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Date : 20050406

Dossier : IMM-2380-04

Référence : 2005 CF 452

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

PATRICIA ZEVALLOS BELLIDO

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER

[1]         La demanderesse, madame Patricia Bellido, une citoyenne et résidente du Pérou, souhaite venir stablir au Canada à titre de résidente permanente. Elle a déposé une demande de résidence permanente à partir du Pérou, le 22 janvier 2002. Suite à une entrevue menée le 30 décembre 2003 par un agent du Service extérieur (l'agent des visas), à l'ambassade du Canada à Lima, au Pérou, la demande de la demanderesse a été rejetée. La décision, communiquée à la demanderesse par lettre du 14 janvier 2004, fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.


[2]         Le rejet de la demande est fondé sur deux aspects :

1.       L'agent des visas a attribué une note de 56 points à la demanderesse, soit 11 points de moins que la note de passage. En particulier, la demanderesse a obtenu zéro sur 24 au chapitre des aptitudes linguistiques, zéro sur dix pour le facteur « emploi réservé » et cinq sur dix pour sa capacité d'adaptation.

2.       L'agent des visas a estimé que madame Bellido avait fait de fausses déclarations ou caché des faits importants concernant ses antécédents professionnels, son expérience de travail et les offres d'emploi, fausses déclarations ou omissions [traduction] « qui entraînent ou risquent d'entraîner une erreur dans l'application de la Loi » . Compte tenu de cette conclusion, l'agent des visas a jugé que la demanderesse devait être interdite de territoire au Canada, au sens de l'alinéa 40(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]         Les questions soulevées par la présente demande sont les suivantes :

1.       L'agent des visas a-t-il commis une erreur dans son évaluation de madame Bellido :

a)            en attribuant un zéro pour ses compétences linguistiques?

b)            en attribuant un zéro pour le facteur « emploi réservé » ?

c)            en attribuant une note de cinq pour sa capacité d'adaptation?


2.       L'agent des visas a-t-il commis une erreur en déterminant que la demanderesse n'était pas admissible au Canada au motif qu'elle avait fait de fausses déclarations ou omis de déclarer des faits importants, au sens de l'alinéa 40(1)a) de la Loi?

3.       L'agent des visas a-t-il contrevenu aux règles de l'équité procédurale en ne donnant pas à la demanderesse la possibilité de fournir une réponse sur les points qui le préoccupaient?

ANALYSE

[4]         L'évaluation d'une personne qui demande la résidence permanente selon la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) s'effectue conformément aux articles 75 à 85 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (2002) (le Règlement). Dans la présente demande, trois des critères d'évaluation sont en cause : les compétences linguistiques (article 79), l'emploi réservé (article 82) et la capacité d'adaptation (article 83). Le facteur d'emploi réservé est lié à la capacité d'adaptation. Ainsi, si la demanderesse obtient dix points pour l'emploi réservé, elle obtient également cinq points additionnels pour la capacité d'adaptation (paragraphe 83(1) du Règlement).


[5]         En réalisant cette évaluation, l'agent des visas exerce un pouvoir discrétionnaire. La Cour doit donc faire preuve d'une grande retenue. La norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable (Hua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 1647.

Question n ° 1a) : Les compétences linguistiques

[6]         La demanderesse a déposé sa demande en vertu de l'ancienne loi et de l'ancien règlement, remplacés le 28 juin 2002 par la Loi et le Règlement. Le 1er septembre 2003, une lettre a été envoyée à madame Bellido pour l'informer que sa demande serait examinée en vertu de la nouvelle Loi et du nouveau Règlement, selon le nouveau critère de travailleur qualifié. En conséquence, la demanderesse fut priée de soumettre un formulaire de demande actualisé ainsi qu'une [traduction] « preuve de votre niveau de compétence linguistique actuel » [souligné dans l'original]. Un feuillet distinct contenait des explications sur ce que la demanderesse devait produire pour prouver ses compétences linguistiques. Pour résumer, la demanderesse pouvait :

_     soit subir un test linguistique auprès d'une organisation approuvée;

_     soit fournir tout autre document écrit justifiant ses prétentions.

