Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050623

Dossier : T-253-05

Référence : 2005 CF 895

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

9101-9380 QUÉBEC INC. (les tabacs galaXy)

demanderesse

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

défenderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

mis en cause

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

mis en cause

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 31 janvier 2005 par le Directeur de l'Agence des douanes et du revenu Canada (ADRC), comme représentant du Ministre du Revenu national (le Ministre) ayant pour effet la révocation de la licence de tabac 51-TL-35 de la compagnie 9101-9380 Québec inc. (la demanderesse), car celle-ci aurait omis de se conformer à une loi fédérale, la Loi sur l'accise, L.R.C., (1985) ch. E-14, et à une loi provinciale, la Loi concernant l'impôt sur le tabac, L.R.Q., ch. I-2, contrairement à l'article 12 du Règlement sur les licences, agréments et autorisations d'accise, DORS/2003-115 (le Règlement).

FAITS PERTINENTS

[2]                 La demanderesse est un fabriquant de tabac et a donc une licence de fabricant de tabac émise en vertu de la Loi de 2001 sur l'accise, L.C. 2002, ch. 22 (la Loi).

[3]                 Le 5 mai 2004, la demanderesse a fait l'objet d'une décision rendue par la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale du district de Trois-Rivières, la reconnaissant coupable de deux infractions, soit le 3 septembre 2002, d'avoir poursuivi des opérations sujettes à l'accise ailleurs que dans les lieux mentionnés dans sa demande de licence contrairement au paragraphe 14(2) de la Loi sur l'accise, et deuxièmement, d'avoir illégalement transféré ou permis le transfert d'une manufacture ou d'un établissement où du tabac est fabriqué et qui n'était pas empaqueté de façon conforme, suivant la Loi sur l'accise.

[4]                 La demanderesse a déposé un avis d'appel à la Cour supérieure et le 7 février 2005, la Cour supérieure a rendu sa décision rejetant l'appel. Le 12 mai 2005, la demande d'autorisation d'appel du jugement de la Cour supérieure a été rejetée par la Cour d'appel du Québec.

[5]                 Le 14 mai 2004, donc 9 jours après la décision de la Cour du Québec, l'ARDC a rendu une décision administrative de suspendre la licence de tabac de la demanderesse à partir du 18 mai 2004, et avait pour effet la révocation totale de cette licence, 90 jours suivant le 18 mai 2004. La demanderesse a déposé un appel de cette décision en vertu de l'article 10(3) du Règlement, mais cet appel a été rejeté le 8 juin 2004.

[6]                 Suite à la décision du 14 mai 2004, la demanderesse a aussi présenté une requête pour injonction à la Cour supérieure, mais celle-ci a été rejetée le 20 mai 2004, au motif d'absence de compétence. La demanderesse a donc présenté la même requête à la Cour fédérale, qui l'a rejetée le 1er juin 2004 au motif que la demanderesse n'avait pas épuisé ses recours administratifs, vu le fait que la décision de l'appel interne n'avait pas encore été rendue.

[7]                 Dans une lettre datée du 14 juin 2004 et adressée à la demanderesse, l'ARDC a ajouté un nouveau motif à sa décision de révoquer la licence de tabac, soit une déclaration de culpabilité à l'encontre d'une loi provinciale. La défenderesse a donc demandé à la demanderesse de soumettre des arguments supplémentaires pour répondre aux motifs qui se lisaient alors comme suit :

1          l'omission pour 9101-9380 Québec inc. (Les Tabacs Galaxy) de s'être conformée à une loi fédérale, la Loi sur l'accise (1985), relativement à des événements survenus le 3 septembre 2002, et qui ont d'ailleurs mené à la déclaration de culpabilité prononcée par le juge Bergeron, de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, le 5 mai 2004 (dossier # 400-73-00189-034);

2          l'omission pour 9101-9380 Québec inc. (Les Tabacs Galaxy) de s'être conformée à une loi provinciale, la Loi concernant l'impôt sur le tabac (L.R.Q. chap. I-2), relativement à des événements survenus le ou vers le 1er août 2001, en contravention de l'article 6a) de la Loi concernant l'impôt sur le tabac, et qui ont d'ailleurs mené à la déclaration de culpabilité prononcée par le juge Morier, de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, le 7 novembre 2003 (dossier # 400-61-030981-033).

[8]                 Par contre, le 21 juin 2004, une entente hors cour est survenue interrompant la suspension de la licence de tabac, mais indiquant qu'à l'expiration du délai de 90 jours suivant la date d'avis de révocation (14 mai 2004), la licence de tabac serait tout de même révoquée.

[9]                 Bien que le délai de 90 jours était censé prendre fin le 16 août 2004, quelques jours avant son expiration, il a été prolongé jusqu'au 12 septembre 2004. Le 1er septembre 2004, la demanderesse a donc soumis au Ministre ses objections à la révocation de sa licence de tabac.

[10]            Le 31 janvier 2005, le Ministre a envoyé sa décision qui rejetait les objections de la demanderesse et qui annonçait la révocation de la licence de tabac à partir du 17 février 2005 car elle ne remplissait plus les conditions d'admissibilité prévues au Règlement. Depuis ce temps, il y a eu une décision de cette Cour autorisant une injonction interlocutoire à l'encontre de la révocation de la licence de tabac du demandeur jusqu'à jugement sur la demande de contrôle judiciaire.

