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Date : 20050721

Dossier : T-1554-02

Référence : 2005 CF 1010

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

HUGH STANFIELD, GRETA ANDERSON, ROBERT ANDERSON, DONALD APOLCZER, CAROL L. APOLCZER, JAMES C. AYEARST, ELIZABETH JOAN AYEARST, CHRISTINE BANVILLE, BRENT BEYAK, DAVID G. BLISSETT, JAMES L. BRADY, KEITH BROOKE, GEORGE BURDEN, DONALD CAREY, PATRICIA CARPENTER, ALAN CARPENTER, MARIA CLARKE, KENNETH CLARKE, JULIA S. CUNDLIFFE, KATE A. DAVIS, LARRY DAVIS, ALLAN DE HAAN, HERB DEMARS, TERRANCE DUNFORD, IRVINE J. DYCK, NORMA FARENICK, STEPHAN FRALICK, RENEE GALLANT, ROY GALLANT, MARY GELPKE, PAUL GELPKE, DIANNE GERMAIN, BEN GOERTZEN, MARTHA GOERTZEN, PETER GRABOSKI, FRANK GRAF, GARY H. GRUETER, DAVID R. HACKETT, ERIC R. HARRISON, KENNETH ALLAN HAY, JOHN A. HIGGINS, GEOFFREY HILLIARD, WILLIAM JOHNSON, PETER LEGER, EDNA L. LINDAL, ROBERT LINDAL, WAYNE GARRY MARTIN, ED MACINTOSH, ROBERT MCGINN, TERENCE MEADOWS, ROBERT NABER, EDITH NELSON, GARTH L. NELSON, GLENN PARKER, JOHN L. PARSONS, HELEN PARSONS, DANNY PAWLACHUK, JOSEPH PENNIMPEDE, IRENE PENNIMPEDE, BRENDA QUATTRIN, GARRY REIMER, NEIL REINHART, GLEN ROBBINS, LUC ROBERGE, JOAN ELLEN SABOURIN, PAUL WYATT SABOURIN, MARK SAMPSON, SUSAN SCOTT, PHILIP SCOTT, MICHAEL SLADE, KAZIK SMILOWSKI, FRANCES SMILOWSKI, CANDICE STANFIELD, SEONA STEPHEN, JOHN G. STEPHEN, GREGORY STEVENS, JENNIFER STEVENS, ROGER G. STOGRE, BRIAN E. STOUTENBURG, LESLEY SUGGITT, JAMES H. SUGGITT, SCOTT THOMSON, ALLAN TOLSMA, TOM TOLSMA, AGNES DOROTHY TOLSMA, ANDREW TROJNER, MARY TROJNER, JIM R. TROJNER, GEORGE H. WADSWORTH, SHARON WADSWORTH, GLENYS WHELAN, EARL WILKES, DAVID J. WILLIAMS, MILDRED WILLIAMSON, KERRY WILSON, HARVEY YARN, DAVID ZEVICK, PREBEN ANDERSEN, DANIEL M. ARRIGO, ROBERT P. BLAIR, STEPHEN P. BURKE, BRENT CARLSON, FIONA DOUGLAS-CRAMPTON, HELEN FADDEN, REID FREDERICK, EDGAR GIESBRECHT, JOHN GORDON, GARY HAMMER, JOHN F. HEATHE, JUDITH A. KOSTUK, RON A. KROWCHUK, LARRY LEDOUX, PENNY LEDOUX, ERNEST REIMER, LAURIE REIMER et MAXWELL THOMPSON

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                   LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur


                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à une demande de renseignements de vérification que le ministre du Revenu national (le ministre) a formulée dans des lettres et questionnaires envoyés à chacun des demandeurs entre août et octobre 2002. Les demandeurs ont refusé de répondre à ces lettres et questionnaires, parce que l'objet de la demande n'était pas une vérification, mais plutôt une enquête criminelle. Les demandeurs sollicitent une ordonnance déclarant que les lettres, y compris les questionnaires, visant à obtenir les renseignements sont invalides ou illégales, ainsi qu'une ordonnance interdisant au ministre de prendre des mesures ou d'engager des poursuites contre eux en raison de leur refus de répondre aux lettres et questionnaires en question.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                L'envoi des lettres et questionnaires faisait-il partie des fonctions de vérification énoncées au paragraphe 231.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi)?

[3]                Le cas échéant, la présente action du ministre met-elle en cause les droits que reconnaît aux demandeurs l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte)?


CONCLUSIONS

[4]                Si les faits particuliers qui sont décrits aux présentes n'étaient pas connus, les lettres et questionnaires seraient apparemment compris dans les fonctions de vérification énoncées dans la Loi. Cependant, dans les circonstances de la présente affaire, les lettres et questionnaires visaient principalement à recueillir des documents et renseignements en vue d'une enquête criminelle. En conséquence, les droits que la Charte reconnaît aux demandeurs sont touchés et une ordonnance sera rendue en ce sens.

LA LETTRE ET LE QUESTIONNAIRE CONTESTÉS

[5]                La présente demande de contrôle judiciaire découle des lettres que le ministre a fait parvenir à chacun des demandeurs entre août et octobre 2002. La majorité des lettres étaient identiques ou semblables pour l'essentiel et un questionnaire de plusieurs pages y était joint. Afin d'assurer une parfaite compréhension du présent litige, la Cour reproduit en entier ci-dessous la lettre et le questionnaire envoyés au demandeur Hugh Stanfield (M. Stanfield) le 27 août 2002 :

[TRADUCTION]

Madame, Monsieur,

Objet :    Vos déclarations de revenus des années 1999 et 2000

La présente lettre a pour but de vous informer que notre bureau a choisi vos déclarations de revenus des années 1999 et 2000 aux fins d'une vérification. Cette vérification a pour but d'examiner les montants figurant sur votre état des résultats des activités d'une entreprise ainsi que d'autres aspects de votre déclaration.


Nous vous informons qu'une enquête criminelle concernant la promotion de transactions du type mentionné sur votre déclaration de revenus a été entreprise. Vous n'êtes pas sous enquête à l'heure actuelle, mais sachez que les renseignements que vous nous fournirez pourront être transmis à notre Division des enquêtes pour examen. Si vous avez des questions au sujet de cette enquête, veuillez communiquer avec la personne suivante :

Christopher Fleming

Division des enquêtes

Bureau des services fiscaux de Vancouver

1166 West Pender Street

Vancouver (C.-B.)    V6E 3H8

Téléphone :              (604) 666-4816

Télécopieur :            (604) 666-4676

Transactions à terme, opérations sur marchandises et autres activités commerciales de Unioncal Trading Joint Venture

Nous vous demandons de mettre à notre disposition tous les livres et registres concernant cette entreprise pour les années d'imposition 1999 et 2000. Veuillez noter qu'aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, les livres et registres comprennent les renseignements conservés sous forme électronique. Les renseignements demandés comprennent :

1       Les livres et registres, y compris les livres-journaux comme les livres de recettes et dépenses, les balances de vérification, les écritures de journal et le grand livre général.

2.      Les documents que vous a fournis l'administrateur de Unioncal Trading Joint Venture au sujet des montants figurant sur votre état des résultats des activités d'une entreprise, y compris les factures relatives aux commissions réclamées.

3.      Les états de compte, les confirmations d'opérations, les relevés de règlement et les documents semblables se rapportant à votre compte de courtage. Si vous avez poursuivi vos activités boursières au cours des années d'imposition 2000 et 2001, veuillez fournir ces documents pour ces années également.

4.      Les factures des fournisseurs et les documents similaires appuyant les frais déduits.

5.      Une liste des contrats ouverts au début et à la fin de l'année.

6.      Les relevés bancaires ou livrets de banque relatifs à tous les comptes bancaires commerciaux et personnels, les chèques annulés, les bordereaux de dépôt et les autres bordereaux de renseignements concernant les transactions bancaires, comme les notes de débit et de crédit. Ces documents sont demandés pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001.

7.      Des renseignements détaillés sur la provenance des fonds utilisés pour investir dans cette entreprise. Si vous avez déduit des intérêts ou des frais financiers au cours des années d'imposition 1999, 2000 ou 2001, veuillez fournir les documents pertinents quant aux frais en question, y compris les documents de prêt, les tableaux d'amortissement et les documents appuyant les paiements d'intérêt et de principal sur votre prêt.


8.      Les renseignements et documents concernant l'ouverture de votre compte de courtage, y compris votre convention de client, votre état des capitaux propres, votre structure de commissions, votre formulaire de renseignements sur le client, les exigences de couverture qui s'appliquent à vous, etc.

9.      La correspondance ou les notes reçues, envoyées ou préparées en liaison avec le début et la poursuite de vos activités se rapportant à cette entreprise.

Questionnaire

Dans le cadre de notre vérification, nous vous demandons de remplir le questionnaire ci-joint et de fournir les renseignements et documents qui y sont mentionnés.

REÉR

Veuillez également fournir tous les relevés concernant tout régime enregistré d'épargne-retraite que vous-même ou votre conjoint déteniez en 1999, 2000 et 2001.

Nous vous demandons de nous fournir les renseignements et documents susmentionnés dans les 30 jours suivant la date de la présente lettre. Veuillez communiquer avec le soussigné par téléphone au numéro (250) 363-0539 ou par écrit à l'adresse indiquée sur la première page de la présente lettre, lorsque les renseignements et documents seront disponibles, afin que nous puissions convenir d'une date pour l'examen s'y rapportant. Si vous avez des questions au sujet de votre vérification et de la demande susmentionnée de renseignements et de documents, n'hésitez pas à communiquer avec moi.

À titre d'information, nous avons joint un document intitulé « Ce que vous devriez savoir à propos des vérifications » . Vous pouvez obtenir d'autres renseignements en consultant notre site web, à http://www.ccra-adrc.gc.ca.

Recevez, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.

Deanna Pumple

Validation et exécution

QUESTIONNAIRE CONCERNANT LES MONTANTS DÉDUITS AU TITRE DE PERTES D'ENTREPRISE

Contribuable : Hugh Stanfield

NAS :       *** *** ***

Années d'imposition : 1999 et 2000

1.              Avez-vous acheté des produits ou services offerts par l'une des entités nommées ci-après ou associés à l'une d'elles :


The Global Prosperity Group

The Institute of Global Prosperity (IGP)

Global Prosperity 2001

Omnicorp

World Wide Investor (WWIN)

2.              Avez-vous assisté à une réunion, à un séminaire ou à une conférence qui est associé à l'une des entités nommées ci-après ou a été parrainé par l'une d'elles ou dont la tenue a été préconisée par l'une d'elles :

The Global Prosperity Group

The Institute of Global Prosperity (IGP)

Global Prosperity 2001

Omnicorp

3.              Avez-vous été informé(e), en 1998, 1999, 2000 ou 2001, de l'existence de certaines possibilités d'affaires qui vous permettraient de déduire des pertes et d'obtenir de ce fait un remboursement d'impôt?

Dans l'affirmative,

a.              indiquez le nom de la personne ou de l'organisation qui vous a fourni ces renseignements ou l'adresse du site web duquel vous les avez obtenus;

b.              fournissez toute la documentation que vous avez reçue, comme les brochures, le matériel publicitaire, la correspondance et les télécopies;

4.              Avez-vous rempli et remis à qui que ce soit des feuilles de travail ou des formulaires sur lesquels figurent les montants de votre REÉR, votre revenu imposable ou les impôts qui ont été exigés de vous pour l'une ou l'ensemble des années 1998 à 2001?

