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Date : 20060124

Dossier : T-506-04

Référence : 2006 CF 67

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

 

WELTON PARENT INC.

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La société Welton Parent Inc. (Welton Parent) sollicite une ordonnance annulant ou modifiant l’ordonnance que j’ai rendue le 31 mars 2004 et qui autorisait le ministre du Revenu national à exiger que la défenderesse fournisse des renseignements et des documents concernant une ou plus d’une personne non désignée nommément, conformément au paragraphe 231.2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (LIR).

 

[2]               L’ordonnance du 31 mars 2004 a été décernée sur requête ex parte. Suivant le paragraphe 231.2(6) de la LIR, l’autorisation peut être annulée si je ne suis pas convaincue qu’il a été satisfait aux conditions prévues aux alinéas 231.2(3)a) et b), et elle peut être confirmée ou modifiée même si je suis convaincue qu’il a été satisfait à ces conditions. 

 

[3]               En plus de contester la validité de cette ordonnance et de l’avis subséquent exigeant la fourniture de renseignements et de documents (la demande péremptoire) au motif que les conditions de délivrance prévues par la loi n’existaient pas, Welton Parent soulève trois autres motifs pour attaquer la validité de l’ordonnance. À son avis, chacun de ces motifs suffit pour justifier l’annulation de l’ordonnance. 

 

[4]               La défenderesse soutient que :

 

i)          l’obligation qui lui est imposée est de fournir des renseignements et documents qui sont protégés par le secret professionnel de l’avocat;

ii)         les paragraphes 231.2(3), (5), (6) et l’article 232 de la LIR portent une atteinte injustifiable aux articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 1 (la Charte) en n’accordant pas la protection appropriée au secret professionnel de l’avocat, et ils sont dès lors inopérants. À cet égard, la Cour devrait appliquer le raisonnement exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209, dans lequel la Cour suprême a invalidé l’article 488.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, une disposition parallèle à l’article 232 de la LIR. Subsidiairement, pour le même motif, l’ordonnance du 31 mars 2004 porte une atteinte injustifiable aux articles 7 et 8 de la Charte et devrait être invalidée en application des paragraphes 24(1) de la Charte et 231.2(6) de la LIR; 

iii)         le ministre a omis de faire une divulgation complète et sincère de tous les faits et renseignements dont l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) dispose et qui indiqueraient que les renseignements et documents dont la fourniture est exigée sont privilégiés ou susceptibles de l’être.

 

CONTEXTE

 

[5]               L’ADRC effectue actuellement des vérifications, pour les années d’imposition  1997 à 2003 inclusivement, touchant divers employeurs canadiens qui ont réclamé des dépenses de salaires et traitements afférentes à des cotisations versées à des fiducies présentées par ces employeurs non désignés nommément comme des « fiducies de santé et de bien-être » établies à l’étranger au profit de leurs employés. 

 

[6]               Le bulletin d’interprétation IT-85R2 définit la « fiducie de santé et de bien-être » comme un instrument qui accorde un traitement spécial aux employeurs agissant dans l’intérêt de leurs employés. Un employeur peut déduire à titre de dépenses d’entreprise la cotisation versée à une fiducie de santé et de bien-être qui respecte les conditions énoncées dans le bulletin, ainsi que les frais y afférents.

 

[7]               Dans le cadre de ses vérifications, l’ADRC a identifié quelque vingt-cinq fiducies de santé et de bien-être. De l’avis de l’ADRC, ces fiducies, en réalité, ne respectent pas les conditions énumérées dans le bulletin d’interprétation, notamment du fait que : 

 

a)                  les employeurs versent à des fiducies à l’étranger des montants qui pourraient plus tard leur être retournés;

b)                  les cotisations sont déraisonnablement élevées au regard des salaires que gagnent les employés et à la lumière de régimes d’assurance comparables;

c)                  les fonds disponibles servent à des fins autres que le versement de prestations de santé et de bien-être;

d)                  il n’est pas prévu que les cotisations soient exigibles par la fiducie;

e)                  l’employeur et le fiduciaire ne traitent pas sans lien de dépendance.

 

[8]               Se fondant sur ces conclusions, l’ADRC a décidé que les cotisations à des fiducies de cette nature ne seraient pas déductibles dans l’année durant laquelle elles ont été effectuées.