DÉCISION CONTESTÉE

[11]            La décision contestée est celle prise par le Ministre, le 31 janvier 2005, qui révoque la licence de tabac de la demanderesse. En vertu de l'article 12 du Règlement, le Ministre peut révoquer une licence de tabac si le titulaire omet de se conformer à toute loi fédérale, provinciale ou de leurs règlements. Le 1er août 2001 et le 3 septembre 2002, la demanderesse aurait omis de se conformer à une loi fédérale et à une loi provinciale, donc, le Ministre a révoqué sa licence.

QUESTIONS EN LITIGE

[12]            1. La défenderesse a-t-elle erré en appliquant le Règlement aux actions commises par la demanderesse avant son entrée en vigueur?

2. La défenderesse a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

3. La défenderesse pouvait-elle ajouter un second motif à sa décision de révoquer la licence de tabac?

4. La défenderesse a-t-elle appliqué la Loi de façon arbitraire envers la demanderesse?

5. Les dispositions applicables de la Loi et du Règlement, sont-elles ultra vires du pouvoir du gouvernement fédéral?

ANALYSE

  1. La défenderesse a-t-elle erré en appliquant le Règlement aux actions commises par la demanderesse avant son entrée en vigueur?

[13]            La demanderesse soumet premièrement que les faits qui lui sont reprochés se sont produits avant l'entrée en vigueur du Règlement et donc que ces faits ne peuvent justifier la révocation de sa licence. Les paragraphes 2(2)b) et 12(1)c) du Règlement se lisent comme suit :

2. (1) Quiconque souhaite obtenir une licence ou un agrément présente une demande au ministre sur le formulaire approuvé par lui, accompagné d'une liste des locaux visés par la demande.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), est admissible à une licence ou un agrément, autre que l'agrément délivré en vertu de l'article 22 de la Loi, le demandeur qui remplit les conditions suivantes :

a) il ne fait pas l'objet d'une mise sous séquestre à l'égard de ses dettes;

b) dans les cinq ans précédant la date de la demande :

(i) il n'a pas omis de se conformer à toute loi fédérale, autre que la Loi, ou provinciale -- ou à leurs règlements -- portant sur la taxation ou la réglementation de l'alcool ou des produits du tabac,

(ii) il n'a pas agi dans le but de frauder Sa Majesté;

2. (1) In order to be issued a licence, a person must submit to the Minister a completed application, in the form authorized by the Minister, accompanied by a list of the premises in respect of which the application is being made.

(2) Subject to subsections (3) and (4), an applicant is eligible for a licence, other than a licence issued under section 22 of the Act, if

(a) they are not the subject of a receivership in respect of their debts;

(b) they have not, in the five years immediately before the date of the application,

(i) failed to comply with any Act of Parliament, other than the Act, or of the legislature of a province respecting the taxation of or controls on alcohol or tobacco products or any regulations made under it, or

(ii) acted to defraud Her Majesty;

12. (1) Les motifs de révocation par le ministre de la licence, de l'agrément ou de l'autorisation sont les suivants :

(...)

c) il ne remplit plus les conditions applicables énoncées aux articles 2 ou 3, selon le cas;

(...)

(2) Avant de révoquer la licence, l'agrément ou l'autorisation pour l'un des motifs mentionnés aux alinéas (1)b) à f), le ministre donne au titulaire un préavis de quatre-vingt-dix jours et lui fournit tout renseignement pertinent sur les motifs de la révocation.

(3) Le titulaire peut présenter au ministre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle est donné le préavis, ses objections à la révocation.

[Je souligne.]

12. (1) The grounds for the cancellation of a licence or registration by the Minister are that the licensee or registrant

(...)

(c) ceases to meet the applicable requirements of section 2 or 3, as the case may be;

(...)

(2) The Minister shall, before cancelling a licence or registration on any of the grounds referred to in paragraphs (1)(b) to (f), give the licensee or registrant 90 days notice of the proposed cancellation and provide them with all relevant information concerning those grounds.

(3) The licensee or registrant may, within 90 days after the day on which the notice referred to in subsection (2) is given, make representations to the Minister respecting the reasons why the licence or registration should not be cancelled.

[14]            Bien que les actes en question se soient déroulés avant l'entrée en vigueur du Règlement, le fait de référer à un événement antérieur ne constitue pas automatiquement une situation de rétroactivité. Cette même question fut discutée longuement dans la décision Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301 aux paragraphes 49 et suivants :

Une sous-catégorie du troisième type de lois décrit par Driedger est composée des textes législatifs qui peuvent imposer à une personne une peine liée à un événement passé en autant que le but de la peine n'est pas de punir la personne en question mais de protéger le public. Cette distinction a été élaborée dans un arrêt ancien, R. v. Vine (1875), 10 L.R. Q.B. 195, dans lequel le juge en chef Cockburn a écrit à la p. 199:

[TRADUCTION] Si on pouvait trouver une raison pour penser que l'intention de ce texte législatif était simplement d'augmenter la peine à l'égard d'une infraction majeure en y ajoutant cette interdiction, je serais sensible à la force de l'argument de M. Poland, qui est fondé sur la règle d'interprétation des lois selon laquelle, lorsqu'elles sont de nature pénale, elles ne peuvent être interprétées rétroactivement, si le texte peut avoir un effet pour l'avenir et n'est pas nécessairement rétroactif. Toutefois, en l'espèce, le but du texte législatif n'est pas de punir les contrevenants, mais de protéger le public contre la possibilité que des débits d'alcool soient tenus par des personnes de moeurs douteuses ... le Parlement a de façon catégorique adopté une position ferme, de toute évidence pour protéger le public, afin que les endroits publics puissent être tenus par des personnes de bonnes moeurs, et il n'est pas important à cette fin de savoir si une personne a été déclarée coupable avant ou après l'adoption de la loi, car elle est tout aussi mauvaise dans un cas comme dans l'autre et ne devrait pas recevoir de permis.