[7]                     Il était fortement recommandé que la demanderesse choisisse de subir un test linguistique auprès d'une organisation approuvée. En outre, rien dans la lettre n'indiquait que l'agent des visas pouvait réaliser une évaluation indépendante et subjective des compétences linguistiques de la demanderesse.


[8]                     Les directives reçues par la demanderesse correspondent aux règles énoncées au paragraphe 79(1) du Règlement. Pour éviter que les agents des visas ne soient tenus de réaliser des évaluations subjectives des compétences linguistiques, le paragraphe 79(1) précise que la personne qui demande la résidence permanente doit :

a)             soit faire évaluer ses compétences par une institution ou organisation désignée;

b)             soit fournir une autre preuve écrite de sa compétence dans ces langues.

[9]         Dans son affidavit, la demanderesse affirme qu'au début de l'entrevue, elle a montré à l'agent des visas le formulaire des résultats d'examen de l'International English Language Testing System. Elle a également déclaré que selon ce qu'elle avait compris, les résultats étaient envoyés directement à l'ambassade. Ses déclarations assermentées vont à l'encontre du témoignage assermenté de l'agent des visas, lors de son contre-interrogatoire sur son affidavit. Il a alors confirmé que la demanderesse ne lui avait jamais montré ces résultats et que ce document ne figurait pas au dossier. Son témoignage est appuyé par l'absence de tout résultat de test linguistique, dans le dossier certifié de la Commission, lequel contient tous les documents pertinents à la décision de l'agent des visas. Si l'organisation chargée de dispenser l'examen avait fait parvenir de tels résultats, en toute logique, ils figureraient dans le dossier de la demanderesse. On peut raisonnablement déduire, en l'absence de ces résultats dans le dossier, que ceux-ci n'ont jamais été envoyés tel que le prétend la demanderesse. Entre ces deux versions, je préfère le témoignage de l'agent de visas et conclus que selon la prépondérance de la preuve, l'agent des visas et l'ambassade n'ont jamais reçu les résultats.


[10]       L'entrevue de la demanderesse avec l'agent des visas s'est déroulée en anglais. De plus, le dossier certifié de la Commission contient des lettres du 20 avril 2003 et du 30 décembre 2003, rédigées par la demanderesse en anglais. Cette dernière soutient qu'elle mérite au moins 12 points pour les capacités linguistiques évidentes dont elle a fait montre lors de l'entrevue et dans ses lettres. Je ne suis pas d'accord.

[11]       En l'absence des résultats de test, la demanderesse pouvait fournir d'autre preuves écrites de ses compétences linguistiques. L'objectif des documents justificatifs consiste à démontrer objectivement que la demanderesse peut parler, lire et écrire en anglais. Parmi les renseignements qu'elle doit fournir, mentionnons les documents officiels relatifs aux études et à l'expérience de travail en anglais, une explication de la manière dont la demanderesse fait régulièrement usage de l'anglais et une description détaillée de sa formation en anglais. Par souci d'objectivité, l'évaluation des compétences linguistiques - même à l'oral - doit être établie au moyen de déclarations écrites et non dans le cadre de l'entrevue avec l'agent des visas. Le Règlement n'autorise pas l'agent des visas à procéder à une évaluation des compétences linguistiques orales lors de l'entrevue. Pas plus qu'il n'est habilité à évaluer les compétences linguistiques écrites de la demanderesse en se fondant sur les lettres soumises dans le cadre du processus de demande. Il est facile pour une personne qui demande la résidence permanente de faire écrire ces lettres par quelqu'un d'autre. La procédure garantit l'équité et un traitement égal pour les auteurs de demande.


[12]       Puisque la demanderesse a omis de soumettre les résultats de ses tests ou les documents nécessaires pour prouver ses prétentions quant à ses compétences linguistiques en anglais, elle ne méritait aucun point. L'agent des visas n'a pas commis d'erreur en attribuant à la demanderesse un zéro pour ses compétences linguistiques.

Question n ° 1b) :Le facteur d'emploi réservé

[13]       En vertu du paragraphe 82(2) du Règlement, une personne qui demande la résidence permanente peut obtenir dix points si elle a un emploi réservé au Canada. Pour satisfaire à cette exigence, cette personne doit disposer d'une offre d'emploi permanent qui a été validée par Développement des ressources humaines Canada (DRHC).

