait au schéma posologique et, dans l’ensemble, il a été un témoin crédible. Cependant, il était parfois évasif sur les questions liées à l’évidence et il a adopté des positions déraisonnables en ce qui concerne la façon dont un pharmacocinéticien compétent comprendrait certains renseignements cités dans son propre rapport au sujet des essais cliniques. Dans son rapport, il a soutenu que la réalisation d’essais cliniques de phase 3 signifiait que l’établissement d’un schéma posologique en était à ses dernières étapes; toutefois, en contre-interrogatoire, il a affirmé que le site Web clinicaltrials.gov n’indiquait pas toujours avec exactitude les essais de phase 1, 2 et 3, et il a minimisé l’importance des essais cliniques de phase 3.

[78] Même s’il estimait que l’établissement du schéma posologique aurait relevé des procédures courantes, M. Bergstrom a reconnu en contre-interrogatoire que le développement d’une préparation retard est un processus long et difficile, parce que les doses sont données peu fréquemment et qu’il faut beaucoup de temps pour évaluer les essais. De plus, les essais de phase 3 ne sont pas toujours couronnés de succès; ainsi, ce n’est pas parce que des essais de phase 3 sont en cours que la mise au point du médicament se terminera forcément sous peu.

(2) M. Adil Virani

[79] M. Virani, Pharm. D, est professeur agrégé de clinique à la faculté de sciences pharmaceutiques de l’Université de la Colombie-Britannique et gestionnaire des services de pharmacie pour les Lower Mainland Pharmacy Services. Il possède un permis d’exercice de la pharmacie depuis 1992 et forme des étudiants en médecine et en pharmacie sur des sujets liés à la santé mentale, à la toxicomanie et à la gestion de la douleur.

[80] M. Virani a obtenu son doctorat de premier cycle en pharmacie de l’Université de la Colombie-Britannique en 1997. Il possède une vaste expérience clinique des pratiques fondées sur les données probantes, particulièrement en psychopharmacologie des troubles de l’enfant et de l’adulte. Il a de l’expérience dans le traitement des patients ayant de nombreux troubles psychiatriques au moyen d’antipsychotiques, dont INVEGA SUSTENNA.

[81] M. Virani a été reconnu à titre d’expert en psychopharmacologie, en établissement des listes de médicaments fournis à l’hôpital et en gestion des pharmacies d’hôpital. Son témoignage portait sur l’emploi des MP dans l’exercice de la pharmacie.

[82] Le témoignage de M. Virani a été utile à la Cour. Il a répondu clairement aux questions posées lors du contre-interrogatoire et n’a pas été évasif. Il n’a pas défendu une position, mais il a témoigné sur la façon dont il comprend et utilise les MP ainsi que sur le rôle des pharmaciens dans le processus de prescription et de vérification.

[83] Au cours de son contre-interrogatoire, M. Virani a déclaré que, dans un milieu de soins de santé collaboratif comme un hôpital, les pharmaciens peuvent examiner et modifier l’ordonnance d’un médecin s’ils sont d’avis que la dose n’est pas appropriée pour le patient en question. Cela correspond étroitement au témoignage de M. Jones selon lequel un pharmacien peut questionner activement un médecin sur son choix de dose – point que l’avocat de Teva a tenté de minimiser lors du contre-interrogatoire.

[84] Cela dit, M. Virani a convenu que les pharmaciens ne prescrivent pas de médicaments au sens traditionnel du terme, et qu’un pharmacien d’hôpital ne pouvait pas rédiger une ordonnance à faire exécuter à l’extérieur de l’hôpital.

(3) Le Dr James Simm

[85] Le Dr Simm est le directeur médical du PACT (Program of Assertive Community Treatment) Logan de l’Office régional de la santé de Winnipeg. Ses responsabilités dans le cadre de ce rôle comprennent la direction d’une équipe de sensibilisation communautaire pour les patients atteints de maladies mentales graves et persistantes, y compris la schizophrénie. Il a obtenu son diplôme de médecine de l’Université du Manitoba en 1995.

[86] Dans le cadre d’emplois passés, le Dr Simm a dirigé des cliniques externes pour patients atteints de schizophrénie, s’est occupé de patients schizophrènes hospitalisés et a dirigé une unité d’hospitalisation pour les patients atteints de dépendances et de maladies mentales. Le Dr Simm est aussi professeur agrégé à l’Université du Manitoba. Ses responsabilités à ce titre comprennent l’enseignement de compétences cliniques aux étudiants en médecine et la supervision des résidents en psychiatrie qui suivent une formation en psychiatrie de la dépendance.

[87] Le Dr Simm a témoigné au sujet de l’utilisation des MP dans l’exercice clinique et de ses pratiques de prescription du palmitate de palipéridone. Il a été un témoin crédible.

(4) M. Glen Kwon

[88] M. Kwon, Ph. D., est professeur à l’école de pharmacie de l’Université du Wisconsin‑Madison et professeur adjoint à la faculté de pharmacie et de sciences pharmaceutiques de l’Université de l’Alberta. Il enseigne l’utilisation et la fabrication des médicaments injectables retard aux étudiants en pharmacie.

[89] M. Kwon a obtenu son doctorat de l’Université de l’Utah en 1991 et a effectué des études postdoctorales en bio-ingénierie au Collège de médecine pour femmes de Tokyo. Ses recherches actuelles portent sur la nanotechnologie des polymères pour la libération de médicaments; il étudie notamment la solubilisation des médicaments, la libération contrôlée des médicaments et le ciblage pharmacologique relativement aux préparations injectables.

[90] M. Kwon a été reconnu à titre d’expert dans le développement de préparations pharmaceutiques, dont les préparations injectables. Il a été un témoin crédible, reconnaissant que son expertise se limitait aux aspects du brevet 335 qui ont trait à la préparation. Selon lui, les aspects des revendications en cause qui ont trait à la préparation étaient évidents à la date pertinente.

(5) La Dre Suzanne Allain

[91] La Dre Allain est psychiatre au St. Joseph’s Hospital et au Thunder Bay Regional Hospital à Thunder Bay. Ses activités cliniques sont axées en grande partie sur le traitement des patients hospitalisés en raison de schizophrénie et de maladies connexes.

[92] La Dre Allain a obtenu son doctorat en médecine de l’Université de Toronto en 1988, et a terminé une résidence en psychiatrie à l’Université de la Colombie-Britannique en 1993. Elle est professeure agrégée à l’École de médecine du Nord de l’Ontario, professeure auxiliaire au département de psychiatrie de l’Université Western et professeure adjointe au département de psychiatrie de l’Université de Toronto.

[93] La Dre Allain a été reconnue à titre de psychiatre qui se spécialise dans le traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif et du trouble schizophréniforme, en particulier chez les patients dont la maladie est chronique ou réfractaire. Elle a témoigné au sujet de l’utilisation des MP dans l’exercice clinique et de ses pratiques de prescription du palmitate de palipéridone.

[94] La Dre Allain a été une témoin crédible. Elle a soutenu de manière inébranlable que la dose d’entretien revendiquée doit être administrée selon un calendrier mensuel [traduction« continu ».

VI. Interprétation des revendications

[95] L’interprétation des revendications est une question de droit qu’il appartient au juge de trancher (Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 au para 61 [Whirpool]). Quand le juge peut interpréter le brevet comme le comprendrait une personne qualifiée, une preuve d’expert n’est pas nécessaire (Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 446 aux para 25, 35 et 36; Excalibre Oil Tools Ltd c Advantage Products Inc, 2016 CF 1279 au para 119).

[96] Les principes d’interprétation des revendications en droit canadien des brevets ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Whirlpool et Free World Trust (Whirlpool, aux para 49‑55; Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 aux para 44‑54 [Free World Trust]). Ces principes sont les suivants :

i. les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et téléologique, dans un esprit désireux de comprendre et selon le point de vue de la personne versée dans l’art, à la date de la publication, en tenant compte des connaissances générales courantes;

ii. la teneur des revendications doit être interprétée selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu lui donner et d’une façon qui est favorable à l’atteinte de l’objectif de l’inventeur, de manière à favoriser tant l’équité que la prévisibilité;

iii. l’ensemble du mémoire descriptif doit être pris en compte afin de déterminer la nature de l’invention, et l’interprétation des revendications doit se faire sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et le public;

iv. dans une interprétation téléologique, la teneur des revendications indiquera que certains éléments sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas. Les éléments essentiels ou non essentiels des revendications sont déterminés en fonction des connaissances usuelles du travailleur versé dans l’art dont relève l’invention, à la date de publication du brevet.

[97] La date pertinente aux fins d’interprétation des revendications est la date de publication, soit le 19 juin 2009.

A. Personne moyennement versée dans l’art

[98] La personne moyennement versée dans l’art est un travailleur doué d’habiletés moyennes dans la technique dont relève l’invention et possédant les connaissances générales moyennes qu’ont les gens de ce domaine d’activité précis (Consolboard Inc c Macmillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd, [1981] 1 RCS 504 à la p 523). La personne moyennement versée dans l’art peut être une équipe de personnes ayant des compétences différentes (Teva Canada Limitée c Janssen Inc, 2018 CF 754 au para 66 [Teva Canada], conf par Millennium Pharmaceuticals Inc c Teva Canada Limitée, 2019 CAF 273).

[99] Les experts des parties s’entendent pour dire que l’équipe correspondant à la personne moyennement versée dans l’art comprend un clinicien expérimenté dans le traitement de la schizophrénie et un formulateur de produits pharmaceutiques. Les experts de Janssen étaient d’avis que la personne moyennement versée dans l’art désigne, en plus de ces personnes, un pharmacométricien et un pharmacologue clinicien. Les experts de TEVA estimaient que la personne moyennement versée dans l’art désigne aussi un pharmacocinéticien, mais non un pharmacométricien ou un pharmacologue clinicien.

[100] Janssen soutient que puisque les figures 1 à 3 et l’exemple 7 du brevet 335 concernent la modélisation pharmacocinétique de population, la personne moyennement versée dans l’art devrait inclure un pharmacométricien spécialisé dans la mise au point de ce type de modèle. Comme l’a expliqué le Dr Bies, un pharmacocinéticien n’aurait pas nécessairement d’expertise dans la mise au point de modèles pharmacocinétiques de population.

[101] Je reconnais que la divulgation du brevet 335 comprend des chiffres et des résultats fondés sur la modélisation pharmacocinétique de population; toutefois, l’invention ne vise pas directement la mise au point de tels modèles. La personne moyennement versée dans l’art est une équipe de personnes « suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention » (Whirlpool, au para 53). Par conséquent, la personne moyennement versée dans l’art a seulement besoin de comprendre les valeurs et les caractéristiques pharmacocinétiques indiquées par les modèles concernant la palipéridone, un ensemble des compétences que posséderait le pharmacocinéticien. Une expertise en élaboration de modèles pharmacocinétiques de population n’est pas requise pour comprendre le brevet 335.

[102] Cela dit, les parties ont fini par sembler s’entendre sur ce point. Teva soutient que la personne moyennement versée dans l’art a des compétences liées à [traduction« la pharmacocinétique et la pharmacodynamique, y compris la modélisation », et elle invoque le témoignage du Dr Bies – le pharmacométricien expert de Janssen – pour attester que la personne versée dans l’art aurait su comment élaborer un modèle pharmacocinétique de population. La Cour est convaincue que la personne moyennement versée dans l’art aurait eu une expertise suffisante pour mettre au point des modèles pharmacocinétiques de population et en interpréter les résultats.

[103] Les connaissances et les compétences du « pharmacologue clinicien » de Janssen et du « pharmacocinéticien » de Teva se chevauchent largement. Comme l’a reconnu M. Ereshefsky en contre-interrogatoire, une personne moyennement versée dans l’art représentée par un clinicien, un formulateur et un pharmacocinéticien posséderait les compétences et les connaissances du pharmacologue clinicien qu’il juge pertinentes.

[104] Après avoir examiné les témoignages d’experts sur l’identité collective de la personne moyennement versée dans l’art, je conclus que la personne moyennement versée dans l’art est une équipe composée d’un clinicien, d’un formulateur de produits pharmaceutiques, d’un pharmacométricien et d’un pharmacocinéticien.

[105] Le clinicien reconnu comme personne moyennement versée dans l’art posséderait un diplôme en médecine et au moins de trois à cinq ans d’expérience dans le traitement des patients atteints de troubles psychotiques, dont la schizophrénie et les troubles connexes. Le clinicien comprendrait le diagnostic, la physiopathologie, le traitement et la prise en charge de ces troubles, et il connaîtrait les antipsychotiques permettant de traiter ces troubles, y compris leurs mécanismes d’action, indications, effets secondaires et posologie.

[106] Le formulateur reconnu comme personne moyennement versée dans l’art posséderait au minimum une maîtrise ès sciences en sciences pharmaceutiques, en chimie ou dans un domaine connexe et de trois à cinq ans d’expérience au sein de l’industrie en développement de préparations pharmaceutiques industrielles. Le formulateur posséderait une expérience précise dans le développement de préparations retard.

[107] Le pharmacométricien aurait une formation en pharmacie ou un doctorat de premier cycle en pharmacie et une expertise en modélisation pharmacocinétique et pharmacodynamique, y compris la modélisation pharmacocinétique de population.