Dans l'arrêt Re A Solicitor's Clerk, [1957] 3 All E.R. 617, une loi concernant l'exercice de la profession d'avocat avait été modifiée de manière à autoriser une ordonnance empêchant une personne d'agir à titre de clerc d'avocat si cette personne avait été déclarée coupable de vol, d'abus de confiance ou de détournement de biens. Un clerc, qui avait été déclaré coupable de l'une de ces infractions avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, avait contesté son exclusion parce que l'on donnait à la loi un effet rétroactif. La Court of Queen's Bench a rejeté ces arguments. Le juge en chef, Lord Goddard, a conclu qu'il n'y avait pas d'effet rétroactif, étant donné que le but réel de la loi était prospectif et visait la protection du public. Il écrit à la p. 619:

[TRADUCTION] À mon avis, cette loi n'est pas véritablement rétroactive. Elle permet de rendre une ordonnance empêchant une personne d'agir à titre de clerc d'avocat dans l'avenir et ce qui s'est produit dans le passé constitue la cause ou la raison de l'ordonnance; mais l'ordonnance n'a pas d'effet rétroactif. Elle serait rétroactive si la loi déclarait nulle ou annulable une chose faite avant l'entrée en vigueur de la loi ou avant l'ordonnance ou imposait une peine pour avoir agi à tel titre avant que l'entrée en vigueur de la loi ou avant l'ordonnance. La loi permet simplement l'exclusion pour l'avenir, ce qui n'a aucun d'effet sur ce que l'appelant a fait dans le passé.

Elmer Driedger résume la question dans "Statutes: Retroactive, Retrospective Reflections" (1978), 56 R. du B. can. 264, à la p. 275:

[TRADUCTION] Finalement, il faut se tourner vers l'objet de la loi. Si l'intention est de punir ou de pénaliser une personne pour ce qu'elle a fait, la présomption joue, parce qu'une nouvelle conséquence se rattache à un événement antérieur. Toutefois, si la nouvelle punition ou peine est destinée à protéger le public, la présomption ne joue pas.

Le juge Stevenson de la Cour d'appel a comparé la situation de la présente affaire à celle de l'affaire Solicitor's Clerk à la p. 229:

[TRADUCTION] À mon avis, on ne peut établir de distinction avec le principe énoncé dans l'arrêt Solicitor's Clerk. Un pouvoir additionnel est accordé à la Commission, fondé sur la conduite antérieure. Une nouvelle peine ne peut être ajoutée mais ce n'est pas le rôle des art. 166 et 167. L'arrêt Solicitor's Clerk portait sur le même rôle, c'est-à-dire prévoir une exclusion fondée sur la conduite passée qui peut démontrer l'incapacité en ce qui a trait à l'exemption.

La présente affaire concerne un redressement dont l'application est fondée sur la conduite de l'appelant avant l'adoption des art. 165 et 166. Néanmoins, le redressement n'est pas conçu comme une peine liée à cette conduite. Il vise plutôt à protéger le public.

Le fait que ce redressement ne soit pas véritablement de nature punitive est appuyé par la conclusion du juge Stevenson selon laquelle l'imposition du nouveau redressement n'était pas la préoccupation fondamentale de l'appelant en l'espèce à la p. 229:

[TRADUCTION] Essentiellement, les appelants craignent d'être marqués par une décision indiquant qu'ils ont fait ou omis de faire ce qui est allégué dans l'avis d'audition. Cette préoccupation fondamentale est bien illustrée par la déclaration faite dans l'argumentation, selon laquelle ils se souciaient moins du redressement imposé contre eux, car ils pouvaient accepter le redressement, que de la possibilité d'une conclusion sur l'illégalité.

Les dispositions en question sont destinées à empêcher les personnes que la Commission trouve coupables d'avoir accompli des actes qui mettent en doute leur intégrité commerciale, d'effectuer des opérations relatives à des valeurs mobilières. Il s'agit d'une mesure destinée à protéger le public et elle est conforme au rôle général de réglementation de la Commission. Étant donné que la modification contestée en l'espèce est destinée à protéger le public, la présomption de non-rétroactivité de la loi est en fait repoussée.

[15]            J'ajouterais aussi les commentaires de l'auteur P.A. Côté dans son texte « La position temporelle des faits juridiques et l'application de la loi dans le temps » , (1988) 22 R.J.T. 207 aux pages 236 et 237 :

Dans l'arrêt Paton c. The Queen, il s'agissait de l'application des dispositions du Code criminel relatives à la détention préventive des repris de justice. Ces dispositions, entrées en vigueur en 1947, prévoyaient la possibilité de condamner une personne à la détention préventive dans le cas où, antérieurement à l'imposition de la sentence pour une infraction donnée, cette personne avait, au moins à trois reprises, été trouvée coupable d'infractions punissables de cinq ans d'emprisonnement ou plus. Dans le cas de l'appelant Paton, l'une des déclarations de culpabilité invoquées pour fonder la détention préventive était antérieure à la promulgation des dispositions du Code qu'il s'agissait d'appliquer puisqu'elle datait du 8 novembre 1946. À la majorité, la Cour suprême jugea que l'on pouvait, sans rétroactivité, tenir compte de cette déclaration de culpabilité. Il s'agissait là d'un fait parmi plusieurs faits successifs auxquels la loi faisait référence pour dénoter l'état de repris de justice. C'est cet état particulier, cette manière d'être, qui justifiait la détention préventive : celle-ci ne devait pas être vue comme une sanction additionnelle des crimes passés. Voici comment s'exprime le juge Judson :

The purpose of the habitual criminal legislation is not to create a new offence nor to increase the penalties for offences with respect to which sentences have already been imposed. The purpose is crime prevention. The habitual criminal is not imprisoned for doing something but for being something.