[14]       En l'espèce, une offre d'emploi a été validée par DRHC le 27 août 2003. L'offre concernait un poste de représentante des ventes en gros chez Sattler Foods Inc.; pour satisfaire aux exigences liées à ce poste, le candidat devait posséder, notamment [traduction] « au moins huit ans d'expérience dans la vente en gros de produits de viande, en particulier en Amérique latine » . Le 16 septembre 2003, sur réception de cette lettre, la mention suivante a été inscrite dans le dossier de la demanderesse :


[traduction] La lettre de validation de DRHC, en date du 27 août 2003, précise qu'entre autres exigences, le candidat doit posséder au moins huit ans d'expérience dans la vente en gros de produits de viande, en particulier en Amérique latine. Selon les documents déposés au soutien de la demande, l'expérience de la requérante en matière d'exportations semble porter exclusivement sur les systèmes de sécurité, pas les produits de viande. Apparemment, la requérante ne respecte pas l'exigence validée par la DRHC. Ce point doit être éclairci avec la requérante.

[15]       Par lettre du 19 septembre 2003, envoyée de l'ambassade canadienne à Lima, la demanderesse a été priée de fournir des renseignements ou des documents sur [traduction] « son expérience de travail dans la vente en gros de produits de viande, en particulier en Amérique latine » . Dans cette lettre, on informe la demanderesse que, [traduction] « en cas d'omission de soumettre des documents satisfaisants, nous n'aurons d'autre choix que de conclure que vous ntes pas habilitée (...) àobtenir des points pour le facteur d'emploi réservé » .

[16]       En réponse àcette lettre, monsieur Hector Chirinos a envoyé à l'ambassade une lettre en date du 1er octobre 2003, dans laquelle il déclare que la demanderesse a travaillé sous sa supervision comme [traduction] « représentante d'une grande sociétécanadienne de commerce de viande » , en qualité de négociatrice de marchandises et de viandes, de 1995 à 1999. La lettre de monsieur Chirinos ne porte aucune en-tête et ne donne aucune indication sur le nom de cette société canadienne. Une autre lettre portant la date du 9 octobre 2003 a été envoyée par Fernando Barba, directeur-gérant de F & B Representaciones; dans cette lettre, il confirme que la demanderesse occupe un poste de conseillère depuis août 1999 dans le domaine des importations de viandes.


[17]       L'agent des visas a souligné qu'avant ces lettres, la demanderesse n'a jamais mentionné qu'elle avait occupé un poste quelconque chez F & B Representaciones ni qu'elle avait assumé les fonctions décrites par monsieur Chirinos. Comme il l'indique dans sa déclaration assermentée déposée au dossier du défendeur, l'agent des visas [traduction] « craignait que l'information soumise par la requérante soit fausse et intéressée » . À cette étape de l'enquête, l'agent des visas était confronté à deux questions : a) la demanderesse possédait-elle réellement l'expérience décrite par DRHC? b) la défenderesse tentait-elle de faire une fausse déclaration sur des faits importants? Cette dernière question sera examinée plus loin, à la question n ° 2.

[18]       Pour tenter de répondre à ces deux questions, l'agent des visas a entrepris des vérifications qui ont soulevé certaines interrogations. Ces interrogations, de même que d'autres anomalies dans le dossier d'emploi de la demanderesse, ont été signalées à la demanderesse lors de l'entrevue du 30 décembre 2003. La demanderesse n'a pas répondu à ces interrogations; au contraire, elle a donné une autre version de son expérience de travail.

[19]       En ce qui concerne l'exigence relative à l'expérience de travail, l'agent des visas affirme, dans sa déclaration assermentée, que la demanderesse a reconnu qu'elle possédait seulement quatre années d'expérience àtemps partiel dans la vente en gros de produits de viande. Cette réponse est consignée dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), un système de fichiers électroniques qui sert au traitement des demandes d'admission au Canada. Les notes consignées dans le STIDI font état des questions posées à la demanderesse et des réponses qu'elle a données lors de l'entrevue. En s'appuyant sur le dossier dont il disposait, l'agent des visas a conclu que la demanderesse ne possédait pas l'expérience de travail nécessaire pour effectuer le travail décrit dans la lettre de validation de DRHC.