[108] Le pharmacocinéticien reconnu comme personne moyennement versée dans l’art posséderait un diplôme d’études supérieures spécialisé en pharmacocinétique ou en pharmacologie et aurait de l’expérience dans le domaine du développement de médicaments. Le pharmacocinéticien aurait de l’expérience dans l’établissement et l’évaluation des schémas posologiques de médicaments sous forme retard, de façon à maximiser l’effet du médicament tout en réduisant au minimum le risque d’effets secondaires. Le pharmacocinéticien comprendrait la modélisation pharmacocinétique et pharmacodynamique, y compris la modélisation pharmacocinétique de population.

B. Connaissances générales courantes

[109] Les connaissances générales courantes se limitent aux connaissances que possède généralement au moment considéré la personne versée dans l’art dans le domaine de la technique ou de la science dont relève l’invention. Elles n’englobent pas la totalité de l’information relevant du domaine public (Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au para 37 [Sanofi]; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 aux para 63‑65 [Bell Helicopter]).

[110] MM. Ereshefsky et Bies sont d’avis qu’il n’y a aucune différence entre les connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art à la date des revendications, le 19 décembre 2007, et à la date de publication du brevet, le 19 juin 2009. Le Dr Agid a par ailleurs fourni essentiellement la même description des connaissances générales courantes dans son interprétation des revendications et ses opinions sur l’évidence. Teva n’a souligné aucun changement dans les connaissances générales courantes entre le 19 décembre 2007 et le 19 juin 2009, de sorte que le résumé suivant des connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art s’appliquera à la fois à l’interprétation des revendications et à l’analyse de l’évidence.

[111] Les connaissances générales courantes de la personne moyennement versée dans l’art comprennent les renseignements techniques indiqués en détail au début des présents motifs. En plus de ces renseignements généraux concernant la schizophrénie et son traitement, la personne moyennement versée dans l’art aurait su que les antipsychotiques retard étaient habituellement synthétisés par l’ajout d’acides gras à longue chaîne au principe actif et par la dissolution du composé obtenu dans une huile. Des préparations retard à base aqueuse existaient également et offraient des avantages par rapport aux préparations à base d’huile. Des seringues préremplies avaient été conçues pour faciliter l’administration des préparations retard.

[112] Les préparations retard offraient plusieurs avantages connus :

[113] À la date pertinente, plusieurs antipsychotiques typiques étaient offerts sous forme de préparations retard à base d’huile. Une seule préparation retard d’antipsychotique atypique – Risperdal Consta (rispéridone) – était arrivée sur le marché. Risperdal Consta consistait en une suspension aqueuse de microsphères contenant de la rispéridone et était administré par injection intramusculaire toutes les deux semaines.

[114] La personne moyennement versée dans l’art aurait su que l’antipsychotique atypique pamoate d’olanzapine faisait l’objet de recherches sous forme de préparation retard. Les patients traités au moyen d’injections de pamoate d’olanzapine étaient à risque de présenter un syndrome post-injection avec sédation et/ou delirium, qui ressemble à une surdose d’olanzapine. Selon la compréhension commune de l’époque, ce syndrome découlait de l’exposition à une dose élevée d’olanzapine, libérée prématurément du site d’injection.

[115] L’intervalle thérapeutique d’un médicament donné correspond à la fourchette de concentrations du médicament dans l’organisme qui fournit un effet thérapeutique accompagné d’effets toxiques minimes. Le schéma posologique d’un médicament est le calendrier d’administration qui permet de maintenir la concentration du médicament dans l’intervalle thérapeutique. La personne moyennement versée dans l’art aurait su que le profil pharmacocinétique d’un antipsychotique retard avait une incidence sur le schéma posologique approprié. La posologie des antipsychotiques retard variait d’un médicament à l’autre, et même entre les différentes préparations d’un même médicament.

[116] Les schémas posologiques précisent habituellement les paramètres suivants :

[117] De nombreux médicaments nécessitent une administration répétée pour que leur effet thérapeutique soit atteint et maintenu. La personne moyennement versée dans l’art aurait su qu’une dose d’attaque est une dose unique ou une série de doses données au début d’un traitement en vue d’obtenir rapidement une concentration cible du médicament dans l’organisme. Une dose d’attaque peut prendre la forme d’une forte dose unique et/ou d’une administration plus fréquente des doses d’entretien en début de traitement. Les désavantages connus du recours à des doses d’attaque étaient le risque d’exposer le patient à des concentrations potentiellement toxiques du médicament et, si le médicament avait une longue demi-vie d’élimination, le temps qu’il faudrait pour que sa concentration descende sous le niveau toxique.

[118] La personne moyennement versée dans l’art aurait su que des modèles pouvaient être utilisés pour aider à concevoir un schéma posologique. La modélisation pharmacocinétique de population repose sur les données de concentration en fonction du temps de nombreuses personnes, ou sur les données pharmacocinétiques et pharmacodynamiques groupées de plusieurs études. La personne moyennement versée dans l’art aurait connu les grandes considérations liées à l’élaboration et à la validation d’un modèle pharmacocinétique de population, ainsi qu’à l’interprétation des données modélisées. Les modèles de prédiction pharmacocinétique fondés sur une population peuvent être utilisés pour prédire des relations dose-concentration-effet et aider à concevoir des essais cliniques.

[119] En 2007, l’approche de traitement habituelle par des antipsychotiques retard consistait à faire passer les patients des médicaments oraux aux médicaments retard. Tout d’abord, les patients étaient stabilisés à l’aide de la forme orale du médicament. Lorsque les symptômes étaient maîtrisés, un facteur de conversion servait à déterminer la dose que prendrait ensuite le patient sous forme retard. De nombreuses préparations retard nécessitaient l’ajout de médicaments oraux lorsque les concentrations plasmatiques souhaitées n’étaient pas atteintes assez rapidement après l’injection. Par exemple, Risperdal Consta nécessitait une supplémentation orale pendant trois semaines après l’injection initiale du médicament retard.

[120] De nombreux antipsychotiques retard exigeaient un ajustement de la posologie pour assurer une augmentation graduelle de la concentration plasmatique. L’une des craintes liées à l’utilisation d’antipsychotiques retard était la survenue d’effets indésirables graves, puisque lorsque le médicament retard est injecté, il reste longtemps dans l’organisme. Les patients recevaient souvent une dose visant à évaluer la tolérabilité et l’absence de réactions indésirables immédiates.

[121] La personne moyennement versée dans l’art aurait su que la palipéridone est un métabolite actif de la rispéridone. À la date pertinente, la palipéridone était disponible sous forme de comprimés à libération prolongée pour l’administration orale, à raison de 3 à 12 mg par jour. La palipéridone étant excrétée par les reins, elle est éliminée plus lentement chez les patients atteints d’insuffisance rénale.

[122] Lorsque la palipéridone est administrée sous forme d’injection retard de palmitate de palipéridone, le palmitate de palipéridone est hydrolysé dans l’organisme pour donner la palipéridone – le composé actif – et l’acide palmitique. Le temps nécessaire pour atteindre la concentration à l’équilibre est tributaire de la libération de palipéridone de la forme retard. La personne moyennement versée dans l’art aurait su que des suspensions aqueuses de nanoparticules de palmitate de palipéridone avaient été mises au point.

[123] En résumé, à la date pertinente, la personne moyennement versée dans l’art aurait eu les connaissances générales courantes suivantes :

C. Termes des revendications nécessitant une interprétation

(1) Revendications 1 à 16 : seringues préremplies

[124] Les revendications 1 à 16 portent sur les seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone. La revendication 1 est ainsi rédigée :

[traduction]

1. Seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo‑affectif ou du trouble schizophréniforme. Sont comprises dans ces seringues préremplies :

a) une première seringue préremplie contenant une première dose d’attaque de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 150 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette première seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique un premier jour du traitement;

b) une deuxième seringue préremplie contenant une deuxième dose de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 100 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette deuxième seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde du patient psychiatrique une semaine ± 2 jours après la première dose d’attaque;

c) une seringue préremplie contenant une dose d’entretien de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ 75 mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, cette seringue préremplie étant adaptée à une administration intramusculaire dans un muscle deltoïde ou un muscle fessier du patient psychiatrique selon un calendrier continu comprenant un intervalle posologique d’un mois ± 7 jours après la deuxième dose d’attaque.

[125] La Cour est saisie en l’espèce d’une de ces affaires où la Cour n’a généralement pas besoin de l’aide d’experts pour interpréter les termes des revendications en cause. Il n’y a rien dans le mémoire descriptif du brevet 335 qui indique que les inventeurs ont cherché à agir comme leurs propres lexicographes, et on devrait donner à la terminologie des revendications leur sens courant et ordinaire.

[126] Les parties s’entendent dans une large mesure sur l’interprétation de la revendication 1. Les éléments suivants de la revendication ne sont pas en litige et seraient compris comme suit par la personne moyennement versée dans l’art :

Des seringues préremplies sont des seringues qui proviennent du fabricant et dans lesquelles se trouve déjà la préparation médicamenteuse.

Une préparation retard est un type de forme médicamenteuse à libération soutenue qui forme un réservoir dans la zone du corps où elle est administrée, ce qui permet la libération et l’absorption subséquente de l’ingrédient pharmaceutique actif sur une période prolongée.

La palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone s’entend de l’ester palmitique de la palipéridone, l’ingrédient pharmaceutique actif. Les structures de la palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone sont illustrées ci‑dessous.

Palipéridone Palmitate de palipéridone

Une suspension aqueuse de nanoparticules est un type de préparation composée de nanoparticules solides de palmitate de palipéridone mises en suspension dans un milieu aqueux.

L’expression pour administration par injection intramusculaire signifie que la préparation doit être injectée dans le tissu musculaire.

Un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo‑affectif ou du trouble schizophréniforme signifie un patient atteint de l’un de ces troubles psychotiques, selon les définitions fournies dans les renseignements techniques, qui a besoin d’un traitement pharmacologique pour traiter ses symptômes.

Une dose d’attaque est une dose utilisée pour faire passer rapidement la concentration plasmatique d’un médicament dans l’intervalle thérapeutique souhaité.

Une dose d’entretien est une dose utilisée pour maintenir la concentration plasmatique à l’équilibre d’un médicament dans l’intervalle thérapeutique.

L’équivalent d’environ (150/100/75) mg s’entend de la quantité de palmitate de palipéridone requise pour fournir la dose indiquée de palipéridone. Un « mg éq. » de palmitate de palipéridone est la quantité requise pour fournir 1 mg du médicament actif, la palipéridone. L’expression « environ » signifie qu’une certaine variation de la quantité est permise.

L’expression adaptée à une administration intramusculaire signifie que le dispositif d’administration du médicament convient à l’injection de la préparation dans un muscle.

Les muscles deltoïdes sont les muscles situés dans la partie la plus supérieure des bras du patient.

Le muscle fessier est le groupe de muscles composant les fesses du patient.

Un premier jour de traitement signifie le jour où le traitement est entrepris, à savoir le jour où la première dose d’attaque est administrée au patient psychiatrique.

Une semaine ± 2 jours après la première dose d’attaque signifie de 5 à 9 jours après la première dose d’attaque. Si la première dose d’attaque est administrée le jour 1, la deuxième dose d’attaque doit être administrée le jour 6, 7, 8, 9 ou 10.

Un mois ± 7 jours après la deuxième dose d’attaque signifie 28 jours, ± 7 jours, après la deuxième dose d’attaque. Les doses d’entretien doivent être administrées de 21 à 35 jours après la dose précédente.

[127] La revendication 2 porte sur les seringues préremplies pour administration aux patients psychiatriques atteints d’insuffisance rénale. Les experts ont reconnu qu’un patient psychiatrique atteint d’insuffisance rénale est un patient psychiatrique dont la fonction rénale est diminuée. La revendication 2 précise que la première dose, la deuxième dose et les doses d’entretien sont d’environ 100 mg éq., 75 mg éq. et 50 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, respectivement.

[128] Les revendications 3 à 14 dépendent des revendications 1 et 2, et comportent d’autres limites précises quant à la préparation. M. Rabinow a interprété chaque aspect de ces revendications qui ont trait à la préparation. M. Kwon n’a pas interprété les éléments des revendications, mais s’est plutôt prononcé sur la question de savoir si les éléments qui ont trait à la préparation étaient auparavant enseignés. Quoi qu’il en soit, l’interprétation des éléments qui ont trait à la préparation ne semble pas être contestée, et les revendications 3 à 14 intègrent les doses, la fréquence de prise des médicaments et les sites d’injection des revendications indépendantes 1 et 2.

[129] La revendication 15 limite en outre les revendications 1 à 14 à l’administration à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie seulement. La revendication 16 est semblable, mais se limite aux patients psychiatriques ayant besoin d’un traitement du trouble schizo-affectif seulement. La définition de ces troubles n’est pas contestée et est décrite dans la sous-section « Renseignements techniques » de la section « Contexte ».

[130] La seule question réellement en litige entre les parties est celle de savoir si l’expression « calendrier continu » exige l’administration continue des doses d’entretien ou seulement la prise d’une dose d’entretien unique. La façon dont la personne moyennement versée dans l’art interpréterait l’expression [traduction] « sont comprises » utilisé dans les revendications 1 et 2 est liée à cette question. Les deux parties ont formulé leurs arguments à cet égard sous l’angle du caractère essentiel.

[131] La position de Janssen, appuyée par les opinions du Dr Agid et de M. Ereshefsky, est qu’une dose d’entretien unique est essentielle. Janssen soutient que d’autres doses d’entretien peuvent être administrées après la première dose d’entretien, mais que les revendications n’exigent pas d’autres doses d’entretien.