 

[9]               Dans les vingt-cinq cas évoqués ci-dessus, l’ADRC a constaté qu’une évaluation actuarielle avait été préparée par le cabinet d’actuaires de la défenderesse, Welton Parent Inc. Il appert que dans chacun des cas, l’ADRC savait pertinemment que la défenderesse fournissait ces évaluations à des avocats d’Ottawa. Elle savait aussi que la défenderesse ne traitait pas directement avec les employeurs non désignés nommément[1].

 

[10]           Même si, au moment où elle a demandé l’autorisation, l’ADRC était seulement au courant de la participation de deux avocats, Gregory Sanders et William Johnston, il est évident que Welton Parent offrait aussi des services semblables à un troisième avocat d’Ottawa, Hari S. Nesathurai[2]. La structure juridique suivant laquelle chacun d’entre eux établit les régimes d’assurance collective contre la maladie et les accidents varie légèrement, mais leurs régimes respectifs sont néanmoins pratiquement identiques. Le « régime d’assurance collective contre la maladie ou les accidents » fait partie des régimes de prestation reconnus à titre de « fiducie de santé et de bien-être » en vertu du bulletin d’interprétation IT-85R2. Je désignerai ci-après les régimes mis sur pied par les trois avocats d’Ottawa comme « les régimes ».

 

[11]           Il n’est pas contesté que les trois avocats ont été engagés pour fournir des conseils juridiques à leurs clients, les contribuables non désignés nommément. Toutefois, l’ADRC soutient qu’avant la réponse déposée à son dossier de requête, elle ne connaissait pas exactement le rôle des avocats ni la nature précise de leur relation avec Welton Parent. 

 

[12]           J’estime qu’il appert de la preuve que le mandat confié à ces avocats comprenait la mise sur pied des régimes et la prestation aux employeurs non désignés nommément d’un avis juridique quant à l’assujettissement à l’impôt des dépenses liées aux régimes.

 

[13]           Aucun élément de preuve ne révèle que ces avocats ont encouragé le recours aux régimes[3] ou ont participé au financement ou à l’établissement des régimes autrement qu’à titre de conseillers juridiques. De fait, la preuve indique que les employeurs désireux de doter leur entreprise de tels régimes ont été dirigés vers les trois avocats par des comptables et des conseillers financiers. Ainsi, des clients ont été aiguillés vers Me Sanders par différentes banques à charte canadiennes, comme la Banque Royale du Canada et la Banque Canadienne Impériale de Commerce. 

 

[14]           Ces avocats ont retenu directement les services de Welton Parent pour que le cabinet effectue l’évaluation actuarielle des engagements et des exigences de financement de leurs régimes et fasse des recommandations fondées sur la capacité de payer de chacun des employeurs non désignés nommément. La mesure dans laquelle les évaluations actuarielles ont été utilisées pour la prestation des avis juridiques et pour permettre à chaque avocat de remplir le mandat qui lui avait été confié sera traitée plus loin. Il suffit pour l’instant de savoir que ces évaluations, en plus d’être utilisées par les trois avocats pour leurs propres besoins, ont aussi été remises au dépositaire ou au fiduciaire des différents régimes parce que, dans chacun des cas, celui-ci avait l’obligation contractuelle d’obtenir les évaluations une fois le régime établi.

 

[15]           Dans le cadre de certaines de ses vérifications, l’ADRC a obtenu copie d’avis juridiques fournis par Me Sanders et Me Johnston à certains des contribuables assujettis à l’enquête. La Cour ne peut que présumer que les contribuables concernés ont renoncé, quant à ces documents, au privilège rattaché aux conseils juridiques.

 

[16]           Comme l’atteste clairement l’affidavit souscrit par Daniel Rivet le 5 mars 2004 et présenté à l’appui de la requête ex parte du ministre pour obtenir une autorisation lui permettant d’exiger des renseignements et documents de Welton Parent, l’un des principaux objectifs de la démarche du ministre était de connaître le nom des employeurs qui avaient établi ces régimes et dont l’ADRC ignorait encore l’identité.

 

[17]           Dans son affidavit, M. Rivet précise qu’au besoin, l’ADRC exigerait aussi plus tard des employeurs ou des [traduction] « promoteurs » la production de documents additionnels tels que des lettres d’intention et des conventions de fiducie.