[20]       La demanderesse prétend qu'elle méritait d'obtenir les dix points pour le facteur d'emploi réservé, pour les raisons suivantes : a) la validation de son offre d'emploi par DRHC; b) son expérience dans la vente des produits de viande.

[21]       La validation de DRHC n'est pas, comme le prétend la demanderesse, une preuve suffisante d'emploi réservé. Une telle validation ne libère pas l'agent des visas de son obligation de déterminer si la demanderesse est en mesure d'effectuer le travail décrit dans la validation.


[22]       En l'espèce, la lettre de DRHC indique sans équivoque que le poste examiné par DRHC exige « au moins huit ans d'expérience dans la vente en gros de produits de viande, en particulier en Amérique latine » . Il appartenait à l'agent des visas de vérifier que la demanderesse satisfaisait effectivement à cette exigence. Les notes inscrites par l'agent des visas dans le STIDI démontrent qu'il a interrogé la demanderesse à propos de son manque d'expérience apparent et que cette dernière a reconnu qu'elle ne satisfaisait pas à ce critère. La demanderesse n'a pas réussi àconvaincre l'agent des visas qu'elle possédait une expérience suffisante ou valablement justifiée par des documents à l'appui. Le fait que la demanderesse ait reconnu son manque d'expérience lors de l'entrevue constitue une preuve suffisante pour justifier la conclusion de l'agent des visas et je suis d'accord avec son évaluation, en ce qui concerne le facteur d'emploi réservé. De plus, deux autres éléments confortent la conclusion de l'agent des visas : lors du dépôt, la demande ne contenait aucune mention quant à l'expérience de la demanderesse dans ce domaine et par la suite, cette dernière a modifié son témoignage concernant son expérience de travail. Enfin, dans les circonstances, il était parfaitement raisonnable pour l'agent des visas de rejeter les lettres intéressées signées par son propre beau-frère et par madame Sattler (qui, semble-t-il, était la mère de monsieur Chirinos) concernant son expérience de travail et l'offre d'emploi.

[23]       Quelle que soit la norme de contrôle retenue, la décision de l'agent des visas d'attribuer un zéro à la demanderesse pour le facteur d'emploi réservé ne doit pas être écartée. Il s'ensuit que la demanderesse ntait pas habilitée à obtenir les cinq points additionnels concernant sa capacité d'adaptation.

[24]       Compte tenu des mes conclusions sur ces questions, la décision de l'agent des visas d'allouer à la demanderesse un total de 56 points seulement est maintenue. En conséquence, la demanderesse n'a pas obtenu un nombre suffisant de points pour justifier une décision favorable de l'agent des visas quant à sa demande de résidence permanente.

Question n ° 2 : Les fausses déclarations

[25]       Tel que mentionné plus haut, l'agent des visas a jugé que la demanderesse a fait de fausses déclarations ou qu'elle n'a pas révélé des faits importants sur ses antécédents professionnels, son expérience de travail et les offres d'emploi, fausses déclarations ou omissions « qui entraînent ou risquent d'entraîner une erreur dans l'application de la Loi » . Compte tenu de cette conclusion, l'agent des visas a jugé que la demanderesse devait être interdite de territoire au Canada, tel que prévu à l'alinéa 40(1)a) de la Loi. Cette disposition est libellée comme suit :


40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d'entraîner une erreur dans l'application de la présente loi;

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

[25]       La conclusion de l'agent des visas sur cette question semble fondée sur plusieurs incohérences et contradictions.

_     En ce qui concerne ses antécédents professionnels, les renseignements que la demanderesse a donnés lors de l'entrevue diffèrent de ceux qu'elle a donnés dans sa demande de visa de visiteur et dans sa demande de résidence permanente. L'information contenue dans les lettres fournies par ses employeurs offre une troisième version de ses antécédents professionnels.

_     En ce qui concerne son expérience relative aux exigences du poste proposé au Canada, la demanderesse n'a pas fourni, dans un premier temps, la moindre information. Lorsque ce point a été soulevédans une lettre qui lui était adressée, deux lettres ont fait leur apparition pour faire état de son expérience de travail à temps partiel dans ce domaine. Toutefois, lorsqu'elle a été interrogée sur le sujet, durant l'entrevue, elle a reconnu qu'elle possédait seulement quatre ans d'expérience de travail à temps partiel.