[132] Selon la position de Teva, appuyée par les avis des Drs Allain et Simm, la dose d’entretien mentionnée dans les revendications 1 et 2 doit être administrée régulièrement et ne serait pas interprétée par la personne moyennement versée dans l’art comme étant limitée à une seule administration.

[133] Teva soutient que cette interprétation est appuyée par le témoignage de l’un des inventeurs du brevet 335, M. Samtani, qui a déclaré en contre-interrogatoire que l’intention des inventeurs était de créer un calendrier d’administration continu à la dose d’entretien, et non simplement trois injections.

[134] Les éléments de preuve présentés par un inventeur au procès constituent des éléments de preuve extrinsèques qui ne devraient pas être pris en compte par la Cour dans son interprétation des revendications (Free World Trust, au para 66; Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 113 au para 321, conf par 2013 CAF 219). Nonobstant la position de Teva selon laquelle les éléments de M. Samtani appuient l’interprétation proposée des revendications, la Cour ne devrait pas tenir compte de son témoignage à cet égard.

[135] Le Dr Agid est d’avis que la personne moyennement versée dans l’art interpréterait l’expression [traduction] « sont comprises » comme signifiant [traduction] « y compris, sans s’y limiter ». Par conséquent, les revendications 1 et 2 portent sur trois seringues préremplies, mais pourraient aussi comprendre d’autres seringues préremplies. Comme les revendications visent un calendrier de traitement continu pour des troubles incurables, la personne moyennement versée dans l’art comprendrait que les revendications concernent des doses d’entretien mensuelles permanentes. Toutefois, le Dr Agid a déclaré que la personne moyennement versée dans l’art saurait que le calendrier continu pourrait prendre fin après une dose d’entretien ou n’importe quel nombre de doses d’entretien.

[136] Le Dr Agid semblait défendre la position de Janssen concernant l’interprétation, et je n’admets pas que, selon une lecture téléologique des revendications et en tenant compte des connaissances générales courantes à la l’époque pertinente, la personne moyennement versée dans l’art suivrait ce raisonnement.

[137] Janssen soutient que seules trois seringues préremplies sont essentielles à la revendication 1 et qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable à l’expression [traduction] « calendrier continu ». Si des doses d’entretien mensuelles continues permanentes sont essentielles, les revendications porteraient sur un nombre indéfini et incertain de doses. En contre-interrogatoire, M. Bergstrom a déclaré qu’il ne savait pas combien de doses d’entretien étaient incluses dans le schéma posologique d’entretien.

[138] De prime abord, le schéma posologique d’entretien défini aux revendications 1c) et 2c) renvoie à [traduction] « une seringue préremplie contenant une dose d’entretien » (non souligné dans l’original). Toutefois, les mots [traduction« calendrier continu comprenant un intervalle posologique d’un mois ± 7 jours » doivent se voir accorder un sens téléologique. Le fait que la personne moyennement versée dans l’art saurait que la schizophrénie est une maladie chronique nécessitant un traitement continu appuie une conclusion selon laquelle le schéma posologique d’entretien n’est pas limité à une seule seringue préremplie. De plus, les mots [traduction« mois » et [traduction« continu » sont utilisés dans toute la divulgation. Les essais cliniques et les données de modélisation décrits dans la divulgation incluaient tous au moins deux doses d’entretien mensuelles.

[139] Le fait de suggérer que les mots [traduction] « calendrier continu » soient compris comme une dose unique impose à la Cour de leur donner une interprétation qui est incompatible avec leur sens ordinaire. La Cour ne le fera pas. Comme l’a reconnu le Dr Agid en contre-interrogatoire, si un médecin administre une seule dose d’entretien, le traitement du patient prendrait fin. Comme l’indique la divulgation, l’un des objectifs des injections mensuelles est d’accroître le respect du traitement par rapport aux schémas de traitement oraux quotidiens. L’administration d’une seule dose d’entretien n’est pas compatible avec un respect accru du traitement.

[140] Bien que le sens clair du libellé des revendications soit suffisant pour ne pas tenir compte de la position de Janssen concernant l’interprétation des revendications, Teva soutient également que la position de Janssen est incompatible avec les déclarations qu’elle a faites devant le Bureau des brevets dans le cadre de la poursuite de la demande du brevet 335, entraînant ainsi l’application de l’article 53.1 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4. Cette disposition permet l’admission en preuve de communications écrites entre le breveté et le Bureau des brevets lors de la poursuite d’une demande de brevet canadienne pour réfuter les déclarations faites par le breveté dans le cadre de l’action relativement à l’interprétation d’une revendication du brevet (Canmar Foods Ltd c TA Foods Ltd, 2019 CF 1233 au para 60).

[141] Dans une lettre datée du 26 juin 2015 adressée au commissaire aux brevets, Janssen a déclaré que la revendication 1 – telle qu’elle a été modifiée et finalement publiée –, lorsqu’elle est interprétée de façon téléologique, prévoit ce qui suit :

un produit vendable : des seringues préremplies contenant une préparation retard;

contenant des doses fixes : 150 mg éq., 100 mg éq., 75 mg éq;

pour l’administration selon un calendrier posologique établi qui ne nécessite pas la compétence ou le jugement d’un médecin : jour 1, une semaine ± 2 jours, calendrier continu comprenant un intervalle posologique d’un mois ± 7 jours;

par une injection intramusculaire dans un site d’administration précisé, dont le choix ne nécessite pas la compétence ou le jugement d’un médecin.

[Non souligné dans l’original.]

[142] L’interprétation préconisée par Janssen pendant la poursuite est conforme au sens clair du libellé des revendications et incompatible avec la position de Janssen lors du procès, à savoir qu’une unique dose d’entretien est un élément essentiel de la revendication 1. Je conclus que l’article 53.1 de la Loi sur les brevets s’applique et que la communication écrite entre Janssen et le commissaire aux brevets datée du 26 juin 2015 est admissible. Cet élément de preuve appuie la position de Teva selon laquelle les doses d’entretien mentionnées dans la revendication 1 doivent être administrées régulièrement.

[143] Comme le démontre clairement l’extrait ci-dessus de la lettre du 26 juin 2015, Janssen a modifié les revendications afin de réfuter une objection concernant les objets brevetables au motif que les schémas posologiques antérieurement revendiqués couvraient une méthode de traitement médical. Teva a finalement retiré son argument concernant l’objet non brevetable, de sorte que les méthodes de traitement médical ne sont plus directement en cause en l’espèce, mais l’incohérence du droit canadien à l’égard de ce qui constitue une méthode de traitement médical a clairement joué un rôle dans la poursuite et le litige concernant le brevet 335. Comme l’ont souligné des juges de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale, il est justifié d’examiner – et de préciser – l’interdiction des méthodes de traitement médical, bien que cette précision ne soit pas en litige en l’espèce (Cobalt Pharmaceuticals Company c Bayer Inc, 2015 CAF 116 au para 101; Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2018 CF 259 au para 141 [Hospira CF]; Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 au para 53 [Hospira CAF]).

[144] Une interprétation téléologique d’une dose d’entretien selon un [traduction] « calendrier continu » ne peut que mener à une conclusion selon laquelle cela signifie des doses d’entretien régulières, et non pas une dose unique.

[145] En résumé, les éléments essentiels de la revendication 1 sont les suivants :

Des seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules;

Pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo‑affectif ou du trouble schizophréniforme;

Ces seringues préremplies sont adaptées à l’administration conformément au schéma posologique suivant :

Une première dose d’attaque d’environ 150 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement;

Une deuxième dose d’attaque d’environ 100 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 du traitement ± 2 jours;

Des doses d’entretien continues de 75 mg éq. de palipéridone injectées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite.

[146] Les éléments essentiels de la revendication 2 sont les mêmes, sauf que le patient qui a besoin d’un traitement est atteint d’insuffisance rénale, et les doses revendiquées sont d’environ 100 mg éq., 75 mg éq. et 50 mg éq., respectivement.

[147] Il est important de noter que les éléments essentiels des revendications sont cumulatifs. Le premier ensemble de revendications exige la combinaison de plusieurs seringues préremplies, de divers dosages, qui sont adaptées à l’administration conformément au calendrier posologique et aux sites d’injection revendiqués. L’invention revendiquée est un schéma posologique, et non de simples formes médicamenteuses.

(2) Revendications 17 à 32 : utilisation d’une forme médicamenteuse

[148] Les revendications 17 à 32 correspondent en fait aux revendications 1 à 16, sauf qu’elles visent [traduction] « l’utilisation d’une forme médicamenteuse de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone » plutôt que des seringues préremplies.

[149] Les revendications 17 et 18 revendiquent le même schéma posologique que les revendications 1 et 2. Les revendications 19 à 30 comprennent les mêmes limites quant à la préparation que les revendications 3 à 14. Les revendications 31 et 32 sont identiques aux revendications 15 et 16, sauf pour ce qui est des revendications dont elles dépendent.

[150] Lorsque des termes déjà utilisés sont répétés dans les revendications 33 à 48, ils ont le même sens que celui défini ci-dessus pour les revendications 1 à 16. La seule autre expression devant être interprétée dans cet ensemble de revendications est [traduction« utilisation d’une forme médicamenteuse ».

[151] M. Agid, M. Ereshefsky et M. Bergstrom s’entendent essentiellement pour dire que la personne moyennement versée dans l’art comprendrait que l’expression [traduction] « utilisation d’une forme médicamenteuse » vise la préparation de palmitate de palipéridone et un dispositif pour administrer la préparation au patient. La forme médicamenteuse doit contenir la préparation et le moyen de l’administrer au patient. La forme médicamenteuse doit convenir à l’administration par injection intramusculaire, ce qui voudrait dire une seringue et une aiguille.

[152] Par conséquent, la personne moyennement versée dans l’art comprendrait que l’expression [traduction] « utilisation d’une forme médicamenteuse » dans les revendications 17 et 18 signifie l’utilisation d’une seringue contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour administrer la préparation par injection intramusculaire selon la posologie et le calendrier d’administration des revendications.

[153] Les parties conviennent que cet ensemble de revendications comprend des revendications d’utilisation et que Teva ne contreviendra pas directement à ces revendications.

(3) Revendications 33 à 48 : utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour la préparation d’un médicament

[154] Les revendications 33 à 48 correspondent aussi aux revendications 1 à 16, sauf qu’elles visent [traduction] « l’utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone pour la préparation [ou la fabrication] d’un médicament ».

[155] Les revendications 33 et 34 revendiquent le même schéma posologique que les revendications 1 et 2. Les revendications 35 à 46 comprennent les mêmes limites quant à la préparation que les revendications 3 à 14. Les revendications 47 et 48 sont identiques aux revendications 15 et 16, sauf pour ce qui est des revendications dont elles dépendent.

[156] Lorsque des termes déjà utilisés sont répétés dans les revendications 33 à 48, ils ont le même sens que celui défini ci-dessus pour les revendications 1 à 16. Les seules autres expressions devant être interprétées dans cet ensemble de revendications sont [traduction« la préparation [ou la fabrication] d’un médicament » et [traduction« forme médicamenteuse ».

[157] M. Bergstrom déclare que le terme [traduction] « médicament » serait normalement compris comme la préparation retard de palmitate de palipéridone. Toutefois, aux revendications 33 et 34, le médicament mentionné dans le préambule doit englober les doses d’attaque et d’entretien distinctes sous une [traduction« forme médicamenteuse ».

[158] Les experts de Janssen ont uniformément reconnu que le terme [traduction] « médicament » signifie un médicament dans son acception courante et qu’il se distingue du terme [traduction] « forme médicamenteuse », utilisé aux revendications 33 et 34, en ce qu’un médicament n’implique pas un moyen d’administration de la préparation. Le [traduction« médicament » doit convenir à la préparation retard qui sera administrée par voie intramusculaire. Des fioles contenant la préparation retard sont un exemple de [traduction« médicament » dans ce contexte. Les seringues préremplies et les [traduction« formes médicamenteuses » utilisées dans les revendications antérieures sont comprises dans la définition de médicament.

[159] Les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation correcte de ces revendications de « type suisse ». Teva demande à la Cour d’examiner la forme des revendications et de les interpréter comme des revendications d’utilisation ayant le même objet que les revendications 17 à 32 (Novartis Pharmaceuticals Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985 au para 101, conf par 2014 CAF 17; Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2007 CF 971 aux para 32‑35, conf par 2009 CAF 8).

[160] À l’inverse, Janssen soutient que les revendications 33 à 48 ressemblent à des revendications de produit limitées à une utilisation donnée, qui peuvent constituer une contrefaçon directe par une entreprise fabricant des produits génériques si le produit est fabriqué et vendu pour le traitement revendiqué (Hospira CF, aux para 268‑318).

[161] Le sens des revendications doit être établi en tenant compte des termes employés dans les revendications lorsqu’ils sont interprétés de façon téléologique par la personne moyennement versée dans l’art, à la lumière du mémoire descriptif et des connaissances générales courantes à la date pertinente. Les revendications 33 à 48 visent l’[traduction« utilisation de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone » pour la préparation (revendication 33) ou dans la fabrication (revendication 34) d’un médicament, lequel comprend des doses d’attaque et d’entretien. Cela dit, les revendications comprennent également, en tant qu’éléments essentiels, ce qui suit :

i. le calendrier d’administration aux jours 1 et 8 et tous les mois par la suite;

ii. des doses précises de 150, 100 et 75 mg éq. pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale et de 100, 75 et 50 mg éq. pour les patients atteints d’insuffisance rénale;

iii. des sites d’injection dans le muscle deltoïde (doses d’attaque les jours 1 et 8) et dans le muscle deltoïde ou fessier (doses d’entretien).

