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Date : 20200505


Dossier : T-1736-18

Référence : 2020 CF 586

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

OBSIDIAN GROUP INC.

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La demanderesse, Obsidian Group Inc. [Obsidian ou la demanderesse], interjette appel, conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [la LMC], de la décision rendue le 1er août 2018 [la décision] par le registraire des marques de commerce. Le registraire a rejeté la demande d’enregistrement no 1689088 [la demande no 088] pour la marque de commerce FREDDO parce qu’il a conclu que la marque de commerce visée par la demande [pour des produits liés au thé et au café, des produits liés à des bijoux et d’autres marchandises, et des services liés aux restaurants et aux franchises] crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes : FREDDA, enregistrement no LMC284310 [pour [traduction] « boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées »], et FREDDO, enregistrement no LMC520143 [pour [traduction] « crèmes glacées » et « exploitation de comptoirs de crème glacée »] [collectivement, les marques invoquées ou les enregistrements invoqués]. Par conséquent, après avoir conclu sur le fondement de l’alinéa 12(1)d) de la LMC que la marque visée par la demande n’était pas enregistrable, il a rejeté la demande no 088, conformément à l’alinéa 37(1)b) de la LMC.

[2]  La participation du défendeur, le procureur général du Canada [le PG ou le défendeur], se limitait à aider la Cour sur les questions de droit que soulève le présent appel. Le PG allègue n’avoir aucun intérêt particulier quant à l’issue de l’appel. Il propose toutefois que la Cour conclue que [traduction] « les classes de la classification de Nice ne sont d’aucune utilité dans l’évaluation de la confusion entre deux marques de commerce sous le régime de la LMC ». Selon le sens clair du paragraphe 6(2) de la LMC, dans son libellé actuel [depuis le 17 juin 2019, comme nous le verrons ci-dessous], je suis d’accord.

[3]  Pour les motifs qui suivent, je rejette l’appel.

II.  Question préliminaire concernant la réparation sollicitée

[4]  Obsidian sollicite une ordonnance :

  • a) annulant la décision,

  • b) enjoignant au registraire de faire droit à la demande no 088, sur le fondement du paragraphe 39(1) de la LMC.

[5]  Le PG conteste la réparation sollicitée par Obsidian (soit celle qui consiste à faire droit à la demande no 088), car selon le paragraphe 37(1) de la LMC le registraire doit, avant de pouvoir faire droit à la demande conformément au paragraphe 39(1) de la LMC [actuellement l’article 40 de la LMC], annoncer la demande approuvée afin de permettre aux tiers de s’opposer à l’enregistrement. Le PG soutient que la demanderesse cherche à contourner le processus d’annonce et d’opposition [énoncé à l’article 38 de la LMC], mais il ne fournit aucun élément de preuve pour étayer cette allégation. Je fais remarquer qu’Obsidian a produit son dossier le 21 février 2019, soit avant l’entrée en vigueur des importantes modifications apportées à la LMC le 17 juin 2019. Les versions précédentes et actuelles de ces dispositions sont reproduites ci-après à l’annexe « A ». Étant donné que la demande no 088 n’a pas encore été annoncée, elle est régie par les dispositions de la LMC dans leur version modifiée le 17 juin 2019 (LMC, art. 69.1).

[6]  Je suis d’accord pour dire que la Cour ne devrait pas accorder la réparation sollicitée. Je signale toutefois que la demanderesse n’a pas demandé à la Cour de lui accorder [traduction] « toute autre mesure de réparation ». Cela dit, lors de l’audience, l’avocat d’Obsidian a reconnu que sa cliente sollicite l’annonce de la marque visée par la demande. Compte tenu de l’article 55 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les RCF], je poursuivrai l’instance comme si l’avis de la demande avait été modifié de manière à solliciter l’annonce de la demande no 088 conformément au paragraphe 37(1) de la LMC.

III.  Contexte

[7]  Le 11 août 2014, Obsidian a produit la demande d’enregistrement no 088 pour la marque visée par la demande. L’examinateur des marques de commerce [l’examinateur] a soulevé une objection quant à l’enregistrabilité de la marque visée par la demande pour le motif prévu à l’alinéa 12(1)d), affirmant qu’elle créait de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes : FREDDA, enregistrement no LMC284310; FREDDA, enregistrement no LMC334076 [FREDDA II]; et FREDDO, enregistrement no LMC520143. L’enregistrement de FREDDA II a été radié le 28 juin 2018 et le registraire a retiré son objection quant à l’enregistrabilité de la marque invoquée dans sa décision. Le tableau ci-dessous résume les marques de commerce pertinentes, y compris les marques invoquées, ainsi que les produits et services liés à ces marques [le chiffre romain II a été ajouté afin d’établir une distinction entre deux marques identiques; il est entendu que le chiffre romain ne fait pas partie de la marque déposée proprement dite].

Marque, numéro de demande ou d’enregistrement et propriétaire

Produits

Services

FREDDO

Demande no 1689088

Obsidian Group Inc.

[traduction] (1) Boissons, nommément, café moulu et en grains, cacao, thé et tisanes, café, cacao et boissons à base d’expresso sans alcool et boissons sans alcool à base de café et/ou d’expresso, café prêt à boire.

(2) Bijoux, nommément, épingles décoratives, épingles à cravate, épingles à revers; affiches, cartes postales, papeterie, nommément lettres et enveloppes; verres à boisson, tasses, cruches; bannières et drapeaux; vêtements, nommément chapeaux, casquettes, chemises de golf, chemises, T-shirts, pulls d’entraînement, shorts, vestes, ceintures et visières.

[traduction] (1) Services d’exploitation d’un restaurant.

(2) Services de franchises, nommément consultation, maintien, supervision et fourniture d’aide dans l’établissement et l’exploitation des restaurants et des points de vente, y compris les services à emporter et de traiteur.

FREDDA

Enregistrement no LMC284310

Party Beverages Limited

[traduction] (1) Boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées.

EN BLANC

*FREDDA II

Enregistrement no LMC334076

Party Beverages Limited

*Décrite ci-dessus

[traduction] (1) Boissons sucrées sans alcool gazéifiées et non gazéifiées, eau de Seltz et eau minérale.