_     Lorsqu'elle a été interrogée à propos d'une offre d'emploi canadien chez Eastern Packinghouse Brokers qui ne s'est jamais matérialisée, elle a d'abord déclaré qu'elle avait refusé l'offre parce que le lieu de travail était trop éloigné de l'endroit où elle habitait. Il s'est avéré par la suite que l'offre avait été retirée. Elle a également nié avoir obtenu cette offre en raison des liens de son beau-frère avec cette compagnie. Affirmation qui s'est avérée fausse également.

_     L'agent des visas a également relevé des anomalies dans l'offre de Sattler Food. Dans un premier temps, la demanderesse a nié toute relation entre monsieur Chirinos, son beau-frère, et madame Sattler. Comme le souligne l'agent des visas, au paragraphe 24 de sa déclaration assermentée :


[traduction] Lorsque j'ai demandé de l'information à la requérante concernant Sattler Foods Inc., à Woodbridge, elle a affirmé qu'elle ne savait pas grand chose de cette compagnie, seulement que ctait une compagnie de viande. Je lui ai demandé où cette compagnie était située, elle m'a répondu qu'elle était quelque part à Woodbridge mais n'a pas été en mesure de citer l'adresse exacte. Je lui ai demandé comment elle avait obtenu cette offre d'emploi, elle m'a répondu qu'elle l'avait eue par l'intermédiaire de Sheila Sattler, lors d'une fête. Lorsque je lui ai demandé si Sheila était liée à son beau-frère, Hector Chirinos, elle a répondu non, que ctait juste l'ami d'un ami. Je lui ai demandé si elle avait déjà visité cet endroit et elle a répondu non. Je lui ai demandé pourquoi les renseignements dans sa demande de visa de résidence provisoire correspondaient parfaitement à l'adresse de Sheila Sattler mais elle ne m'a pas répondu. Je lui ai demandé d'expliquer comment il était possible qu'elle ne sache pas où était située cette adresse alors qu'elle l'avait déjà visitée en 2001. Elle a répondu qu'elle n'en savait rien. Les filles de la requérante ont confirmé qu'en réalité, elles ont habité à cette adresse lorsqu'elles sont arrivées au Canada la première fois. Les renseignements donnés par la requérante sont faux. En réalité, elle a des liens avec Hector Chirinos, employé de Sattler Foods Inc. et époux de sa soeur, Alicia Chirinos. Lorsqu'elle est arrivée au Canada en 2001, munie d'un visa de visiteur, elle est restée avec ses deux filles chez sa soeur et son beau-frère, à Woodbridge, à la même adresse qu'elle a donnée dans sa demande de visa de visiteur. La personne qui lui a offert un emploi dans la compagnie, Sheila Sattler, est en réalité la mère d'Hector Chirinos.

_     Lors de l'entrevue, elle a décrit ses antécédents professionnels sans mentionner qu'elle avait déjà travailléavec monsieur Chirinos. Une lettre de ce dernier, en date du 1er octobre 2003, indique qu'elle a travaillé sous sa supervision dans une compagnie appelée Export Packers, de 1995 à 1999.

_     À aucun moment au cours du processus, la demanderesse n'a mentionné que son « employeur » , Sistemas, était une entreprise familiale dont elle était copropriétaire.

[26]       La demanderesse affirme que l'agent des visas a commis une erreur. Je ne suis pas d'accord.

[27]       Pour conclure qu'une personne doit être interdite de territoire, tel que prévu au paragraphe 40(1), il faut réunir deux éléments : cette personne doit avoir donné de fausses déclarations et ces fausses déclarations doivent porter sur un fait important et entraîner ou risquer d'entraîner une erreur dans l'application de la LIPR. La norme de contrôle applicable au premier de ces éléments est, à mon avis, le caractère manifestement déraisonnable. Il s'agit d'une décision sur les faits; or, l'agent des visas est celui qui est le mieux placé pour évaluer ces faits. Sans me prononcer sur le deuxième élément, je considère que la norme de contrôle applicable est le caractère raisonnable simpliciter.