[162] Si le calendrier d’administration et les doses n’étaient pas des éléments essentiels, les revendications se limiteraient à la fabrication d’une préparation retard de palmitate de palipéridone. Toutefois, ces caractéristiques essentielles des revendications vont au-delà de la simple fabrication d’une préparation retard et prescrivent un calendrier d’administration précis, des doses précises et des sites d’injection précis.

[163] Les revendications de type suisse sont susceptibles de contrefaçon si le médicament est adapté à des fins d’administration à un patient psychiatrique nécessitant un traitement, selon le schéma posologique revendiqué (Hospira CF, au para 318, conf par Hospira CAF, aux para 25‑29).

VII. Évidence

[164] Tout d’abord, le brevet 335 est présumé valide (Loi sur les brevets, art 43(2)). Il incombe à Teva d’établir l’évidence selon la prépondérance des probabilités.

[165] La date pertinente pour l’examen de l’évidence est la date de priorité du brevet 335, soit le 19 décembre 2007.

[166] Le cadre d’analyse de l’évidence en quatre parties a été établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, précité, au paragraphe 67 :

[traduction]

i. Identifier la « personne versée dans l’art » [et] [d]éterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

ii. Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

iii. Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

iv. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité?

[167] Dans les domaines d’invention où des progrès sont souvent le fruit d’expérimentations, comme l’industrie pharmaceutique, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué (Sanofi, au para 68). Dans ces situations, les éléments énumérés ci-après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence (Sanofi, aux para 69‑71) :

1. Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’antériorité fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

4. Quelles sont les mesures concrètes ayant mené à l’invention?

[168] La Cour a considéré le facteur des « mesures concrètes » comme faisant partie de la « nature et [de] l’ampleur des efforts requis pour réaliser l’invention » (Teva Canada, au para 85; Tensar Technologies, Limited c Enviro-Pro Geosynthetics Ltd, 2019 CF 277 au para 157). Cette approche n’est pas incompatible avec l’orientation de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, selon laquelle l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur, mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention (Sanofi, au para 70). La Cour d’appel fédérale a qualifié le facteur des mesures concrètes de « développement du deuxième facteur » (Société Bristol-Myers Squibb Canada c Teva Canada Limitée, 2017 CAF 76 au para 44 [Bristol-Myers Squibb]).

[169] La Cour doit se méfier de la sagesse rétrospective des témoins experts. Comme notre Cour l’a récemment expliqué, « [i]l ne serait pas juste vis‑à‑vis la personne revendiquant une invention de combinaison de décomposer la combinaison en ses éléments pour conclure que, chacun de ceux‑ci étant bien connu, ladite combinaison est nécessairement évidente » (Bridgeview Manufacturing Inc c 931409 Alberta Ltd (Central Alberta Hay Centre), 2010 CAF 188 au para 51 [Bridgeview]). La question à se poser est celle de savoir si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes, la personne moyennement versée dans l’art serait directement et facilement arrivée à la solution enseignée par le brevet (Beloit Canada Ltd c Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289 (CAF) à la p 294).

[170] L’examen portant sur l’évidence doit être entrepris pour chaque revendication (Zero Spill Systems (Int’l) Inc c Heide, 2015 CAF 115 au para 85).

[171] M. Kwon est d’avis que les aspects des revendications en cause qui ont trait à la préparation ne sont pas inventifs. Toutes les limites quant à la préparation indiquées dans les revendications dépendantes ont été divulguées dans les brevets canadiens no 2,309,629 [le brevet 629] et no 2,326,691 [le brevet 691], ou auraient été couramment choisies par la personne moyennement versée dans l’art à la lumière de ses connaissances générales courantes. Tout travail nécessaire pour arriver aux préparations revendiquées dans le brevet 335 aurait été simple et courant.

[172] Janssen n’a pas produit de preuve d’expert pour soutenir que les aspects des revendications qui ont trait à la préparation étaient inventifs; le témoignage du Dr Kwon n’est donc pas contredit. Janssen a fait valoir qu’aucun poids ne devrait être accordé à l’avis du Dr Kwon sur l’évidence, parce qu’il a tenu compte d’un art non admissible lorsqu’il a formé son opinion. Je ne suis pas d’accord. Après examen des brevets 629 et 691 de Janssen à la lumière des connaissances générales courantes, un formulateur compétent serait parvenu à des préparations retard aqueuses contenant des nanoparticules de palmitate de palipéridone d’une taille moyenne de 1 600 nm à 400 nm, avec des surfactants, des tampons, des agents dispersants et des agents de conservation selon les quantités revendiquées, sans recourir à un quelconque degré d’inventivité.

[173] De façon similaire, le brevet 629 a divulgué l’utilisation de préparations retards de palmitate de palipéridone pour traiter la schizophrénie et le trouble schizo-affectif. La restriction à ces troubles particuliers dans les revendications 15, 16, 31, 32, 47 et 48 n’est pas différente de l’antériorité.

[174] Par conséquent, la validité des revendications dépendantes 3 à 16, 19 à 32 et 25 à 48 augmente ou diminue en fonction de l’inventivité des schémas posologiques énoncés dans les revendications 1, 2, 17, 18, 33 et 34.

[175] La personne moyennement versée dans l’art et les connaissances générales courantes ont été décrites en détail ci-dessus, de sorte que la prochaine étape consiste à déterminer l’idée originale de chaque revendication indépendante.

A. L’idée originale

[176] Teva soutient qu’à ce stade, l’examen porte sur l’idée originale de la revendication en question, et non sur une idée générale tirée de l’ensemble du mémoire descriptif (Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc, 2017 CAF 225 au para 74 [Ciba]). Étant donné que les experts ne s’entendent pas sur l’idée originale des revendications, Teva soutient que la recherche d’une idée originale constitue une distraction que la Cour devrait éviter en préconisant simplement l’autre façon de faire, à savoir en interprétant les revendications, comme l’a confirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi.

[177] Selon la position de Teva, appuyée par M. Bergstrom, toutes les revendications en cause, interprétées téléologiquement, visent un schéma posologique pour une préparation retard de palmitate de palipéridone en vue du traitement de la schizophrénie. Le schéma posologique comporte deux aspects – une posologie d’attaque et une posologie d’entretien – et il précise les doses, le calendrier d’administration et les sites d’injection. Les revendications 2, 18 et 34 comprennent un schéma posologique modifié pour les patients atteints d’insuffisance rénale. Les trois ensembles de revendications décrivent le schéma posologique en fonction de seringues préremplies, de l’utilisation d’une forme médicamenteuse et de revendications de type suisse, respectivement.

[178] Janssen soutient que le concept inventif des revendications 1, 17 et 33 est un schéma posologique [traduction] « normalisé et optimisé » concernant des préparations retard de palmitate de palipéridone destinées aux patients psychiatriques ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, lequel permet d’atteindre et de maintenir de façon rapide et sécuritaire des concentrations plasmatiques potentiellement thérapeutiques de palipéridone. Le concept inventif des revendications 2, 18 et 34 est le même, mais pour des patients atteints d’insuffisance rénale.

[179] Le Dr Agid a décrit les schémas posologiques comme étant [traduction] « préférés et normalisés » et [traduction] « universels » (qui s’appliquent à tous les patients). M. Ereshefsky a défini le concept inventif comme des schémas posologiques [traduction« normalisés et optimisés ».

[180] Qualifier les schémas posologiques revendiqués de [traduction] « normalisé[s] et optimisé[s] » fait en sorte que le seuil de l’idée originale est trop élevé et n’est pas étayé par le libellé des revendications ou la divulgation. Il n’est pas nécessaire d’examiner la divulgation pour déterminer l’idée originale en l’espèce, même si je tiens compte des passages invoqués par les experts de Janssen, mais ils n’étayent pas la position de Janssen.

[181] Le Dr Agid, M. Bies et M. Ereshefsky renvoient tous au passage suivant de la section [traduction] « Contexte de l’invention » du brevet 335 pour affirmer que les schémas posologiques revendiqués sont optimisés :

[traduction]

Comme il est difficile d’assurer une courbe de concentration plasmatique optimale en fonction du temps chez les patients traités par la palipéridone, il est souhaitable d’établir un schéma posologique qui remplit cet objectif chez les patients qui ont besoin d’un traitement.

[182] De toute évidence, les inventeurs ont souhaité établir un schéma posologique qui assure une courbe de concentration plasmatique optimale en fonction du temps chez les patients traités par la palipéridone, mais cela ne signifie pas que le schéma posologique revendiqué est réellement optimisé. Le schéma posologique revendiqué n’est pas décrit expressément dans la divulgation.

[183] M. Ereshefsky a regroupé de façon sélective les renvois dans la divulgation à chaque élément du schéma posologique revendiqué pour arriver à sa conclusion selon laquelle le schéma est [traduction] « normalisé et optimisé ». Il s’est concentré sur la figure 2, qui montre des concentrations plasmatiques observées et simulées par approche de population pour un schéma posologique de 150 mg éq. dans le muscle deltoïde le jour 1, puis de 100 mg éq. dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier les jours 8, 36 et 64. Il a ensuite combiné ces chiffres à la citation mal formulée suivante pour conclure que la dose d’entretien optimale est de 75 mg éq. : [traduction« de préférence la dose d’entretien initiale sera d’environ 50 mg éq., ou encore mieux, la dose d’entretien initiale sera d’environ 75 mg éq. » (brevet 335 p 12, lignes 20‑21).

[184] En ce qui concerne le caractère [traduction] « normalisé » ou [traduction] « universel » du schéma, les inventeurs ont envisagé que la dose d’entretien puisse varier de 25 mg éq. à 150 mg éq. et qu’elle devrait être sélectionnée pour maintenir des concentrations plasmatiques thérapeutiques. La personne moyennement versée dans l’art comprendrait que [traduction« la dose d’entretien peut être ajustée à la hausse ou à la baisse selon l’état des patients » (brevet 335 p 12, lignes 23‑25). Lors de son contre-interrogatoire, en réponse à des questions pressantes sur la façon dont il est parvenu au terme [traduction« normalisé » pour décrire le concept inventif, M. Ereshefsky a déclaré que ce concept figure dans le libellé des revendications et que [traduction« le mot n’y est pas, mais le contenu y est ». Je suis d’avis que cette explication exagère et contredit le libellé clair des revendications.

[185] Je conclus que le concept inventif est un schéma posologique sûr et efficace qui, au moyen d’une préparation retard de palmitate de palipéridone, a été conçu pour atteindre rapidement et maintenir des concentrations plasmatiques thérapeutiques dans le traitement des patients atteints de schizophrénie. Cette définition du concept inventif correspond étroitement au concept inventif proposé par Teva fondé sur les revendications telles qu’elles sont interprétées. Comme l’a fait valoir Teva, les schémas posologiques comprennent des doses d’attaque et des doses d’entretien, et ils précisent la dose, le calendrier d’administration et le site d’injection.

[186] Cette approche est appuyée par le témoignage d’expert de M. Bergstrom et celui du M. Bies, ce dernier ayant expressément défini le concept inventif ainsi :

[traduction]

Le concept inventif des revendications 1, 17 et 33 du brevet 335 était un schéma posologique qui, au moyen d’une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules pour les patients psychiatriques ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme, permet d’atteindre rapidement et de maintenir des concentrations plasmatiques de palipéridone à l’intérieur d’un intervalle potentiellement thérapeutique.

[Non souligné dans l’original.]

[187] Par conséquent, le concept inventif est un schéma posologique sûr et efficace qui, au moyen d’une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que nanosuspension aqueuse pour le traitement des patients atteints de schizophrénie, est conçu pour parvenir rapidement à l’intervalle de concentrations plasmatiques thérapeutiques et maintenir les patients dans cet intervalle. Pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale, le schéma posologique est celui indiqué en détail dans les revendications 1, 17 et 33 :

[traduction]

150 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1;

100 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 ± 2 jours;

75 mg éq. de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite.

[188] Pour les patients atteints d’insuffisance rénale, les doses sont ajustées à la baisse, de sorte que les doses d’attaque sont de 100 mg éq. et de 75 mg éq. et les doses d’entretien, de 50 mg éq., comme l’indiquent les revendications 2, 18 et 34.

B. Différences entre l’état de la technique et l’idée originale

[189] Au cours du procès, la Cour a conclu que Teva n’avait pas établi que certains documents étaient devenus accessibles au public à compter du 19 décembre 2007, ce qui aurait permis de les inclure dans les antériorités. Des parties des dossiers clinicaltrials.gov qui ont été publiés après le 19 décembre 2007, ainsi que le résumé de Kramer et le document de Kramer ont été jugés inadmissibles. Certains aspects des rapports d’experts de MM. Bergstrom et Kwon, qui étaient fondés sur ces documents, n’ont pas été pris en compte.

[190] Teva invoque principalement le brevet 629 et l’article du Dr Citrome comme antériorités pertinentes pour l’évidence. L’article du Dr Citrome est un article de revue publié en avril 2007 qui résume les renseignements relatifs aux essais cliniques en cours et achevés sur la palipéridone. Les données présentées dans le document ont été compilées depuis le site Web clinicaltrials.gov; elles proviennent de 15 études portant sur la préparation orale à libération prolongée et de sept études sur une préparation intramusculaire retard. Les études sur la préparation retard comprenaient six études de phase 3 et une étude de phase 1.

