Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200422


Dossier : T-1076-19

Référence : 2020 CF 544

Ottawa (Ontario), le 22 avril 2020

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

GUY VEILLETTE

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire du rejet d’un grief logé à l’encontre de l’Agence du revenu du Canada [ARC], par le demandeur, aux termes de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22, art 2 [Loi]. Suivant ce grief, l’ARC aurait fait défaut d’offrir au demandeur une nomination permanente à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, malgré une promesse qui lui aurait été faite en ce sens.

[2]  Pour les motifs qui suivent, ladite demande est rejetée.

II.  Contexte

[3]  Le demandeur, qui se représente lui-même, est fonctionnaire de carrière. Il compte, à divers titres, dont celui de vérificateur d’impôts, près de 30 ans de service au sein de l’effectif de l’ARC. À partir de novembre 2013, il occupe, de façon intérimaire, un poste de chef d’équipe [Poste intérimaire] auprès de la Division de la vérification, secteur de la petite et moyenne entreprise, au bureau des services fiscaux de l’ARC à Montréal [Division de la vérification]. Ce poste est de niveau MG‑05 et les exigences linguistiques du poste sont « français essentiel ».

[4]  L’intérim prend fin en mars 2017, pour des raisons budgétaires selon ce que se fait alors dire le demandeur. Le poste que le demandeur occupait à titre intérimaire, est, pour sa part, aboli quelques mois plus tard pour des considérations opérationnelles. Le demandeur en conteste l’abolition, mais son grief est rejeté. Son rendement dans ce poste, du moins pour la période s’étendant du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, répond à toutes les attentes et les dépasse à l’occasion. Le demandeur dit aussi n’avoir rencontré aucun problème de nature linguistique durant son intérim.

[5]  Entre temps, le demandeur se qualifie pour une nomination permanente à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, aux termes d’un processus de dotation lancé à l’été 2016. Son nom est alors placé dans un répertoire (ou bassin) de candidats qualifiés [Répertoire], lequel sera disponible aux gestionnaires de l’ARC de la région visée, à des fins de dotation, du 1er novembre 2016 au 31 janvier 2019. Toutefois, le 27 octobre 2017, le demandeur est avisé, à la suite d’une évaluation de ses compétences langagières dans sa langue seconde, l’anglais, effectuée à l’été 2017, qu’il n’a pas atteint le niveau requis sur le plan de la compétence orale et que, par conséquent, sa candidature ne pourra être considérée pour des postes bilingues de chef d’équipe, et ce, tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas atteint ce niveau.

[6]  À l’échéance du Répertoire, le 31 janvier 2019, aucune nomination dans un poste permanent de chef d’équipe, niveau MG-05, n’est proposée au demandeur, alors que plusieurs nominations de candidats provenant du Répertoire ont été faites. Ces nominations le sont toutes pour des postes désignés « bilingue impératif », un profil linguistique que le demandeur ne rencontre pas.

[7]  Le 18 février 2019, le demandeur dépose le grief à l’origine des présentes procédures. Le grief est libellé ainsi :

Je conteste la décision de l’employeur de ne pas respecter son contrat, son engagement à mon endroit, à savoir refuser de m’offrir une nomination MG-05 permanente. J’étais un candidat qualifié avant que le répertoire ne vienne à échéance le 31 janvier 2019.

(Dossier de la défenderesse, onglet 29, p. 83)

[8]  Ce « contrat » ou cet « engagement » découle, selon le demandeur, d’un échange de courriels, à l’automne 2015, alors qu’il occupe le Poste intérimaire, entre lui et la directrice adjointe de la Division de la vérification de l’époque, Mme Guylaine Gaudreault, échange au terme duquel celle-ci fait état de son « engagement envers [le demandeur] pour un poste unilingue MG-05 si l’opportunité se présente pour une nomination permanente » (Dossier du demandeur, p. 19).

[9]  Sur le plan des mesures correctives recherchées, le demandeur, aux termes du grief, « demande à être nommé MG-05 permanent et de toucher rétroactivement le salaire relatif à ce poste jusqu’à la date (2017) de la première nomination intérimaire MG-05, au secteur des PME de la division de la vérification, d’un candidat non inclus dans le répertoire de candidats qualifiés » (Dossier de la défenderesse, onglet 29, p. 83).

[10]  La procédure de grief que le demandeur entame comporte quatre paliers. Je note qu’à toutes les étapes de cette procédure, il indique vouloir qu’on statue sur son grief sans audition.

[11]  Le demandeur ne reçoit pas de décision au premier palier, puisque le fonctionnaire désigné pour entendre le grief à ce stade de la procédure est absent pour une période qui excède le délai prévu afin de statuer sur ledit grief. Il décide donc de transférer son grief au second palier. Il le fait le 19 mars 2019. Le lendemain, il y joint des représentations écrites.