On pouvait difficilement exprimer mieux la distinction entre le cas où la loi attache une conséquence à un fait momentané et celui où c'est plutôt la survenance d'un état de fait durable qui détermine son application.

[16]            Bien que dans l'arrêt Paton c. The Queen, [1968] R.C.S. 341, il s'agissait d'une disposition criminelle, les principes tirés de cet arrêt trouvent application dans la présente affaire. En fixant comme motif de révocation le fait de ne plus remplir les conditions d'admissibilité à la licence, le législateur s'attache non pas à donner un effet rétroactif à des événements passés, mais plutôt de dénoter l'état d'une personne, une certaine façon d'être qui la caractérise.

[17]            Comme l'a indiqué ma collègue la juge Gauthier dans une requête pour émettre une injonction interlocutoire dans ce même dossier (9101-9380 Québec Inc. (Tabacs Galaxy) c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 309, [2005] A.C.F. no 389) :

La doctrine [Voir Note 5 ci-dessous] et la jurisprudence [Voir Note 6 ci-dessous] confirment que la référence à des faits antérieurs à l'entrée en vigueur d'une loi ou d'un règlement ne constitue pas de la rétroactivité lorsque cette référence vise à définir l'état d'une personne. Cet état constitue un fait continu auquel le législateur peut légitimement se référer pour définir les caractéristiques nécessaires à l'obtention d'un privilège.

Note 5 : Outre le texte de Pierre-André Côté cité ci-dessus, la défenderesse se fonde sur l'article de P.-A. Côté, La position temporelle des faits juridiques et l'application de la loi dans le temps, (1988) 22 R.J.T. 207, particulièrement aux pages 210, 215, 228, 229, 236, 237-239 et Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4th ed. (Vancouver; Butterworths Canada Ltd., 2002), pages 553-563.

Note 6 : Brosseau c. Alberta Securities Commissions, [1989] 1 R.C.S. 301; R. c. Vine (1875), L.R. 10 Q.B. 195; Bazile c. Fonds d'indemnisation en assurance de personnes, [1999] R.J.Q. 1; Ward c. Manitoba Public Assurance Corp. (1975), 49 D.L.R. (3d) 638; Paton c. The Queen, [1968] R.C.S. 341; Bonin c. Société de l'assurance-automobile du Québec, [2002] J.Q. no 217; Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Can.) (Re), [1991] 1 C.F. 529 (C.A.).

(Voir 9101-9380 Québec Inc. (Tabacs Galaxy) c. Canada, supra, au paragraphe 29.)

[18]            À mon avis, en appliquant les dispositions du Règlement, les contraventions aux lois provinciales et fédérales ne sont pas un fait momentané, mais plutôt un fait continu qui démontre l'état de la demanderesse. Donc, la défenderesse n'a commis aucune faute en déterminant que la Loi et son Règlement s'appliquaient aux actions antérieures de la demanderesse.

2. La défenderesse a-t-elle suffisamment motivé sa décision?

[19]            Bien que je suis d'accord avec la proposition de la demanderesse à l'effet que les principes d'équité commandent l'obligation de motiver les décisions, je trouve que la décision de révoquer la licence de tabac était suffisamment motivée pour permettre à la demanderesse de connaître et de comprendre les raisons pour lesquelles elle a été déclarée coupable et afin de lui permettre de présenter sa demande de contrôle judiciaire.

[20]            Dans la présente affaire, le paragraphe 12 du Règlement indique lui même les obligations du Ministre en révoquant une licence de tabac :

12. (1) Les motifs de révocation par le ministre de la licence, de l'agrément ou de l'autorisation sont les suivants :

(...)

(2) Avant de révoquer la licence, l'agrément ou l'autorisation pour l'un des motifs mentionnés aux alinéas (1)b) à f), le ministre donne au titulaire un préavis de quatre-vingt-dix jours et lui fournit tout renseignement pertinent sur les motifs de la révocation.

(3) Le titulaire peut présenter au ministre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle est donné le préavis, ses objections à la révocation.

[Je souligne.]

12. (1) The grounds for the cancellation of a licence or registration by the Minister are that the licensee or registrant

(...)

(2) The Minister shall, before cancelling a licence or registration on any of the grounds referred to in paragraphs (1)(b) to (f), give the licensee or registrant 90 days notice of the proposed cancellation and provide them with all relevant information concerning those grounds.

(3) The licensee or registrant may, within 90 days after the day on which the notice referred to in subsection (2) is given, make representations to the Minister respecting the reasons why the licence or registration should not be cancelled.

[21]            Or, dans son avis de révocation du 14 mai 2004, dans son suivi du 14 juin 2004 et dans sa lettre du 13 août 2004, la défenderesse a rempli les conditions du paragraphe 12(2) du Règlement en motivant la suspension et la révocation de la licence de tabac de la demanderesse. Une fois cette motivation transmise, rien dans la Loi ni le Règlement ne l'obligeait à soumettre des motifs additionnels.

[22]            Pour ce qui est des principes d'équité, la demanderesse prétend que le refus par la défenderesse de prendre en compte ses arguments porte atteinte aux principes d'équité car elle lui nie la possibilité de soumettre des objections à la révocation et ne lui permet pas de présenter adéquatement ses motifs de révision.