[191] L’article du Dr Citrome n’indique pas de renseignements particuliers sur la préparation, mentionnant simplement que les essais cliniques utiliseront une [traduction] « préparation intramusculaire retard ».

[192] Selon l’article du Dr Citrome et les renseignements correspondants provenant du site clinicaltrials.gov qui étaient disponibles à la date pertinente, les renseignements suivants avaient été divulgués dans l’art antérieur :

[traduction]

Des essais de phase 3 portant sur des doses d’injection retard de palipéridone de 25, 50, 75, 100 et 150 mg éq. étaient en cours;

Un essai de phase 3 portait sur des doses fixes (la même dose administrée chaque jour d’administration) dans le muscle fessier les jours 1, 8, 36 et 64;

Un essai de phase 3 portait sur des doses mensuelles;

Plusieurs essais de phase 3 portaient sur des schémas posologiques à doses fixes;

Un essai de phase 3 portait sur un schéma posologique à doses flexibles, dans le cadre duquel la dose était établie pour chaque patient par le chercheur;

Un essai de phase 1 et un essai de phase 3 évaluaient l’innocuité et la tolérabilité des injections dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier. Selon l’hypothèse de l’essai de phase 3, il n’y aurait pas de différence dans l’innocuité et la tolérabilité entre les injections dans le muscle fessier et celles dans le muscle deltoïde.

[193] Les brevets 629 et 691 divulguent un intervalle de concentrations plasmatiques cibles de palipéridone allant de 10 à 100 ng/ml. Le brevet 691 divulgue des préparations retard aqueuses de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone qui sont efficaces du point de vue thérapeutique pendant environ un mois.

[194] M. Bergstrom a déclaré dans son rapport que la personne moyennement versée dans l’art aurait remarqué qu’un grand nombre des essais susmentionnés étaient des essais de phase 3, ce qui signifie que Janssen aurait eu suffisamment de résultats positifs de phase 2 et que l’établissement du schéma posologique en était à ses dernières étapes. Toutefois, en contre‑interrogatoire, M. Bergstrom a nuancé son opinion, déclarant que les essais montrent que les développeurs du médicament peuvent être à la fin de son développement, mais que les essais de phase 3 ne sont pas toujours couronnés de succès. L’échec des essais de phase 3 impose un travail de développement supplémentaire. M. Bergstrom a aussi reconnu que la mise au point d’une préparation retard est un processus long et difficile, parce que les doses sont données peu fréquemment et qu’il faut donc beaucoup de temps pour évaluer les essais cliniques.

[195] Selon M. Bergstrom, la seule différence entre l’idée originale des revendications du brevet 335 et l’art antérieur est la quantité précise de doses d’attaque et d’entretien, et les sites d’injection. Étant donné que l’article du Dr Citrome a divulgué les résultats d’un essai de phase 3 visant l’administration de doses aux jours 1, 8, 36 et 64, il n’y a aucune différence entre l’art antérieur et le schéma posologique revendiqué. M. Ereshefsky a reconnu qu’il s’agissait du seul schéma précis de doses d’attaques pour une préparation retard de palmitate de palipéridone antérieurement divulguée.

[196] En contre-interrogatoire, M. Bergstrom a expliqué que la personne moyennement versée dans l’art saurait qu’une certaine souplesse du schéma posologique est requise lors de la conception d’un schéma posologique pour les antipsychotiques retard et que les fenêtres posologiques revendiquées sont simplement pratiques. Néanmoins, les fenêtres posologiques sont des éléments essentiels des revendications et elles n’étaient pas divulguées dans l’art antérieur.

[197] Comme l’a fait valoir Janssen, je conclus que les différences entre l’état de la technique et le concept inventif sont les suivantes :

Un schéma posologique d’antipsychotique retard conçu pour atteindre rapidement et de façon sécuritaire des concentrations plasmatiques thérapeutiques sans la nécessité d’une administration orale préalable, d’une supplémentation orale ou d’un ajustement posologique;

Les quantités précises des doses comprises dans les schémas revendiqués;

Une dose d’attaque administrée dans le muscle deltoïde;

Une dose d’entretien administrée de façon interchangeable dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier;

Des fenêtres posologiques de ± 2 jours (deuxième dose d’attaque) et de ± 7 jours (doses d’entretien);

Un schéma posologique modifié pour les patients atteints d’insuffisance rénale.

C. Les différences constituent-elles des étapes qui auraient été évidentes pour la personne moyennement versée dans l’art?

[198] Dans une affaire d’invention pharmaceutique comme celle qui nous occupe, où les progrès de la technique sont souvent le fruit de l’expérimentation, la meilleure façon de répondre à cette question est d’appliquer le critère de l’« essai allant de soi » décrit dans l’arrêt Sanofi, aux paragraphes 69 à 71.

[199] Essentiellement, Teva soutient que l’art antérieur divulgue des schémas posologiques pour des préparations retard de palmitate de palipéridone qui comprennent cinq doses (25, 50, 75, 100 et 150 mg éq.), deux sites d’injection (muscles deltoïde et fessier) et deux calendriers d’administration (tous les mois, ou jours 1 et 8 et tous les mois par la suite). Pour parvenir au schéma posologique revendiqué, la personne moyennement versée dans l’art entreprendrait simplement des essais courants pour arriver aux combinaisons revendiquées de doses, de calendrier d’administration et de sites d’injection.

[200] Comme l’a soutenu Janssen, l’analyse du critère de l’« essai allant de soi » commande la prudence; elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon (Sanofi, au para 64). Les facteurs à prendre en compte sont ceux énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi.

(1) Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

[201] MM. Bergstrom et Ereshefsky ont reconnu que la personne moyennement versée dans l’art devrait comprendre le profil pharmacocinétique de la préparation retard de palipéridone pour concevoir un schéma posologique. À la date pertinente, les données pharmacocinétiques nécessaires chez les humains n’avaient pas été divulguées dans l’art antérieur. La détermination du taux de libération de palipéridone depuis la préparation retard aurait nécessité à tout le moins des essais sur des modèles animaux suivis d’essais chez les humains afin de confirmer et de modifier la posologie au besoin.

[202] M. Bergstrom était d’avis que la personne moyennement versée dans l’art aurait su qu’une dose d’attaque était nécessaire pour parvenir rapidement à des concentrations plasmatiques à l’équilibre; elle se serait donc concentrée sur la posologie d’attaque, comprenant les doses des jours 1 et 8, divulguée dans l’article du Dr Citrome. Toutefois, la personne moyennement versée dans l’art aurait su d’après ses connaissances générales courantes que les doses d’attaque peuvent prendre la forme d’une forte dose initiale, de doses initiales plus fréquentes ou d’une combinaison des deux. Dans l’article du Dr Citrome, le seul essai qui divulguait clairement une posologie d’attaque utilisait des doses fixes, alors que le schéma posologique revendiqué utilise deux doses d’attaque différentes et une dose d’entretien plus faible.

[203] Même si la personne moyennement versée dans l’art entendait adopter un schéma posologique d’attaque, elle devrait réaliser des essais cliniques pour évaluer l’innocuité et l’efficacité d’un grand nombre de paramètres, y compris les doses fixes, les doses variables et les sites d’injection. Bien que je sois d’accord avec Teva pour dire que les schémas posologiques comportent un nombre limité de paramètres, je ne suis pas convaincu que selon l’état de la technique, il y avait un nombre limité de solutions déterminées et prévisibles. Comme l’a fait remarquer lui-même M. Bergstrom, des études étaient nécessaires pour simplement comprendre le profil pharmacocinétique de la palipéridone et les concentrations plasmatiques correspondant à l’intervalle thérapeutique avant d’entreprendre la conception d’un schéma posologique.

[204] De plus, bien que l’article du Dr Citrome ait divulgué une gamme de doses jusqu’à concurrence de 150 mg éq. et un schéma de doses d’attaque comprenant des injections les jours 1 et 8, l’article ne divulguait pas si la combinaison de ces doses et jours d’administration était sûre et efficace. Même si la personne moyennement versée dans l’art aurait pu supposer que les essais de phase 2 s’étaient avérés prometteurs pour que les chercheurs procèdent à un essai de phase 3 en utilisant ce calendrier et ces doses, il n’aurait pas été évident qu’une combinaison des doses, du calendrier d’administration et des sites d’injection divulgués mènerait rapidement et de façon sécuritaire à des concentrations plasmatiques thérapeutiques de palipéridone.

(2) Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils à ce point courants ou l’expérimentation est‑elle à ce point longue et ardue que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[205] Je suis d’accord avec Teva pour dire que la personne moyennement versée dans l’art ne doit pas nécessairement être en mesure de mener les mêmes expérimentations que les inventeurs ont faites pour arriver à l’invention revendiquée (Hospira CAF, au para 94). Cela étant dit, le quatrième facteur, les mesures concrètes, est intrinsèquement lié au deuxième facteur et met en lumière l’ampleur des efforts requis pour arriver à l’invention revendiquée (Sanofi, au para 71; Bristol-Myers Squibb, au para 44).

[206] M. Bergstrom a exposé les étapes qu’aurait suivies la personne moyennement versée dans l’art. Tout d’abord, comme je l’ai indiqué, celle-ci aurait effectué des essais pour comprendre le profil pharmacocinétique de la préparation retard de palipéridone. La personne moyennement versée dans l’art aurait su qu’une posologie d’attaque serait nécessaire à un traitement optimal, parce qu’il faut plusieurs mois pour atteindre l’état d’équilibre quand ce type de préparation retard est administré au moyen d’injections mensuelles seulement. D’après l’intervalle de concentrations plasmatiques de 10 à 100 ng/ml indiqué dans le brevet 629 et les doses et calendriers divulgués dans l’article du Dr Citrome, la personne moyennement versée dans l’art aurait ensuite réalisé un petit essai afin d’examiner un certain nombre de schémas posologiques et de déterminer celui qui entraînerait des concentrations plasmatiques optimales de palipéridone. La personne moyennement versée dans l’art saurait que les doses d’attaque seraient supérieures aux doses d’entretien, et elle se concentrerait sur l’extrémité supérieure de la gamme pour définir la dose d’attaque – de 100 à 150 mg éq. – et sur l’extrémité inférieure de la gamme pour définir la dose d’entretien – de 25 à 100 mg éq. M. Bergstrom ne fournit pas une explication raisonnable de son avis sur ce point.

[207] M. Bergstrom était aussi d’avis que la personne moyennement versée dans l’art aurait prévu que l’injection dans le muscle deltoïde entraînerait une libération et une absorption plus rapides de l’ingrédient actif et aurait donc envisagé le muscle deltoïde comme site d’injection possible pour les doses d’attaque, afin que les concentrations plasmatiques atteignent rapidement l’intervalle thérapeutique.

[208] La simplicité de l’approche de M.Bergstrom est démentie par son accord avec M. Ereshefsky quant au fait que, pour concevoir un schéma posologique, la personne moyennement versée dans l’art aurait d’abord dû mener des études cliniques pour déterminer le profil pharmacocinétique de l’injection de palipéridone. Même si les doses et les calendriers divulgués dans l’article du Dr Citrome constituaient des renseignements utiles, aucun résultat n’était inclus et, en dehors du fait qu’il s’agissait principalement d’essais de phase 3, rien n’indiquait que les doses étudiées étaient sûres ou efficaces.

[209] En fait, la seule étude divulguée dans l’article du Dr Citrome dans laquelle une posologie d’attaque était assurément utilisée comprenait un schéma à doses fixes, c’est-à-dire que chaque dose d’attaque ou dose d’entretien était la même. Rien dans l’article du Dr Citrome n’oriente la personne moyennement versée dans l’art vers un schéma posologique à doses variables, comme celui revendiqué dans le brevet 335. Avant que la personne moyennement versée dans l’art décrite par M. Bergstrom n’effectue des essais cliniques, elle a franchi plusieurs étapes dans la bonne direction vers l’invention revendiquée en bénéficiant d’une quantité très minime, voire inexistante, d’explications sur la marche à suivre. La personne moyennement versée dans l’art aurait su que les schémas posologiques d’attaque peuvent inclure une dose d’attaque élevée, mais cette connaissance n’aurait été qu’un autre facteur que cette personne prendrait en considération au moment de mener ses propres expériences.

[210] Comme l’a fait remarquer M. Ereshefsky, les inventeurs du brevet 335 ont retenu comme concentration plasmatique sécuritaire et efficace une plage de 7,5 à 40 ng/ml, selon les rétrocalculs effectués à partir d’études de phase 3 sur la palipéridone orale à libération prolongée et d’études sur l’occupation du récepteur D2 chez des volontaires humains en santé. De toute évidence, l’intervalle de concentrations plasmatiques divulgué dans le brevet 629 devait être étudié et peaufiné. Il s’agit là d’une autre étape requise comme condition préalable à la conception d’un schéma posologique pour atteindre rapidement et maintenir des concentrations plasmatiques à l’intérieur de cet intervalle sûr et efficace.