[28]       La demanderesse voudrait que l'on ajoute un autre critère dans cette analyse - à savoir que les fausses déclarations doivent être intentionnelles, délibérées ou faites par négligence. Contrairement aux prétentions de la demanderesse, rien dans l'alinéa 40(1)a) ne permet d'exiger qu'il en soit ainsi. Les décisions citées par la demanderesse à l'appui de cet argument (R. c. Perez [2002] N.W.T.J. No. 93 et Dhananic. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 183) ne lui sont d'aucune utilité.

[29]       En ce qui concerne la conclusion sur les faits de l'agent des visas, quant aux fausses déclarations, je ne constate aucune erreur. La conclusion voulant que la demanderesse ait menti sur les faits est amplement étayée par la preuve. Même s'il fallait prouver que ces fausses déclarations étaient « intentionnelles, délibérées ou faites par négligence » , les faits de l'espèce satisfont pleinement à ces critères. Les mensonges proférés par la demanderesse lors du processus de demande étaient manifestes et ne pouvaient être attribués, selon toute interprétation raisonnable, à la nervositéou à l'incertitude de la demanderesse. Que l'on applique la norme de la décision manifestement déraisonnable ou celle, moins stricte, de la décision raisonnable simpliciter, les conclusions de l'agent des visas doivent être maintenues.


[30]       Ayant conclu que le caractère mensonger des déclarations est démontré par la preuve dont disposait l'agent des visas, j'examinerai maintenant la question de la pertinence et de l'importance (Baseer c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1239; 2004 CF 1005 (CFPI). Certaines des fausses déclarations alléguées portent sur l'offre d'emploi d'Eastern Packinghouse qui a été retirée. Je reconnais que la demanderesse a menti concernant cette offre d'emploi mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un fait important. Dans des circonstances normales, je ne vois pas en quoi une fausse déclaration à propos d'une offre d'emploi qui n'existe plus puisse être considérée comme étant « importante » ou comme entraînant une erreur dans l'application de la LIPR. Je suis donc encline àignorer ces conclusions, même si elles contribuent établir le caractère mensonger qui caractérise l'attitude de la demanderesse envers l'agent des visas. Toutefois, toute erreur dans lvaluation de l'importance de ces fausses déclarations n'a aucune conséquence, compte tenu des nombreuses irrégularités dont est entaché le dossier de la demanderesse.

[31]       Le reste des conclusions se rapportent aux antécédents professionnels, à l'expérience de travail et aux offres d'emploi de la demanderesse. Toutes ces questions relèvent directement des obligations de l'agent des visas. Elles sont toutes importantes car elles auraient pu permettre à l'agent des visas d'accepter la demande de la demanderesse, le poussant ainsi à commettre une erreur dans l'application de la LIPR. Par exemple, si l'agent des visas avait cru les déclarations de la demanderesse concernant ses antécédents professionnels, il aurait pu conclure qu'elle possédait l'expérience exigée pour le poste à Sattler Foods. Peu importe le critère de contrôle appliqué, la décision de l'agent des visas doit être maintenue.

Question n ° 3 : Équitéprocédurale


[32]       La demanderesse prétend que les principes de lquité procédurale n'ont pas été respectés. Plus particulièrement, elle affirme que l'agent des visas a omis de lui donner une occasion calme et raisonnable de préciser ou de prouver son expérience et l'offre d'emploi ou de dissiper les doutes de l'agent des visas (Islam c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) [1999] A.C.F. no 1985 (CFPI)). Elle fait en outre valoir que l'agent des visas aurait dû [traduction] « vérifier une nouvelle fois ses références ou demander des précisions àson employeur ou à la demanderesse et donner à chacun une occasion raisonnable de fournir une réponse dans un contexte impartial plutôt que dans un contexte hostile » . Elle ajoute qu'elle s'est sentie « dans l'embarras et déstabilisée » .

[33]       J'ai lu le dossier de l'affaire et je suis convaincue que les allégations d'hostilité de la part de l'agent des visas ne sont pas fondées. L'agent des visas, à mon avis, a effectué son travail et procédé aux vérifications qu'il estimait nécessaires. La demanderesse n'a rien trouvépour justifier cette grave allégation, hormis ses opinions sans fondement. Compte tenu de ltat du dossier de la demanderesse, lequel est rempli de preuves contradictoires et d'omissions, je peux comprendre pourquoi la demanderesse s'est sentie embarrassée lorsqu'elle a été interrogée sur certaines des irrégularités de son dossier. Cela ne signifie pas pour autant que les règles de la justice naturelle n'ont pas été respectées.