Dans l'affirmative, indiquez le nom des personnes auxquelles ces renseignements ont été fournis.

5.              Avez-vous obtenu des conseils d'un promoteur, d'un courtier, d'un planificateur financier, d'un comptable, d'un avocat ou d'une autre personne au sujet de la mise sur pied ou de l'exploitation de votre entreprise?

Dans l'affirmative,

a.             indiquez le nom de la personne ou de l'organisation qui vous a fourni ces renseignements ou l'adresse du site web duquel vous les avez obtenus;


b.             fournissez toute la documentation que vous avez reçue, comme les brochures, le matériel publicitaire, la correspondance et les télécopies.

6.              Avant le début de vos activités boursières, avez-vous été informé(e) que vos opérations donneraient certainement lieu à des pertes que vous pourriez déduire aux fins de l'impôt?

7.              Avant le début de vos activités boursières, avez-vous reçu des indications concernant le traitement fiscal des pertes qui en découleraient?

8.              Pendant l'année au cours de laquelle vous avez subi la perte, avez-vous reçu un prêt, une avance ou un produit similaire d'une source quelconque?

Dans l'affirmative,

a.             Qui vous a fourni cette somme?

b.             Fournissez tous les accords, la correspondance, les télécopies, les barèmes de paiement et les autres documents connexes.

c.             Le prêteur savait-il que vous comptiez utiliser cette somme dans le cadre de vos opérations boursières?

d.             Aviez-vous déjà contracté un emprunt auprès de ce prêteur? Dans la négative, comment avez-vous appris l'existence du prêteur?

e.             Le prêteur a-t-il demandé l'autorisation de faire une vérification de votre solvabilité?

f.              Avez-vous fourni au prêteur des documents concernant votre actif ou vos moyens financiers? Dans l'affirmative, fournissez des copies de ces documents.

g.             Quelle est la garantie qui vous a été demandée à l'égard du prêt?

h.             Vous a-t-on dit ou affirmé à quelque moment que ce soit que vous ne seriez pas tenu(e) de rembourser le prêt?

i.              Vous a-t-on dit ou affirmé à quelque moment que ce soit que le prêteur ne prendrait aucune mesure de recouvrement contre vous en cas de défaut de paiement?

j.              Avez-vous effectué des paiements au titre du principal ou des intérêts sur la dette non amortie?


Dans l'affirmative,

(i)             fournissez des renseignements détaillés au sujet des paiements;

(ii)            fournissez la preuve du paiement.

k.              Vous a-t-on dit à quelque moment que ce soit que vous auriez accès à une partie ou à la totalité d'un paiement pour votre usage personnel?

l.               Vous a-t-on dit que vous devriez utiliser le remboursement d'impôt découlant de vos pertes sur opérations boursières pour effectuer un paiement sur le prêt?

9.              Avez-vous accès ou avez-vous déjà eu accès à un compte situé à l'extérieur du Canada dans lequel des sommes peuvent ou pouvaient être déposées et duquel des sommes peuvent ou pouvaient être retirées par vous-même ou en votre nom (que le compte soit ou non enregistré à votre nom)?

10.           Possédez-vous ou avez-vous déjà possédé une carte de crédit ou de débit qui vous donne ou vous donnait accès à un compte de fonds situé à l'extérieur du Canada (que le compte soit ou non enregistré à votre nom)?

11.            Si vous avez répondu oui à la question 9 ou 10 qui précède, fournissez les renseignements et documents suivants :

a.              le nom et l'adresse de la banque ou de l'entité où le compte est détenu;

b.              tous les relevés, livrets de banque ou autres registres faisant état des dépôts et retraits pour les années civiles 1999 à 2001;

c.              toute la documentation concernant l'ouverture du compte et son exploitation, y compris la correspondance, les télécopies et les notes.

12.            D'après les renseignements que vous possédez, êtes-vous le fiduciaire ou le bénéficiaire d'une fiducie qui ne réside pas au Canada?

13.            Avez-vous le droit de nommer, directement ou indirectement, de nouveaux bénéficiaires ou de nouveaux fiduciaires d'une fiducie existante qui ne réside pas au Canada?

14.            Si vous avez répondu oui à la question 12 ou 13 qui précède, veuillez fournir les renseignements et documents suivants :

a.              le nom et l'adresse de la fiducie;

b.              des copies de l'acte de fiducie et des autres accords connexes;


c.              toute la documentation concernant la création de la fiducie, y compris la correspondance, les télécopies, les notes et les comptes rendus des réunions connexes.

15.            Détenez-vous une participation directe ou indirecte dans une société qui est une société commerciale internationale (SCI)?

Si oui, indiquez le nom de cette société.

16.            Avez-vous reçu des conseils d'un planificateur financier, d'un courtier, d'un comptable, d'un conseiller fiscal ou d'une autre personne concernant le type d'opérations que vous devriez conclure avant le début de vos activités boursières?

Dans l'affirmative, fournissez les renseignements et documents suivants :

a.              le nom et l'adresse de la personne qui vous a donné le conseil;

b.              toute la documentation que vous avez reçue, y compris les brochures, le matériel publicitaire, la correspondance et les télécopies.

17.            Avez-vous dirigé chaque opération vous-même (avez-vous donné des directives à votre courtier au sujet des opérations précises à conclure)?

Dans l'affirmative, fournissez tous les documents faisant état des directives données (y compris les télécopies et les factures de téléphone).

APERÇU DE LA SITUATION FACTUELLE


[6]                Les parties ont convenu que la situation de M. Stanfield pouvait servir d'exemple des investissements que chacun des demandeurs a faits et des activités auxquelles ils se sont livrés et qui ont mené aux vérifications et enquêtes du ministre ainsi qu'à l'envoi des lettres et questionnaires. Dans sa déclaration de revenus de 1999, après avoir appliqué un report prospectif d'une perte autre qu'une perte en capital de 2 607 797 $ qui remontait à son année d'imposition 1998, M. Stanfield a également déclaré un revenu imposable de 60 000 $. Dans le calcul de son revenu net de 2 667 797 $ pour l'année d'imposition 1999, M. Stanfield a déclaré un revenu d'entreprise de 2 231 489 $ qui provenait d'une entreprise appelée « Hugh Stanfield Trading » . Ce revenu d'entreprise découlait de ventes, de commissions et d'honoraires de 6 184 074 $, moins des pertes et frais sur opérations boursières de 3 952 543 $ et une déduction pour amortissement de 47 $. Aucun renseignement ou document visant à donner des explications au sujet de ces revenus, pertes ou frais n'a été fourni.

[7]                Après que le ministre eut reçu les déclarations de revenus des demandeurs (y compris celles de M. Stanfield), des vérificateurs de la Section de l'évitement fiscal (les Vérifications) de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) ont entrepris une vérification. Mme Deanna Pumple (Mme Pumple), vérificatrice pour la région de l'Île de Vancouver, était responsable de la vérification relative à la plupart des demandeurs (encore là, y compris celle qui concernait M. Stanfield). Mme Pumple est la seule personne qui a déposé un affidavit pour le compte du ministre et, afin de connaître les procédures de vérification suivies par les autres vérificateurs affectés à la vérification des déclarations de certains des demandeurs (qui avaient tous conclu une série d'opérations semblables à celles de M. Stanfield), elle a parlé à quelques-uns de ces vérificateurs, dont le coordonnateur régional de l'évitement fiscal dans la région des Prairies. Avant l'audition de la demande de contrôle judiciaire, elle a été longuement contre-interrogée au sujet de son affidavit.


[8]                Une vérification visant à déterminer la dette fiscale des demandeurs en vertu de la Loi en ce qui a trait à leurs déclarations de revenus de 1998, 1999 et 2000 a été menée. Un des aspects de la vérification visait à savoir si les demandeurs avaient investi des sommes d'argent dans des placements ayant toutes les apparences d'abris fiscaux ou d'autres stratagèmes d'évitement fiscal mis sur pied par différents promoteurs.

[9]                Au début de l'année 2000, la vérification des déclarations de 1998 est devenue un projet national mettant en cause de nombreux contribuables (y compris tous les demandeurs) de différentes régions du pays, ainsi qu'un certain nombre de personnes morales impliquées dans les stratagèmes mis sur pied par des promoteurs.


[10]            Du 4 au 6 avril 2001, Rod Jamieson (M. Jamieson) et Chris Fleming (M. Fleming), enquêteurs de la Division des enquêtes de Vancouver (les Enquêtes), ont rencontré quelques-uns des membres du personnel des Vérifications, dont Mme Pumple et Larry Kuhn (M. Kuhn), vérificateur du bureau de Vancouver, afin de discuter des pertes relatives aux opérations sur marchandises et du financement de ces pertes, dans le cas de certains des contribuables, au moyen de prêts qu'ils ont contractés auprès d'une société du Yukon. Plus précisément, l'ADRC avait appris, d'après un article de journal, que certaines personnes avaient été arrêtées aux États-Unis en liaison avec un stratagème d'évasion fiscale similaire. De plus, un avocat d'un contribuable de Pentiction (Colombie-Britannique) avait mentionné à un vérificateur que son client désirait rencontrer des agents de l'ADRC afin de discuter des raisons pour lesquelles ces opérations sur marchandises et mécanismes de financement étaient considérés comme des opérations et stratagèmes frauduleux. Le contribuable a rencontré M. Kuhn et M. Fleming. Par suite de cette rencontre, M. Jamieson a annoncé à tous les vérificateurs, au cours d'une conférence téléphonique tenue le 6 avril 2001, que [TRADUCTION] « la vérification était désormais considérée comme une enquête criminelle [...] [et] que les vérificateurs de la section de l'évitement fiscal ne devraient pas tenter de communiquer avec les contribuables ou les représentants de ceux-ci ni travailler sur ces dossiers pour l'instant » (voir la note au dossier datée du 6 avril 2001, au volume 5 du dossier des demandeurs, à la page 811).

[11]            En conséquence, des copies des dossiers des déclarations de revenus partiellement vérifiées de tous les contribuables (y compris les demandeurs) ont été transférées aux Enquêtes. Le 3 juin 2002, M. Fleming a avisé les Vérifications qu'il voulait que les Enquêtes conservent les déclarations originales de tous les contribuables, promoteurs et autres personnes concernées, y compris celles de tous les demandeurs, en vue des poursuites qui pourraient être intentées au besoin (notamment les tests médico-légaux, les signatures originales des contribuables aux fins de la preuve, etc.) (voir le courriel daté du 3 juin 2002 que M. Fleming a envoyé à Mme Pumple, au volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 631). Le 2 juin 2004, M. Fleming, des Enquêtes, avait encore le contrôle des déclarations originales des contribuables. Les renseignements ont été conservés sur 9 disques compacts contenant 18 000 pages de documents au sujet des stratagèmes et de chacun des contribuables. À titre d'exemple, environ 500 de ces pages concernaient les déclarations de M. Stanfield (voir l'affidavit signé le 18 juin 2004 par Ron D.F. Wilhelm, avocat du ministère de la Justice, au volume 1 du dossier des demandeurs, aux pages 43 et 46 à 48).


[12]            Du début de l'enquête jusqu'à la fin d'août 2002, Mme Pumple a communiqué régulièrement avec les Enquêtes en répondant aux questions techniques, en donnant des conseils et en fournissant d'autres renseignements au besoin. Elle a même demandé le consentement de M. Fleming au sujet de ses vacances pour l'année 2002, même si elle était vérificatrice et non enquêteure (voir le courriel que Mme Pumple a fait parvenir à M. Fleming le 3 juin 2002, au volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 630). Comme la Cour le mentionne plus loin dans les présents motifs, Mme Pumple est restée en contact avec M. Fleming même après le mois d'août 2002 (voir le paragraphe 20 de la présente décision).