[211] Pour ce qui est des sites d’injection, la personne moyennement versée dans l’art aurait su que l’absorption est plus rapide à partir du muscle deltoïde qu’à partir du muscle fessier en raison de l’importante circulation sanguine. Mme Vermeulen a reconnu en contre‑interrogatoire que les inventeurs peuvent avoir prévu que l’injection dans le muscle deltoïde entraînerait une hausse initiale plus rapide de la concentration plasmatique, mais que l’objet de leur étude sur les sites d’injection consistait à établir l’interchangeabilité des sites d’injection, plutôt que l’accroissement rapide de la concentration plasmatique lors d’injections dans le muscle deltoïde. M. Ereshefsky a expliqué que comme l’étape cinétique limitante est la libération du médicament actif depuis le site de l’injection retard, la différence de circulation sanguine aux deux sites d’injection peut n’avoir aucun effet notable pour un médicament donné. Par conséquent, la personne moyennement versée dans l’art n’aurait pas nécessairement prévu une libération plus rapide à partir du muscle deltoïde, comme l’a fait valoir Teva, et le site d’injection est un paramètre qui aurait mérité d’être exploré.

[212] Même si M. Bergstrom estime que les essais de phase 3 indiquent à la personne moyennement versée dans l’art que les essais de phase 2 ont donné des résultats positifs, les essais de phase 3 ne sont pas toujours couronnés de succès. Fait révélateur, M. Bergstrom a reconnu que le développement d’une préparation retard est un processus long et difficile. Cette preuve est conforme au cheminement suivi dans les faits. Janssen a commencé en décembre 2004 – soit trois ans avant la date de revendication – ses études de phase 3 sur l’administration de doses fixes de 25 à 150 mg éq. les jours 1 et 8 et tous les mois par la suite.

[213] Teva soutient que les experts de Janssen se sont concentrés sur la mauvaise question, soit celle de savoir ce que les inventeurs ont fait pour arriver à l’invention revendiquée. Je conviens que l’examen de l’évidence est axé sur la façon dont la personne moyennement versée dans l’art aurait agi à la lumière de l’art antérieur, mais la preuve de ce que les inventeurs ont fait peut être examinée dans le cadre de l’examen de cette notion d’« essai allant de soi ».

[214] Contrairement à ce qu’affirme Teva, à savoir que l’échec des études PSY-3003 et PSY‑3004 s’expliquerait parce que Janssen avait fait fausse route, ce cheminement est conforme au témoignage de M. Bergstrom selon lequel les essais de phase 3 peuvent échouer, auquel cas le développement du médicament retard nécessite plus de travail. Malgré la connaissance de tous les aspects des essais cliniques sur le palmitate de palipéridone qu’ils avaient effectués jusqu’à ce moment, les inventeurs ont dû surmonter d’autres obstacles dans le processus de développement.

[215] Janssen a surmonté en partie ces obstacles en utilisant la modélisation pharmacocinétique de population de M. Samtani pour tenir compte des effets des covariables et perfectionner le schéma posologique. M. Bies a déclaré que la modélisation pharmacocinétique de population de Janssen était soignée et appliquée de façon rigoureuse. Je reconnais la position de Teva selon laquelle le travail de modélisation ne fait pas partie de l’invention revendiquée et ce n’est qu’un des outils que la personne moyennement versée dans l’art aurait pu utiliser pour établir un schéma posologique sûr et efficace. La personne moyennement versée dans l’art n’avait pas à être en mesure d’élaborer un modèle pharmacocinétique de population de la qualité de celui de M. Samtani pour que l’invention soit évidente. Toutefois, cela ne signifie pas que les efforts requis pour réaliser l’invention peuvent être qualifiés de courants.

[216] Les avocats de Teva ont comparé les faits de l’espèce à la conclusion d’évidence dans l’arrêt Ciba. L’idée originale en cause dans l’affaire Ciba était l’utilisation d’un montant « efficace » ayant un effet solidifiant d’une solution pour solidifier un bassin de dépôt. La Cour fédérale avait déterminé que le traitement des boues à l’aide d’une solution aqueuse de polymères hydrosolubles faisait partie des connaissances générales courantes. Le raisonnement de la Cour fédérale a été explicitement confirmé par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 94 :

La personne versée dans l’art serait passée directement et sans problème à l’étape consistant à utiliser le dosage minimum de polymère requis pour obtenir le degré souhaité de rigidification du dépôt de boue. Pour la personne versée dans l’art, c’est une affaire simple que de déterminer, entre autres, la nature du polymère, sa forme et son dosage, et son point d’ajout dans la conduite. Par conséquent, l’addition d’une quantité « efficace » est évidente, puisque la personne versée dans l’art continuerait d’ajouter le polymère nécessaire pour obtenir le résultat nécessaire et cesserait l’ajout une fois qu’il y aurait surdosage.

[217] Teva soutient qu’en l’espèce, l’article du Dr Citrome et le brevet 629 indiquent la voie à suivre, et que la personne moyennement versée dans l’art n’a qu’à effectuer des essais de routine pour arriver directement au schéma posologique revendiqué. Je ne suis pas d’accord. Le contexte des deux inventions est très différent. L’application d’un montant « efficace » de polymère à des boues minières est assez différente de la mise au point d’un schéma posologique sécuritaire et efficace qui exige que les concentrations plasmatiques soient maintenues à un intervalle particulier. Il n’est pas possible de cesser simplement l’administration une fois qu’une surdose survient dans le développement pharmaceutique.

[218] Vu l’identité collective de la personne moyennement versée dans l’art et ses connaissances générales courantes qui ont été définies, et vu les nombreuses étapes nécessaires pour même commencer à évaluer les schémas posologiques possibles utilisant des doses, des calendriers d’administration des doses et des sites d’injection divulgués dans l’article du Dr Citrome, cette personne aurait dû effectuer des expérimentations longues et ardues au point que les essais ne seraient pas considérés comme routiniers. Compte tenu de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, les efforts requis pour arriver au schéma posologique revendiqué étaient considérables.

(3) Trouve-t-on dans l’art antérieur des raisons de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[219] Les experts ont convenu qu’il y aurait eu une motivation générale à développer une préparation retard de palipéridone, mais pas nécessairement une motivation particulière à développer les schémas posologiques contenus dans le brevet 335. La personne moyennement versée dans l’art aurait été au courant des avantages des préparations retards par rapport aux traitements oraux pour les patients ayant des problèmes de non-observance. Cependant, à l’époque, les préparations retards étaient indiquées comme traitement d’entretien, et non pas pour les patients qui éprouvent des symptômes aigus, et les schémas posologiques connus exigeaient une administration orale, une supplémentation orale ou un ajustement posologique.

D. Conclusion sur l’évidence

[220] Teva reconnaît que les inventeurs étaient probablement talentueux et motivés, mais qu’en fin de compte, ils effectuaient un [traduction] « travail spécialisé » à l’aide d’outils normalisés pour régler des problèmes couramment rencontrés dans le développement pharmaceutique. Par conséquent, selon Teva, les travaux effectués ne sont pas au niveau [traduction« inventif » et ne méritent pas une protection par brevet (Amgen Canada Inc c Apotex Inc, 2015 CF 1261 aux para 84, 85 et 101).

[221] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve d’expert et l’art antérieur, je ne suis pas convaincu que Teva se soit acquittée de son fardeau. Bien qu’individuellement ou ensemble, les éléments des revendications dépendantes qui ont trait à la préparation ne soient pas inventifs, chacune des revendications en cause du brevet 335 intègre un des schémas posologiques comme éléments essentiels. Teva s’appuie principalement sur l’opinion d’expert de M. Bergstrom selon laquelle les revendications sont évidentes. Son témoignage est toutefois affaibli par les changements de sujet inexpliqués qu’il fait de l’état de la technique au moment où il dit que la personne moyennement versée dans l’art entamerait ses essais de routine (Bridgeview, au para 53).

[222] En l’absence de connaissance du schéma posologique revendiqué, ces changements de sujet n’auraient pas été possibles, et je suis donc d’accord avec Janssen pour dire que M. Bergstrom a mal utilisé sa rétroaction pour tirer sa conclusion. Il a décomposé le schéma posologique en ses parties constitutives et, étant donné que bon nombre de ces parties ont été divulguées individuellement dans l’article du Dr Citrome, il a conclu que la combinaison revendiquée était donc évidente (Bridgeview, au para 51).

[223] Reconnaissant que la notion d’« essai allant de soi » énoncée dans l’arrêt Sanofi n’est pas exhaustive, après avoir examiné les facteurs susmentionnés, je suis convaincu que la différence entre l’état de la technique et l’idée originale des revendications du brevet 335 n’aurait pas été évidente pour la personne moyennement versée dans l’art.

[224] Je conclus que la combinaison des éléments du schéma posologique revendiqué est inventive et que les revendications en cause dans le brevet 335 ne sont pas évidentes.

VIII. Contrefaçon

[225] En vertu de l’article 6 du Règlement, Janssen sollicite une déclaration portant que la fabrication, la construction, l’exploitation ou la vente du produit de palmitate de palipéridone de Teva, conformément à sa PADN, contreferait le brevet 335. La contrefaçon s’entend de tout acte qui prive le breveté et son représentant légal du droit, de la faculté et du privilège exclusif de fabriquer, construire et vendre l’invention à d’autres (Loi sur les brevets, art 42). Il incombe à Janssen de prouver la contrefaçon (Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34 au para 29 [Monsanto]).

[226] Pour déterminer si une revendication d’un brevet est violée, la Cour doit en donner une interprétation téléologique et en déterminer les éléments essentiels, puis déterminer si le produit qui emporterait contrefaçon est visé par les revendications du brevet (Free World Trust, aux para 48‑49). Il n’y a pas contrefaçon lorsqu’un élément essentiel est différent ou omis, mais il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis (Free World Trust, au para 31).

[227] Il est bien établi que les allégations d’absence de contrefaçon aux termes du Règlement ne renvoient qu’aux actes de la « seconde personne » – en l’espèce, Teva –, et que la contrefaçon dans ce contexte vise à la fois la contrefaçon directe et la contrefaçon indirecte par incitation (Aventis Pharma Inc c Pharmascience Inc, 2006 CAF 229 aux para 55‑59). En l’absence d’influence de Teva, les actes de contrefaçon de tiers ne justifient pas une conclusion de contrefaçon en vertu du Règlement (Novopharm Limited c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2007 CAF 167 aux para 10‑11 [Novopharm]).

[228] Mentionnons, à titre de point préliminaire applicable à toutes les revendications, que je suis convaincu que le produit de Teva intègre tous les éléments du brevet 335 qui ont trait à la préparation.

[229] Le seul argument avancé par Teva quant à l’absence de contrefaçon concernant la préparation est un argument relativement faible, voulant que chacun des produits proposés par Teva contiendra plus de 110 % de la quantité indiquée de palmitate de palipéridone. M. Rabinow a expliqué dans son rapport que conformément au principe de fabrication généralement connu de [traduction« sur-remplissage », des quantités supérieures sont incluses dans chaque seringue pour que le patient reçoive réellement la quantité voulue de palmitate de palipéridone lors de l’administration. Les revendications utilisent le libellé suivant : [traduction« dose […] de la préparation retard, renfermant l’équivalent d’environ [quantité] mg de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone » (non souligné dans l’original). À mon avis, la dose mentionnée est celle donnée au patient. Cette interprétation est conforme à la MP et à l’emballage de Teva, qui indiquent que les doses de palmitate de palipéridone sont de 150, 100, 75, 50 et 25 mg éq., et non les quantités accrues qui correspondent au sur-remplissage.

[230] Selon le Document certifié d’information sur les produits présenté par Teva à Santé Canada et le témoignage non contredit de M. Rabinow, Janssen s’est acquittée de son fardeau d’établir que le produit à base de palmitate de palipéridone de Teva intégrerait tous les éléments de la préparation du brevet 335, y compris les quantités d’ingrédients actifs et inactifs, le pH, la taille des particules et le choix des ingrédients inactifs.

[231] De même, les revendications 15, 16, 31, 32, 47 et 48 se limitent au traitement de patients atteints de schizophrénie ou du trouble schizo-affectif seulement. Le produit de Teva est indiqué pour le traitement des deux troubles; ainsi, si les revendications indépendantes dont elles dépendent sont contrefaites, les revendications 15, 16, 31, 32, 47 et 48 seront contrefaites.

[232] Par conséquent, le cœur du litige relatif à la contrefaçon réside dans les revendications indépendantes 1, 2, 17, 18, 33 et 34. J’examinerai s’il y a eu contrefaçon directe ou indirecte de ces revendications.

A. Contrefaçon directe

[233] Janssen soutient que Teva contreviendra directement aux revendications 1 à 16 et 33 à 48 en vendant son produit de palmitate de palipéridone. Janssen est d’avis que ces deux ensembles de revendications sont des revendications de produit et qu’aucune utilisation active n’est donc requise pour étayer une conclusion de contrefaçon.

[234] Teva soutient que, étant donné qu’elle ne prescrit pas ni n’administre aucun médicament, elle ne peut pas contrevenir à ces revendications, puisqu’elles nécessitent toutes une administration conforme aux schémas posologiques revendiqués. Subsidiairement, Teva fait valoir que, dans la mesure où la Cour détermine que l’administration aux patients n’est pas un élément essentiel des premier et troisième ensembles de revendications, Teva ne les violera pas directement, puisqu’elle n’administrera pas directement le produit conformément aux schémas posologiques revendiqués.

[235] Comme je l’ai déjà mentionné, les parties conviennent que Teva ne violera pas directement les revendications 17 à 32 quant à [traduction] l’« utilisation », et la Cour n’examinera que la question de l’incitation à la violation de ces revendications.