[12]  S’y disant « déçu » de ne pas avoir reçu de décision au premier palier, le demandeur ajoute que l’Avis de possibilité d’emploi ayant mené à la création du Répertoire énonce que les postes permanents de chef d’équipe, niveau MG-05 à pourvoir pourront être de profils linguistiques divers. Cela rendait donc possible, selon lui, la dotation de postes de chef d’équipe « unilingue français », compte tenu de la composition de l’effectif à la Division de la vérification et de l’expérience probante liée à l’existence du Poste intérimaire qu’il a occupé pendant près de quatre ans sans rencontrer de problèmes de nature linguistique. Il en conclut que les prétentions voulant que les candidats aux postes à combler à partir du Répertoire doivent obligatoirement être bilingues pour occuper un tel poste « sont fausses » (Dossier de la défenderesse, onglet 25, p. 75-76). Le demandeur y soutient enfin que son grief est recevable en vertu de la convention collective qui le lie à l’ARC [Convention collective], étant donné qu’aucun autre recours ne lui est accessible afin de faire valoir ses récriminations. Ce dernier point sera concédé par l’ARC.

[13]  Le 18 avril 2019, le demandeur n’a toujours pas reçu de réponse à son grief et le transfère donc au troisième palier de la procédure. Dans son courriel de transmission, le demandeur joint les représentations qu’il a faites au second palier et corrige certains faits en lien avec le contenu d’un courriel de « février dernier » ayant pour objet des « [p]laintes de harcèlement » (Dossier de la défenderesse, onglet 9, p. 30-31). Quelques jours plus tard, soit le 23 avril, il reçoit finalement une réponse du décideur au deuxième palier : son grief est rejeté.

[14]  Le grief subit le même sort au troisième palier. Insatisfait, le demandeur transfère son grief au palier final. Il offre alors des précisions sur certaines de ses allégations. Notamment, il précise qu’il est de pratique courante, à la Division de la vérification, d’affecter des candidats à un poste, dont celui de chef d’équipe, niveau MG-05, sans que ceux-ci ne répondent aux exigences linguistiques du poste. On y fait preuve, ajoute-t-il, d’une « grande souplesse relativement aux règles applicables » (Dossier de la défenderesse, onglet 8, p. 27-28).

[15]  Il précise également que la pénurie et le manque d’expérience des chefs d’équipe, niveau MG-05, constituent une « grande source de préoccupation » selon un « gestionnaire siégeant à l’équipe de gestion élargie de la région du Québec ». Il s’explique mal, dans ce contexte, que des candidats comptant moins d’expérience lui aient été préférés pour des nominations récentes effectuées au sein de la Division de la vérification (Dossier de la défenderesse, onglet 8, p. 28).

[16]  Le 24 juin 2019, le grief du demandeur est rejeté au palier final par le sous-commissaire de la Direction générale des ressources humaines de l’ARC, M. Dan Couture. Le sous‑commissaire Couture se dit d’abord d’avis que l’ARC n’a contrevenu à aucun contrat ou engagement à l’égard du demandeur relativement à une possible nomination dans un poste de chef d’équipe, niveau MG-05. Référant plus spécifiquement à l’engagement pris par Mme Gaudreault, M. Couture note que celui-ci visait un poste de chef d’équipe au profil linguistique « français essentiel », si l’occasion devait se présenter. Or, précise-t-il, cette occasion ne s’est jamais présentée, pas plus que le Répertoire n’a servi à doter un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, avec un tel profil linguistique (Dossier de la défenderesse, onglet 4, p. 12).

[17]  M. Couture note également que toutes les nominations permanentes effectuées à partir du Répertoire l’ont été pour des postes au profil linguistique « bilingue impératif ». Il en conclut que comme le demandeur ne répondait pas aux exigences de ce profil linguistique, le fait qu’il n’ait reçu aucune offre de nomination, même si son nom apparaissait au Répertoire, ne contrevenait pas aux politiques de l’ARC applicables en matière de dotation. Il conclut du même souffle que les nominations effectuées à partir du Répertoire l’ont été conformément aux besoins des secteurs où elles ont été faites (Dossier de la défenderesse, onglet 4, p. 12).

[18]  Le demandeur adresse une série de reproches à la décision du sous-commissaire Couture, reproches que l’on peut regrouper en quatre catégories. La première a trait aux délais impartis au traitement de son grief. Ces délais, prévus au Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, DORS/2005-79 [Règlement] et à la Convention collective, auraient, selon le demandeur, été excédés, ce qui aurait entravé son droit à l’équité procédurale.