EN BLANC

FREDDO

Enregistrement no LMC520143

Freddo S.A.

[traduction] (1) Crèmes glacées.

[traduction] (1) Exploitation de comptoirs de crème glacée.

FREDDO II

Enregistrement no LMC601964

Les Chocolats Vadeboncoeur Inc.

(1) Friandises, nommément des chocolats.

EN BLANC

[8]  Obsidian a avancé, en réponse aux objections de l’examinateur, des arguments semblables à ceux qu’elle a soulevés en appel. Voici ce qu’elle affirmait, entre autres : (1) les produits et services visés par la demande no 088 et par les enregistrements invoqués ne sont pas de même nature; (2) la demande no 088 et les enregistrements invoqués n’ont pas les mêmes voies de commercialisation; (3) la présentation ou le son concernant la marque visée par la demande, ou les idées qu’elle suggère, sont différents de ceux qui concernent la marque FREDDA; et (4) la marque visée par la demande est enregistrable, selon l’état du registre.

[9]  L’examinateur a fourni trois rapports, lesquels ont abouti à la décision du 1er août 2018 par laquelle le registraire a refusé la demande no 088, et a également conclu que la marque visée par la demande créait de la confusion avec les enregistrements invoqués.

A.  Décision faisant l’objet du contrôle

[10]  Citant le paragraphe 6(2) de la LMC, le registraire a d’abord souligné que [traduction] « [l]e critère en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait et il est fondé sur le souvenir vague ou imparfait du consommateur ou de l’acheteur ordinaire des produits ou services », et qu’il a l’obligation de tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la LMC. Le registraire a en outre fait remarquer que le poids à accorder aux facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la LMC peut varier selon les circonstances [citant Bally Schuhfabriken AG/Bally's Shoe Factory Ltd c Big Blue Jeans Ltd/Ltée, [1992] ACF no 127 (QL), (1992), 41 CPR (3d) 205 (CF 1re inst.)]; Kellogg Salada Canada Inc c Maximum Nutrition Ltd, [1987] ACF no 122 (QL), (1987), 14 CPR (3d) 133 (CF 1re inst.), inf. pour d’autres motifs par [1992] 3 CF 442, (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Il a observé plus particulièrement qu’« il arrive […] que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion » [citant Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, [2011] 2 RCS 387, (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

(1)  FREDDA [Enregistrement no LMC284310]

[11]  Le registraire a conclu que les produits liés à FREDDA [à savoir [traduction] « boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées »] pouvaient raisonnablement englober les produits liés au café associés à la marque visée par la demande. Après avoir précisé qu’[traduction] « il n’y a aucune restriction ou limite quant à la nature des voies de commercialisation qu’empruntent les produits visés par les enregistrements invoqués et ceux visés par la demande en cause », le registraire a conclu que les voies de commercialisation prévisibles et habituelles empruntées pour les produits offerts par FREDDA et par la marque visée par la demande sont identiques. L’emploi des deux marques dans la même région pour des [traduction] « produits qui pourraient être identiques » serait susceptible de faire conclure que les produits émanent de la même source.

[12]  Le registraire a également conclu que FREDDA était [traduction] « très semblable à [la marque visée par la demande] en ce qui a trait à la présentation et au son la concernant, et à l’idée qu’elle suggère ». Se fondant sur Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes, [1979] ACF no 801 (QL), (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst) [Conde Nast], le registraire a souligné que le premier élément d’une marque de commerce est celui qui est le plus important aux fins de la distinction. En l’espèce, la différence entre le suffixe masculin « O » et le suffixe féminin « A » [traduction] « ne perme[ttait] pas d’éviter la ressemblance fondée sur la présentation et le son [concernant les marques] et l’idée qu’elles suggèrent ». Par conséquent, il a répété que les idées suggérées par FREDDA et par la marque visée par la demande étaient très similaires et que ces marques étaient très semblables du point de vue visuel et phonétique. Le registraire a fait la remarque suivante en tirant cette conclusion [les caractères gras sont ajoutés] : [traduction] « FREDDO semble être une appropriation de la marque de commerce invoquée FREDDA dans son intégralité, où la lettre A est remplacée par la lettre O ». J’estime que cette remarque est douteuse, mais elle n’est pas, à mon avis, déterminante dans la conclusion du registraire au sujet des idées très semblables et de la similitude visuelle et phonétique.

[13]  Enfin, le registraire n’a pas retenu les arguments de la demanderesse concernant la présence dans le registre des marques FREDDA, FREDDO et FREDDO II, étant donné que les produits et services pour ces marques invoquées diffèrent. Par contre, FREDDA et FREDDO [traduction] « offrent des produits ou services très semblables qui pourraient être identiques » à ceux qui concernent la marque visée par la demande, et dont les voies de commercialisation sont identiques. Le registraire a donc conclu que la marque visée par la demande crée de la confusion avec FREDDA.

(2)  FREDDO [Enregistrement no LMC520143]

[14]  Le registraire a ensuite conclu que le mot FREDDO [traduction] « n’a aucune signification en anglais ou en français, il ne s’agit pas du nom des produits ou services dans une langue quelconque, et ce n’est pas un mot ordinaire utilisé couramment en anglais en français ». S’appuyant sur General Motors Corp c Bellows (1947), 7 CPR 1 (Cour de l’Éch.), conf. par (1949), 10 CPR 101 (CSC), le registraire a fait la remarque suivante : [traduction] « Il est bien établi qu’une marque de commerce constituée d’un nom évocateur ou d’un dessin original est réputée posséder un caractère distinctif inhérent et qu’elle a droit à une protection plus étendue. »

[15]  Le registraire a également conclu que les services énumérés dans la demande n088 étaient assez semblables aux services d’[traduction] « exploitation de comptoirs de crème glacée » en lien avec la marque FREDDO, de sorte que [traduction] « le consommateur moyen penserait qu’ils proviennent de la même source », et que l’emploi de la marque visée par la demande et de FREDDO dans la même région créerait de la confusion. En conséquence, le registraire a rejeté la demande conformément à l’alinéa 37(1)b) de la LMC.