[23]            Or, rien dans la preuve nous indique que les soumissions de la défenderesse n'ont pas été prises en compte. Au contraire, au troisième paragraphe de la lettre du 31 janvier 2005, la défenderesse indique que :

Nous vous assurons que toutes vos représentations, y compris celles du 9 juillet 2004 et du 1er septembre 2004, ont été très minutieusement examinées avant de prendre notre décision finale concernant la révocation. Toutefois, notre décision de révoquer votre licence de tabac (51-TL-35) est maintenue pour les motifs qui suivent.

(Lettre du 31 janvier 2005 de la part de la défenderesse)

[24]            De plus, à la lecture de la décision de la défenderesse, les motifs de la révocation de la licence sont bien évidents. La décision indique que les motifs de révocation sont prévus à l'article 12 du Règlement et qu'un de ses motifs est une omission de se conformer à toute loi provinciale ou fédérale portant sur la taxation ou la réglementation de l'alcool ou des produits du tabac (12(1)c) et 12(1)e)). La lettre continue en indiquant que le détenteur de la licence a omis de se conformer à une loi fédérale (la Loi sur l'accise) ainsi qu'une loi provinciale (la Loi concernent l'impôt sur le tabac), tel qu'explicité dans les lettres du 14 juin 2004 et du 13 août 2004. Donc, vu le fait que la demanderesse a eu un préavis de 90 jours tel que prévu par la Loi, la licence de tabac allait être révoquée le 17 février 2005.

[25]            Les motifs de révocation sont prévus aux alinéas 12(1)b) à f) du Règlement. La défenderesse n'a pas la discrétion d'ajouter ou de retenir des motifs de révocation autres que les motifs énoncés. Donc, en identifiant dans sa décision que la licence de tabac sera révoquée sous l'alinéa 12(1)b) et l'alinéa 12(1)e), la défenderesse à rempli ses obligations sous la Loi et n'a pas porté atteinte à l'équité procédurale de la demanderesse.

3. La défenderesse pouvait-elle ajouter un second motif à sa décision de révoquer la licence de tabac?

[26]            Pour ce qui est de la proposition de la demanderesse à l'effet que le Ministre aurait ajouté un nouveau motif, je ne trouve aucune faute de la part de la défenderesse. Elle a l'obligation de signifier à la demanderesse tout motif de révocation sous la Loi ou son Règlement, ce qu'elle a fait dans sa lettre du 13 août 2004, en indiquant que :

Toutefois, nous reconnaissons que notre lettre du 14 juin 2004 vous précisait qu'en plus d'avoir omis de se conformer à la Loi sur l'accise (1985), Les Tabacs Galaxy avait également omis de se conformer à une loi provinciale portant sur la taxation et la réglementation de l'alcool ou de produits du tabac, à savoir la Loi concernant l'impôt sur le tabac (L.R.Q. chap. I-2). (...) Par contre, par souci d'équité, veuillez considérer que le préavis de révocation de quatre-vingt-dix jours courra à compter du 14 juin 2004, date à laquelle nous avons communiqué un second motif de révocation, plutôt qu'à compter du 18 mai 2004.

(Lettre du 13 août 2004 de la part de la défenderesse)

[27]            La défenderesse a donné un délai additionnel dans lequel la demanderesse devait répondre et donc sur ce point, je ne vois pas en quoi le Ministre aurait commis une erreur de droit ou une faute qui nécessiterait l'intervention de cette Cour.

4. La défenderesse a-t-elle appliqué la Loi de façon arbitraire envers la demanderesse?

[28]            La proposition de la demanderesse à l'effet que le Ministre aurait appliqué la Loi de manière arbitraire et en contravention du principe de l'égalité devant la loi est mal fondée et n'est soutenue par aucune preuve. La décision de la défenderesse n'est pas arbitraire étant donné que l'obligation de tenir compte de certains facteurs ne donne à la demanderesse aucun droit à un résultat précis ou à l'application d'un critère juridique particulier (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).

5. Les dispositions applicables de la Loi et du Règlement, sont-elles ultra vires du pouvoir du gouvernement fédéral?

[29]            La demanderesse allègue qu'aux termes des règles du partage des compétences, l'autorité fédérale ne possède pas le pouvoir de donner à la Loi concernant l'impôt sur le tabac (une loi provinciale) un effet direct dans la loi fédérale.

[30]            En lisant la Loi et le Règlement, on s'aperçoit qu'il n'y pas une « incorporation véritable » , mais que le Règlement fait simplement mention à : « toute loi fédérale, autre que la Loi [de 2001 sur l'accise], ou provinciale -- ou à leurs règlements -- portant sur la taxation ou la réglementation de l'alcool ou des produits du tabac » . Dans un tel cas, il n'existe pas une « incorporation véritable » :

Certains documents sont simplement mentionnés dans des textes législatifs; il n'est pas nécessaire de les consulter pour comprendre le texte lui-même. D'autres sont "incorporés par renvoi" en ce sens qu'ils font partie intégrante du texte primaire comme s'ils y étaient reproduits. C'est ce dernier type d'incorporation qui peut être qualifié d'"incorporation véritable"... (Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1992] 1 R.C.S. 212 au paragraphe 33)

[31]            Or, le renvoi à une loi provinciale est valide et ne peut être considéré comme étant une délégation illégale de pouvoir. Comme il a été indiqué par le juge Cartwright dans la décision Coughlin c. Ontario Highway Transport Bd., [1968] R.C.S. 569 :

In my opinion there is here no delegation of law-making power, but rather the adoption by Parliament, in the exercise of its exclusive power, of the legislation of another body as it may from time to time exist, a course which has been held constitutionally valid by this Court in Attorney General for Ontario v. Scott [1956] S.C.R. 137, 114 C.C.C. 224, 1 D.L.R. (2d) 433 and by the Court of Appeal for Ontario in Regina v. Glibbery [1963] 1 O.R. 232, [1963] 1 C.C.C. 101, 38 C.R. 5, 36 D.L.R. (2d) 548.