[13]            Du 28 novembre 2001 au 9 septembre 2002, M. Kuhn, vérificateur des dossiers de 13 demandeurs, a été détaché auprès des Enquêtes à Vancouver. Il a également exercé des fonctions d'agent de « liaison » entre les Vérifications et les Enquêtes. Il a participé activement à tous les aspects de l'enquête et a fourni une [TRADUCTION] « aide précieuse » aux enquêteurs (voir le courriel que Cheryl Hildebrand a envoyé à M. Fleming le 29 août 2002, au volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 710).


[14]            En mars 2002, les Enquêtes ont autorisé les Vérifications à recommencer la vérification des déclarations de revenus des demandeurs pour l'année 1998. Des avis de nouvelle cotisation ont été envoyés aux demandeurs au printemps et à l'été 2002. Ces avis faisaient état du refus des pertes déduites au titre des opérations sur marchandises et de l'imposition de pénalités conformément au paragraphe 163(2) de la Loi. Les demandeurs ont interjeté appel de ces avis de nouvelle cotisation.

[15]            La raison invoquée au soutien de l'envoi des avis de nouvelle cotisation malgré le fait que les demandeurs étaient encore sous enquête est [TRADUCTION] « le problème de prescription » (voir le contre-interrogatoire de Mme Pumple qui a eu lieu le 20 janvier 2003, au volume 2 du dossier des demandeurs, à la page 206).

[16]            Le 6 juin 2002, M. Kuhn (qui était toujours détaché auprès des Enquêtes) a envoyé à M. Fleming, qui était le chef d'équipe des Enquêtes, un courriel dans lequel il a proposé deux solutions visant à résoudre le problème inhérent à la prescription prochaine d'une nouvelle cotisation relative aux déclarations de revenus pour les années 1999 et 2000. Une de ces solutions a été retenue, soit l'envoi des lettres et questionnaires, qui a été fait de la fin du mois d'août à octobre 2002 (voir le paragraphe 5 de la présente décision).

[17]            Au début de juillet 2002, les Enquêtes ont demandé aux Vérifications de recommencer la vérification des déclarations des demandeurs pour les années 1999 et 2000. Les Enquêtes ont donné leur approbation verbale à cette fin. C'est M. Kuhn (détaché auprès des Enquêtes) qui a donné cette directive aux vérificateurs au cours d'une réunion tenue à Edmonton les 3 et 4 juillet 2002. M. Kuhn s'est exprimé comme suit :


[TRADUCTION] Les ES de Vancouver avaient donné l'autorisation de reprendre les contacts avec les investisseurs afin d'obtenir des renseignements au sujet de toutes les années et de tous les stratagèmes [...] si le contribuable désire fournir des renseignements sur la façon dont le stratagème fonctionne [...] nous devrions le renvoyer immédiatement aux ES de Vancouver plutôt que de prendre les renseignements nous-mêmes [...] si nous pouvons fixer une entrevue [...] nous devrions informer les ES de Vancouver avant [...] le contribuable devrait être avisé qu'il n'est PAS sous enquête, mais qu'une enquête est en cours [...]

[Voir le compte rendu d'une réunion tenue les 3 et 4 juillet 2002, au volume 3 du dossier des demandeurs, aux pages 521, 572 et 573.]

[18]            Tel qu'il est mentionné plus haut, les lettres et questionnaires ont été envoyés entre la fin d'août et octobre 2002 à chacun des demandeurs et comportaient l'explication suivante : [TRADUCTION] « une enquête criminelle concernant la promotion de transactions du type mentionné sur votre déclaration de revenus a été entreprise » . Plus loin dans les lettres, les demandeurs étaient informés comme suit : [TRADUCTION] « Vous n'êtes pas sous enquête à l'heure actuelle, mais sachez que les renseignements que vous nous fournissez pourront être transmis à notre Division des enquêtes pour examen » . Les lettres comportaient également les coordonnées de M. Fleming, le chef d'équipe des Enquêtes, qui était la personne-ressource à joindre si les demandeurs désiraient obtenir d'autres renseignements. Les lettres étaient signées par un vérificateur (dans la plupart des cas, par Mme Pumple ou M. Kuhn).

[19]            À une exception près, tous les demandeurs ont reçu, au plus tard en 2003, des avis de nouvelle cotisation à l'égard de leurs déclarations de revenus pour les années 1999 et 2000. Encore là, chacun d'eux a interjeté appel de ces nouvelles cotisations auprès de la Cour canadienne de l'impôt.

[20]            Après l'envoi des lettres et des questionnaires aux demandeurs, M. Fleming et Mme Pumple ont poursuivi leurs communications. Les questions dont ils discutaient étaient variées, mais concernaient principalement la vérification et l'enquête, notamment :

<     la proposition d'un contribuable de fournir des éléments de preuve en échange d'une immunité de poursuite (20 septembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 623);

<     les liens entre certaines sociétés et l'émission d'actions dans des comptes REÉR (24 septembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 622);

<     une demande d'information au sujet d'une certaine société (29 octobre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 620);

<     une demande d'information concernant l'envoi d'une demande de production de renseignements au sujet d'un compte REÉR (27 novembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 619);

<     une demande d'information au sujet de l'envoi d'une demande de production de renseignements concernant le compte bancaire d'un contribuable (plus précisément, M. Fleming voulait obtenir une copie de ces demandes) (27 novembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 617);

<     l'arrêt Jarvis, jugement de la Cour suprême du Canada que M. Fleming consultait, ainsi que la chronologie des événements que les Vérifications lui avaient fournie (28 novembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 616);


<     la rétention de renseignements bancaires aux fins de l'enquête de M. Fleming et des Enquêtes (9 décembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 615);

<     la récente parution d'un article de journal au sujet de l'une des sociétés en cause (9 décembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 614).

En plus de correspondre avec Mme Pumple, M. Fleming a également continué à communiquer avec un autre vérificateur au sujet d'un autre contribuable et tous deux se sont échangé des renseignements ainsi que des demandes d'information au sujet d'une société soupçonnée d'être impliquée dans le stratagème (25 septembre et 29 octobre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, aux pages 620 et 621).

[21]            Après le 9 septembre 2002, lorsqu'il est retourné aux Vérifications à la fin de son détachement, M. Kuhn est également resté en contact avec les Enquêtes. En plus de leur communiquer ses nouvelles coordonnées, il a cherché à savoir si certaines déclarations exigées par la loi devraient leur être envoyées et leur a offert des « contacts » , si elles désiraient en obtenir. En échange, les Enquêtes ont demandé à M. Kuhn les renseignements qu'il possédait au sujet de l'emplacement d'un article de journal particulier. (Ces échanges ont eu lieu les 9, 16, 17, 18 et 23 septembre 2002; voir le volume 4 du dossier des demandeurs, aux pages 713, 714, 721 et 722.)

[22]            L'avis de demande concernant les lettres et questionnaires a été signifié au ministre et déposé auprès de la Cour le 20 septembre 2002. L'affidavit de Mme Pumple (accompagné de documents) a été signé le 31 octobre 2002.

RÉSUMÉ DES ARGUMENTS DES PARTIES

Les demandeurs

[23]            Les demandeurs soutiennent que l'objet prédominant des lettres et questionnaires était la tenue d'une enquête criminelle. En vertu des paragraphes 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi, le ministre peut mener des inspections et exiger des renseignements et documents, mais ce pouvoir ne peut être exercé lorsque l'enquête a pour objet prédominant d'établir la responsabilité pénale du contribuable.

[24]            Selon les demandeurs, il est évident dans les circonstances que les Vérifications avaient transféré leurs dossiers aux Enquêtes et il n'appert nullement du dossier que celles-ci ont mis fin à leur enquête en ce qui concerne les demandeurs. En conséquence, Mme Pumple, la vérificatrice, agissait effectivement en qualité de mandataire pour les Enquêtes. Des contacts réguliers avaient lieu entre les Enquêtes et les Vérifications au sujet des dossiers des demandeurs. Les Vérifications n'avaient aucune raison de solliciter les renseignements demandés dans les lettres et questionnaires, si ce n'est pour obtenir de l'information pour les Enquêtes, étant donné que, de l'avis des demandeurs, les Vérifications avaient déjà déterminé le fondement de la nouvelle cotisation relative à leur année d'imposition 1999.


[25]            Enfin, les demandeurs font valoir que d'autres facteurs donnent à penser que les Enquêtes avaient recours aux Vérifications pour recueillir des éléments de preuve; c'est ce qui ressort notamment des lettres mêmes, du double rôle que M. Kuhn a joué aux Enquêtes et aux Vérifications, de l'affirmation de Mme Pumple selon laquelle les Enquêtes avaient autorisé les Vérifications à poursuivre leurs vérifications malgré l'absence d'éléments de preuve en ce sens au dossier et du fait que les Enquêtes ont conservé les dossiers de bon nombre des demandeurs malgré la reprise des vérifications.

[26]            De l'avis des demandeurs, s'il était permis au ministre d'aller de l'avant avec sa demande de renseignements à ce moment-ci, deux ans après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable aux demandeurs, et de demander de cette façon des renseignements qui ne peuvent logiquement servir qu'aux fins d'une enquête, il y aurait abus de procédure de la part des autorités fiscales. Les lettres et questionnaires visent manifestement la tenue d'une enquête fiscale de nature criminelle plutôt que l'établissement d'une nouvelle cotisation, qui est une matière civile, et devraient être déclarés invalides ou illégaux, conformément à l'article 7 de la Charte.

Le défendeur


[27]            Le défendeur soutient que les lettres et questionnaires ont été envoyés à bon escient et constituent un outil nécessaire pour mieux déterminer la dette fiscale des demandeurs pour les années 1999 et 2000. Si elles ne comprennent pas la façon dont les dispositifs de 1998 fonctionnaient, les Vérifications ne pourront établir correctement de nouvelles cotisations à l'égard des années d'imposition 1999 et 2000 des demandeurs.

[28]            La lettre envoyée en application du paragraphe 231.1(1) de la Loi visait à vérifier si les demandeurs s'étaient conformés aux obligations que la Loi leur impose, notamment s'ils avaient déclaré correctement leur revenu imposable en vertu de la Loi pour l'année en question. Les demandes formulées dans la lettre étaient des demandes courantes. Le questionnaire lui-même a été conçu de manière à permettre de comprendre l'aspect fiscal des transactions et visait également à savoir si les demandeurs avaient investi dans des placements non admissibles aux fins d'un REÉR. Tant la lettre que le questionnaire ont été rédigés par des personnes des Vérifications sans que le personnel des Enquêtes intervienne, sauf en ce qui a trait au deuxième paragraphe de la lettre concernant l'enquête criminelle, qui a été rédigé par M. Fleming.


[29]            Le défendeur ajoute qu'aucun des demandeurs ne faisait l'objet d'une enquête criminelle lorsque les Enquêtes ont autorisé les Vérifications à recommencer leurs vérifications. Habituellement, aucune vérification n'est menée pendant qu'une enquête est en cours et les vérifications ne reprennent que lorsqu'un avis en ce sens est donné par les Enquêtes. Ce va-et-vient de dossiers entre les Vérifications et les Enquêtes n'est pas rare. Il n'est pas rare non plus que les membres du personnel de chacune de ces divisions se consultent au besoin ou qu'à l'occasion, un vérificateur soit détaché auprès des Enquêtes. Aucune de ces pratiques ne peut être considérée comme une pratique abusive dans les circonstances de la présente affaire.

