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Date : 20200427


Dossier : IMM-4571-19

Référence : 2020 CF 556

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2020

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

VICTORYA SHARIFI

WALEED NOORI

AAHIL AARIA NOORI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Madame Victorya Sharifi (la demanderesse), son mari, M. Waleed Noori (le demandeur), et leur fils Aahil Aaria Noori (collectivement, les demandeurs), sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile au motif qu’ils n’avaient ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]  La demanderesse et le demandeur sont des citoyens de l’Afghanistan, et leur fils est né en Italie.

[3]  Le demandeur est entré en Italie en 2008 et y a demandé l’asile. Bien que sa demande ait été rejetée, il a obtenu le statut conféré par la protection subsidiaire, et le permis de résidence accordé aux personnes bénéficiant de cette protection lui a ainsi été délivré. Selon les réponses aux demandes d’information de la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la personne qui détient ce permis peut présenter une demande de citoyenneté en Italie après 10 ans de résidence dans ce pays.

[4]  En 2015, le demandeur a obtenu un permis de résident de longue durée de l’Union européenne (le permis de résident de l’UE).

[5]  En 2014, le demandeur et la demanderesse se sont mariés en Afghanistan. La demanderesse est entrée en Italie en 2015 au moyen d’un visa familial. En 2017, elle a obtenu un permis de résidence pour regroupement familial, grâce auquel elle pouvait travailler. Ce permis a expiré en 2019.

[6]  Le demandeur mineur est né en Italie en juillet 2016. Il a été ajouté au permis de résident de l’UE du demandeur à titre de personne à charge en 2017.

[7]  En Italie, le permis de résident de l’UE est régi par l’article 9 du décret législatif no 286 (le décret législatif). Selon ce décret, ce permis peut être révoqué dans certaines circonstances, notamment lorsque le titulaire du permis a été absent du territoire de l’UE pendant 12 mois consécutifs.

[8]  La SPR a estimé que la révocation du permis de résident de l’UE n’est pas automatique, mais qu’il s’agit plutôt d’une décision discrétionnaire.

[9]  En outre, la SPR a conclu que les demandeurs étaient exclus de la protection prévue à l’article 98 de la LIPR puisqu’ils ne sont pas des personnes visées par la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, du 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6 (la Convention).

[10]  L’article 98 de la LIPR dispose :

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[11]  La section E de l’article premier de la Convention dispose :

E Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

E This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

[12]  La SPR a conclu que le demandeur et son fils étaient exclus parce qu’ils sont titulaires d’un permis de résident de l’UE, lequel leur donne le droit de retourner en Italie. La SPR a également conclu que même si le permis de résident de l’UE était révoqué, le demandeur et son fils pourraient retourner en Italie grâce au permis de résidence accordé aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire dont le demandeur est titulaire.

[13]  La SPR a estimé que la demanderesse pouvait retourner en Italie, sur la base du statut de résident du demandeur. Elle a souligné que la demanderesse n’était plus titulaire d’un permis de résidence pour regroupement familial et qu’elle avait quitté l’Italie volontairement.

[14]  Dans sa décision, la SPR a renvoyé à divers documents, dont le Cartable national de documentation pour l’Italie (le CND), les réponses aux demandes d’information de la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ainsi que la traduction non officielle du décret législatif fournie par les demandeurs.

[15]  La SPR a appliqué le critère énoncé dans Zeng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2011] 4 RCF 3 (C.A.F.) quant à l’applicabilité de l’exclusion prévue à l’article 98. Selon ce critère, il faut se demander si le demandeur a un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants du pays concerné, si le demandeur avait précédemment ce statut et l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et ne l’a pas fait.

[16]  Dans Zeng, précité, la Cour a affirmé ce qui suit au paragraphe 28 :

[28]  Compte tenu de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience, le demandeur a‑t‑il, dans le tiers pays, un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants de ce pays? Si la réponse est affirmative, le demandeur est exclu. Si la réponse est négative, il faut se demander si le demandeur avait précédemment ce statut et s’il l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et qu’il ne l’a pas fait. Si la réponse est négative, le demandeur n’est pas exclu en vertu de la section 1E. Si elle est affirmative, la SPR doit soupeser différents facteurs, notamment la raison de la perte du statut (volontaire ou involontaire), la possibilité, pour le demandeur, de retourner dans le tiers pays, le risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine, les obligations internationales du Canada et tous les autres faits pertinents.

[17]  La première question à examiner est celle de la norme de contrôle applicable. Les demandeurs n’ont pas abordé cette question, et le défendeur soutient que la décision doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable.

[18]  Je souscris à la position du défendeur, selon laquelle la décision de la SPR est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, par. 10).

[19]  Dans Vavilov, précité, la Cour suprême du Canada a confirmé en quoi consiste la norme de la décision raisonnable qui avait été énoncée dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190.

[20]  D’après Dunsmuir, précité, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[21]  La SPR a donné son interprétation de l’article 9 du décret législatif, et a examiné si le demandeur et son fils perdraient automatiquement leur statut en Italie du fait de leur absence de ce pays pendant plus de 12 mois.

[22]  Après avoir examiné la traduction non officielle du décret législatif fournie par les demandeurs, le CND pour l’Italie et les réponses aux demandes d’information concernant le décret législatif, la SPR a conclu que le statut n’était pas automatiquement révoqué après une absence de 12 mois, mais qu’il était soumis à l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités italiennes.

[23]  Selon la SPR, même si le demandeur a perdu le statut que lui confère le permis de résident de l’UE, son fils et lui ont toujours celui que leur confère le permis de résidence accordé aux personnes bénéficiant de la protection subsidiaire.

[24]  Également, la SPR a conclu que la demanderesse a perdu son statut, mais qu’elle était toujours admissible au permis octroyé pour regroupement familial en raison du statut du demandeur.

[25]  Par conséquent, je suis convaincue que la SPR a raisonnablement examiné les éléments de preuve dont elle était saisie, y compris les documents pertinents. Elle a pris en considération et appliqué la jurisprudence pertinente, c’est-à-dire l’arrêt Zeng, précité. Ses conclusions factuelles sont étayées par les éléments de preuve. Je conclus aussi que la décision de la SPR est raisonnable, au sens de l’arrêt Dunsmuir, précité, et que rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[26]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[27]  Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4571-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8 jour de mai 2020.

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4571-19

 

INTITULÉ :

VICTORYA SHARIFI, WALEED NOORI, AAHIL AARIA NOORI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 MARS 2020

JUGEMENT ETAMOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 27 AVRIL 2020

COMPARUTIONS :

Djawid Taheri

POUR LES DEMANDEURS

Emma Arenson

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Taheri Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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