B.  Nouveaux éléments de preuve présentés par la demanderesse

[16]  Conformément au paragraphe 56(5) de la LMC, la demanderesse a produit trois affidavits dans le cadre du présent appel :

  • a) l’affidavit de Peter Karamountzos, souscrit le 8 novembre 2018 [l’affidavit de M. Karamountzos];

  • b) l’affidavit de Sina Giugno, souscrit le 12 novembre 2018 [l’affidavit de Mme Giugno];

  • c) l’affidavit supplémentaire de Sina Giugno, souscrit le 21 février 2019 [l’affidavit supplémentaire de Mme Giugno].

[17]  Le défendeur n’a contre-interrogé aucun des auteurs de ces affidavits.

(1)  Affidavit de M. Karamountzos

[18]  Peter Karamountzos est le vice-président d’Obsidian responsable de la gestion et de l’exploitation de la chaîne de cafés Coffee Culture. Il est [traduction] « très actif dans le marché du café depuis environ 2006 », et « la fourniture et l’élaboration de mélanges et de recettes de café pour les restaurants de Obsidian Group Inc. » et « la gestion de quarante (40) établissements franchisés de Coffee Culture » comptent parmi ses responsabilités. La pièce « A » jointe à son affidavit contient des exemples de l’emploi par Obsidian de la marque visée par la demande, notamment [traduction] « sur les tableaux d’affichage des menus, les menus à emporter et dans [...] les annonces et la promotion » relativement aux établissements de Coffee Culture.

[19]  À son avis, l’expression « boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées » renvoie à des boissons non alcoolisées et elle [traduction] « n’est jamais employée pour désigner le café ». Il explique aussi la nature des produits et des voies de commercialisation qui concernent les boissons non alcoolisées, d’une part, et les boissons à base de café, d’autre part. Il estime également qu’[traduction] « un consommateur de café ne penserait pas qu’une boisson non alcoolisée est un substitut à un café ».

(2)  Affidavit de Mme Giugno

[20]  Sina Giugno est auxiliaire juridique au cabinet SISKINDS LLP, anciennement Anissimoff & Associates, qui effectue depuis environ 20 ans des recherches en matière de marques de commerce sur le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC). Elle joint les éléments de preuve suivants à son affidavit :

  • Pièce « A » : Une copie des enregistrements portant les numéros suivants : LMC284310, LMC520143 et LMC601964, pour les marques FREDDA, FREDDO et FREDDO II, respectivement.
  • Pièce « B » : Les résultats d’une recherche effectuée dans la base de données de l’OPIC sur les marques de commerce concernant les demandes actives et les enregistrements dans lesquels figure uniquement le mot exact « FRED » employé en liaison avec les produits et services de toutes les classes; cette recherche a produit 43 résultats. Je fais remarquer que la demanderesse n’a pas fourni d’imprimés des résultats, ni aucune analyse de ces résultats.
  • Pièce « C » : Les résultats d’une recherche concernant les demandes actives et les enregistrements dans lesquels figurent des variantes du mot « FRED » employé en liaison avec tous les produits et services; cette recherche a produit 104 résultats. Là encore, aucun imprimé des résultats n’a été fourni, ni aucune analyse de ces résultats.
  • Pièce « D » : Des extraits des notes explicatives concernant la classification de Nice affichées sur le site Web de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, en particulier pour les classes 30 et 32, lesquelles comportent toutes deux des « boissons sans alcool ». Pour les motifs que j’exposerai plus loin en ce qui concerne l’affidavit supplémentaire de Mme Giugno, j’estime que ces renseignements ne sont pas pertinents en l’espèce.
  • Pièce « E » : Les résultats d’une recherche concernant les demandes actives et les enregistrements [traduction] « où la description des produits employée, pour les produits de “café” et pour d’autres sortes de boissons, est distincte et différente ». Cette recherche a produit 4 262 résultats. Sont fournis les neuf premières pages et quinze échantillons de ces résultats.
  • Pièce « F » : Les résultats d’une recherche concernant les demandes actives et les enregistrements [traduction] « où la description des produits employée, pour les produits de “crème glacée” et pour le “chocolat”, est distincte et différente ». Cette recherche a produit 1 522 éléments. Sont fournis les neuf premières pages et quinze échantillons de ces résultats.
  • Pièce « G » : Les résultats, nuls, d’une recherche pour les mots « freddo » et « fredda » effectuée sur les sites « www.dictionary.com » et « www.dictionary-fr.com ».
  • Pièce « H » : Les résultats d’une recherche pour le mot « fred » effectuée sur les sites « www.dictionary.com » et « www.dictionary-fr.com ». Selon ces résultats, ce mot signifie en anglais [traduction] « un prénom masculin, forme de Frederick », et aucune signification n’existe en français.
  • Pièce « I » : La traduction du mot « freddo » fournie sur le site Web Google Traduction, selon laquelle il s’agit d’un mot italien qui se traduit par « cold » en anglais [froid, en français]. Selon le site « www.wikitionary.com », la description de « fredda » est le [traduction] « féminin singulier de freddo ».

[21]  Madame Giugno explique qu’elle a effectué une recherche sur Google pour « FREDDA » en lien avec l’inscrivant ou le propriétaire actuel de l’enregistrement no LMC284310, et une autre pour « FREDDO » en lien avec l’inscrivant ou le propriétaire actuel de l’enregistrement no LMC284310 [sic; Mme Giugno voulait probablement dire l’enregistrement no LMC520143], et que les deux recherches n’ont donné aucun résultat.

[22]  Enfin, selon l’expertise qu’elle a acquise dans la production de demandes de marques de commerce auprès de l’OPIC, Mme Giugno affirme qu’elle ne décrirait jamais le [traduction] « café » comme une [traduction] « boisson sans alcool gazéifiée et non gazéifiée ».