LA NORME DE CONTRÔLE

[30]            Aux fins de la présente décision, les dispositions les plus pertinentes de la Loi sont les paragraphes 231.1(1), 231.2(1) et 239(1). Ces dispositions sont jointes en annexe à la présente décision à titre d'information.

[31]            Le paragraphe 231.1(1) n'accorde aucun droit de contrôle explicite. Lorsqu'elle a déterminé la norme de contrôle applicable aux décisions prises en application de cette disposition, la juge Wilson, qui s'exprimait au nom de la Cour suprême du Canada dans R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, a déclaré à la page 648 de cet arrêt que « le ministre du Revenu national doit disposer, dans la surveillance de ce régime de réglementation, de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et d'examen de tous les documents qui peuvent être utiles pour préparer ces déclarations » . Les juges Iacobucci et Major fournissent d'autres explications au sujet de ces pouvoirs dans R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, aux pages 788 et 789 (Jarvis) :

Les dispositions de la partie XV de la LIR confèrent au ministre des pouvoirs « [d'a]pplication et [d'e]xécution » . Elles imposent également aux contribuables des obligations réciproques : par exemple, pour le bon fonctionnement général du régime de déclaration et de vérification, le par. 230(1) de la LIR exige de tout contribuable qu'il tienne, pendant diverses périodes prescrites, des registres et des livres de comptes à son lieu d'affaires ou de résidence au Canada. Ces documents doivent être tenus « dans la forme et renferm[er] les renseignements qui permettent d'établir le montant des impôts payables en vertu de la [LIR], ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues » .


Les dispositions au coeur du présent pourvoi confèrent au ministre de vastes pouvoirs « pour l'application et l'exécution » de la LIR. Le paragraphe 231.1(1) confirme le pouvoir d'inspection établi dans la Loi modifiant la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, S.C. 1944, ch. 43, art. 11. Aux termes de l'al. a), une personne autorisée par le ministre peut « inspecter, vérifier ou examiner » une vaste gamme de documents qui va au-delà de ceux que la LIR oblige par ailleurs le contribuable à préparer et à conserver. L'alinéa c) prévoit qu'au cours de l'inspection, de la vérification ou de l'examen, la personne autorisée peut pénétrer dans un lieu qui n'est pas une maison d'habitation; par ailleurs, l'al. d) impose l'obligation corrélative à toute personne présente sur les lieux de fournir « toute l'aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l'application et l'exécution de la présente loi » .

[32]            Dans l'arrêt James Richardson & Sons, Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1984] 1 R.C.S. 614 (James Richardson), la Cour suprême du Canada, après avoir révisé un jugement antérieur (Canadian Bank of Commerce c. Attorney General of Canada, [1962] R.C.S. 729) qui était fondé sur le paragraphe 231(3) de la Loi (qui est à peu près l'équivalent du paragraphe 231.2(1) actuellement en vigueur, mais dont le libellé est plus large que celui du paragraphe 231.1(1)), a exposé quatre critères qui ont pour effet de restreindre l'interprétation de cette disposition :

a)      le critère applicable à la question de savoir si le Ministre agit dans un but prévu par la Loi est un critère objectif et cette question doit être tranchée en fonction d'une interprétation juste du paragraphe et en fonction de son application aux circonstances décrites;

b)      l'obtention de renseignements portant sur l'assujettissement à l'impôt d'une seule ou de plusieurs personnes déterminées dont l'assujettissement à l'impôt fait l'objet d'une enquête est une fin relative à l'application ou à l'exécution de la Loi;

c)      il n'est pas nécessaire que la personne à qui les renseignements sont demandés soit une personne dont l'assujettissement à l'impôt fait l'objet d'une enquête;


d)      le fait que des renseignements donnés puissent divulguer des opérations confidentielles qui mettent en cause des personnes qui ne font pas l'objet d'une enquête et qui peuvent ne pas être assujetties à l'impôt n'a pas pour effet d'invalider la demande.

[Non souligné dans l'original.]

[33]            Se fondant sur les décisions susmentionnées, notamment sur le facteur a) exposé dans James Richardson, et conservant à l'esprit le raisonnement que la Cour d'appel fédérale a suivi dans Kligman c. Canada (Ministre du Revenu national), [2004] A.C.F. no 639 (Kligman), la Cour estime que, pour trancher le présent litige, elle doit examiner les faits à la lumière d'une situation juridique particulière. Cela signifie qu'elle doit porter une attention particulière aux faits de la présente affaire afin de savoir si l'objet prédominant des lettres et questionnaires était la tenue d'une vérification ou la tenue d'une enquête. Même si le rôle de la Cour en l'espèce consiste à déterminer les faits, la question à trancher n'en demeure pas moins une question mixte de fait et de droit - voir Jarvis, au paragraphe 100; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 27; Kligman, aux paragraphes 97 à 111 - et, par conséquent, la norme de contrôle applicable est la décision correcte.

LES FACTEURS UTILES

[34]            Dans l'arrêt Jarvis, la Cour suprême du Canada a énoncé les facteurs à prendre en compte pour savoir si, lorsque les lettres et questionnaires ont été préparés et envoyés, l'ADRC exerçait une fonction de vérification ou une fonction d'enquête.


[35]            Selon la Loi et l'arrêt Jarvis, le processus de perception des impôts repose sur l'autocotisation et l'autodéclaration. Il incombe aux contribuables d'évaluer de façon estimative leur revenu annuel, puis de déterminer et d'inscrire le montant d'impôt qu'ils doivent payer sur la déclaration de revenus qu'ils sont tenus de produire. Le succès de ce système dépend entièrement de la franchise, de l'intégrité et de la collaboration des contribuables. Ce n'est qu'après que les pouvoirs de vérification de l'ADRC, qui permettent aux vérificateurs d'examiner les déclarations de revenus et d'établir des cotisations à leur égard à l'intérieur d'un certain délai (selon les paragraphes 152(3) et (4) de la Loi, de nouvelles cotisations peuvent être établies dans les trois années suivant le dépôt), entrent en jeu (le problème de prescription). De plus, en vertu des pouvoirs de vérification dont elle dispose, l'ADRC peut imposer des pénalités lorsque les déclarations de revenus exigées ne sont pas déposées ou que celles qui sont produites sont inexactes. Une vérification n'est pas une procédure de nature criminelle, mais plutôt une procédure administrative qui ne met pas en cause les droits reconnus par la Charte.


[36]            L'ADRC peut également exercer des fonctions d'enquête qui sont tout à fait distinctes de ses fonctions de vérification. Ces fonctions d'enquête visent à examiner les cas importants dont l'étude pourrait révéler des stratagèmes d'évasion fiscale de nature criminelle qui constituent des infractions criminelles selon l'article 239 de la Loi. Les fonctions d'enquête comprennent la collecte d'éléments de preuve à des fins de poursuite. Lorsque l'ADRC exerce ses fonctions d'enquête, une « relation de nature contradictoire » existe entre elle et le contribuable, ce qui met en jeu toute la panoplie des protections constitutionnelles contre l'auto-incrimination, y compris le droit de garder le silence.

[37]            En conséquence, comment un juge de première instance devrait-il évaluer une demande péremptoire de production de documents et renseignements lorsque certains éléments de preuve montrent qu'une enquête criminelle pourrait avoir été menée concurremment ou qu'une enquête a été entreprise, mais a plus tard été arrêtée?

À notre avis, lorsqu'un examen dans un cas particulier a pour objet prédominant d'établir la responsabilité pénale du contribuable, les fonctionnaires de l'ADRC doivent renoncer à leur faculté d'utiliser les pouvoirs d'inspection et de demande péremptoire que leur confèrent les par. 231.1(1) et 231.2(1). Essentiellement, les fonctionnaires [TRADUCTION] « franchissent le Rubicon » lorsque l'examen crée la relation contradictoire entre le contribuable et l'État.

[Voir Jarvis, au paragraphe 88.]

[38]            L'objet prédominant de la demande péremptoire de production de documents et renseignements doit être évalué à la lumière de tous les facteurs liés à la demande en question. La Cour cite à nouveau l'arrêt Jarvis, où les juges Iacobucci et Major (les juges) suggèrent, au paragraphe 94, certaines questions qu'il y a lieu de se poser au moment d'évaluer la situation :

a)      Les autorités avaient-elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble-t-il, au vu du dossier, que l'on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

b)      L'ensemble de la conduite des autorités donnait-elle à croire que celles-ci procédaient à une enquête criminelle?

c)      Le vérificateur avait-il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

d)      La conduite du vérificateur donnait-elle à croire qu'il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?


e)      Semble-t-il que les enquêteurs aient eu l'intention d'utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

f)      La preuve recherchée est-elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

g)      Existe-t-il d'autres circonstances ou facteurs susceptibles d'amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

La Cour a relevé cinq autres questions qui peuvent être pertinentes au moment d'évaluer l'objet prédominant (énoncées au paragraphe 45 ci-dessous).

[39]            Tout en soulignant que l'ADRC peut mener parallèlement une enquête criminelle et une vérification administrative, les juges font la précision suivante au paragraphe 97 :

Toutefois, si une enquête sur la responsabilité pénale est engagée postérieurement, les enquêteurs peuvent utiliser les renseignements obtenus conformément aux pouvoirs de vérification avant le début de l'enquête criminelle, mais non les renseignements obtenus conformément à ces pouvoirs après le début de l'enquête sur la responsabilité pénale.

En conséquence, il n'est pas interdit aux Vérifications de transférer des renseignements aux Enquêtes, tant que « l'enquête sur la responsabilité pénale » n'est pas engagée. Qu'arrive-t-il lorsque cette enquête a débuté, puis a été arrêtée et qu'une demande de renseignements et documents est formulée dans le cadre d'une vérification, comme c'est le cas en l'espèce? Sous réserve de l'analyse exposée plus loin dans les présents motifs, les faits doivent montrer clairement que l'enquête criminelle a vraiment été arrêtée pour que le transfert de renseignements des Vérifications aux Enquêtes soit permis.

[40]            Dans l'arrêt Jarvis, les juges expriment également, au paragraphe 92, leur point de vue sur l'emplacement d'un dossier (c.-à-d. sur la question de savoir si le dossier est détenu par les Vérifications ou par les Enquêtes) comme élément à prendre en compte, bien que ce facteur ne soit pas déterminant en soi :

Cependant, si un vérificateur est d'avis qu'un dossier devrait être envoyé aux enquêteurs, le tribunal doit examiner très attentivement ce qui se passe ensuite. Si le dossier est retourné à la vérification, les enquêteurs ont-ils réellement décidé de ne pas examiner le dossier et l'ont-ils retourné aux vérificateurs pour que ceux-ci terminent la vérification? L'ont-ils plutôt retourné pour des raisons de commodité afin que le vérificateur puisse utiliser les par. 231.1(1) et 231.2(1) pour obtenir des éléments de preuve pour les besoins d'une poursuite?