[236] Janssen s’appuie sur la décision Hospira CF rendue par le juge Phelan pour étayer sa position. Certaines des revendications en cause dans cette affaire concernaient un médicament contenant du méthotrexate utilisé dans l’administration d’un traitement d’appoint à des patients atteints d’arthrite rhumatoïde (Hospira CF, annexe B, revendications 17 et 18). La MP d’Hospira énonçait que l’Inflectra était indiqué pour « l’utilisation en association avec le méthotrexate pour réduire les signes et symptômes, inhiber la progression des lésions structurelles et améliorer les fonctions physiques chez le patient adulte souffrant de polyarthrite rhumatoïde modérément à gravement active ».

[237] Le juge Phelan a conclu que l’Inflectra devait être pris avec du méthotrexate. Le fait qu’Hospira n’ait pas elle-même administré le traitement d’appoint n’a pas suffi à fonder l’argument d’absence de contrefaçon d’Hospira. Abstraction faite de quatre revendications dépendantes, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté par Hospira à l’égard de la contrefaçon (Hospira CAF, aux para 116‑119).

[238] Dans ses observations, Janssen affirme que la preuve qu’une entreprise fabricant des produits génériques propose de fabriquer et de vendre ses préparations pharmaceutiques à administrer selon le schéma posologique breveté suffit à démontrer une contrefaçon directe de ces types de revendications (AlliedSignal Inc c Du Pont Canada Inc (1993), 50 CPR (3d) 1 (CF 1re inst.) à la p 19, inf en partie pour d’autres motifs par (1995), 61 CPR (3d) 417 (CAF), qui confirme expressément l’analyse de la contrefaçon effectuée par le juge de première instance).

[239] En ce qui concerne le calendrier d’administration, les doses et les sites d’injection, Janssen soutient que la MP de Teva précise les indications et les instructions posologiques approuvées, qui comprennent l’administration selon les schémas posologiques revendiqués dans le brevet 335. Janssen s’appuie sur la conclusion de la Cour dans la décision Hospira CF, selon laquelle une MP constitue une preuve convaincante de l’utilisation de produits dans le cadre d’un examen de la contrefaçon directe (Hospira CF, au para 302). La notice d’accompagnement et les étiquettes du produit contiendront des renseignements posologiques.

[240] Il faut chercher à savoir si le produit Teva intégrera tous les éléments essentiels d’une des revendications si Teva vend son produit au Canada. J’examinerai d’abord la revendication 1 en fonction de ses éléments constitutifs. Les éléments essentiels de la revendication sont en caractères gras, suivis des éléments de preuve pertinents concernant le produit de palmitate de palipéridone de Teva.

[241] Des seringues préremplies contenant une préparation retard de palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone, formulée en tant que suspension aqueuse de nanoparticules : La MP et les étiquettes de produit de Teva indiquent que le produit de Teva se présente en seringues préremplies individuelles, contenant une suspension injectable à libération prolongée de palmitate de palipéridone. Les étiquettes de produit indiquent que l’eau représente un ingrédient non médicinal et que la seringue contient une suspension à libération prolongée. Comme je l’ai indiqué, le produit de Teva intègre les aspects relatifs à la préparation de toutes les revendications.

[242] Pour administration par injection intramusculaire à un patient psychiatrique ayant besoin d’un traitement de la schizophrénie, du trouble schizo-affectif ou du trouble schizophréniforme : Les étiquettes de produit indiquent que le produit est [traduction] « destiné uniquement à l’administration intramusculaire » et la MP indique que la voie d’administration est une « injection intramusculaire ». Le Dr Agid a déclaré que si le produit de Teva entrait sur le marché, la suspension de palmitate de palipéridone serait administrée par voie intramusculaire.

[243] Les étiquettes de produits donnent des instructions posologiques pour les adultes atteints de schizophrénie et du trouble schizo-affectif. La MP de Teva précise que le produit de Teva est indiqué dans le traitement de la schizophrénie et du trouble schizo‑affectif. M. Boughner, directeur principal de la gestion commerciale de Teva, a reconnu en contre‑interrogatoire que la MP de Teva informe les professionnels des soins de santé que le produit de Teva est destiné au traitement des deux troubles.

[244] Une première dose d’attaque d’environ 150 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement : Teva vendra des seringues préremplies contenant une dose d’environ 150 mg éq. de palmitate de palipéridone, en tenant compte du sur‑remplissage. La MP de Teva indique que pour les patients atteints de schizophrénie et du trouble schizo-affectif, le schéma d’instauration recommandé commence par une dose de 150 mg. Telle qu’elle est interprétée, la dose d’attaque est une dose utilisée pour faire passer rapidement la concentration plasmatique du médicament dans l’intervalle thérapeutique souhaité. La MP de Teva indique que les doses du schéma d’instauration recommandé sont administrées « afin d’atteindre rapidement la concentration thérapeutique ». Par conséquent, cette dose est définie comme une dose d’attaque dans la MP.

[245] Le schéma d’instauration recommandé dans la MP de Teva indique que la dose de départ de 150 mg doit être administrée dans le muscle deltoïde le jour 1 du traitement. De même, les étiquettes de produit indiquent [traduction] « Jour 1 : 150 mg administrés dans le muscle deltoïde » pour le traitement de la schizophrénie et du trouble schizo-affectif.

[246] Une deuxième dose d’attaque d’environ 100 mg éq. de palipéridone injectée dans le muscle deltoïde le jour 8 du traitement ± 2 jours : Teva vendra des seringues préremplies contenant une dose d’environ 100 mg éq. de palmitate de palipéridone, en tenant compte du sur‑remplissage. La MP de Teva précise une dose de 100 mg le jour 8 administrée dans le muscle deltoïde dans le cadre du schéma d’instauration, et les étiquettes de produit indiquent [traduction« Jour 8 (une semaine plus tard) : 100 mg administrés dans le muscle deltoïde ».

[247] La section « Doses manquées » de la MP de Teva indique que les patients peuvent recevoir la deuxième dose jusqu’à quatre jours avant ou après le délai d’une semaine. Bien que cette fenêtre posologique soit plus large que celle revendiquée, la MP de Teva recommande tout de même que la deuxième dose de départ soit donnée une semaine après la première dose et, en tout état de cause, deux des quatre jours précédant ou suivant la date recommandée se situent à l’intérieur du calendrier d’administration revendiqué.

[248] Des doses d’entretien continues de 75 mg éq. de palipéridone injectées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier tous les mois ± 7 jours par la suite : Teva vendra des seringues préremplies contenant une dose d’environ 75 mg éq. de palmitate de palipéridone, en tenant compte du sur‑remplissage. Comme on l’a interprété, cet élément n’est pas une seringue unique, mais plusieurs seringues à utiliser selon un calendrier d’entretien continu. Teva vendra plusieurs seringues préremplies, ce qui comprend des seringues de 75 mg éq. de palmitate de palipéridone.

[249] Pour ce qui est du calendrier d’administration, la MP de Teva renvoie constamment à une « dose d’entretien mensuelle ». Comme pour l’interprétation de cette expression dans les revendications, une compréhension raisonnable de l’expression « dose d’entretien mensuelle » dans la MP de Teva est que les doses d’entretien doivent être administrées selon un calendrier continu. La section « Doses manquées » de la MP de Teva indique que les patients peuvent recevoir la dose mensuelle jusqu’à sept jours avant ou après le délai d’un mois.

[250] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||

[251] La MP et les étiquettes de produit de Teva recommandent que les doses d’entretien mensuelles soient administrées dans le muscle deltoïde ou le muscle fessier.

[252] Pour conclure, Janssen a établi que le produit de Teva intégrera tous les éléments essentiels de la revendication 1 du brevet 335. Si Teva devait commercialiser et vendre ses seringues préremplies de palmitate de palipéridone, elle contreferait le brevet 335. Je ne peux accepter la position de Teva selon laquelle il n’y aurait aucune contrefaçon directe puisqu’elle n’imposera pas l’utilisation des schémas posologiques revendiqués. Comme l’a dit de façon concise l’avocat de Janssen, [traduction] « l’utilisation possible, approuvée et voulue du produit de Teva précisée dans la MP de Teva intègre tous les éléments de la posologie et de l’administration ».

[253] La MP de Teva indique que les seringues préremplies qui seront vendues par Teva peuvent être administrées conformément au schéma posologique revendiqué. Bien que cette information ne puisse pas atteindre le niveau [traduction] d’« incitation à contrefaire » suffisant pour inciter les professionnels à prescrire et à utiliser les seringues conformément au schéma posologique revendiqué, il suffit d’établir une contrefaçon directe des revendications de produit.

[254] La MP de Teva indique également que ses seringues préremplies peuvent être administrées selon d’autres schémas posologiques non contrefaisants. Cependant, Teva n’a pas besoin d’ordonner que le schéma posologique revendiqué soit le seul schéma, ou même le schéma recommandé, suivant lequel ses seringues devraient être administrées. La vente de seringues préremplies adaptées à l’administration conformément au schéma posologique revendiqué, comme indiqué dans la MP de Teva, privera Janssen de la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet 335 (Monsanto, au para 34). L’utilisation réelle des seringues conformément au schéma posologique revendiqué n’est pas requise.

[255] La même conclusion s’applique à la revendication 2 selon l’ajustement de la posologie pour les patients atteints d’insuffisance rénale indiquée dans la MP de Teva. Vu l’analyse que nous avons faite sur la préparation et les limites des indications dans les revendications dépendantes, Teva contreviendra directement aux revendications 3 à 16.

[256] Conformément à l’interprétation du troisième ensemble de revendications concernant l’utilisation de la palipéridone sous forme de palmitate de palipéridone dans la préparation et la fabrication d’un médicament adapté à une administration selon le schéma posologique revendiqué, Teva contreviendra également directement aux revendications 33 à 48 en fabriquant ou en vendant son produit de palmitate de palipéridone, ainsi qu’en raison de sa MP qui indique que les seringues préremplies peuvent être administrées selon le schéma posologique revendiqué.

B. Contrefaçon indirecte par incitation

[257] Dans les demandes présentées en vertu de l’ancien régime des médicaments brevetés (avis de conformité), l’examen qu’il fallait effectuer visait à déterminer si les allégations d’absence de contrefaçon étaient justifiées. En vertu des modifications de septembre 2017, les instances introduites en vertu du Règlement sont des actions complètes en matière de brevets. Dans le cadre d’affaires d’incitation introduites sous le régime antérieur à septembre 2017, la Cour a fait remarquer que, si le médicament générique était commercialisé et commençait à inciter à la contrefaçon, le propriétaire de la marque pourrait encore intenter une action en contrefaçon (voir, par exemple, Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 388 au para 33; Lundbeck Canada Inc c Ratiopharm Inc, 2009 CF 1102 au para 383 [Lundbeck]). Ce n’est plus le cas sous le nouveau régime.

[258] À partir d’environ 2006, la jurisprudence de la Cour fédérale reconnaît clairement que la simple vente par un fabricant de médicaments génériques d’un ancien médicament pour une ancienne utilisation ne constituera pas une contrefaçon d’un brevet portant sur une nouvelle utilisation de ce médicament, à moins que « quelque chose de plus » que la vente soit établi. « Quelque chose de plus » peut être l’incitation à la contrefaçon (Novopharm, aux para 10‑11). Le breveté doit établir la contrefaçon par un tiers et l’existence d’un lien entre les actes de contrefaçon du tiers et le fabricant de médicaments génériques. La MP joue un rôle clé dans la détermination de l’incitation (AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), 2002 CAF 421 au para 55).

[259] Les affaires relatives à de « nouvelles utilisations d’un composé existant » indiquent de façon assez constante que « quelque chose de plus » est établi lorsque la MP renvoie à la « nouvelle » utilisation constituant une contrefaçon directe ou indirecte (Genpharm Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2002 CAF 290; AB Hassle c Genpharm Inc, 2003 CF 1443 [AB Hassle CF], conf par Genpharm Inc c AB Hassle, 2004 CAF 413 [AB Hassle CAF]; Aventis Pharma Inc c Apotex Inc, 2005 CF 1381 [Aventis Pharma]; Abbott Laboratories Limited c Canada, 2006 CF 1411 [Abbott Laboratories], conf par Novopharm Ltd c Abbott Laboratories Limited, 2007 CAF 251).

[260] Lorsque la MP ne renvoie clairement qu’à l’« ancienne » utilisation ne constituant pas une contrefaçon, les allégations d’absence de contrefaçon sont établies (AB Hassle c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2001 CFPI 1264, conf par 2002 CAF 421; Novopharm). Il en va de même dans les cas où il y a des allégations de [traduction« polythérapie » : lorsque la MP ne renvoie directement qu’à la monothérapie et à l’un des éléments requis de la combinaison, les allégations d’absence de contrefaçon ont été retenues (Lundbeck).

[261] En règle générale, ces affaires n’ont pas tenu compte du critère tripartite de l’incitation, mais ont plutôt mis l’accent sur la contrefaçon par un tiers et un certain lien avec l’entreprise fabricant des médicaments génériques, habituellement établi par des renvois inclus dans la MP. Notamment, les deuxième et troisième volets du critère de l’incitation – l’influence du médicament générique sur la partie contrevenante et la connaissance que cette influence entraînera une contrefaçon – ne semblent pas avoir été examinés de façon approfondie.