(3)  Affidavit supplémentaire de Mme Giugno

[23]  Dans son affidavit supplémentaire, Mme Giugno fournit d’autres renseignements concernant les classes de l’Arrangement de Nice applicables à la demande no 088 et aux enregistrements pour les marques FREDDA, FREDDO et FREDDO II. Selon Mme Giugno, l’OPIC a commencé à utiliser le système de classification de Nice pour les nouvelles demandes et à faire l’attribution et la catégorisation pour les produits et services visés par les demandes et les enregistrements existants conformément aux modifications apportées au régime canadien des marques de commerce. À mon avis, ce témoignage est incomplet. Quoi qu’il en soit, il n’est pas pertinent pour l’analyse de la confusion en l’espèce, compte tenu du paragraphe 6(2) de la LMC dans son libellé actuel [depuis le 17 juin 2019]. Le témoignage est incomplet parce que la demanderesse ne fournit aucune explication ni aucune analyse sur les précisions fournies sous la rubrique « Information relative de classification [sic] – Mise en garde » qui sont affichées dans les dossiers de la demande no 088 et des enregistrements des marques FREDDA, FREDDO et FREDDO II. Voici ce qu’énonce la mise en garde relativement à chaque document : « L’OPIC ne garantit pas l’exactitude des classes attribuées à la marque de commerce. Ces données n’ont aucune valeur juridique. » Aux fins du présent appel, la Cour estime que ces classifications de Nice ne constituent pas des éléments fiables ou probants qui permettent d’établir l’existence d’une similitude ou de différences entre les produits et les services et ce, même si elle en tenait compte. De plus, il ressort clairement des copies des enregistrements invoqués annexées au rapport de l’examinateur du 16 février 2015 [pièce E de l’affidavit supplémentaire de Mme Giugno] que les enregistrements invoqués n’avaient fait l’objet d’aucune classification de quelque nature que ce soit à l’époque. Je n’accorde donc aucun poids à cet élément de preuve et je n’en tiendrai pas compte.

[24]  Or, dans son affidavit supplémentaire, Mme Giugno précise également que la pièce « F » est une copie de l’enregistrement no LMC830249 pour la marque de commerce FRED. Il s’agit d’un des résultats de recherche (la marque FRED y est identifiée sous le numéro de demande 1381447) qui constituent la pièce « B » jointe à l’affidavit de Mme Giugno. En l’absence d’une copie certifiée conforme de cet enregistrement, la Cour n’est pas en mesure de confirmer l’existence de l’enregistrement tel qu’il est décrit, étant donné que la Cour n’a pas accès à « un document en la garde officielle du registraire » (art. 54 de la LMC). Je souligne, à titre d’exemple, que l’OPIC a fourni une copie certifiée conforme de l’historique du dossier de la demande no 088 relativement au présent appel, conformément à l’article 317 des Règles des Cours fédérales. Quoi qu’il en soit, comme je l’expliquerai plus loin, j’estime que la valeur probante de ce résultat est limitée.

IV.  Questions en litige

[25]  Le présent appel soulève les questions en litige suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable, compte tenu des nouveaux éléments de preuve de la demanderesse?
  2. Si la norme de contrôle donne à la demanderesse le droit à une audience de novo, la marque visée par la demande est-elle enregistrable eu égard à l’alinéa 12(1)d) de la LMC?
  1. Dans la négative, la décision du registraire résiste-t-elle à un examen approfondi fondé sur la norme de contrôle applicable?

V.  Analyse

A.  Norme de contrôle applicable

[26]  Lorsque le législateur prévoit un droit d’appel, la Cour doit recourir aux normes applicables en appel (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux para 36 et 37 [citant Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235 [Housen]). Vavilov n’écarte pas la jurisprudence antérieure concernant les nouveaux éléments de preuve produits auprès de la Cour fédérale en appel d’une décision du registraire, mais une adaptation est toutefois nécessaire (The Clorox Company of Canada, Ltd. c Chloretec SEC, 2020 CAF 76, aux para 20 à 23).

[27]  Ainsi que je l’ai souligné, le paragraphe 56(5) de la LMC permet à la demanderesse de produire devant la Cour de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés au registraire. Ces éléments de preuve donneront lieu à un examen de novo s’ils sont « suffisamment important[s]. [...] [U]ne preuve qui simplement complète ou répète la preuve existante ne dépassera pas le seuil requis » (Scott Paper Limitée c Georgia-Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 [Scott Paper], aux para 48 et 49). Il n’est pas nécessaire de savoir si les nouveaux éléments de preuve auraient conduit le registraire à changer d’avis, il suffit qu’ils aient pu avoir un effet sur sa décision (Scott Paper, précité, au para 49). À cet égard, le critère en est un de qualité et non de quantité (Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707, au para 27). En somme, [en ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve] « la Cour doit en évaluer la qualité, et non la quantité (en tenant compte de leur nature, de leur valeur probante et de leur fiabilité) pour déterminer s[’ils] ajoutent des éléments importants » et, par conséquent, s’ils étaient susceptibles d’avoir un effet sur la décision du registraire (Advance Magazine Publishers, Inc c Banff Lake Louise Tourism Bureau, 2018 CF 108, au para 16, citant Illico Communication Inc c Norton Rose S.E.N.C.R.L., 2015 CF 165, au para 26 [Illico Communications]; McDowell c The Body Shop International PLC, 2017 CF 581, au para 11).

[28]  Selon Vavilov, la Cour saisie d’un appel d’une décision du registraire examinera les questions de droit selon la norme de la décision correcte, tandis qu’elle examinera les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit [en l’absence d’un principe juridique facilement isolable] selon celle de l’erreur manifeste et dominante. Dans Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub], la Cour d’appel a fourni aux paragraphes 61 à 70 des repères qui permettent de conclure à l’existence d’une erreur manifeste et dominante. Lorsque de nouveaux éléments de preuve pertinents sont produits, la norme de la décision correcte envisagée au paragraphe 56(5) de la LMC et la jurisprudence applicable permettent tout de même à la Cour de se livrer à une analyse de novo sur les questions pertinentes – qu’il s’agisse de questions de droit, de questions mixtes de fait et de droit, ou de questions de fait – sans devoir faire preuve de retenue à l’égard des conclusions tirées par le décideur sous-jacent.