D'abord, la Cour souligne l'utilisation des mots « ont-ils réellement » . Il y a une différence entre ce qui est réel et ce qui est apparent et cela doit être évalué par un observateur neutre qui possède des connaissances générales au sujet de situations semblables, et non par l'un des demandeurs. Une évaluation neutre et impartiale doit être faite. En deuxième lieu, la situation est encore plus complexe dans la présente affaire, étant donné que les Enquêtes détenaient toujours les originaux des dossiers des demandeurs, malgré le fait que l'enquête criminelle avait apparemment pris fin. Comme le montre la preuve, en juin 2004, soit deux (2) années complètes après la fin de l'enquête criminelle, les originaux de la plupart des dossiers (y compris le dossier de 500 pages de M. Stanfield) étaient entre les mains de l'enquêteur, M. Fleming, qui était aussi chef d'équipe.


[41]            Le degré d'importance des communications échangées entre les Vérifications et les Enquêtes depuis le début de l'enquête est également un aspect à examiner et les juges ont formulé les commentaires suivants à ce sujet dans l'arrêt Jarvis : « En outre, il semble que les communications entre Mme Goy-Edwards et Mme Chang aient été très limitées à partir du moment où le dossier a été transféré aux Enquêtes spéciales » (au paragraphe 101; non souligné dans l'original).

[42]            Dans la présente affaire, quelle était la nature des communications entre les Vérifications et les Enquêtes pendant les enquêtes criminelles (d'avril 2001 à l'été 2002)? De plus, quel était le degré d'importance des communications échangées à compter de mars 2002?

[43]            Qui plus est, lorsqu'elle compare la situation factuelle dont elle est actuellement saisie avec celle des arrêts Jarvis et R. c. Ling, 2002 CSC 74, qui portent tous deux sur un seul contribuable et sur des faits beaucoup moins complexes, la Cour constate que la présente affaire concerne de nombreux contribuables et promoteurs de stratagèmes fiscaux et d'abris fiscaux ainsi que des REÉR auxquels différentes personnes morales auraient participé. En conséquence, il est nécessaire de tenir compte de cette complexité lors de l'évaluation des facteurs à examiner afin d'établir l'objet prédominant.

[44]            En dernier lieu, la Cour doit se demander ce qui arriverait si le ministre était privé des résultats des demandes de documents et renseignements formulées dans les lettres et questionnaires. La situation deviendra-t-elle inacceptable pour le défendeur, ou celui-ci sera-t-il encore en mesure d'atteindre son objectif lié aux vérifications? Ce dernier facteur n'est pas déterminant, mais il est pertinent quant à l'évaluation du préjudice que le défendeur invoque.

[45]            En conséquence, les cinq facteurs suivants seront ajoutés à l'évaluation (voir les facteurs énumérés plus haut au paragraphe 38) qui doit être faite. Plus précisément, ces facteurs peuvent être considérés comme des sous-facteurs du critère g) (autres circonstances ou facteurs) :

h)                L'enquête criminelle et les vérifications administratives étaient-elles menées simultanément ou de façon interreliée et, dans l'affirmative, dans quel but?

i)                 Quelle était la nature de l'échange de renseignements entre les Vérifications et les Enquêtes, tant pendant qu'après l'enquête criminelle?

j)                 Quel était le degré d'importance des communications échangées entre les Vérifications et les Enquêtes pendant que l'enquête criminelle était en cours et après le moment où elle a apparemment pris fin?

k)                Quel est l'impact de la complexité des situations factuelle et fiscale de la présente affaire sur l'évaluation de l'objet prédominant?

l)                 S'il n'obtient pas les documents et renseignements demandés, le défendeur sera-t-il incapable d'exercer ses fonctions de vérification prévues par la Loi?


[46]            Pour répondre à ces questions, il convient d'évaluer la preuve selon la norme de la prépondérance de la preuve, qui s'applique en pareil cas. Cela signifie que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver que le défendeur a envoyé les lettres et questionnaires avec l'intention de poursuivre une enquête criminelle; ils doivent plutôt démontrer que l'objet prédominant des lettres et questionnaires était d'obtenir des renseignements aux fins d'une enquête de cette nature. Il suffit aux demandeurs de faire cette démonstration suivant la prépondérance de la preuve : voir, par exemple, Kligman, aux paragraphes 11 et 13. C'est également ce qui ressort clairement des facteurs énumérés dans l'arrêt Jarvis et cités plus haut au paragraphe 38, étant donné que bon nombre des critères sont formulés en termes relatifs et non absolus, par exemple, s'il « semble » , au vu du dossier, que l'on « aurait pu » prendre la décision de procéder à une enquête criminelle, si « l'ensemble de la conduite » des autorités « donnait à croire » que celles-ci procédaient à une enquête criminelle, si la « conduite » du vérificateur donnait à croire qu'il « agissait en fait » comme un mandataire des enquêteurs, s'il « semble » que les Enquêtes utilisaient les pouvoirs des Vérifications à des fins d'enquête, etc.

LA PREUVE PRÉSENTÉE PAR LES PARTIES

Les demandeurs


[47]            Au nom des demandeurs, M. Stanfield a signé le 27 septembre 2002 un affidavit dans lequel il a déclaré que la lettre et le questionnaire qu'il a reçus de Mme Pumple lui ont donné à penser qu'il faisait l'objet d'une enquête criminelle (même si elle a affirmé le contraire) et que les documents et renseignements qu'il fournirait seraient utilisés aux fins d'une enquête criminelle. La lettre et le questionnaire étaient joints à son affidavit comme pièces. Les demandeurs ont également déposé un affidavit signé le 18 juin 2004 par Ron D.F. Wilhelm (M. Wilhelm), avocat du ministère de la Justice, qui a aussi été produit dans une instance engagée devant la Cour canadienne de l'impôt. Selon cet affidavit, en juin 2004, les originaux des déclarations de revenus des demandeurs étaient encore entre les mains de M. Fleming, à la Division des enquêtes, et les Enquêtes avaient recueilli environ 18 000 pages de documents dans le cadre d'une opération à laquelle 110 employés de l'ADRC avaient participé. Comme la Cour l'a mentionné plus haut, environ 500 de ces 18 000 pages concernaient M. Stanfield lui-même.

Le défendeur

[48]            Mme Pumple a déposé deux affidavits au nom du ministre. Le premier a été signé le 31 octobre 2002 et le second, le 8 juin 2004. Elle a été longuement contre-interrogée sur une période de deux jours par l'avocat des demandeurs au sujet de son premier affidavit. Elle a déposé plus de 95 pièces, qu'il s'agisse de documents joints à ses affidavits ou produits en réponse à une assignation à comparaître.

[49]            Mme Pumple soutient essentiellement qu'aucune enquête criminelle n'était en cours à l'égard des demandeurs, que les lettres et questionnaires étaient nécessaires à des fins de vérification et visaient à déterminer la dette fiscale des demandeurs, que les déclarations de revenus de ceux-ci pour l'année 1999 seraient prescrites le 12 septembre 2003 et que, si les demandeurs ne répondaient pas aux lettres et questionnaires, les Vérifications ne pourraient pas établir correctement les nouvelles cotisations se rapportant à eux. La transcription du contre-interrogatoire de Mme Pumple montre qu'elle n'était pas toujours personnellement au courant de la situation des demandeurs et de leurs rapports avec l'ADRC. Pour s'informer, Mme Pumple a simplement communiqué de façon limitée avec d'autres vérificateurs. Elle affirme qu'elle n'a demandé aucun renseignement à M. Fleming, qui se trouvait aux Enquêtes, lorsqu'elle a préparé ses affidavits :


[TRADUCTION]

Q.            Avez-vous parlé à M. Fleming afin de mener à bien vos recherches et de préparer l'affidavit?

R.            Pas directement, non.

Q.            Pas directement?

R.            Non, non, je ne lui ai pas parlé.

[Voir le volume 2 du dossier des demandeurs, à la page 116.]


Mme Pumple ne s'est pas adressée à d'autres personnes des Enquêtes pour obtenir des renseignements. La Cour souligne que, d'après la preuve, Mme Pumple a communiqué à maintes reprises par courrier électronique avec M. Fleming et quelques-uns des autres enquêteurs et qu'elle a participé à des réunions et conférences téléphoniques tenues entre le 4 avril 2001 et le 9 décembre 2002. Comme la Cour le souligne plus haut, elle a signé son premier affidavit le 31 octobre 2002. Les discussions qu'elle a eues avec le personnel des Enquêtes portaient dans tous les cas sur les contribuables et sur l'enquête en cours, sauf en ce qui concerne un courriel déjà mentionné, dans lequel elle informe M. Fleming, le 3 juin 2002, de ses prochaines vacances et lui demande s'il y aura [TRADUCTION] « un problème » à ce sujet (voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 630). La Cour a lu toute la transcription du contre-interrogatoire de Mme Pumple et estime qu'à plusieurs occasions, celle-ci s'est montrée hésitante et réticente à répondre aux questions et n'était pas toujours personnellement au courant de sujets très importants (par exemple, l'état de l'enquête criminelle, le concept des abris fiscaux, la nature de bon nombre des questions du questionnaire qu'elle a envoyé à près de soixante (60) demandeurs, etc.). Tout en comprenant que la stratégie a une importance vitale lorsqu'une enquête criminelle est en cours et que le défendeur doit présenter une défense, la Cour a été étonnée de constater qu'aucun représentant des Enquêtes n'était présent à l'audience. La Division aurait pu envoyer une personne sans nuire à ces enquêtes. À tout le moins, la Cour est perplexe devant l'affirmation de Mme Pumple, qui dit qu'elle ne s'est même pas adressée aux Enquêtes pour savoir où en étaient les enquêtes concernant les demandeurs avant de signer son affidavit, étant donné, surtout, qu'il appert clairement de la preuve qu'elle a été régulièrement en contact avec cette Division avant de signer son premier affidavit, et même après.

[50]            L'avocat du défendeur s'étant opposé à certaines questions au cours du contre-interrogatoire de Mme Pumple, le protonotaire Hargrave a été saisi d'une requête concernant ces objections. Dans la décision qu'il a rendue le 20 avril 2004, le protonotaire Hargrave a formulé quelques remarques incidentes au sujet de la preuve qu'il a examinée (y compris la preuve présentée par Mme Pumple) afin de trancher la requête. La Cour souligne toutefois qu'elle n'est pas liée par ces remarques et que les conclusions qu'elle tire sur cet aspect dans la présente décision sont les siennes.

L'objet prédominant des lettres et questionnaires : vérification ou enquête criminelle?

[51]            En suivant la méthodologie proposée dans l'arrêt Jarvis et en appliquant ses propres facteurs (énumérés plus haut au paragraphe 45), la Cour commentera chacune des douze (12) questions susmentionnées et se prononcera ensuite sur l'objet prédominant des lettres et questionnaires en fonction de la prépondérance des faits mis en preuve.


a)          Les autorités avaient-elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble-t-il, au vu du dossier, que l'on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

[52]            Il n'y a aucun élément de preuve disponible qui pourrait montrer la nature ou la valeur des renseignements recueillis par les enquêteurs. En avril 2001, l'ADRC a été mise au courant de [TRADUCTION] « révélations importantes » , y compris les noms des promoteurs. Cela suppose un certain degré de connaissance des stratagèmes généraux (voir la note du 6 avril 2001, au volume 5 du dossier des demandeurs, à la page 811). Cependant, la preuve présentée ne nous éclaire pas sur l'évolution des enquêtes ou sur la chronologie de [TRADUCTION] « l'enquête en cours » .