[262] À l’inverse, dans des affaires plus récentes, la Cour a scrupuleusement évalué le critère à trois volets relatif à l’incitation énoncé dans Corlac Inc c Weatherford Canada Ltd, 2011 CAF 228 au para 162 [Corlac], en mettant particulièrement l’accent sur le deuxième volet : « l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu » (Bayer Inc c Pharmaceutical Partners of Canada Inc, 2015 CF 797 au para 49 [Bayer], conf par Bayer Inc c Fresenius Kabi Canada Ltd, 2016 CAF 13; Janssen Inc c Apotex Inc, 2019 CF 1355 aux para 232‑234 [Janssen]; Allergan Inc c Canada (Santé), 2011 CF 1316 aux para 145‑171).

[263] En particulier, dans la décision Bayer, la juge Strickland a réitéré l’exigence selon laquelle le breveté doit démontrer que, sans l’influence de la deuxième personne, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu (Bayer, aux para 49 et 80). De même, dans la décision Janssen, le juge Phelan a souligné l’exigence du « sans cette influence » et a déclaré que le seuil à atteindre pour répondre au critère relatif à l’incitation à la contrefaçon est « très rigoureux » (Janssen, aux para 232‑234).

[264] L’absence d’influence exigée au deuxième volet du critère énoncé dans la décision Corlac exige un seuil plus élevé que dans les affaires précédentes pour établir l’incitation. Même si le droit établit que l’incitation est nécessaire, le critère du « sans cette influence » est assez différent d’un « encourage[ment à] la contrefaçon » (Abbott Laboratories, au para 40), d’une « mention subtile » de l’utilisation constituant une contrefaçon (AB Hassle CF, au para 155) ou d’une « tent[ative] d’inciter d’autres sociétés à s’adonner à la contrefaçon » (AB Hassle CAF, au para 17).

[265] Lorsque la Cour a examiné le critère de l’incitation énoncé dans la décision Corlac, le résultat a porté sur les renvois particuliers dans la MP. Dans l’affaire Bayer, bien que la MP indiquait que le produit de moxifloxacine de l’entreprise fabricant des médicaments génériques était « compatible » avec des solutions de chlorure de sodium, la MP a en fait recommandé de ne pas respecter la coadministration des solutions de moxifloxacine et de chlorure de sodium, qui constituait une contrefaçon. À l’inverse, dans les affaires Hospira et Janssen, les MP recommandaient expressément les polythérapies constituant des contrefaçons.

[266] Un autre facteur important dans toutes ces affaires est le libellé des revendications elles-mêmes. Comme l’a souligné le juge Phelan dans la décision Janssen, pour établir l’incitation, l’incitateur présumé doit inciter à la contrefaçon de tous les éléments essentiels des revendications en cause. Lorsque les revendications visent une nouvelle utilisation d’un composé existant, la MP doit prescrire directement ou indirectement la nouvelle utilisation afin d’établir l’incitation. De même, lorsque le brevet revendique l’utilisation d’un composé, la MP doit prescrire au contrefacteur d’utiliser le composé afin d’établir l’incitation.

[267] Dans la présente affaire, les revendications visent un schéma posologique. Bien qu’aucune des affaires susmentionnées ne concernait des revendications visant un schéma posologique, un schéma posologique est à mon avis analogue à une polythérapie, en ce sens que les doses et les intervalles d’administration doivent être combinés pour arriver à l’invention revendiquée. En effet, la Cour a déjà déterminé qu’un schéma posologique cyclique était une invention par combinaison (Compagnie Pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 204 au para 26).

[268] Le critère de l’incitation à la contrefaçon est bien établi et une conclusion d’incitation exige l’application du critère tripartite énoncé dans la décision Corlac au paragraphe 162 :

i.l’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct;

ii.l’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu;

iii. l’influence doit avoir été exercée sciemment par le vendeur, autrement dit le vendeur doit savoir que son influence entraînera l’exécution de l’acte de contrefaçon.

[269] Janssen soutient que Teva incitera à la contrefaçon des trois ensembles de revendications si elle commercialisait son produit de palmitate de palipéridone.

(1) L’acte de contrefaçon doit avoir été exécuté par le contrefacteur direct

[270] Bien que Teva soutienne que Janssen n’a pas prouvé qu’il y aura réellement contrefaçon et que les allégations ne peuvent établir la contrefaçon, la combinaison des données d’IMS concernant INVEGA SUSTENNA, le témoignage des pharmaciens selon lequel le produit de Teva sera probablement interchangeable avec INVEGA SUSTENNA et le témoignage d’expert des médecins prescripteurs suffit pour établir qu’à tout le moins certains patients recevront des doses du produit de palmitate de palipéridone de Teva correspondant aux schémas posologiques revendiqués de 150 mg éq. le jour 1, 100 mg éq. le jour 8 et 75 mg éq. tous les mois par la suite pour les patients qui ne présentent pas d’insuffisance rénale et de 100 mg éq. le jour 1, 75 mg éq. le jour 8 et 50 mg éq. tous les mois par la suite pour les patients atteints d’insuffisance rénale.

[271] Bien que les données d’IMS et le témoignage de la Dre Allain indiquent qu’un grand nombre de patients prenant INVEGA SUSTENNA reçoivent 100 mg éq. ou 150 mg éq. comme dose d’entretien, le Dr Agid était d’avis qu’un grand nombre de ses patients recevaient des doses d’entretien de 75 mg éq. Le Dr Simm a reconnu en contre‑interrogatoire qu’il a traité au moins certains patients par INVEGA SUSTENNA en utilisant le schéma revendiqué de 150 mg éq. le jour 1 dans le muscle deltoïde, 100 mg éq. le jour 8 dans le muscle deltoïde et 75 mg éq. comme dose d’entretien permanente. Le Dr Simm a déclaré qu’il était très probable qu’au moins certains patients reçoivent le produit à base de palipéridone de Teva conformément aux schémas posologiques revendiqués dans le brevet 335 pour les patients atteints d’insuffisance rénale et ceux qui ne le sont pas.

[272] Par conséquent, bien que les actes de contrefaçon puissent être rares et espacés, au moins certains médecins prescriront et administreront des injections de palmitate de palipéridone correspondant aux schémas posologiques revendiqués dans le brevet 335.

(2) L’exécution de l’acte de contrefaçon doit avoir été influencée par les agissements du présumé incitateur de sorte que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas eu lieu

[273] Il s’agit de l’aspect clé de l’analyse de l’incitation. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[274] Janssen soutient que le seuil à atteindre pour établir l’incitation sur le fondement la MP n’est pas élevé, et, en tout état de cause, il n’est pas nécessaire de recourir à des « mention[s] subtile[s] » dans la MP. Selon Janssen, la MP de Teva va au-delà du simple encouragement et contient des instructions claires et explicites selon lesquelles le produit de Teva est approuvé pour une utilisation constituant une contrefaçon.

[275] Je suis d’accord avec Janssen pour dire que la MP de Teva fait plus qu’une simple mention subtile du schéma posologique constituant une contrefaçon. En effet, la dose d’entretien de 75 mg éq. est l’une des doses d’entretien « recommandées » pour les patients atteints de schizophrénie, mais pas d’insuffisance rénale. |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[276] La jurisprudence confirme que la MP est un document clé pour l’analyse de l’incitation, et que l’intégralité de la MP doit être prise en compte (Aventis Pharma, aux para 51‑52). En ce qui concerne le schéma posologique recommandé, la section « Posologie et administration » de la MP de Teva est pertinente. Le schéma posologique recommandé pour les patients adultes atteints de schizophrénie ou du trouble schizo-affectif se trouve aux pages 30 et 31 :

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[277] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[278] Les experts de Teva ont déclaré que les médecins prescripteurs n’examinent pas les MP de médicaments génériques une fois qu’ils connaissent bien les MP et l’utilisation subséquente des produits de marque. |||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[279] Le schéma posologique recommandé pour les patients atteints d’insuffisance rénale se trouve sous la rubrique « Ajustement posologique pour les populations particulières » à la page 33 de la MP de Teva :

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[280] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[282] À la lecture de la phrase dans son ensemble, je suis d’accord avec la Dre Allain pour dire que, comme pour les doses d’entretien pour les patients non atteints d’insuffisance rénale, la MP de Teva recommande que le médecin prescripteur choisisse la dose d’entretien pour les patients atteints d’insuffisance rénale en fonction des caractéristiques individuelles du patient.

[283] Étant donné que les actes de contrefaçon doivent être influencés par Teva au point que, sans cette influence, la contrefaçon directe n’aurait pas lieu, l’argument de Janssen relatif à l’incitation à la contrefaçon de toutes les revendications du brevet 335 doit être rejeté.

[284] Les Drs Simm et Allain ont déclaré que les médecins ne consultent pas les MP génériques lorsqu’ils connaissent bien les modalités de prescription du produit de marque. La Dre Allain prescrit habituellement une dose d’entretien de 100 à 150 mg éq à ses patients. De même, le Dr Simm a déclaré que, selon son expérience, la dose d’entretien appropriée est établie individuellement pour chaque patient et que, dans la plupart des cas, la dose d’entretien de départ est de 100 mg éq. Les Drs Simm et Allain étaient d’avis que les médecins examineront les facteurs suivants au moment de déterminer la dose d’entretien appropriée pour un patient donné :

la réaction du patient aux antipsychotiques retard ou oraux antérieurs;

le degré de maîtrise des symptômes du patient;

les effets secondaires éprouvés par le patient;

l’âge et la santé physique du patient.

[285] Les experts de Teva ont abondé dans le même sens, à savoir que les médecins prescrivant des doses d’entretien de palmitate de palipéridone ne seront pas influencés par la MP de Teva. Leur témoignage est aussi conforme aux déclarations formulées par Janssen dans un document soumis à Santé Canada, selon lesquelles [traduction« la bonne pratique clinique consiste à individualiser le traitement selon les symptômes cliniques » et [traduction« l’individualisation de la dose de palmitate de palipéridone peut commencer dès le jour 36, soit le moment correspondant à la troisième injection ».

[286] Parmi les médecins, le Dr Agid a soutenu une opinion marginale quant aux pratiques de prescription, affirmant que les médecins suivaient scrupuleusement la MP. INVEGA SUSTENNA était alors sur le marché depuis plus de dix ans, et les professionnels de la médecine psychiatrique connaissent très bien son utilisation dans leur pratique. Je ne suis pas d’accord pour dire que les médecins vont renoncer à une bonne pratique clinique en faveur d’une recommandation générale dans une MP.

[287] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| La preuve en l’espèce indique que la dose d’entretien dépend véritablement des caractéristiques individuelles du patient, comme son âge, son poids et sa tolérance aux antipsychotiques.

[288] Janssen souligne que la MP de Teva sera déterminante quant à l’ajout du produit de palipéridone de Teva sur les listes de médicaments des hôpitaux. Quoi qu’il en soit, selon le témoignage d’expert privilégié, la MP elle-même n’entraîne pas dans les faits la prescription et l’utilisation d’une dose d’entretien de 75 mg éq. de palmitate de palipéridone.

[289] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, en particulier des témoignages des Drs Simm et Allain et de M. Virani, selon lesquels les médecins et les pharmaciens doivent tenir compte des caractéristiques individuelles du patient lorsqu’ils prescrivent des préparations de palmitate de palipéridone plutôt que de suivre aveuglément un nombre fourni dans une MP, je ne suis pas convaincu que la MP de Teva incite les médecins à prescrire les doses d’entretien revendiquées au point où, en l’absence de renseignements sur les doses dans la MP de Teva, aucune contrefaçon directe n’aurait lieu.

[290] Vu cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner le troisième volet du critère de l’incitation énoncé dans la décision Corlac. Teva n’inciterait pas à la contrefaçon du brevet 335 si elle commercialisait son produit de palmitate de palipéridone. Teva doit être consciente qu’il y aurait au moins une certaine contrefaçon par des tiers, mais cette contrefaçon serait le résultat de la compétence et du jugement des médecins prescripteurs à appliquer des caractéristiques particulières aux patients, plutôt que de l’influence exercée par Teva au moyen de sa MP.

IX. Conclusion

[291] En conclusion, Teva n’a pas établi que l’une ou l’autre des revendications en cause est invalide pour cause d’évidence. Janssen a convaincu la Cour que Teva contreviendrait directement aux revendications 1 à 16 et 33 à 48 du brevet 335 si elle commercialisait son produit de palmitate de palipéridone.

X. Dépens

[292] En vertu de l’article 6.12 du Règlement, la Cour peut rendre toute ordonnance relative aux dépens conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. La Cour peut notamment tenir compte de la diligence des parties à poursuivre l’action et de la mesure dans laquelle elles ont collaboré de façon raisonnable à son règlement expéditif.

[293] La Cour tient à souligner la remarquable coopération des parties après qu’un témoin clé est tombé malade dans les semaines précédant la date initiale du procès. Elles ont collaboré avec la Cour pour le report du procès de quelques mois et la prolongation en conséquence de la suspension prévue par la loi, ce qui n’a pas été une mince tâche étant donné le volume de la preuve et le nombre de témoins. La Cour est reconnaissante envers les avocats des deux parties pour leurs efforts.

[294] Les parties ont convenu que la partie ayant gain de cause devrait avoir droit à des dépens évalués à 35 % des honoraires réels, plus tous les débours, sous réserve d’observations concernant le caractère raisonnable du montant total des honoraires réels et des débours.

[295] Par conséquent, Janssen a droit à 35 % de ses honoraires réels et à tous les débours.


JUGEMENT dans le dossier T-353-18

LA COUR STATUE que :

« Michael D. Manson »

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.



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