[29]  Par conséquent, je dois évaluer la nature, l’importance, la valeur probante et la fiabilité des nouveaux éléments de preuve produits par Obsidian, dans le contexte du dossier, et déterminer s’ils auraient accru la force probante du dossier de preuve ou lui auraient apporté un éclairage quelconque, de manière à avoir un effet sur les conclusions de fait tirées par le registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si Obsidian avait pu en disposer à la date de la décision (Seara Alimentos Ltda c Amira Enterprises Inc, 2019 CAF 63, aux para 23 à 26).

[30]  S’agissant de l’affidavit de M. Karamountzos, celui-ci y fournit des précisions et des comparaisons sur la nature des produits et sur les voies de commercialisation pour les produits de café et les boissons non alcoolisées. À mon avis, son témoignage reprend essentiellement les renseignements qu’Obsidian a présentés au registraire pendant le traitement de la demande no 008, processus au cours duquel le registraire a rejeté les arguments visant à mettre en évidence ces différences. Par exemple, l’examinateur fait les remarques suivantes dans son rapport du 9 novembre 2015 [caractères gras ajoutés] : [traduction] « [...] [L]es produits [...] “boissons gazéifiées et non gazéifiées sans alcool” [selon la description indiquée relativement à l’enregistrement de la marque FREDDA] pourraient raisonnablement englober tous les produits suivants contenus dans la demande en cause, à savoir “boissons, nommément café moulu et en grains, cacao, thé, tisanes, café, cacao et boissons à base d’expresso sans alcool et boissons sans alcool à base de café et/ou d’expresso, café prêt à boire. » Je fais remarquer que l’enregistrement de la marque FREDDA ne comporte aucune restriction quant aux types de boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées, et aux voies de commercialisation applicables. Je tiens également à souligner que la demanderesse utilise elle-même le terme [traduction] « boissons sans alcool » pour décrire ses produits de café.

[31]  Par ailleurs, j’estime que des détails supplémentaires sur la préparation des produits de café par rapport à la préparation de boissons sans alcool, et leurs voies de commercialisation respectives, n’auraient pas eu un effet sur la décision du registraire. Premièrement, le registraire a refusé de conclure que les produits liés à FREDDA n’étaient que des boissons non alcoolisées, bien que la demanderesse l’ait invité à le faire. Deuxièmement, le registraire a conclu que les voies de commercialisation prévisibles et habituelles des produits liés à FREDDA et à la marque visée par la demande sont identiques, après avoir conclu que les produits liés à FREDDA pourraient comprendre plus que des boissons non alcoolisées. Comme l’a fait remarquer le PG, M. Karamountzos confirme cette dernière conclusion dans son affidavit, puisque les magasins de Coffee Culture vendent des boissons à base de café et des boissons non alcoolisées. Dans l’ensemble, l’affidavit de M. Karamountzos n’est qu’une simple répétition des éléments de preuve qui avaient déjà été présentés au registraire ou un simple complément, et n’en accroît pas la force probante (Telus Corporation c Orange Personal Communications Services Ltd, 2005 CF 590, au para 33). Par conséquent, j’estime que ces éléments de preuve ne justifient pas une audience de novo.

[32]  S’agissant des affidavits de Mme Giugno, les pièces « B » et « C » jointes à son premier affidavit et la pièce « F » jointe à son affidavit supplémentaire comprennent des résultats de recherche et une demande de marques qui comprennent uniquement le mot exact FRED ou des variantes de ce mot. L’historique du dossier de la demande no 088 ne révèle pas une recherche approfondie sur les marques de commerce, mais il contient un résumé de neuf résultats. La plupart des résultats comportent des variantes du terme FREDD, à une exception près, à savoir, ALFREDO, enregistrement no LMC479506, qui contient le terme FRED. Ce résultat démontre que les éléments exposés dans l’affidavit de Mme Giugno ne sont pas nouveaux. Qui plus est, en l’absence d’éléments de preuve de produits et/ou de services précis en lien avec les résultats de cette recherche, la Cour ne peut en évaluer la valeur probante. Les classes de Nice qui figurent dans les résultats de recherche ne sont pas, en l’absence d’indication des produits et/ou services auxquels elles s’appliquent, suffisantes à cette fin.

[33]  De même, les pièces « E » et « F » jointes à l’affidavit de Mme Giugno comprennent des résultats de recherche de marques où la description employée pour le café et pour les autres boissons est distincte et différente, ou où celle employée pour la crème glacée ou pour le chocolat est distincte et différente. Les neuf résultats évoqués ci-dessus qui font partie de l’historique du dossier de la demande no 088 contiennent des expressions en caractère gras telles que [traduction] « boissons alcoolisées », « boissons », « boire », « café » et « cacao ». Même si les termes [traduction] « chocolat » ou « crème glacée » ne sont pas en caractère gras, j’estime que les renseignements contenus dans la pièce « F » n’auraient pas eu un effet sur la décision du registraire, étant donné qu’il a conclu que les produits liés à FREDDO [crèmes glacées] et à FREDDO II [des chocolats] n’étaient pas très semblables.

[34]  Les pièces « G » et « I » de l’affidavit de Mme Giugno contiennent les significations, en anglais et en français, de « freddo » et « fredda », ainsi que la traduction italienne de « freddo ». Soit la demanderesse a présenté ces renseignements à l’examinateur durant le traitement de la demande [dans sa réponse, en date du 12 août 2015, au rapport de l’examinateur daté du 16 février 2015], soit ceux-ci étaient connus de l’examinateur [voir les rapports de l’examinateur datés du 9 novembre 2015 et du 30 juin 2016]; par conséquent, il ne s’agit pas de nouveaux renseignements.

[35]  La définition de « fred » [pièce « H » jointe à l’affidavit de Mme Giugno] n’a pas explicitement fait l’objet d’échanges durant le traitement de la demande, mais elle n’aurait pas eu un effet sur la conclusion du registraire. Tout comme c’est le cas pour ALFREDO – l’un des neuf résultats résumés dans l’historique du dossier –, FRED est un nom propre. Les échanges sur la prononciation dans les rapports de l’examinateur du 9 novembre 2015 et du 30 juin 2016 démontrent que le registraire s’est demandé si FREDDO ou FREDDA seraient prononcés comme un nom et qu’il a rejeté cet argument. De toute manière, la marque visée par la demande est FREDDO, et non FRED, et la pièce « H » jointe à l’affidavit de Mme Giugno indique que FRED est un dérivé du nom « Frederick ». La demanderesse n’a produit aucun élément pour établir que le mot FRED pouvait être considéré comme étant un dérivé de FREDDO.