[19]  La seconde catégorie de reproches concerne l’inexactitude de certains faits, tirés des « précis » préparés aux fins des décisions prises aux différents paliers de la procédure de grief. Notamment, le demandeur estime qu’il était inexact d’y indiquer qu’aucune nomination intérimaire n’avait été offerte sans que le candidat choisi ne réponde aux exigences linguistiques ou encore qu’il était faux de dire qu’un candidat ne satisfaisant pas à une exigence de dotation ne pouvait continuer dans le processus de dotation.

[20]  La troisième catégorie de reproches porte sur la conclusion du sous-commissaire Couture relative à l’engagement pris par Mme Gaudreault, que le demandeur juge déraisonnable et même de mauvaise foi. Finalement, le demandeur reproche au sous-commissaire Couture de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision relativement :

a.  au fait qu’il n’y a pas eu d’opportunité pour une nomination unilingue francophone ;

b.  aux exigences et besoins opérationnels identifiés ;

c.  au contexte et besoin linguistique différents depuis la création du répertoire MG-05 ;

d.  aux besoins en matière de dotation pour des nominations permanentes pour des postes bilingues impératifs ; et

e.  aux besoins des secteurs où les nominations ont eu lieu.

(Mémoire du demandeur au para 40)

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[21]  À mon avis, la présente affaire soulève les deux questions suivantes :

  1. L’ARC a-t-elle manqué aux règles de l’équité procédurale dans le traitement du grief du demandeur ?
  2. Le sous-commissaire Couture, en rejetant le grief du demandeur, a-t-il commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour aux termes du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 ?

[22]  Il est bien établi – et les parties ne soutiennent pas le contraire – que le contrôle judiciaire des questions d’équité procédurale doit se faire selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans un tel cas, il convient de se demander si la procédure suivie était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54).

[23]  Quant à la seconde question en litige, il n’est pas contesté non plus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Au moment où les parties ont produit leur mémoire respectif au dossier de la Cour, cela ne faisait aucun doute (Cox c Canada (Procureur général), 2008 CF 596 au para 11; Hagel c Canada (Procureur général), 2009 CF 329 au para 27; Green c Canada (Affaires autochtones et Développement du Nord), 2017 CF 1123 au para 16; Blois c Canada (Procureur général), 2018 CF 354 au para 30).

[24]  Depuis, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], une affaire qui s’est présentée à elle comme une « occasion de se pencher de nouveau sur sa façon d’aborder le contrôle judiciaire des décisions administratives » (Vavilov au para 1).

[25]  Or, à mon avis, cet arrêt ne vient rien changer quant à la norme de contrôle applicable à l’examen de la seconde question en litige, qui est présumée être celle de la décision raisonnable (Vavilov aux para 10 et 25). Il me suffira d’ajouter, pour les fins du présent dossier, que, comme l’a rappelé la Cour suprême du Canada, « [u]ne cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème ». Elle n'est appelée « qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » (Vavilov au para 83).

[26]  Dans le contexte de litiges issus de la Loi plus particulièrement, cela signifie que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions de ceux qui y sont investis d’un pouvoir décisionnel. Cela implique qu’il ne m’incombe pas, en l’espèce, de rendre la décision que le sous-commissaire Couture aurait dû rendre ou encore d’évaluer la décision qu’il a rendue par rapport à celle que j’aurais peut-être rendue si j’avais été à sa place (Teti c Canada (Procureur général), 2016 CAF 82 au para 5).

[27]  Il m’apparait aussi important de rappeler, avant d’entreprendre mon analyse, qu’il m’est permis, afin de juger de la raisonnabilité de la décision du sous-commissaire Couture, de considérer non seulement les motifs qu’il a livrés au soutien de sa décision, mais également les motifs exposés aux deux paliers précédents de même que les précis préparés en marge de chacun des paliers décisionnels de la procédure de grief, quoique la décision qui importe soit celle au palier final (Wanis c Agence canadienne d'inspection des aliments, 2013 CF 963 au para 21; Tacicek c Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CF 281 au para 44; Wilkinson c Canada (Procureur général), 2016 CF 1062 au para 15; Tibilla c Canada (Procureur général), 2011 CF 163 au para 34 [Tibilla]).

IV.  Analyse

A.  Il n’y a pas eu de manquement aux règles de l’équité procédurale

[28]  Je rappelle que l’argument du demandeur à cet égard tient principalement au fait que les délais prévus au Règlement et à la Convention collective pour le traitement de son grief n’ont pas été respectés. En particulier, il soutient que le délai de 20 jours prescrit par le Règlement et la Convention collective pour répondre à un grief, du moins pour les trois premiers paliers de la procédure, a été excédé puisqu’il aura fallu 44 jours, précise-t-il, pour qu’il obtienne finalement une première réponse à son grief.