[53]            Comme la Cour l'a mentionné plus haut, il a été décidé au début d'avril 2001 de mener une enquête criminelle. C'est à ce moment que le responsable des Enquêtes au bureau de Vancouver, M. Jamieson, a dit aux vérificateurs que [TRADUCTION] « la vérification [concernant les demandeurs] était désormais considérée comme une enquête criminelle » et qu'il a voulu obtenir une chronologie des renseignements qu'ils avaient recueillis afin de pouvoir évaluer [TRADUCTION] « la preuve » obtenue jusqu'à maintenant (voir la même note dont il est fait mention plus haut au paragraphe 52).


[54]            Le défendeur soutient que les enquêtes concernant les demandeurs ont pris fin en mars 2002 en ce qui concerne les déclarations de revenus de 1998 et quelque temps en juin ou juillet 2002 dans le cas des déclarations de revenus des années 1999 et 2000. Le défendeur souligne qu'il est mentionné clairement dans les lettres envoyées aux demandeurs que seule l'enquête concernant [TRADUCTION] « la promotion de transactions du type mentionné sur votre déclaration de revenus a été entreprise » (non souligné dans l'original) et qu'aucun des demandeurs n'était lui-même sous enquête à cette date, mais que les renseignements qu'ils fourniraient pourraient être transmis aux Enquêtes pour examen (voir la lettre et le questionnaire mentionnés au paragraphe 5 qui précède).

[55]            Au cours de son contre-interrogatoire, Mme Pumple a admis qu'elle avait des connaissances limitées au sujet de la promotion de ces types de transactions, mais qu'elle a présumé qu'il s'agissait d'un mécanisme promotionnel quelconque : [TRADUCTION] « quelqu'un y a nécessairement pensé et a conçu l'entreprise ou les activités envisagées [...] ils font la promotion des investissements qu'ils offrent en mettant l'accent sur les avantages fiscaux » (voir le contre-interrogatoire de Mme Pumple, au volume 2 du dossier des demandeurs, à la page 230). Mme Pumple a ajouté que quelques promoteurs avaient été identifiés et qu'une liste de ceux-ci existait, mais qu'elle n'avait pas vu cette liste.


[56]            Mme Pumple a également souligné que les enquêtes relatives aux demandeurs avaient pris fin en mars 2002 et juin 2002, étant donné que les Vérifications avaient obtenu l'autorisation des enquêteurs. Elle a admis qu'elle n'était pas personnellement au courant de l'enquête et qu'elle n'avait pas parlé à M. Fleming ou à un autre enquêteur lors de la signature de son affidavit le 31 octobre 2002. Elle a aussi mentionné qu'elle n'avait vu aucun document provenant des Enquêtes et faisant état de l'arrêt des enquêtes. Afin d'expliquer pourquoi la preuve permettait de dire qu'une autorisation avait été donnée, elle a dit que c'était tout simplement la façon dont le système fonctionnait, c'est-à-dire que les Vérifications ne pouvaient procéder autrement dans le cas d'un dossier faisant l'objet d'une enquête (voir le contre-interrogatoire de Mme Pumple, au volume 2 du dossier des demandeurs, aux pages 98 et 206). Mme Pumple a également précisé que les Vérifications étaient préoccupées par la possibilité que la procédure de vérification elle-même devienne prescrite en raison du délai de trois ans imposé par la Loi (voir le contre-interrogatoire de Mme Pumple, au volume 2 du dossier des demandeurs, aux pages 205, 206, 223 et 236).

[57]            Le seul document qui a été déposé en preuve et qui donne à penser qu'une autorisation avait été donnée est une note concernant une réunion que les vérificateurs ont tenue à Edmonton les 3 et 4 juillet 2002. Le représentant des Enquêtes à cette réunion était M. Kuhn (alors détaché des Vérifications). Le texte suivant figure sur cette note : [TRADUCTION] « Larry mentionne que les ES de Vancouver avaient donné l'autorisation de reprendre les contacts avec les investisseurs afin d'obtenir des renseignements au sujet de toutes les années et tous les stratagèmes [...] » (voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 572). Il convient de souligner qu'il n'est pas mentionné dans ce document qu'étant donné que les enquêtes relatives aux demandeurs avaient pris fin, les Enquêtes avaient autorisé les Vérifications à recommencer leurs travaux.

[58]            De plus, dans un courriel envoyé le 6 juin 2002 à quelques vérificateurs et à M. Fleming, M. Kuhn propose deux solutions pour résoudre le problème de prescription qui risquait d'empêcher les vérificateurs de terminer les vérifications. M. Kuhn propose l'envoi aux demandeurs d'une lettre de vérification qui [TRADUCTION] « les informerait de l'enquête en cours... [et] du fait que l'investisseur n'est pas sous enquête à l'heure actuelle » (voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 608). En contre-interrogatoire, Mme Pumple a admis que les mots [TRADUCTION] « à l'heure actuelle » pouvaient signifier qu'il était possible que les demandeurs soient accusés plus tard d'une infraction criminelle :

[TRADUCTION]

Q.            Les demandeurs ne pouvaient-ils pas penser dans les circonstances, compte tenu de la façon dont cette note était rédigée, qu'ils pourraient être accusés d'une infraction criminelle s'ils répondaient à ces questions?

R.            Je n'ai jamais pensé que tel était le résultat. J'imagine que c'était du domaine du possible.

[Voir le dossier des demandeurs, à la page 398.]


[59]            Certains documents donnent également à penser que l'enquête était toujours en cours. Le 6 juin 2002, M. Khun a écrit ce qui suit : [TRADUCTION] « Chris [M. Fleming] s'intéresse à cette question, parce que plusieurs accusations pourraient apparemment être portées par suite de fausses évaluations, si c'est ce qui s'est produit » . (Voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 606.) Le 10 juin 2002, M. Nakano, le coordonnateur de la vérification, écrit aux autres vérificateurs pour les informer que les Enquêtes envisageaient encore des saisies : [TRADUCTION] « D'après les discussions que j'ai eues avec Chris Fleming et M. Kuhn, je crois que, même si les agents des ES poursuivent leur enquête, ils n'ont pas encore procédé aux saisies et n'étaient pas disposés à dire à quel moment ils le feraient (ou peut-être n'étaient-ils pas en mesure de le dire) » . M. Nakano poursuit en ces termes : [TRADUCTION] « Larry [M. Kuhn] a demandé aux ES d'entreprendre les contacts au sujet de l'année 1999 et prépare un projet de lettre à cette fin » (voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 602). L'enquête en cours est à nouveau mentionnée : [TRADUCTION] « étant donné que l'organisation et la promotion du stratagème global constituent des activités criminelles, tous les promoteurs signalés à notre attention sont visés par cette enquête, jusqu'à ce que nous recevions un avis contraire de la Division des enquêtes (voir le volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 689). De plus, le 25 août 2002, il est fait mention d'une autre saisie envisagée par les Enquêtes (voir le volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 689).


[60]            Comme la Cour l'explique plus haut, la preuve montre que, du moins jusqu'au 3 juillet 2002, les demandeurs intéressaient encore les Enquêtes en ce qui concerne les déclarations de revenus des années 1999 et 2000. Comme la Cour l'a souligné au paragraphe 15, Mme Pumple a admis que les demandeurs étaient encore sous enquête en mars 2002, lorsque les avis de nouvelle cotisation pour l'année 1998 ont été envoyés. De plus, les Enquêtes avaient en main les dossiers des demandeurs et en ont conservé les originaux au moins jusqu'en juin 2004 (voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 631). (La Cour reviendra sur cette question plus loin.) Il appert également de certains éléments de preuve que les enquêtes se poursuivaient au cours de l'été 2002, même si le défendeur soutient que les enquêtes concernant les demandeurs avaient alors pris fin. La preuve du défendeur sur ce point est faible. La Cour ne peut trouver les éléments de preuve qui lui permettraient de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l'enquête relative à la promotion de ces types de transactions n'englobe pas les demandeurs eux-mêmes ou que les enquêtes en cours ne concernaient nullement ceux-ci. Le témoignage de Mme Pumple n'est tout simplement pas utile sur ces questions. Comment aurait-elle pu être au courant des aspects liés à la promotion et de l'existence d'une liste de promoteurs si elle n'avait pas parlé aux enquêteurs? Pour le moins, la situation concernant les enquêtes et les demandeurs est embrouillée et il semble (pour reprendre le libellé de la question formulée dans l'arrêt Jarvis) qu'une enquête concernant les activités des demandeurs demeurait une possibilité, sinon un fait bien réel. La Cour a été étonnée de constater que la preuve ne comportait aucun document dans lequel les Enquêtes auraient informé les demandeurs qu'ils n'étaient plus sous enquête (en mars 2002 pour les déclarations de revenus de 1998 et en juin ou juillet 2002 pour les déclarations de revenus de 1999 et 2000). Une décision aussi importante doit certainement avoir été consignée par écrit. À tout le moins, elle aurait dû l'être.

b)                   L'ensemble de la conduite des autorités donnait-elle à croire que celles-ci procédaient à une enquête criminelle?


[61]            En avril 2001, l'ADRC a estimé qu'il y avait lieu d'examiner les déclarations de revenus des demandeurs pour les années 1998, 1999 et 2000 en vue de poursuites possibles en matière criminelle. Comme la Cour l'a mentionné, c'est à ce moment-là que les enquêtes ont débuté. Il appert de la preuve que, pendant la majeure partie des années 2001 et 2002, les enquêteurs de l'ADRC menaient des enquêtes au sujet des demandeurs, des promoteurs et des personnes morales en cause. Il importe également de souligner que la preuve elle-même montre un lien étroit entre les activités des Vérifications et des Enquêtes ainsi que de nombreux échanges de renseignements, consultations et demandes de conseils. La preuve donne fortement à penser que les deux divisions (les Vérifications et les Enquêtes) fonctionnaient comme une seule unité même au cours de l'été 2002 et, jusqu'à un certain point, pendant l'automne de cette même année. En toute équité pour M. Kuhn, qui avait été détaché des Vérifications pour travailler aux Enquêtes, la Cour souligne qu'il avait compris cette réalité et voulait la corriger. Dans un courriel qu'il a envoyé aux vérificateurs, il a écrit :

[TRADUCTION] En ce qui concerne les Enquêtes, je suis d'avis que, étant donné que les vérifications ont repris, la Division des vérifications devrait prendre ses décisions de façon indépendante et prendre les mesures qui s'imposent pour terminer les vérifications. Aucune consultation ne devrait avoir lieu avec les Enquêtes au sujet de ce qu'il convient de faire et de ne pas faire. Ma seule préoccupation est la possibilité que les Vérifications ne soient pas en mesure d'obtenir certains éléments de preuve. Il se peut qu'il soit nécessaire d'utiliser des mandats de perquisition pour obtenir une partie des renseignements.

[Voir le courriel envoyé le 6 septembre 2002, au volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 719.]


