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Date: 20010529

 

Dossier: IMM-3948-00

 

Référence neutre: 2001 CFPI 543

 

 

 

Entre :

 

 

                                       FARID SLIMANI

 

                                                                                          demandeur

 

 

                                                  - et -

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                           défendeur

 

 

 

                             MOTIFS D’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE DUBÉ:

 

 

[1]   Cette demande de contrôle judiciaire a été déposée à l’encontre d’une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l’Immigration (“la Section du statut”), rendue le 10 juillet 2000, à l’effet que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention.

 


1.  Les faits

 

[2]   Le demandeur, âgé de 31 ans et célibataire, est citoyen de l’Algérie.  Il allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social, en l’occurrence celui des intellectuels de son pays ciblés par les terroristes.  Il a obtenu son diplôme d’ingénieur d’État en septembre 1992 et a occupé la gérance au commerce de son père, une serrurerie ferronnerie.

 

[3]   En 1994, après que son frère eut été blessé par des terroristes et qu’il ait révélé à cette occasion que son frère était ingénieur d’État, des individus se seraient présentés au domicile du demandeur pour le rencontrer.  Ce dernier a quitté le pays pour la Tunisie peu après.  En juillet 1998, le domicile familial aurait été incendié par des individus soupçonnés d’être des terroristes.  En août de la même année, le demandeur est alors retourné dans son pays pour s’occuper de sa famille.  À la suite de pressions exercées par lui, le demandeur a réussi à faire immigrer des membres de sa famille au Canada.  Par après, il s’est également affairé à liquider les biens de l’entreprise familiale, tout en restant lui-même caché.

 


[4]               Le demandeur a par après appris que deux de ses anciens collègues de l’université avaient été assassinés et qu’un troisième, du nom de Samir, recevait des lettres de menaces.  Au cours de cette période, un parent aurait trouvé dans la maison familiale des lettres anonymes adressées au demandeur personnellement.  Ce dernier en panique, a montré les lettres à Samir et quitté le pays.

 

[5]               En janvier 2000, le demandeur, muni d’un faux passeport, rejoint sa famille au Canada.  Le 6 mars, un mois après sa demande de réfugié, il apprend que son ami Samir vient d’être égorgé.

 

2.  La décision de la Section du statut

 

[6]               Au départ, la Section du statut tire la conclusion globale suivante:

Son témoignage est farci d’incohérences et d’invraisemblances; son comportement ne relève pas de celui d’une personne qui craint pour sa vie et sa mémoire sur les dates des événements qui l’amènent à revendiquer, particulièrement celles de l’émission ou de la réception des lettres de menaces, est totalement défaillante.

 

 

[7]               Par après, la Section du statut présente une analyse logique, presque cartésienne, des éléments de preuve, étalée sous les titres et sous-titres suivants:

 

A) Événements déclencheurs de sa fuite

1.                     Assassinat de deux collègues ingénieurs

2.                     Lettres de menaces

3.                     Assassinat de Samir

B) Aucune preuve de son retour en Algérie


1.                     Pas de passeport;

2.                     Faux passeport déchiré;

3.                     Aucun document sur l’incendie criminel;

4.                     Aucun document sur la liquidation des biens.

 

[8]               À la suite d’un examen précis et concis de chacun des éléments de preuve précités, la Section du statut conclut comme il suit:

Pour tous ces motifs, le tribunal doute sérieusement du retour du demandeur en Algérie après son départ en 1994 et, en conséquence, ne croit pas cette histoire.

 

 

3.  Arguments du demandeur

 

[9]               Le procureur du demandeur, dans un plaidoyer éloquent et abondant, a repris point par point les éléments de preuve au dossier et a tenté de démontrer que dans chacun des cas la Section du statut a erré dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur.  Il a démontré que dans plusieurs cas les allégations du demandeur pouvaient être interprétées d’une façon crédible, contrairement aux conclusions du tribunal.  Il invite la Cour à juger que la décision de la Section du statut est donc manifestement arbitraire et mal fondée.

 

 

 

4.  Analyse


[10]           Il ne s’agit pas ici de confirmer ou d’infirmer chacune des interprétations adoptées par le tribunal, mais bien de considérer l’analyse globale de l’ensemble des éléments de preuve.  La lecture des motifs de la décision et de la transcription des questions et réponses à l’audition, indique que l’appréciation générale de la preuve de la part du tribunal n’est pas manifestement déraisonnable.  Même si plusieurs éléments de preuve pouvaient donner lieu à des interprétations plus favorables au demandeur, il n’en reste pas moins que la Section du statut était justifiée de conclure que le témoignage du demandeur “était farci d’incohérences et d’invraisemblances”.  Le tribunal était à même de conclure que les explications du demandeur révélaient un comportement incompatible avec une quelconque crainte subjective, donc à son absence de crédibilité.

 

[11]           Il faut retenir “que le tribunal spécialisé qu’est la Section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d’un témoignage”[1].

 

 

 

 

 

 

5.  Disposition


[12]           En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.  À mon avis, il n’y a pas ici une question d’importance générale à être certifiée.

 

 

 

 

OTTAWA (Ontario)

le 29 mai 2001

                                                                                                     Juge



[1]           Aguebor c. M.E.I., (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


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