[29]  Pour qu’un vice de procédure, comme, par exemple, le non-respect d’un délai procédural, entraine une violation des règles de l’équité procédurale, encore faut-il qu’un préjudice en résulte (Taseko Mines Limited v Canada (Environment), 2019 FCA 320 au para 62; Uniboard Surfaces Inc c Kronotex Fussboden GmbH et Co KG, 2006 CAF 398 au para 24; Ellis-Don Ltd c Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4 au para 49; Pounall c Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CF 1260 au para 20). Or, je suis d’avis que cette démonstration n’a pas été faite en l’espèce.

[30]  En effet, il était parfaitement loisible à l’ARC, de par l’effet combiné des clauses 34.12 et 34.13 de la Convention collective, d’opter de ne pas répondre au grief au palier initial du processus de grief. D’ailleurs, la jurisprudence reconnaît, implicitement du moins, qu’un employeur peut opter de ne pas répondre à un grief, son abstention de le faire étant interprétée comme étant équivalente au rejet du grief (McWilliams c Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 58 au para 22; Employé No 1 c Canada, 2004 CF 1221 au para 17; Personnes désirant adopter les pseudonymes d’employé no 1 c Canada, 2005 CAF 228; Canada c Employé no 1, 2007 CAF 152 au para 8).

[31]  Techniquement, donc, le fait pour l’ARC de ne pas avoir répondu au grief du demandeur au premier palier de la procédure ne constitue pas un vice de procédure. Je note, à cet égard, que le demandeur a été avisé que le fonctionnaire qui devait répondre à son grief au premier palier était absent et ne reviendrait à son poste qu’une fois expiré le délai prévu pour l’obtention d’une réponse. Une demande de suspension dudit délai a été adressée au demandeur, mais celui-ci a insisté pour qu’on réponde à son grief dans le délai imparti. Dans les circonstances, la décision de ne pas répondre au grief, à ce stade du processus, se défendait, si tant est qu’une justification était requise pour ne pas l’avoir fait.

[32]  Le demandeur soutient que le fait de ne pas répondre à son grief au stade initial de la procédure de traitement dudit grief lui a causé préjudice car cela l’a privé de la possibilité d’utiliser la réponse pour bonifier ses arguments devant les paliers supérieurs. En effet, dit-il, la réponse au premier palier a une valeur que les autres n’ont pas, le grief étant traité, à ce stade, par un gestionnaire qui est plus proche et plus au fait des opérations courantes que ne le sont ceux des paliers subséquents.

[33]  Cet argument ne peut être retenu puisque, comme je viens de le dire, la procédure régissant le grief du demandeur prévoit qu’il puisse en être ainsi, l’ARC pouvant opter de ne pas répondre au premier palier de ladite procédure.

[34]  Outre le simple fait qu’il y a eu dépassement du délai de réponse au second palier, le demandeur n’a pas invoqué de préjudice particulier en lien avec ce dépassement. Quoi qu’il en soit, je n’en vois aucun puisque le demandeur a pu présenter – et peaufiner – ses arguments à partir du second palier, et ce jusqu’au palier ultime.

[35]  Je conclurais sur cette première question en rappelant qu’étant donné qu’il est toujours possible d’y remédier en temps utile, un manquement aux règles de l’équité procédurale doit être soulevé à la première occasion, sans quoi celui qui entend l’invoquer pour la première fois en révision judicaire peut être forclos de le faire (Hennessey c Canada, 2016 CAF 180 aux para 20‑21; Maritime Broadcasting System Limited c La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59 au para 67).

[36]  Ici, outre qu’il se soit dit « étonné » ou encore « déçu » qu’il n’y ait pas eu de décision au premier palier, le demandeur n’a pas autrement fait part de ses récriminations, dans le cadre de la procédure de grief, à l’égard du surpassement des délais (Dossier de la défenderesse, onglet 9, p. 31; Dossier de la défenderesse, onglet 25, p. 75).

B.  La décision du sous-commissaire Couture est raisonnable

[37]  Outre la question du surpassement des délais, dont je viens de traiter, je rappelle que le demandeur reproche aussi au sous-commissaire Couture d’avoir rendu sa décision sur la base de faits erronés, de ne pas avoir motivé suffisamment certains de ses constats et d’avoir conclu de manière déraisonnable – et même de mauvaise foi – que l’engagement pris par Mme Gaudreault à son égard n’avait pas été enfreint.

[38]  Ces reproches concernent tous le bien-fondé de la décision du sous-commissaire Couture.

(1)  L’argument des faits erronés

[39]  Ces faits proviennent des précis – ou recommandations – préparés à chaque étape de la procédure de grief au bénéfice des décideurs de chaque palier. Le demandeur identifie quatre erreurs, les trois premières étant tirées du précis préparé aux fins du second palier de la procédure et la quatrième, de celui préparé aux fins du troisième palier.