[34]       Après l'entrevue, la demanderesse a fourni de nouveaux renseignements, y compris les lettres de son employeur éventuel et de monsieur Chirinos. La demanderesse affirme qu'on aurait dû lui donner une nouvelle occasion de fournir une réponse face aux doutes de l'agent des visas. Je ne pense pas que l'obligation dquité exige de donner quoi que ce soit d'autre à la demanderesse. Au contraire, en acceptant de recevoir et d'examiner ces documents additionnels, l'agent des visas est vraisemblablement allé au-delà de ce que l'on attendait de lui.


[35]       Il appartient à la demanderesse de prouver que sa demande satisfait aux critères du visa et il n'existe aucune obligation positive de donner à la demanderesse l'occasion de fournir une réponse aux objections de l'agent des visas à lgard de sa demande (Nehme c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) [2004] A.C.F. no 49, paragraphe 18). Comme le mentionne le juge Muldoon, dans Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) [1997] A.C.F. no 1091 (CFPI), au paragraphe 21 :

[I]l est possible de conclure, (...), que cette [obligation dquité] ne prend pas simplement naissance du fait qu'après avoir soupesé la preuve l'agent des visas n'est toujours pas convaincu du bien-fondé de la demande. La tâche de l'agent des visas consiste précisément à soupeser les éléments de preuve présentés par le requérant. Comme la Cour l'a dit, étant donné qu'il incombe au requérant de présenter une preuve, il n'est pas évident que l'agent des visas devrait être obligé de lui faire part du « résultat intermédiaire » à chaque stade de la procédure [Covrig c. M.C.I. (1995) 104 F.T.R. 41].

[36]       Bien entendu, ce serait une erreur de la part de l'agent des visas de s'appuyer sur des éléments de preuve extrinsèques (tels que des renseignements obtenus par l'intermédiaire d'un appel téléphonique à un ancien employeur) sans informer la demanderesse de l'existence de cette preuve. En l'espèce, l'agent des visas a informé la demanderesse de l'information qu'il avait obtenue dans le cadre de ses recherches et il lui a donné une occasion raisonnable de fournir une réponse.

[37]       Je conclus que les principes de lquité procédurale ont été respectés.

CONCLUSION

[38]       Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

[39]       La demanderesse propose trois questions à certifier :


1.       Est-il manifestement déraisonnable pour l'agent des visas d'attribuer un zéro pour l'évaluation des compétences en anglais, tant pour ce qui est de lire, d'écrire, de parler que de comprendre l'anglais?

2.       L'article 79 du Règlement interdit-il de prendre en compte les compétences en anglais, telles que démontrées lors de l'entrevue, en droit et en équité, lorsque le dossier certifié ne contient aucun résultat de test?

3.       La norme de contrôle applicable, quant à savoir si une fausse déclaration a été faite, tel que prévu à l'article 40 de la LIPR, est-elle la décision manifestement déraisonnable?


[40]       À mon avis, aucune de ces questions n'est une question de portée générale méritant d'être certifiée. Les critères de l'article 79 du Règlement sont clairs et sans équivoque, en ce qu'ils exigent, soit une évaluation objective des compétences linguistiques par un tiers indépendant, soit des documents écrits à l'appui. En l'espèce, aucune de ces exigences n'a été respectée par la demanderesse. Il est inutile de répondre à la troisième question puisque j'ai déterminé que les conclusions de l'agent des visas, quant au caractère mensonger des déclarations, pouvaient résister à la norme de la décision raisonnable simpliciter tout autant qu'à la norme de la décision manifestement déraisonnable.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          La demande est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« Judith A. Snider »

_____________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 IMM-2380-04

INTITULÉ:                                 PATRICIA ZEVALLOS BELLIDO c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :       Le 22 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               Madame la juge Snider

DATE :                                        Le 6 avril 2005

COMPARUTIONS :

Charlotte M. Janssen                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Robert Bafaro                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                      

Janssen & Associates                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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