[36]  Je suis également d’avis que les pièces « A » à « D » jointes à l’affidavit supplémentaire de Mme Giugno ainsi que la pièce « D » jointe à son premier affidavit, qui concernent les classifications de Nice, ne sont pas pertinentes et n’auraient pas eu un effet sur la décision. La LMC exclut expressément, au paragraphe 6(2), la classification de Nice de l’analyse de la confusion, surtout lorsqu’on l’interprète dans le contexte des obligations internationales du Canada. Tant le PTPGP que le Traité de Singapour exigent que les États membres précisent dans leur législation nationale que les classifications de Nice ne sont pas des motifs pour considérer leurs produits ou services comme similaires ou différents (voir l’art. 18.25 de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste entre le Canada, l’Australie, Brunéi, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam, du 8 mars 2018 (entré en vigueur le 30 décembre 2018) [le PTPGP]; et l’art. 9 du Traité de Singapour sur le droit des marques, du 27 mars 2006 (entré en vigueur le 15 mars 2009) [le Traité de Singapour]).

[37]  Bref, aucun des « nouveaux » éléments de preuve de la demanderesse ne justifie une audience de novo; par conséquent, la décision est assujettie à la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante énoncée dans Housen et expliquée en détail dans Mahjoub. Étant donné que la norme de l’erreur manifeste et dominante commande la retenue, je ne suis pas convaincue que le registraire ait commis une erreur de cette nature.

B.  Audience de novo

[38]  Compte tenu de ma conclusion sur la norme de contrôle, il n’est pas nécessaire que j’examine cette question.

C.  Erreurs manifestes et dominantes alléguées

[39]  La demanderesse soutient que le registraire a commis les erreurs suivantes, mais comme je l’indique sous chacun des points soulevés par la demanderesse, je ne souscris pas à son point de vue :

1.  La demanderesse affirme que FREDDO est une variante de « Fred », qu’il ne s’agit pas d’un « nom évocateur », et qu’elle n’est pas liée à un « dessin original ».

[40]  Comme je l’ai mentionné plus haut, la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle FRED est un dérivé de FREDDO, cette dernière marque étant celle qui est visée par la demande et l’une des marques invoquées. Même si l’on reconnaît que le mot FREDDO n’est pas inventé, parce qu’il s’agit d’un mot en italien, le registraire a eu raison de s’en tenir au fait que le mot FREDDO n’est pas un mot ordinaire utilisé couramment au Canada pour déterminer qu’il possède un caractère distinctif inhérent prononcé (voir Gula c B Manischewitz Co, [1948] 4 DLR 581, à la p. 585 (le juge Estey), à la p. 589 (le juge Kellock) (CSC)). Pour justifier cette conclusion, le registraire a donné les explications suivantes : [traduction] « […] FREDDO n’a aucune signification en anglais ou en français, il ne s’agit pas du nom des produits ou services dans une langue quelconque, et ce n’est pas un mot ordinaire utilisé couramment en anglais ou en français. » Je ne décèle aucune erreur manifeste ou dominante dans cette analyse.

  1. En ce qui concerne la nature des produits liés à FREDDA et à la demande no 088, la demanderesse souligne que le mot [traduction] « pourrait » est « manifestement imprécis et ne constitue pas un fondement logique ou factuel qui peut appuyer une conclusion ». Elle affirme que, selon la logique du registraire, les produits du café [traduction] « pourraient » être des [traduction] « boissons sans alcool gazéifiées ».

[41]  Comme je l’ai indiqué plus haut, il n’y a dans les produits visés par l’enregistrement de la marque FREDDA aucune restriction quant aux types de boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées ou quant aux voies de commercialisation applicables. Je ne vois aucune erreur manifeste ou dominante dans la conclusion du registraire selon laquelle les produits du café sont visés par l’enregistrement de la marque FREDDA.

3.  Dans le même ordre d’idées, la demanderesse fait valoir que la conclusion selon laquelle les produits du café et les boissons non alcoolisées pourraient être identiques [traduction] « n’est pas logique » et que le registraire n’a pas analysé [traduction] « les différences évidentes entre les produits ».

[42]  Contrairement à ce que prétend la demanderesse, les produits visés par l’enregistrement de la marque FREDDA ne sont pas des [traduction] « boissons non alcoolisées », mais plutôt des [traduction] « boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées ». Même si le propriétaire de la marque de commerce ne vendait que des boissons non alcoolisées dans la pratique normale du commerce [bien qu’aucune preuve n’ait été présentée pour étayer une telle affirmation], la Cour est néanmoins tenue d’évaluer la confusion en fonction des produits indiqués dans l’enregistrement, lequel fixe les paramètres de l’emploi qu’elle protège (voir M. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3, [1988] 3 C.F. 91, à la p. 12l; Imasco Retail Inc. c Purity Life Health Products (1990), 34 CPR (3d) 113 (COMC), à la p. 120, sources citées dans le rapport de l’examinateur du 30 juin 2016).

4.  Dans sa comparaison de la nature des produits et services liés à la marque FREDDO et à la demande no 088, le registraire n’explique ni l’expression [traduction] « produits très semblables », ni les services qui pourraient être identiques; les différences entre les services de restaurant et les comptoirs de crème glacée ne font pas l’objet d’une analyse.

[43]  Je ne vois aucune erreur manifeste et dominante dans la façon dont le registraire a appliqué le critère en matière de confusion, lequel a été fidèlement décrit au début de la décision. Le registraire a fait les remarques suivantes :

[traduction]

[...] [L]es services visés par la [« demande no 088], nommément les « services d’exploitation d’un restaurant; services de franchises, nommément consultation, maintien, supervision et fourniture d’aide dans l’établissement et l’exploitation des restaurants et des points de vente, y compris les services à emporter et de traiteur » et les services [de FREDDO, à savoir] « l’exploitation de comptoirs de crème glacée » [,] sont suffisamment semblables pour que le consommateur moyen pense qu’ils proviennent de la même source. J’estime que l’emploi de la marque visée par de la demande et de la marque de commerce déposée dans la même région risque d’amener le consommateur moyen d’intelligence ordinaire, ayant une réminiscence imparfaite, que les services des deux marques de commerce FREDDO proviennent d’une seule et même source.