[40]  La première erreur concerne l’extrait suivant : « cela signifie que si un candidat ne satisfait pas une exigence de dotation, il ne continuera pas dans le processus » (Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Le demandeur soutient que cette affirmation est inexacte, car l’ARC l’aurait informé, quelques semaines avant l’expiration du Répertoire, qu’il était admissible à une nomination.

[41]  La seconde erreur concerne l’extrait suivant : « [a]ucune nomination intérimaire n’a été offerte sans que le candidat rencontre les exigences linguistiques » (Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Le demandeur prétend que cet énoncé est faux parce que des candidats auraient accédé à des postes intérimaires sans détenir une cote linguistique valide à ce moment, conformément à la flexibilité qu’offre le programme de dotation de l’ARC.

[42]  La troisième erreur soulevée par le demandeur provient de l’extrait suivant : « [l]es candidats qui ont eu droit de recours pour ces nominations bilingues impératif sont ceux qui ont été évalués et qui ont obtenu les cotes requises » (Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Cette affirmation est inexacte, selon lui, puisqu’il s’est lui-même vu offrir de façon intermittente, du mois de mars 2017 jusqu’au dépôt de son grief, plusieurs droits de recours à l’encontre des nominations à des postes de niveau MG-05.

[43]  Enfin, la quatrième erreur concerne l’extrait suivant du précis préparé au troisième palier de la procédure de grief : « [c]ontrairement aux prétentions de l’employé, il n’était [pas] admissible ou qualifié pour une nomination permanente à un poste bilingue MG-05 » (Dossier de la défenderesse, onglet 13, p. 43). Cela est faux, selon le demandeur, puisqu’il n’a jamais eu cette prétention.

[44]  Comme l’a de nouveau rappelé la Cour suprême du Canada, dans Vavilov, et le rappelle aussi l’ARC dans son mémoire, l’on doit se garder, lors du contrôle judiciaire de la décision d’un décideur administratif, de se livrer « à une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov au para 102).

[45]  Malheureusement pour le demandeur, c’est le piège dans lequel il semble être tombé.

[46]  D’une part, la première et la troisième erreur de fait invoquées par le demandeur proviennent de l’analyse, dans le précis préparé au deuxième palier, de la recevabilité du grief du demandeur. Tel que j’en ai déjà fait état, l’ARC a concédé que le grief du demandeur était recevable. Même, donc, en supposant que les deux extraits en cause contiennent de l’information erronée, ces erreurs de fait sont sans conséquence puisque l’ARC a donné raison au demandeur sur ce point très tôt dans la procédure. D’ailleurs, cette question n’est pas reprise dans le précis du quatrième palier, celui préparé aux fins de la décision qu’avait à rendre le sous-commissaire Couture. Elle n’a donc jamais été un véritable enjeu de la procédure de grief ; le sous‑commissaire Couture n’en traite d’ailleurs pas, puisqu’il n’avait pas à le faire.

[47]  Au surplus, ces deux extraits sont exploités hors contexte et sans les nuances nécessaires, ce qui illustre les risques de l’approche « chasse au trésor », que décourage la Cour suprême du Canada.

[48]  On peut en dire autant, d’autre part, de la quatrième erreur alléguée, celle où l’on attribue au demandeur la prétention qu’il se jugeait admissible ou qualifié pour une nomination permanente à un poste bilingue MG-05.  Encore ici, cette « erreur » est sans conséquence. En effet, je n’arrive pas à voir en quoi, si elle n’avait pas été commise, cela aurait pu altérer la conclusion du sous-commissaire Couture voulant que le fait que le demandeur n’ait reçu aucune offre de nomination durant la durée de vie du Répertoire ne contrevenait pas aux politiques de l’ARC applicables en matière de dotation puisque toutes les nominations permanentes effectuées à partir du Répertoire l’avaient été pour des postes au profil linguistique « bilingue impératif », profil que le demandeur ne possédait pas.

[49]  Enfin, en ce qui a trait à la deuxième erreur de fait invoquée par le demandeur, soit celle concernant le profil linguistique de ceux qui ont accepté des nominations intérimaires, la position de l’ARC est que ces personnes rencontraient les exigences linguistiques des postes intérimaires qui leur ont été offerts. Le demandeur soutient le contraire. Toutefois, et comme je l’ai indiqué au demandeur à l’audience, il ne suffit pas d’affirmer un fait devant le décideur administratif ; il faut au moins tenter de le prouver surtout que le demandeur, en invoquant ces nominations, tente d’établir qu’il a fait l’objet d’un traitement inéquitable de la part de l’ARC. Cette accusation est sérieuse ; elle exigeait au moins un commencement de preuve.

[50]  Il est bien établi, même en contexte de griefs liés aux relations de travail, que la Cour ne doit pas tenir compte d’éléments de preuve dont le décideur n’a pas été saisi (Tibilla au para 34). Cela signale, à mon avis, qu’il appartient à celui ou celle qui dépose un grief de s’assurer de placer devant le décideur, à tout le moins au palier final de la procédure de grief, tous les éléments de preuve susceptibles d’étayer ses récriminations.