M. Kuhn avait en quelque sorte une perception prémonitoire de ce qui allait arriver. La Cour souligne la frustration que M. Kuhn a éprouvée devant le fait que son détachement auprès des Enquêtes [TRADUCTION] « n'a malheureusement été d'aucune utilité aux fins de la vérification (à ma grande frustration) » (voir le courriel envoyé le 13 juin 2002, au volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 653; voir également la page 649). La preuve montre que l'avertissement qu'il a donné au sujet de l'indépendance qui devait caractériser les décisions des Vérifications n'a pas été suivi. L'échange de renseignements entre Mme Pumple et M. Fleming à l'automne 2002 est frappant à cet égard et donne l'impression que cette indépendance n'existait pas (voir les courriels envoyés de septembre à décembre 2002, au volume 3 du dossier des demandeurs (par ordre chronologique), aux pages 623, 622, 621, 620, 619, 618, 617, 613, 616 et 615). Il importe également d'ajouter que, le 9 juillet 2002, les Enquêtes conservaient une base de données à jour sur les nouvelles cotisations de 1998, laquelle base renfermait des données sur les types de pertes déduites et sur les montants de ces pertes [TRADUCTION] « pour le compte des vérificateurs de l'évitement fiscal » , en plus d'informer la Division du recouvrement des recettes de ces nouvelles cotisations (voir le volume 4 du dossier des demandeurs, à la page 678, et le contre-interrogatoire de Mme Pumple, au volume 2 du dossier des demandeurs, aux pages 319 et 230). La Cour ne comprend pas pourquoi les Enquêtes conservaient une base de données à jour au sujet des nouvelles cotisations d'impôt relatives aux demandeurs pour l'année 1998, si les enquêtes s'y rapportant avaient vraiment pris fin, ni pourquoi les Enquêtes agissaient [TRADUCTION] « pour le compte » des Vérifications.

c)          Le vérificateur avait-il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?


[62]            Comme je l'ai mentionné plus haut, des originaux ou des photocopies des dossiers avaient été transférés des Vérifications aux Enquêtes après avril 2001. De plus, les enquêteurs ont conservé les originaux de tous les dossiers à compter du premier semestre de 2002 jusqu'en juillet 2004 ou après, soit plus de deux ans après la date à laquelle les enquêtes ont apparemment pris fin. M. Fleming, le chef d'équipe des Enquêtes, a conservé les déclarations de revenus originales de tous les contribuables, y compris les investisseurs, les promoteurs et d'autres personnes concernées, parce que [TRADUCTION] « la Division des enquêtes a besoin des dossiers dans le cadre de l'enquête » , s'ils deviennent nécessaires aux fins [TRADUCTION] « de la preuve, des tests d'expertise, etc. » (voir le volume 3 du dossier des demandeurs à la page 631). Cette preuve est claire et précise et aucune autre explication n'est nécessaire à ce sujet.

d)          La conduite du vérificateur donnait-elle à croire qu'il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

[63]            La Cour a déjà souligné l'importance des échanges entre Mme Pumple et M. Fleming au cours de l'été et de l'automne de 2002, même si les enquêtes avaient apparemment pris fin en 2002 (dans le cas des déclarations de revenus de 1998) et en juin ou juillet 2002 (dans le cas des déclarations de revenus de 1999 et 2000) (voir le volume 3 du dossier des demandeurs (par ordre chronologique), aux pages 633, 630, 627, 625 et 621). La Cour a également mentionné que Mme Pumple a cru nécessaire de consulter M. Fleming au sujet de ses dates de vacances d'été. Si les Vérifications et les Enquêtes sont effectivement deux divisions distinctes, pourquoi une employée des Vérifications (qui était responsable des vérifications concernant près de soixante (60) demandeurs) communiquait-elle aussi souvent avec le chef d'équipe des Enquêtes alors que les enquêtes relatives aux demandeurs avaient apparemment pris fin?


e)          Semble-t-il que les enquêteurs aient eu l'intention d'utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?


[64]            Ayant déjà mentionné l'avertissement que M. Kuhn a donné au sujet de la nécessité que les Vérifications demeurent indépendantes au cours de l'exercice de leurs fonctions prévues par la loi, la Cour demeure préoccupée par les communications échangées entre Mme Pumple et M. Fleming au cours de l'été et de l'automne de 2002. La collecte et le transfert de renseignements des Vérifications aux Enquêtes (comme les registres bancaires) constituent certainement un exemple de cas où il semble qu'un vérificateur (qui, rappelons-le, travaillait sur les dossiers de près de soixante (60) demandeurs) agit comme mandataire des enquêteurs. De plus, les mesures que M. Kuhn (après avoir été détaché auprès des Enquêtes tout en demeurant responsable de la vérification de treize (13) demandeurs) a prises au cours de l'été de 2002 sont également préoccupantes. Il appert clairement de la preuve que M. Kuhn a assuré la « liaison » entre les Vérifications et les Enquêtes et qu'il a joué un rôle majeur au sein de ces deux divisions. Il était davantage qu'un simple représentant des Vérifications aux Enquêtes. La Cour souligne qu'après le 9 septembre 2002, date à laquelle M. Kuhn est retourné aux Vérifications, les communications entre Mme Pumple et M. Fleming ont été plus fréquentes. La seule conclusion que la Cour puisse tirer est que, selon la prépondérance de la preuve, il semble que les enquêteurs ont utilisé les vérificateurs comme leurs mandataires pour recueillir des éléments de preuve. Le détachement de M. Kuhn au printemps et à l'été de 2002, alors qu'il n'y avait apparemment plus aucune enquête encore en cours à l'égard des demandeurs (du moins en juin ou juillet 2002), est également problématique. M. Kuhn a joué un rôle majeur au sein des Enquêtes. Il se peut que le détachement ait pris fin en même temps que les enquêtes concernant les demandeurs; cependant, si tel est le cas, ce fait ne ressort pas clairement de la preuve présentée à la Cour.

f)           La preuve recherchée est-elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?


[65]            La lettre et le questionnaire reproduits au paragraphe 5 de la présente décision ont été préparés avec la participation de M. Kuhn (alors qu'il était détaché auprès des Enquêtes) et de M. Nakano, des Vérifications. Les enquêteurs ont apporté leur aide pour clarifier la première partie de la lettre, qui renvoie à une enquête en cours et au fait que les demandeurs n'étaient pas alors sous enquête. Ils n'ont pas participé par ailleurs à la rédaction de la lettre et du questionnaire. C'est ce qui ressort de la preuve. Les documents sollicités dans la lettre sont des documents normalement demandés dans le cadre d'une vérification (c.-à-d. des livres, registres et relevés bancaires, de la correspondance, etc.). Les renseignements demandés au sujet du REÉR du conjoint sont également des renseignements ayant un intérêt évident pour les Vérifications. Cependant, le questionnaire comporte également des questions visant à obtenir des renseignements très détaillés sur des aspects comme les abris fiscaux, les REÉR, les fonds en fidéicommis, les prêts, etc., ce qui pourrait être problématique. Ce n'est pas vraiment l'objet du questionnaire qui est préoccupant, puisqu'il est bien certain que les Vérifications peuvent obtenir des documents sur ces aspects, mais plutôt la façon dont les questions sont formulées, compte tenu des faits de la présente affaire. Cette formulation donne l'impression que l'intention (mens rea) est mise en doute, ce qui est peu susceptible d'intéresser les Vérifications, mais qui au contraire intéresse vivement les Enquêtes. Ainsi, les questions 2, 4, 5, 8 et 15 du questionnaire semblent manifestement viser à évaluer l'intention et rien de plus. Cela étant dit, la Cour n'a devant elle aucun élément de preuve montrant que les Enquêtes ont participé à la rédaction de la lettre (à l'exception du paragraphe concernant l'enquête) et du questionnaire. S'ils avaient été envoyés dans le cadre des fonctions de vérification et s'il n'y avait aucun élément de preuve au sujet d'une enquête criminelle en cours - en d'autres termes, si les faits de la présente affaire étaient entièrement différents - la lettre et le questionnaire ne seraient peut-être pas aussi préoccupants.

g)          Existe-t-il d'autres circonstances ou facteurs susceptibles d'amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

[66]            Eu égard à l'ensemble de la situation et à d'autres aspects que la Cour a déjà décrits de façon détaillée plus haut, un certain nombre de facteurs mènent à la conclusion que, bien qu'ils aient été envoyés en apparence aux fins d'une vérification, les lettres et questionnaires ont plutôt constitué un moyen de recueillir des renseignements en vue d'une enquête criminelle possible (ou réelle). Comme elle l'a souligné plus haut aux paragraphes 38 et 45, la Cour a formulé cinq autres questions dont les réponses mettent en relief « d'autres circonstances ou facteurs » qui donnent à penser qu'une enquête criminelle était en cours (plutôt qu'une vérification administrative courante).


h)          L'enquête criminelle et les vérifications administratives étaient-elles menées simultanément ou de façon interreliée et, dans l'affirmative, dans quel but?

[67]            Avant avril 2001, les déclarations de revenus des demandeurs n'ont fait l'objet que d'une vérification administrative. Après avril 2001 et jusqu'en mars 2002, seule une enquête criminelle a été menée à l'égard desdites déclarations. À compter de mars 2002, lorsque l'autorisation a apparemment été donnée aux fins de la vérification des déclarations de revenus de 1998, des enquêtes criminelles et des vérifications ont été menées de façon parallèle. Elles sont devenues interreliées à certaines occasions. Dans la même veine, à compter de juin 2002, les enquêtes criminelles et les vérifications relatives aux déclarations de revenus de 1999 et 2000 ont été menées de façon parallèle, mais sont également devenues interreliées à l'occasion. Le rôle que M. Kuhn a joué et les communications que Mme Pumple a échangées avec M. Fleming, des Enquêtes, démontrent qu'il y avait des échanges de renseignements entre les deux divisions. La Cour a déjà fait état de la preuve sur cette question. En conséquence, la preuve montre selon la prépondérance des probabilités que les enquêtes et les vérifications, bien que parallèles en apparence, sont devenues interreliées même après la date à laquelle les enquêtes criminelles concernant les demandeurs ont apparemment été arrêtées (encore là, en mars 2002, dans le cas des déclarations de 1998 et en juin ou juillet 2002 en ce qui concerne les déclarations de 1999 et 2000).


i)           Quelle était la nature de l'échange de renseignements entre les Vérifications et les Enquêtes, tant pendant qu'après l'enquête criminelle?

[68]            La Cour a déjà souligné qu'en 2001 et 2002, les Enquêtes et les Vérifications fonctionnaient en réalité comme une seule unité, même si elles étaient des divisions séparées. L'interaction entre M. Fleming, M. Kuhn, Mme Pumple et d'autres vérificateurs montre que M. Kuhn a assuré la liaison entre les Vérifications et les Enquêtes (voir le contre-interrogatoire de Mme Pumple, au volume 2 du dossier des demandeurs, aux pages 101 et 102) à compter de la date à laquelle il a d'abord été détaché auprès des Enquêtes, soit vers novembre 2001. Il appert manifestement de la preuve que les échanges de renseignements étaient assez constants entre les deux divisions en 2002. Même après la date à laquelle les enquêtes ont apparemment pris fin, soit en mars et en juin ou juillet 2002, et à laquelle les vérifications ont repris, les échanges de renseignements se sont poursuivis entre M. Kuhn, Mme Pumple et certaines personnes des Enquêtes. En conséquence, la nature des échanges de renseignements entre les deux divisions était assez importante.

j)           Quel était le degré d'importance des communications échangées entre les Vérifications et les Enquêtes pendant que l'enquête criminelle était en cours et après le moment où elle a apparemment pris fin?


[69]            À compter de novembre 2001, les contacts entre les deux divisions sont devenus très importants. La position stratégique de M. Kuhn, vérificateur qui travaillait aux Enquêtes, jusqu'au 9 septembre 2002 et le rôle majeur que Mme Pumple a joué au moins jusqu'au 9 décembre 2002, sont tous deux importants. Après l'arrêt apparent des enquêtes (en mars 2002 dans le cas des déclarations de revenus de 1998 et en juin ou juillet 2002 dans le cas de celles de 1999 et 2000), les contacts entre les divisions sont demeurés importants jusqu'à la fin de septembre 2002 en ce qui concerne M. Kuhn et jusqu'en décembre 2002 dans le cas de Mme Pumple.

k)          Quel est l'impact de la complexité des situations factuelle et fiscale de la présente affaire sur l'évaluation de l'objet prédominant?