[44]  Bien que la similitude ou la dissimilitude des produits et services applicables soit un facteur à prendre en considération, la question fondamentale est celle de la probabilité de confusion quant à la source, comme l’a indiqué le registraire.

5.  Le registraire n’a ni fourni d’explications sur les voies de commercialisation prévisibles et habituelles relativement aux produits liés à FREDDA et à la demande no 088, ni les raisons pour lesquelles les voies de commercialisation pour les produits du café et les boissons non alcoolisées seraient identiques.

[45]  Dans ce cas également, les produits visés par l’enregistrement de la marque FREDDA ne sont pas des [traduction] « boissons non alcoolisées » mais plutôt des [traduction] « boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées ». À mon avis, le registraire a bien expliqué comment les produits liés au café pourraient être visés par cette description plus large. J’estime qu’il n’y a aucune erreur manifeste ou dominante dans le raisonnement concernant les voies de commercialisation qui a mené le registraire à tirer la conclusion suivante : [traduction] « [...] [I]l n’y a aucune restriction ou limite quant à la nature des voies de commercialisation qu’empruntent les produits visés par les enregistrements invoqués et ceux visés par la demande en cause. »

6.  La conclusion du registraire selon laquelle la demande no 088 et les enregistrements invoqués [traduction] « offrent des produits et services semblables [...] fournis par des voies de commercialisation identiques » n’est pas étayée par des faits ou des analyses. Selon la demanderesse, la nature des produits et services n’est pas identique, et [traduction] « les voies de commercialisation identiques ne sont pas expliquées ».

[46]  Je ne suis pas d’accord, pour les motifs exposés aux points 3 et 5 ci-dessus. En outre, Obsidian a elle-même produit en appel un élément de preuve, à savoir l’affidavit de M. Karamountzos, qui confirme que les voies de commercialisation pourraient être identiques, puisque les magasins de Coffee Culture vendent des boissons à base de café et des boissons non alcoolisées.

7.  En ce qui concerne le degré de ressemblance entre la demande no 088 et les enregistrements invoqués, la demanderesse insiste pour dire que le registraire n’a pas analysé les similitudes entre toutes les marques de type Fred, y compris FREDDO pour les crèmes glacées, FREDDO II pour les chocolats, et FRED pour de l’eau potable.

[47]  Le registraire a évalué la probabilité de confusion entre la marque visée par la demande et les marques de commerce déposées qui, à son avis, lui ressemblaient le plus, au lieu de toutes les marques possibles susceptibles de créer de la confusion. FRED [enregistrement no LMC830249] n’a été invoqué ni par le registraire ni par la demanderesse durant le traitement de l’examen de la demande. Le registraire a en outre précisé ce qui suit : [traduction] « Les arguments de la demanderesse concernant la présence des marques de commerce FREDDA et FREDDO, et FREDDO pour les chocolats ainsi que FREDDO pour les crèmes glacées ont été examinés. » Il n’était pas nécessaire pour le registraire de souligner la similitude entre la marque visée par la demande et toutes les marques de type Fred, étant donné qu’était sans conséquence sur la similitude entre la marque visée par la demande et les enregistrements invoqués, pour les motifs exposés ci-après au point 8.

  1. La demanderesse conteste la conclusion du registraire selon laquelle la présence des enregistrements invoqués, et celle des marques FREDDO et de FREDDO II, [traduction] « n’est pas comparable à la confusion entre [la demande no 088] et les enregistrements invoqués », étant donné que ces enregistrements n’ont pas en commun des produits ou services similaires. Plus précisément, elle affirme que les éléments de preuve tirés du registre démontrent le contraire.

[48]  Là encore, je ne suis pas d’accord. La Cour observe dans Mahjoub : « [...] [L]a rédaction de motifs [est] un art imprécis tributaire de jugements difficiles qui ne peuvent pas facilement faire l’objet d’une appréciation rétrospective » (Mahjoub, précité, au para 69). Deux ou trois autres marques de commerce similaires, sans éléments de preuve précis concernant leur emploi, ne sont pas suffisantes pour permettre à la Cour de tirer une conclusion sur l’état du marché (voir Canada Bread Company, Limited c Dr Smood ApS, 2019 CF 306 [Canada Bread], aux para 59 à 61). C’est pourquoi ni la Cour ni le registraire ne pouvaient conclure que le registre comporte [traduction] « un très grand nombre » de telles marques de commerce; l’étendue de la protection accordée aux enregistrements invoqués s’en trouve donc limitée.

[49]  Malgré tout, même l’examen minutieux de la similitude entre les enregistrements invoqués ne permet pas de relever la présence d’une erreur manifeste et dominante. Par exemple, le registraire a conclu que les produits du café [traduction] « pouvaient être identiques » ou qu’ils sont au moins [traduction] « très semblables » aux boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées, après avoir examiné et écarté l’argument selon lequel FREDDA se limite aux boissons non alcoolisées. Par conséquent, le registraire n’a pas eu tort de conclure que les boissons sans alcool gazéifiées et non gazéifiées sont plus semblables aux produits du café qu’aux crèmes glacées [pour FREDDO] en raison de ce chevauchement.

[50]  Le registraire a également conclu à l’existence d’un chevauchement entre les services liés à la marque visée par la demande [les services liés aux restaurants et aux franchises] et les services liés à FREDDO [l’exploitation de comptoirs de crème glacée]. Par conséquent, je conclus qu’il n’y a aucune erreur manifeste ou dominante dans sa conclusion selon laquelle la similitude est plus grande entre ces services qui se chevauchent, qu’entre la crème glacée [pour FREDDO] et le chocolat [pour FREDDO II].