[51]  Or, ici, il n’y a rien au dossier venant soutenir l’affirmation du demandeur voulant que parmi les personnes ayant fait l’objet de nominations intérimaires, certaines ne rencontraient pas les exigences linguistiques des postes ainsi comblés. On ne peut reprocher, dans ce contexte, au sous-commissaire Couture d’avoir ignoré des éléments de preuve qui venaient contredire la position des experts en relations de travail de l’ARC qui ont préparé les précis dans le cadre de la procédure de grief et qui, il faut le présumer, ont fait, à cette fin, les recherches nécessaires dans les dossiers de dotation de l’ARC. D’ailleurs, en l’espèce, la question a été posée par la conseillère en relations de travail qui a rédigée le précis au stade du deuxième palier de la procédure, une recherche a été faite dans les dossiers et la réponse obtenue confirmait que ces postes intérimaires avaient été comblés par des employé(e)s qui rencontraient les exigences linguistiques des postes en cause (Dossier de la défenderesse, aux p. 66-67).

[52]  Ce premier type de reproches à l’encontre de la décision du sous-commissaire Couture ne peut donc être retenu.

(2)  L’argument de l’insuffisance des motifs

[53]  Il convient de préciser, d’entrée de jeu, que ce type d’argument n’engage pas les règles de l’équité procédurale, contrairement à ce que prétend le demandeur, mais bien la raisonnabilité de la décision du décideur administratif (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 aux para 21-22 [Newfoundland Nurses]).

[54]  Je rappelle que le demandeur reproche au sous-commissaire Couture de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision eu égard à certains constats qui peuvent être résumés comme suit : 

  1. L’opportunité pour une nomination unilingue francophone ne s’est pas présentée ; et
  2. Les nominations permanentes au poste de chef d’équipe, niveau MG-05, effectuées à partir du Répertoire, l’ont toutes été pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif », et ce, conformément aux exigences et besoins opérationnels des secteurs où les nominations ont eu lieu.

[55]  Le demandeur reproche aussi au sous-commissaire Couture, en lien avec ces deux constats, de ne pas avoir donné de détails sur les changements, dans l’environnement de travail au sein de la Division de la vérification, qui auraient pu justifier que les nominations faites à partir du Répertoire ne le soient que pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif », alors qu’il avait occupé un poste de chef d’équipe, niveau MG-05 de profil « français essentiel » au sein de ladite Division pendant une période de près de quatre ans se terminant à la fin mars 2017 et que l’Avis de possibilité d’emploi ayant conduit à la confection du Répertoire ne spécifiait pas que les dotations qui seraient faites à partir du Répertoire le seraient uniquement pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif ».

[56]  Dans Vavilov, la Cour suprême du Canada a réitéré des principes déjà bien établis quant à la manière d’évaluer la suffisance des motifs des décisions rendues par les décideurs administratifs. Elle rappelle, à cet égard, que les motifs écrits fournis par un tel décideur « ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection » et que le seul fait que ceux-ci « ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire », ne suffit pas à invalider la décision (Vavilov au para 91; Newfoundland Nurses au para 16).

[57]  La cour de révision saisie d’un argument d’insuffisance des motifs doit ainsi être pleinement consciente que « la « justice administrative » ne ressemble pas toujours à la « justice judiciaire » », puisque, notamment, « [o]n ne peut pas toujours s’attendre à ce que les décideurs administratifs déploient toute la gamme de techniques juridiques auxquelles on peut s’attendre d’un avocat ou d’un juge » (Vavilov au para 92). C’est l’une des raisons pour lesquelles la cour de révision doit, notamment, « interpréter les motifs du décideur en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus » et qu’elle peut considérer, ce faisant, « la preuve dont disposait le décideur, les observations des parties, les politiques ou lignes directrices accessibles au public dont a tenu compte le décideur et les décisions antérieures de l’organisme administratif en question » (Vavilov au para 94).

[58]  Ce qui importe, c’est que la cour de révision puisse bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision, dans son ensemble, est raisonnable, c’est‑à-dire si elle fait partie des issues possibles acceptables en regard des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur elle (Vavilov au para 99; Newfoundland Nurses au para 16).

[59]  Comme j’ai déjà eu l’occasion de le mentionner, il m’est permis, afin de déterminer si la décision du sous-commissaire Couture est raisonnable, de considérer non seulement les motifs qu’il a livrés au soutien de sa décision, mais également, notamment, le précis préparé en marge de cette prise de décision [Précis], lequel a été signé, en date du 18 juin 2019, par Karyne Desjardins, qui occupait le poste d’analyste principale des politiques et des programmes à la Division des relations de travail de l’ARC (Dossier de la défenderesse, onglet 5, p. 13 à 23).

