Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20200327


Dossier : IMM‑1167‑19

Référence : 2020 CF 448

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2020

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

HASSAN SHAH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demande de visa de résident temporaire (le VRT) de monsieur Shah a été refusée par l’agent des visas (l’agent) qui a conclu que le demandeur ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent a fait observer que M. Shah avait une demande de résidence permanente (la demande de RP) en cours dans le cadre de laquelle il était parrainé par son épouse. Bien que M. Shah ait affirmé dans sa demande de VRT qu’il était divorcé, aucun certificat de divorce n’a été fourni. L’agent a aussi conclu que M. Shah avait de solides liens familiaux au Canada, et de faibles liens avec son pays de résidence. Sur la foi de ces conclusions, l’agent a refusé la demande de VRT.

[2]  Pour les motifs exposés ci‑après, j’ai conclu que la décision de l’agent était raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

Le contexte et la décision faisant l’objet du contrôle

[3]  M. Shah est un citoyen du Pakistan qui a présenté des demandes de VRT en mai, en août et en décembre 2018. Il affirme vouloir venir au Canada pour rendre visite à ses deux frères qui sont tous les deux des citoyens canadiens. Ses demandes de VRT ont toutes été refusées.

[4]  M. Shah avait auparavant un VRT qui était valide d’octobre 2015 à janvier 2023, mais qui a été annulé quand il a obtenu le statut de résident permanent à titre de personne à charge de son épouse. Toutefois, parce que M. Shah n’est jamais venu au Canada après avoir obtenu le statut de résident permanent, il n’a jamais obtenu le droit d’établissement à titre de résident permanent.

[5]  La décision faisant l’objet du contrôle est le refus de VRT, de décembre 2018. L’agent a déclaré qu’il n’était pas convaincu que M. Shah quitterait le Canada, parce qu’il avait de solides liens familiaux au Canada, et de faibles liens avec son pays de résidence. L’agent a fait observer que la demande de résidence permanente de M. Shah était encore en cours, et que, bien qu’il ressorte de sa demande de VRT qu’il est divorcé, son ex‑épouse figurait encore dans la demande de résidence permanente, et il n’y avait aucun certificat de divorce dans le dossier.

Les questions en litige

[6]  Le demandeur soulève deux questions relativement à la décision :

  • 1) L’agent s’est‑il fondé sur une preuve extrinsèque?

  • 2) La décision de l’agent est‑elle raisonnable?

La norme de contrôle

[7]  La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au par. 23, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 43).

[8]  La norme de contrôle applicable aux questions relatives au fond de la décision soumise au contrôle est celle de la décision raisonnable (Vavilov, au par. 23). « [U]ne décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au par. 85).

Analyse

1)  L’agent s’est-il fondé sur une preuve extrinsèque?

[9]  Le demandeur fait valoir que l’agent s’est fondé sur une preuve extrinsèque, et que cela constitue un manquement à l’équité procédurale. La « preuve extrinsèque » invoquée est constituée de renseignements contenus dans le Système mondial de gestion des cas (le SMGC) relativement à la demande de RP déposée par l’épouse du demandeur, dans laquelle le demandeur est inscrit comme personne à charge. L’agent a fait observer que la demande de RP était encore en cours, qu’il y était inscrit que l’épouse du demandeur le parrainait, et qu’il n’y avait pas de certificat de divorce dans le dossier.

[10]  À mon avis, les renseignements de la demande de RP contenus dans la base de données du SMGC ne constituent pas une preuve « extrinsèque ». Il était loisible à l’agent de prendre en compte les renseignements contenus dans la demande de RP. En fait, dans l’examen de la demande de VRT, il faudrait s’attendre à ce que l’agent prenne en compte tous les renseignements relatifs aux demandes d’immigration et de visa présentées par M. Shah. De plus, les renseignements concernant son statut matrimonial étaient nébuleux. Bien que M. Shah affirme dans sa demande de VRT qu’il est divorcé, la demande de RP en cours, et l’absence de certificat de divorce soulèvent la question de son véritable statut matrimonial.