[32]            Dans notre cas, la loi provinciale n'est aucunement affectée en étant mentionnée par le Règlement et l'Assemblée nationale du Québec ne perd pas son droit de l'annuler ou de le modifier s'il le désire. Donc pour ce premier point, le gouvernement fédéral n'a pas agi de façon ultra vires de ses pouvoirs.

[33]            Pour ce qui est de l'argument de la demanderesse à l'effet que l'immunité inter juridictionnelle empêche l'autorité fédérale d'appliquer une législation provinciale à un domaine relevant de la compétence fédérale, j'indiquerais simplement qu'en l'espèce, le gouvernement fédéral ne tente pas d'appliquer une loi provinciale. Plutôt, il prend seulement en considération la violation d'une loi provinciale comme motif pour refuser d'émettre -- ou de révoquer -- une licence de tabac. Donc, l'immunité inter juridictionnelle ne s'applique pas en l'espèce.

[34]            La demanderesse soumet aussi que la compétence de l'autorité fédérale en matière de tabac repose sur sa compétence exclusive en matière criminelle et donc, que les alinéas 2(2)b) et 12(1)e) du Règlement seraient ultra vires car ils ne portent pas sur du droit criminel. Cet argument doit être rejeté vu les propos de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Crédit Ford du Canada Ltée c. Canada (ministère du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.Q. no 2697 aux paragraphes 16 et 19 :

La Loi sur l'accise a été adoptée conformément au pouvoir fédéral de taxation (par. 91(3) de la Loi constitutionnelle de 1867). Elle instaure un régime normatif et réglementaire qui établit les règles d'assujettissement à l'accise, un impôt indirect sur les marchandises. Elle fixe, notamment, les conditions et les charges afférentes à l'émission des licences des distillateurs, brasseurs, fabricants de tabac et de cigares, fabricants-entreposataires et fabricants d'alcools non potables. La loi détermine, également, le mode d'établissement et de paiement des droits d'accise au receveur. Cette loi est pourvue d'un mécanisme d'exécution destiné à en assurer la finalité: la perception des revenus et le contrôle des normes de fabrication des marchandises. Sous les rubriques "infractions et peines", le législateur fédéral a prévu des mesures de confiscation telle la saisie des marchandises et des véhicules de transport ainsi que des mesures pénales de rétribution tels l'emprisonnement, l'amende et la restitution venant sanctionner le manquement des contrevenants.

(...)

En conséquence, j'estime que la Loi sur l'accise est d'abord une mesure législative de réglementation et de régulation adoptée en vertu du pouvoir de taxation qui comporte, également, des dispositions d'exécution relevant, à la fois, de la compétence fédérale en matière de taxation et de sa compétence en matière de droit criminel. D'ailleurs, il est de principe établi qu'une mesure législative peut traduire l'expression de plus d'un chef de compétence parmi les pouvoirs constitutionnels dévolus à un niveau de gouvernement (R. c. Hauser, [1979] 1 R.C.S. 984; R. c. Wetmore, [1983] 2 R.C.S. 284).

[35]            Les conséquences de l'application des alinéas 2(2)b) et 12(1)e) du Règlement sont la révocation de la licence de tabac, qui en soi ne peut être assimilée à une conséquence pénale au sens du droit criminel. Elle relève plutôt du pouvoir de réglementation quant à la taxation et est donc intra vires du pouvoir fédéral.

[36]            Puisque la défenderesse n'a commis aucune faute dans sa décision de révoquer la licence de tabac de la demanderesse et puisque les arguments de constitutionalité sont mal fondés, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

-           Avec dépens contre la demanderesse.

                  « Pierre Blais »

Juge


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Règlement sur les licences, agréments et autorisation d'accise(E-14.1 - DORS/2003-115)

2. (1) Quiconque souhaite obtenir une licence ou un agrément présente une demande au ministre sur le formulaire approuvé par lui, accompagné d'une liste des locaux visés par la demande.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), est admissible à une licence ou un agrément, autre que l'agrément délivré en vertu de l'article 22 de la Loi, le demandeur qui remplit les conditions suivantes :

a) il ne fait pas l'objet d'une mise sous séquestre à l'égard de ses dettes;

b) dans les cinq ans précédant la date de la demande :

(i) il n'a pas omis de se conformer à toute loi fédérale, autre que la Loi, ou provinciale -- ou à leurs règlements -- portant sur la taxation ou la réglementation de l'alcool ou des produits du tabac,

(ii) il n'a pas agi dans le but de frauder Sa Majesté;

c) dans le cas où il est un particulier, il est :

(i) âgé d'au moins dix-huit ans,

(ii) dispose des ressources financières suffisantes pour gérer son entreprise d'une manière responsable;

d) dans le cas où il est une société de personnes ou un organisme non doté de la personnalité morale :

(i) s'il est composé uniquement de particuliers, ceux-ci remplissent chacun la condition visée au sous-alinéa c)(i) et le demandeur remplit la condition visée au sous-alinéa c)(ii),

(ii) s'il est composé uniquement de personnes morales, celles-ci remplissent chacune la condition visée au sous-alinéa c)(ii),

(iii) s'il est composé à la fois de particuliers et de personnes morales, les particuliers remplissent chacun la condition visée au sous-alinéa c)(i) et le demandeur ainsi que les personnes morales qui le composent remplissent chacun la condition visée au sous-alinéa c)(ii);

e) dans le cas où il est une personne morale, il remplit la condition visée au sous-alinéa c)(ii).