[60]  À première vue, un examen des motifs de la décision du sous-commissaire Couture, lorsque lus de concert avec le Précis, révèle, à mon sens, que l’ensemble des récriminations du demandeur ont été considérées et que les conclusions qui en découlent sont fondées sur un raisonnement à la fois rationnel et logique qui permet de comprendre le fondement de la décision, à savoir :

  1. Le demandeur n’a pas reçu d’offre de nomination permanente à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, pendant la période de validité du Répertoire parce que toutes les offres qui ont été faites à partir du Répertoire l’ont été, conformément aux politiques et procédures de l’ARC en matière de dotation, pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif », un profil que le demandeur ne rencontrait pas suite à une évaluation de ses compétences linguistiques menée quelques mois après qu’il se soit qualifié dans ce bassin;
  2. Il est vrai que la gestion aurait pu décider de faire, pendant cette période, à partir du Répertoire, des nominations permanentes dans des postes de chef d’équipe, niveau MG‑05, à profil linguistique « français essentiel », mais les besoins en matière de dotation étaient alors pour des nominations à des postes à profil « bilingue impératif »;
  3. Les nominations faites à partir du Répertoire ne vont ainsi pas à l’encontre de l’engagement pris par Mme Gaudreault, puisque la possibilité d’une nomination à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, ne s’est pas présentée, les besoins en matière linguistique aux fins des nominations faites à partir du Répertoire s’étant avérés différents; et
  4. Le demandeur n’a pas démontré en quoi il aurait été exclu systématiquement de toute nomination de chef d’équipe ou encore en quoi on ne lui aurait pas appliqué les mêmes règles qu’aux autres employés.

[61]  Cette justification est cohérente et intelligible, mais le demandeur aurait aimé en savoir davantage sur les besoins qui justifiaient la seule dotation, à même le Répertoire, de postes de chef d’équipe, niveau MG-05, à profil linguistique « bilingue impératif » et qui excluaient, par le fait même, la dotation de postes à profil « français essentiel », contrairement à ce que, selon lui, on lui avait promis. Il voulait, en d’autres termes, savoir de quelle manière le paysage des besoins en matière linguistique à la Division de la vérification s’était transformé, entre le moment où il a occupé le Poste intérimaire et la date d’expiration du Répertoire, pour justifier un tel état de fait, lequel s’est posé en obstacle à la réalisation de l’engagement pris par Mme Gaudreault.

[62]  Qu’on n’ait procédé, à partir du Répertoire, dans une région administrative comme Montréal, qu’à des nominations à des postes de chef d’équipe à profil linguistique « bilingue impératif », peut, à première vue, paraître étonnant. Toutefois, la Cour n’est pas là pour spéculer sur ce qui peut expliquer cet état de fait et pour substituer sa propre appréciation de la situation à celle du décideur administratif. Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en faire mention, la Cour ne doit pas, lors d’un contrôle judiciaire, se livrer à une analyse de novo de l’affaire, pas plus qu’elle ne doit chercher à déterminer la solution « correcte » au problème (Vavilov au para 83).

[63]  Ici, la Cour manque cruellement d’éléments de preuve pour pouvoir questionner, comme le lui demande le demandeur, la raisonnabilité des constats apparaissant au Précis et à la décision du sous-commissaire Couture.

[64]  Aussi imparfaite que soit la procédure de grief (Christopher Rootham, Labour and Employment in the Federal Public Service (Toronto  :Irwin Law Inc, 2007) at 278), particulièrement lorsque, comme ici, elle ne peut déboucher sur un arbitrage, il n’en demeure pas moins que le simple fait de déposer un grief, du moins dans des circonstances comme les nôtres où l’on invoque le non-respect d’un engagement sur fond d’iniquité, n’a pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve sur les épaules de l’employeur. Même s’il connait des exceptions, le principe général demeure que le fardeau repose sur les épaules de celui ou celle qui dépose un grief (Halsbury's Laws of Canada (en ligne), Labour « Arbitration Law : Substantive Issues : Policy Grievances » dans HLA-466 « Onus of Proof and Order of Proceeding »; Donald J.M. Brown et David M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd. (Aurora : Canada Law Book, 2003)). Le demandeur ne m’a soumis aucune autorité – et je n’en ai trouvé aucune – qui ferait porter à l’ARC, dans les circonstances de la présente affaire, le fardeau de prouver le contraire de ce que le demandeur avance dans son grief.