[11]  L’obligation d’équité procédurale envers un demandeur de VRT se situe vers l’extrémité inférieure du registre, et « dépend beaucoup du contexte » (Anand c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 372, au par. 34) (Anand). Chaque demande repose sur les documents présentés, et il incombe au demandeur de fournir les documents requis à l’appui de la demande (Anand, aux par. 35 à 37).  

[12]  En outre, l’agent n’est nullement tenu de clarifier ou de tenter de corriger une demande lacunaire. L’« imposition d’une telle exigence équivaudrait à exiger de la part de l’agent des visas de donner préavis d’une décision défavorable », une obligation qui a été expressément rejetée (Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 786, au par. 8).

[13]  En l’espèce, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale lorsque l’agent a évalué les renseignements du SMGC eu égard aux renseignements incomplets fournis par M. Shah. Il incombait à M. Shah de s’assurer que l’agent disposait de tous les renseignements nécessaires à l’examen de sa demande.

[14]  En ce qui concerne les passages caviardés dans les notes du SMGC, l’agent a avisé le demandeur que les renseignements caviardés provenaient d’une tierce partie, et ne faisaient pas partie des motifs de refus du VRT. À mon avis, cela n’a aucune incidence.

[15]  Je conclus que l’agent ne s’est pas fondé sur une preuve extrinsèque pour refuser la demande de VRT présentée par le demandeur. Aucune question d’équité procédurale n’est soulevée.

2)  La décision de l’agent était-elle raisonnable?

[16]  Le demandeur fait valoir que le paragraphe 22(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPRempêche l’agent de conclure qu’une personne ne quittera pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée parce qu’elle aura présenté une demande de résidence permanente (Gu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 522, (Gu)).

[17]  Ce paragraphe de la LIPR est libellé ainsi :

(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[18]  Cette disposition de la LIPR empêche un agent de tirer une inférence défavorable, lorsque l’inférence n’est pas étayée par d’autres faits « donnant naissance à une crainte que [le demandeur] ne quitte pas le Canada » (Gu, au par. 20).

[19]  En l’espèce, toutefois, l’agent s’est fondé sur des facteurs autres que la demande de RP en cours pour déterminer que le demandeur ne quitterait pas le Canada. L’argument du demandeur selon lequel le VRT a été refusé au motif qu’il existe une demande de RP n’est pas étayé par les notes du SMGC ni par les renseignements versés au dossier. Dans les notes du SMGC, l’agent mentionne de solides liens sociaux au Canada, de faibles liens au Pakistan, et le fait que M. Shah semble encore être marié. Le demandeur a deux frères à Toronto et seule sa mère vit au Pakistan. L’agent souligne aussi qu’il est possible que le demandeur soit encore marié, et qu’il ait une demande de RP en cours. Par conséquent, l’agent a pris en compte tous ces facteurs pour refuser la demande de VRT.

[20]  De plus, les renseignements contenus dans le dossier montrent que le demandeur possède un compte bancaire conjoint, dont le solde est de 200 000 $, avec son frère. Cela constituait de toute évidence un facteur pris en considération dans la conclusion de l’agent relative à l’absence d’intention de quitter le Canada.

[21]  Bien que la décision de l’agent soit succincte, elle démontre une analyse rationnelle, et elle est raisonnable lorsqu’on l’envisage dans son contexte. La décision relative au VRT fait partie d’un régime administratif dans lequel les motifs énoncés sont généralement succincts, les renseignements contenus dans le dossier doivent donc être pris en considération dans l’évaluation du caractère raisonnable de la décision. Voici un extrait du paragraphe 103 de l’arrêt Vavilov :

Bien qu’[…]il faille interpréter des motifs écrits eu égard au dossier et en tenant dûment compte du régime administratif dans lequel ils sont donnés, une décision sera déraisonnable lorsque, lus dans leur ensemble, les motifs ne font pas état d’une analyse rationnelle ou montrent que la décision est fondée sur une analyse irationnelle […].

[22]  À mon avis, la décision est raisonnable et rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[23]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1167‑19

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de mai 2020

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1167‑19

 

INTITULÉ :

HASSAN SHAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 janvier 2020

 

Jugement et motifs :

La juge MCDONALD

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 27 mars 2020

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

Pour le demandeur

Melissa Mathieu

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.