[70]            La Cour est tout à fait consciente de la complexité de la situation pour l'ADRC. Les questions en jeu ne sont pas faciles à comprendre et l'ADRC a fait beaucoup de travail pour aller au fond des choses. De nombreux contribuables, promoteurs et personnes morales sont impliqués dans les stratagèmes fiscaux mis en place. Plus de 110 employés de l'ADRC répartis un peu partout au Canada ont travaillé dans les dossiers en question. Cela étant dit, cette situation ne justifie nullement l'utilisation des fonctions de vérification pour évaluer des infractions prévues à l'article 239 de la Loi lorsqu'une enquête à ce sujet est en cours. L'ADRC doit structurer son organisation de façon à éviter toute perception selon laquelle les fonctions de vérification servent à obtenir des renseignements sur des infractions criminelles possibles dans le cadre d'une enquête criminelle en cours. La Cour a examiné attentivement la preuve du défendeur afin de comprendre la distinction qui était faite entre les _ promoteurs _ et des investisseurs comme les demandeurs. Mme Pumple n'a pu éclairer la Cour sur ce point. Si cette distinction avait eu une importance vitale aux fins des enquêtes, il aurait certainement été possible de présenter une preuve plus claire. En l'absence d'éclaircissement sur ce point, la Cour ne peut manifestement pas faire la distinction entre les promoteurs, qui faisaient encore l'objet d'une enquête, et les demandeurs, qui n'étaient apparemment plus sous enquête. La Cour n'est pas convaincue que les demandeurs n'étaient pas perçus comme des promoteurs ou comme un autre type de partie encore sous enquête, comme le défendeur le soutient. Tel que la Cour l'a mentionné plus haut, il aurait peut-être été utile que le défendeur présente un témoin des Enquêtes qui aurait pu fournir des explications au sujet de cette situation très complexe. La complexité d'une enquête peut expliquer le fait que plusieurs enquêtes soient en cours, mais ce facteur ne peut à lui seul justifier les faits mis en preuve en l'espèce.

l)           S'il n'obtient pas les documents et renseignements demandés, le défendeur sera-t-il incapable d'exercer ses fonctions de vérification prévues par la Loi?


[71]            La Cour a pris connaissance des documents intitulés [TRADUCTION] « Stratégie de vérification et d'établissement de nouvelles cotisations dans les dossiers de Union Cal et de LFG » (septembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 510) et [TRADUCTION] « Stratégie de vérification des pertes de Union Cal » (novembre 2002; voir le volume 3 du dossier des demandeurs, à la page 534). Il appert de ces documents qu'au plus tard à l'automne de 2002, les Vérifications étaient en mesure d'établir une nouvelle cotisation même si elles n'avaient pas reçu les renseignements et documents demandés dans les lettres et questionnaires. Effectivement, les avis de nouvelle cotisation ont été envoyés aux demandeurs au printemps et à l'été de 2002 dans le cas des déclarations de revenus de 1998 et, sauf en ce qui a trait à un demandeur, en 2003 pour ce qui est des déclarations de revenus de 1999 et 2000. Des appels ont été déposés et sont actuellement en instance devant la Cour canadienne de l'impôt. En conséquence, les Vérifications semblent avoir été en mesure d'exercer leurs fonctions prévues par la Loi même en l'absence des renseignements demandés. Bien que ce facteur ne soit sans doute pas déterminant, il permet à la Cour d'évaluer la véritable nature du préjudice que le défendeur soutient avoir subi du fait que les demandeurs n'ont pas fourni de réponses aux lettres et questionnaires.

Quel est l'objet prédominant des lettres et questionnaires et quelles sont les conséquences de cette conclusion?


[72]            La Cour a abordé le présent litige avec un esprit ouvert et n'avait aucune idée préconçue ou arrêtée. Elle a appliqué à la preuve les facteurs énoncés dans l'arrêt Jarvis et s'est fondée sur la prépondérance de la preuve pour tirer une conclusion finale. Elle a tenté d'utiliser les arguments de l'avocat du défendeur pour contrebalancer ses conclusions éventuelles, mais n'a pu y parvenir. La preuve montre la faiblesse de la position du défendeur. La Cour ne peut inventer des éléments de preuve dont elle n'a pas été saisie. La position du défendeur était difficile. Des aspects importants étaient en jeu, notamment l'intégrité d'une enquête et la participation de plus de 110 agents de l'ADRC. De plus, même si les demandeurs ont été informés qu'ils n'étaient pas visés par les enquêtes criminelles menées au sujet de promoteurs, d'autres personnes morales et d'autres contribuables dont la situation était similaire, l'ensemble de la preuve incite la Cour à la conclusion que l'objet prédominant de la préparation et de l'envoi des lettres et questionnaires était l'utilisation des fonctions de vérification et des renseignements en découlant aux fins des enquêteurs. La notion d' « objet prédominant » n'empêche pas l'existence d'autres objets. La Cour a en mémoire les commentaires de M. Kuhn sur l'importance de l'indépendance dont les Vérifications doivent faire montre au cours de leurs fonctions de vérification. Cela étant dit, il est évident aux yeux de la Cour qu'à compter d'avril 2001, les Enquêtes ont pris en main les dossiers des demandeurs et, d'après ce qui ressort de la preuve, en ont gardé le contrôle malgré le fait que certains vérificateurs s'efforçaient véritablement d'exercer leurs fonctions conformément aux exigences de la Loi.

[73]            En conséquence et tel qu'il est mentionné également dans l'arrêt Jarvis, des droits fondamentaux reconnus par la Charte, comme ceux qui sont prévus à son article 7, notamment le droit de garder le silence et le droit à la protection contre l'auto-incrimination, sont en cause. Les demandeurs n'ont pas été informés de ces droits. Une ordonnance fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte sera donc rendue, laquelle ordonnance portera annulation des lettres et questionnaires envoyés aux demandeurs entre la fin d'août et octobre 2002. De plus, il est interdit au défendeur de prendre des mesures ou d'engager des procédures contre les demandeurs à l'égard de leur omission de répondre aux lettres et questionnaires. Le défendeur doit permettre aux procédures engagées devant la Cour canadienne de l'impôt de suivre leur cours. Compte tenu des faits de la présente affaire, des conclusions tirées et de l'ordonnance qui sera rendue, les dépens seront adjugés en faveur des demandeurs.


CONCLUSION

[74]            En conséquence, ayant décidé, compte tenu des faits particuliers de la présente affaire, que l'objet prédominant des lettres et questionnaires était de faciliter la tenue d'une enquête criminelle, la Cour en vient à la conclusion que l'envoi de ceux-ci par le ministre, du moins à la date où il l'a fait et de la façon qu'il l'a fait, débordait le cadre des fonctions de vérification prévues au paragraphe 231.1(1) de la Loi. De plus, étant donné que l'objet prédominant était la tenue d'une enquête criminelle concernant les demandeurs, les droits que la Charte leur reconnaît sont entrés en jeu, notamment le droit de garder le silence et le droit à la protection contre l'auto-incrimination.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-           Les lettres et questionnaires envoyés aux demandeurs sont annulés.

-           Il est interdit au défendeur de prendre des mesures ou d'engager des procédures contre les demandeurs relativement à leur omission de répondre aux lettres et questionnaires.

-           Les dépens sont adjugés contre le défendeur.

                       « Simon Noël »                                                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.




231.1. (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l'application et l'exécution de la présente loi, à la fois :

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d'un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d'une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

b) examiner les biens à porter à l'inventaire d'un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d'une autre personne ou toute matière concernant l'un ou l'autre dont l'examen peut aider la personne autorisée à établir l'exactitude de l'inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

à ces fins, la personne autorisée peut :

c) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l'être des livres ou registres;

d) requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l'entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l'aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l'application et l'exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l'accompagner sur les lieux.

[...]

231.2. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l'application et l'exécution de la présente loi, y compris la perception d'un montant payable par une personne en vertu de la présente loi, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d'une personne, dans le délai raisonnable que précise l'avis :

a) qu'elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenus ou une déclaration supplémentaire;

b) qu'elle produise des documents.

[...]

239. (1) Toute personne qui, selon le cas :

a) a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse produits, présentés ou faits en vertu de la présente loi ou de son règlement;

b) a, pour éluder le paiement d'un impôt établi par la présente loi, détruit, altéré, mutilé, caché les registres ou livres de comptes d'un contribuable ou en a disposé autrement;

c) a fait des inscriptions fausses ou trompeuses, ou a consenti ou acquiescé à leur accomplissement, ou a omis, ou a consenti ou acquiescé à l'omission d'inscrire un détail important dans les registres ou livres de comptes d'un contribuable;

d) a, volontairement, de quelque manière, éludé ou tenté d'éluder l'observation de la présente loi ou le paiement d'un impôt établi en vertu de cette loi;

e) a conspiré avec une personne pour commettre une infraction visée aux alinéas a) à d),

commet une infraction et, en plus de toute autre pénalité prévue par ailleurs, encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire :

f) soit une amende de 50 % à 200 % de l'impôt que cette personne a tenté d'éluder;

g) soit à la fois l'amende prévue à l'alinéa f) et un emprisonnement d'au plus 2 ans.

231.1. (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

(b) examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act,

and for those purposes the authorized person may

(c) subject to subsection 231.1(2), enter into any premises or place where any business is carried on, any property is kept, anything is done in connection with any business or any books or records are or should be kept, and

(d) require the owner or manager of the property or business and any other person on the premises or place to give the authorized person all reasonable assistance and to answer all proper questions relating to the administration or enforcement of this Act and, for that purpose, require the owner or manager to attend at the premises or place with the authorized person.

[...]

231.2. (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act, including the collection of any amount payable under this Act by any person, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

[...]

239. (1) Every person who has

(a) made, or participated in, assented to or acquiesced in the making of, false or deceptive statements in a return, certificate, statement or answer filed or made as required by or under this Act or a regulation,

(b) to evade payment of a tax imposed by this Act, destroyed, altered, mutilated, secreted or otherwise disposed of the records or books of account of a taxpayer,

(c) made, or assented to or acquiesced in the making of, false or deceptive entries, or omitted, or assented to or acquiesced in the omission, to enter a material particular, in records or books of account of a taxpayer,

(d) wilfully, in any manner, evaded or attempted to evade compliance with this Act or payment of taxes imposed by this Act, or

(e) conspired with any person to commit an offence described in paragraphs 239(1)(a) to 239(1)(d),

is guilty of an offence and, in addition to any penalty otherwise provided, is liable on summary conviction to

(f) a fine of not less than 50%, and not more than 200%, of the amount of the tax that was sought to be evaded, or

(g) both the fine described in paragraph 239(1)(f) and imprisonment for a term not exceeding 2 years.



                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-1554-02

INTITULÉ :                                              Hugh Stanfield et al c. Le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :                        Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                      le 7 juillet 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             le juge Noël

DATE DES MOTIFS :                             le 21 juillet 2005

COMPARUTIONS :

Edwin G. Kroft et Elizabeth Junkin                                    POUR LES DEMANDEURS

Robert H. Carvalho                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault LLP                                                    POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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