[65]  En d’autres termes, la Cour ne dispose d’aucun ancrage factuel qui pourrait lui permettre de mettre en doute l’identification qui a été faite des besoins linguistiques aux fins des nominations qui ont été effectuées à partir du Répertoire ou encore des besoins opérationnels des secteurs où ces nominations ont été faites. Par exemple, elle ne sait rien des différents secteurs opérationnels, au sein de l’ARC, qui pouvaient – et qui ont – puis[é]r dans le Répertoire, des organigrammes de ces secteurs, de leurs besoins en dotation, du nombre de postes à combler et comblés et du profil linguistique de chaque poste au sein de ces organigrammes. Le poste, plus tard aboli, de chef d’équipe dont le demandeur a assuré l’intérim à la Division de la vérification était-il le seul poste du genre à profil linguistique « français essentiel » au sein de ce groupe de travail ou encore au sein de l’ensemble des secteurs qui ont eu accès au Répertoire? La Cour ne le sait.

[66]  La Cour ne dispose pas davantage d’un tel ancrage factuel pour mettre en doute les conclusions du Précis quant aux allégations d’iniquité ou de mauvaise foi qui expliqueraient le sort réservé au demandeur et, ultimement, à l’engagement de Mme Gaudreault.

[67]  Il s’agit là d’allégations sérieuses qui ne peuvent simplement reposer sur les dires du demandeur. Il en faut davantage. D’ailleurs, à l’audience du présent contrôle judiciaire, le demandeur, pour appuyer ses prétentions, a relaté des faits qui ne sont pas au dossier. Une telle approche, comme je le lui ai rappelé, n’est pas permise dans le contexte d’un contrôle judiciaire (Tibilla au para 34).

[68]  Je me permets une dernière remarque sur ce reproche. Dans la mesure où, sous le couvert du non-respect de l’engagement de Mme Gaudreault, le demandeur remet ultimement en cause le bien‑fondé des exigences linguistiques des postes qui ont été comblés à même le Répertoire et, par le fait même, celui des nominations qui ont été ainsi faites, il est permis de se demander si une telle attaque oblique ne soulèverait pas, à première vue du moins, selon ce que stipule le paragraphe 208(2) de la Loi, un problème de recevabilité compte tenu des recours possibles prévus à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art 12 et 13, et même, peut-être, à la Loi sur les langues officielles, LRC (1985), c 31 (4e Suppl). Toutefois, comme l’ARC n’a pas compris que le grief du demandeur portait ultimement sur ces questions et qu’aucun débat n’a eu lieu devant cette Cour sur la recevabilité du grief du demandeur, je n’en dirai pas davantage sur ce point sinon que pour signaler ce possible écueil.

[69]  Bref, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir au motif que la décision du sous-commissaire Couture ne serait pas suffisamment motivée. Je suis satisfait que la décision découle d’un examen attentif et rationnel des allégations du demandeur, de ses observations et de celles des gestionnaires de l’ARC. Il appartenait au demandeur de prouver le contraire autrement que par ses seules assertions. Il ne l’a pas fait.

(3)  L’argument fondé sur l’engagement de Mme Gaudreault

[70]  Pour les mêmes raisons, je ne peux dire que les conclusions du sous-commissaire Couture relativement à l’engagement de Mme Gaudreault sont déraisonnables. Cet engagement était conditionnel à ce qu’un poste de chef d’équipe, niveau M-05, à profil linguistique « français essentiel » devienne disponible. Cela ne s’est jamais produit. Le Poste intérimaire a bien été disponible après le 31 mars 2017, date où le demandeur a cessé de l’occuper, mais il allait être aboli quelques mois plus tard, une décision que le demandeur a contesté en vain.

[71]  Techniquement, donc, on ne peut dire que cet engagement conditionnel n’a pas été respecté. Cela tombe sous le sens et j’ai déjà répondu à l’argument voulant que le sous-commissaire Couture n’ait pas suffisamment justifié en quoi les besoins opérationnels exigeaient la dotation, à partir du Répertoire, de postes de chef d’équipe, niveau MG-05, à profil linguistique « bilingue impératif » uniquement, au détriment de postes à profil « français essentiel », et en quoi cet état de fait, qui n’a pas rendu possible la réalisation de l’engagement de Mme Gaudreault, ne résultait pas de la mauvaise foi de l’ARC.

[72]  Je comprends la frustration du demandeur, lui qui a occupé un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, pendant près de quatre ans, avec succès semble-t-il. Toutefois, je ne peux lui être d’aucun secours ici, le dossier, tel que constitué, ne le permettant pas.

[73]  L’ARC réclame les dépens. Vu l’issue de la présente affaire, elle y aura droit. Ceux-ci devront être calculés à partir de la colonne III du tableau du Tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1076-19

 

INTITULÉ :

GUY VEILLETTE c AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 janvier 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 AVRIL 2020

 

COMPARUTIONS :

M. Guy Veillette

 

Pour le demandeur

 

Me Patrick Turcot

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la défenderesse

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.