[51]  En résumé, aucune des erreurs alléguées ne peut, à mon avis, être qualifiée d’erreur manifeste et dominante. La plupart des points soulevés consistent essentiellement à demander à la Cour de réévaluer les éléments de preuve, et un tel exercice ne se concilie pas avec la norme de déférence [voir généralement Housen, précité, aux para 10 et 15 à 18]. Les motifs du registraire, que les rapports de l’examinateur complètent, « résist[ent] “à un examen assez poussé” » (voir Mattel Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, au para 40).

VI.  Conclusion

[52]  La Cour rejette la présente demande, et par conséquent l’appel de la décision, étant donné que le registraire n’a commis aucune erreur manifeste et dominante lorsqu’il a conclu que la marque visée par de la demande crée de la confusion avec les marques invoquées. La norme de contrôle applicable en l’espèce consiste à se demander si le registraire a commis une « erreur manifeste et dominante », étant donné que la disposition de la LMC qui confère le droit d’appel commande le recours à une norme de contrôle applicable en appel, conformément à Vavilov, et que la demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve qui auraient eu un effet sur la décision.


JUGEMENT dans le dossier no T-1736-18

LA COUR DÉCLARE que l’appel de la décision du registraire en date du 1er août 2018 est rejeté.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


ANNEXE « A » – Dispositions pertinentes

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, modifiée

Trademarks Act, RSC 1985, c T-13, as amended

Marque de commerce créant de la confusion avec une autre

Confusion — trademark with other trademark

6 (2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale ou figurent ou non dans la même classe de la classification de Nice.

6 (2) The use of a trademark causes confusion with another trademark if the use of both trademarks in the same area would be likely to lead to the inference that the goods or services associated with those trademarks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the goods or services are of the same general class or appear in the same class of the Nice Classification.

Demandes rejetées

When applications to be refused

37 (1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :

37 (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trademark if he is satisfied that

a) la demande ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 30(2);

(a) the application does not conform to the requirements of subsection 30(2);

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

(b) the trademark is not registrable,

c) le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante;

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trademark because it is confusing with another trademark for the registration of which an application is pending, or

d) la marque de commerce n’est pas distinctive.

(d) the trademark is not distinctive.

Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

If the Registrar is not so satisfied, the Registrar shall cause the application to be advertised in the prescribed manner.

[…]

[…]

Déclaration d’opposition

Statement of opposition

38 (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l’annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d’opposition.

38 (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trademark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

[…]

[…]

Demande divisionnaire

Divisional application

39 (1) Après avoir produit la demande d’enregistrement d’une marque de commerce, le requérant peut restreindre cette demande originale à l’un ou plusieurs des produits ou services visés par celle-ci et produire une demande divisionnaire pour l’enregistrement de la même marque de commerce en liaison avec d’autres produits ou services qui étaient visés par la demande originale à la date de sa production, déterminée compte non tenu du paragraphe 34(1), et, si la demande divisionnaire est produite le jour où la demande originale est annoncée en application du paragraphe 37(1) ou après ce jour, visés par celle-ci le jour où la demande divisionnaire est produite.

39 (1) After having filed an application for the registration of a trademark, an applicant may limit the original application to one or more of the goods or services that were within its scope and file a divisional application for the registration of the same trademark in association with any other goods or services that were

 

(a) within the scope of the original application on its filing date, determined without taking into account subsection 34(1); and

 

(b) within the scope of the original application on the day on which the divisional application is filed, if the divisional application is filed on or after the day on which the original application is advertised under subsection 37(1).

[…]

[…]

Enregistrement des marques de commerce

Registration of trademarks

40 Lorsqu’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas fait l’objet d’une opposition et que le délai prévu pour la production d’une déclaration d’opposition est expiré, ou lorsqu’il y a eu opposition et que celle-ci a été décidée en faveur du requérant, le registraire enregistre la marque de commerce au nom du requérant et délivre un certificat de son enregistrement ou, en cas d’appel, se conforme au jugement définitif rendu en l’espèce

40 When an application for the registration of a trademark either has not been opposed and the time for the filing of a statement of opposition has expired, or has been opposed and the opposition has been decided in favour of the applicant, the Registrar shall register the trademark in the name of the applicant and issue a certificate of its registration or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.

[…]

[…]

 

 

Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, dans sa version antérieure au 17 juin 2019

Trademarks Act, RSC 1985, c T-13, as it appeared before June 17, 2019

Demandes rejetées

When applications to be refused

37 (1) Le registraire rejette une demande d’enregistrement d’une marque de commerce s’il est convaincu que, selon le cas :

37 (1) The Registrar shall refuse an application for the registration of a trade-mark if he is satisfied that

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30;

(a) the application does not conform to the requirements of section 30,

b) la marque de commerce n’est pas enregistrable;

(b) the trade-mark is not registrable, or

c) le requérant n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la marque de commerce parce que cette marque crée de la confusion avec une autre marque de commerce en vue de l’enregistrement de laquelle une demande est pendante.

(c) the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark because it is confusing with another trade-mark for the registration of which an application is pending,

Lorsque le registraire n’est pas ainsi convaincu, il fait annoncer la demande de la manière prescrite.

and where the Registrar is not so satisfied, he shall cause the application to be advertised in the manner prescribed.

[…]

[…]

Quand la demande est admise

When application to be allowed

39 (1) Lorsqu’une demande n’a pas fait l’objet d’une opposition et que le délai prévu pour la production d’une déclaration d’opposition est expiré, ou lorsqu’il y a eu opposition et que celle-ci a été décidée en faveur du requérant, le registraire l’admet ou, en cas d’appel, il se conforme au jugement définitif rendu en l’espèce.

39 (1) When an application for the registration of a trade-mark either has not been opposed and the time for the filing of a statement of opposition has expired or it has been opposed and the opposition has been decided in favour of the applicant, the Registrar shall allow the application or, if an appeal is taken, shall act in accordance with the final judgment given in the appeal.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1736-18

 

INTITULÉ :

OBSIDIAN GROUP INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 janvier 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 5 mai 2020

 

COMPARUTIONS :

Serge Anissimoff

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Ayesha Laldin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Serge Anissimoff

Siskinds The Law Firm

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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