(3) Sous réserve du paragraphe (4), le demandeur de l'agrément délivré en vertu de l'article 19 de la Loi l'autorisant à posséder dans son entrepôt d'accise de l'alcool emballé non acquitté doit, en plus de satisfaire aux exigences prévues au paragraphe (2), dans le cas où la province où est situé l'entrepôt dispose d'une loi en vigueur traitant de l'entreposage de l'alcool emballé, être autorisé par la province ou par son administration des alcools à y entreposer l'alcool.

(4) L'exigence supplémentaire prévue au paragraphe (3) ne s'applique pas au demandeur titulaire d'une licence d'alcool qui produit ou emballe de l'alcool dans la province où est situé l'entrepôt.

(5) Est admissible à l'agrément délivré en vertu de l'article 22 de la Loi le demandeur à qui est délivré, en vertu de l'alinéa 24(1)c) de la Loi sur les douanes, un agrément en vue d'exploiter un emplacement comme boutique hors taxes.

10. (1) Les motifs de suspension par le ministre de la licence, de l'agrément ou de l'autorisation sont les suivants :

a) le titulaire ne respecte pas l'une ou l'autre des exigences applicables énoncées aux articles 6, 7 et 13;

b) il ne respecte pas les conditions de la licence, de l'agrément ou de l'autorisation.

(2) Si le ministre suspend la licence, l'agrément ou l'autorisation, il en avise, par écrit et sans délai, le titulaire et lui fournit tout renseignement pertinent sur les motifs de la suspension.

(3) Le titulaire peut présenter au ministre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date de la suspension, les motifs pour lesquels la licence, l'agrément ou l'autorisation devrait être rétabli.

12. (1) Les motifs de révocation par le ministre de la licence, de l'agrément ou de l'autorisation sont les suivants :

a) le titulaire le lui demande par écrit;

b) il est failli;

c) il ne remplit plus les conditions applicables énoncées aux articles 2 ou 3, selon le cas;

d) il cesse les opérations pour lesquelles la licence, l'agrément ou l'autorisation a été délivré;

e) il omet de se conformer à toute loi fédérale, autre que la Loi, ou provinciale -- ou à leurs règlements -- portant sur la taxation ou la réglementation de l'alcool ou des produits du tabac;

f) il agit dans le but de frauder Sa Majesté.

(2) Avant de révoquer la licence, l'agrément ou l'autorisation pour l'un des motifs mentionnés aux alinéas (1)b) à f), le ministre donne au titulaire un préavis de quatre-vingt-dix jours et lui fournit tout renseignement pertinent sur les motifs de la révocation.

(3) Le titulaire peut présenter au ministre, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date à laquelle est donné le préavis, ses objections à la révocation.

2. (1) In order to be issued a licence, a person must submit to the Minister a completed application, in the form authorized by the Minister, accompanied by a list of the premises in respect of which the application is being made.

(2) Subject to subsections (3) and (4), an applicant is eligible for a licence, other than a licence issued under section 22 of the Act, if

(a) they are not the subject of a receivership in respect of their debts;

(b) they have not, in the five years immediately before the date of the application,

(i) failed to comply with any Act of Parliament, other than the Act, or of the legislature of a province respecting the taxation of or controls on alcohol or tobacco products or any regulations made under it, or

(ii) acted to defraud Her Majesty;

(c) in the case of an applicant who is an individual, they

(i) are at least eighteen years of age, and

(ii) have sufficient financial resources to conduct their business in a responsible manner;

(d) in the case of an applicant that is a partnership or unincorporated body,

(i) where the partnership or unincorporated body is composed only of individuals, each of the individuals meets the requirement of subparagraph (c)(i) and the partnership or unincorporated body meets the requirement of subparagraph (c)(ii),

(ii) where the partnership or unincorporated body is composed only of corporations, each of the corporations meets the requirement of subparagraph (c)(ii), and

(iii) where the partnership or unincorporated body is composed of both individuals and corporations, each of the individuals meets the requirement of subparagraph (c)(i) and the partnership or unincorporated body and each of the corporations meet the requirement of subparagraph (c)(ii); and

(e) in the case of an applicant that is a corporation, the corporation meets the requirement of subparagraph (c)(ii).

(3) Subject to subsection (4), an applicant for a licence issued under section 19 of the Act authorizing them to possess in their excise warehouse non-duty-paid packaged alcohol must, in addition to meeting the requirements of subsection (2), where the province in which the warehouse is located has enacted legislation respecting the warehousing of packaged alcohol, be authorized by that province or its liquor authority to warehouse the alcohol at that warehouse.

(4) The additional requirement referred to in subsection (3) does not apply to an applicant who is an alcohol licensee that is producing or packaging alcohol in the province where the warehouse is located.

(5) An applicant who is licensed under paragraph 24(1)(c) of the Customs Act to operate a duty free shop is eligible for a licence issued under section 22 of the Act.

10 . (1) The grounds for the suspension of a licence or registration by the Minister are that the licensee or registrant fails to meet

(a) any of the applicable requirements of section 6, 7 or 13; or

(b) the conditions of the licence or registration.

(2) The Minister shall, immediately after suspending a licence or registration, notify the licensee or registrant in writing of the suspension and provide all relevant information concerning the grounds for the suspension.

(3) The licensee or registrant may, within 90 days after the day on which the licence or registration is suspended, make representations to the Minister respecting the reasons why the licence or registration should be reinstated.

12 . (1) The grounds for the cancellation of a licence or registration by the Minister are that the licensee or registrant

(a) requests the Minister in writing to cancel the licence or registration;

(b) is bankrupt;

(c) ceases to meet the applicable requirements of section 2 or 3, as the case may be;

(d) ceases to carry on the business for which the licence or registration was issued;

(e) fails to comply with any Act of Parliament, other than the Act, or of the legislature of a province respecting the taxation of or controls on alcohol or tobacco products, or any regulations made under it; or

(f) acts to defraud Her Majesty.

(2) The Minister shall, before cancelling a licence or registration on any of the grounds referred to in paragraphs (1)(b) to (f), give the licensee or registrant 90 days notice of the proposed cancellation and provide them with all relevant information concerning those grounds.

(3) The licensee or registrant may, within 90 days after the day on which the notice referred to in subsection (2) is given, make representations to the Minister respecting the reasons why the licence or registration should not be cancelled.


Charte canadienne des droits et libertés(Annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982)

11. Tout inculpé a le droit :

a) d'être informé sans délai anormal de l'infraction précise qu'on lui reproche;

b) d'être jugé dans un délai raisonnable;

c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée contre lui pour l'infraction qu'on lui reproche;

d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;

e) de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable;

f) sauf s'il s'agit d'une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d'un procès avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l'infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;

g) de ne pas être déclaré coupable en raison d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d'après le droit interne du Canada ou le droit international et n'avait pas de caractère criminel d'après les principes généraux de droit reconnus par l'ensemble des nations;

h) d'une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement acquitté, d'autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;

i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l'infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l'infraction et celui de la sentence.

11. Any person charged with an offence has the right

(a) to be informed without un reasonable delay of the specific offence;

(b) to be tried within a reasonable time;

(c) not to be compelled to be a witness in proceedings against that person in respect of the offence.

(d) to be presumed innocent until proven guilty according to law n a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;

(e) not to be denied reasonable bail without just cause;

(f) except in the case of an offence under military law tried before a military tribunal, to the benefit of trial by jury where the maximum punishment for the offence is imprisonment for five years or a more severe punishment.

(g) not to be found guilty on account of any act o omission unless, at the time of the act or omission, it constituted an offence under Canadian or international law or was criminal according to the general principles of law recognized by the community of nations;

(h) if finally acquitted of the offence, not to be tried for it again and, if finally found guilty and punished for the offence, not to be tried or punished for it again; and

(i) if found guilty of the offence and if the punishment for the offence has been varied between the time of commission and the time of sentencing, to the benefit of the lesser punishment.

Charte des droits et libertés de la personne(L.R.Q., chapitre C-12)

37.Nul accusé ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une violation de la loi.

37. No accused person may be held guilty on account of any act or omission which at the time when it was committed, did not constitute a violation of the law.

Loi sur l'accise(L.R. 1985, ch. E-14)

Indications de la demande

14. (1) Chaque demande de licence doit indiquer exactement à quel endroit dans la ville, le village, le canton ou la municipalité locale, selon le cas, sont situés les établissements où seront poursuivies les opérations pour lesquelles la licence est requise, et contenir aussi ou porter en annexe une description écrite, complète et détaillée, en triplicata, avec modèles, schémas ou dessins, également en triplicata, qu'exigent les règlements ministériels.

Lieu où s'applique la licence

(2) Nulle licence n'autorise une personne à poursuivre des opérations sujettes à l'accise ailleurs que dans les lieux mentionnés dans la demande de licence, mais sur demande présentée, selon la formule prescrite par le ministre, par le détenteur d'une licence en vertu de la présente loi, cette licence peut faire l'objet d'une mutation d'un établissement à un autre, situé dans la même division d'accise, sans versement d'un droit additionnel de licence si le détenteur s'est conformé à toutes les prescriptions de la présente loi au sujet de l'établissement auquel la mutation est projetée, et si toutes les obligations imposées par la licence ont été remplies.

Nouveau cautionnement

(3) Chaque fois qu'une telle mutation a lieu, un nouveau cautionnement doit être reçu, ainsi qu'il est exigé lors de la délivrance d'une nouvelle licence.

What application must show

14. (1) Every application for a licence under this Act shall state the exact locality in the city, town, village, township or local municipality, as the case may be, where the premises are situated, in which the business for which the licence is required is to be carried on, and shall also contain or have annexed thereto a full and particular written description in triplicate, with such models, diagrams or drawings, also in triplicate, as may be required by ministerial regulations.

Where licence to apply

(2) No licence shall authorize a

person to carry on any business subject to excise in any place other than the premises mentioned in the application for the licence, but on application being made, in the form prescribed by the Minister, by the holder of any licence under this Act, the licence so held may be transferred from any premises to any other premises situated within the same excise division, without payment of additional licence fee, if all the requirements of this Act have been complied with by the holder of the licence with reference to the premises to which it is proposed to transfer it and all obligations imposed by the licence have been fulfilled.

14(3) New bond

(3) Whenever any transfer of a licence is made pursuant to subsection (2), a new bond shall be taken as is required on the issue of a new licence.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-253-05

INTITULÉ :                                       9101-9380 QUÉBEC INC. (LES TABACS GALAXY)            c. AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU     CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               15 juin 2005

MOTIFS :                                          M. le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                     Le 23 juin 2005

COMPARUTIONS:

Me Louis Masson                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Me Jacques Mimar                                                                    POUR LA DÉFENDERESSE

Me Michel Morel                                                                      MIS EN CAUSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Joli-Coeur, Lacasse, Jetté, Saint-Pierre

Québec (Québec)                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)

Veillette et associés                                                                    MIS EN CAUSE

Québec (Québec)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.