 

[18]           Il ne mentionne le rôle joué par les avocats d’Ottawa qu’une seule fois dans son affidavit, dans un paragraphe qui expose pourquoi les régimes ne satisfont pas aux conditions énoncées dans le bulletin d’interprétation.

 

[19]           À l’alinéa 9h) de son affidavit, M. Rivet déclare :

[traduction]

 

9) Jusqu’à présent, l’examen des conventions de fiducie révèle que ces régimes ne satisfont pas aux conditions énumérées ci-dessus, pour différentes raisons. Celles-ci comprennent notamment les situations suivantes : 

 

[...]

 

h) les documents dans les dossiers examinés par l’ADRC se ressemblent et ils proviennent de deux avocats qui exercent à Ottawa (les promoteurs);

 

[20]           Par la suite, tant dans son affidavit que dans son témoignage devant la Cour lors de l’audition de la requête pour autorisation, M. Rivet s’est limité à désigner ces avocats comme des promoteurs. Il n’a pas mentionné que l’ADRC avait obtenu copie des avis juridiques rendus par ces avocats, qui précisent clairement que leur rôle consiste avant tout à agir à titre de conseiller juridique de leurs clients, les employeurs non désignés nommément. Il ressort aussi qu’au cours de ces vérifications, l’ADRC a eu plusieurs entretiens avec Welton Parent et au moins l’un des avocats d’Ottawa.

 

[21]           En plus des lacunes exposées au paragraphe 9 de son affidavit, M. Rivet signale que Welton Parent n’a pas calculé les cotisations aux régimes en conformité avec les normes actuarielles reconnues (paragraphe 12 de son affidavit).

[22]           L’ordonnance rendue le 31 mars 2003 ne contient aucune condition spéciale ou référence au secret professionnel de l’avocat. Lorsque la demande péremptoire a été transmise à Welton Parent, cette dernière a immédiatement communiqué avec les trois avocats qui avaient retenu ses services. Ceux-ci, à leur tour, ont demandé aux employeurs non désignés nommément s’ils les autorisaient à renoncer au secret professionnel de l’avocat en ce qui a trait à leur nom et aux autres renseignements figurant dans les dossiers de Welton Parent. Ils ont reçu instruction de présenter la présente requête en vue de préserver leur privilège, ce qu’ils ont fait par l’intermédiaire de la défenderesse, la société Welton Parent[4].

[23]           L’ADRC n’a effectué aucune démarche pour communiquer avec les avocats d’Ottawa afin de discuter de la question du privilège au moment où elle a signifié la demande péremptoire. Toutefois, elle a accepté de suspendre le délai accordé pour répondre à cette demande jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à la présente requête.

[24]           Chacune des parties en l’espèce a déposé une preuve volumineuse. Plus particulièrement, la défenderesse a produit des affidavits de Gregory Sanders, William Johnston, Hari S. Nesathurai et Joann Williams (Welton Parent); le ministre a déposé un affidavit additionnel de Daniel Rivet. Chaque auteur d’un affidavit a été contre-interrogé. 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[25]           Les dispositions les plus pertinentes de la LIR en l’espèce sont les suivantes :

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) :

 

231.2 (3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu'il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d'un tiers la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d'une personne non désignée nommément -- appelée "groupe" au présent article --, s'il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit:

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

c) (Abrogé par L.C. 1996, ch. 21, art. 58(1).)

d) (Abrogé par L.C. 1996, ch. 21, art. 58(1).)

 

(5) Le tiers à qui un avis est signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1) peut, dans les 15 jours suivant la date de signification ou d'envoi, demander au juge qui a accordé l'autorisation prévue au paragraphe (3) ou, en cas d'incapacité de ce juge, à un autre juge du même tribunal de réviser l'autorisation.

 

(6) À l'audition de la requête prévue au paragraphe (5), le juge peut annuler l'autorisation accordée antérieurement s'il n'est pas convaincu de l'existence des conditions prévues aux alinéas (3)a) et b). Il peut la confirmer ou la modifier s'il est convaincu de leur existence.

 

 

Income Tax Act, R.S.C. 1985, c.1 (5th Supp.):

 

 

231.2(3) On ex parte application by the Minister, a judge may, subject to such conditions as the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection 231.2(1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the "group") where the judge is satisfied by information on oath that

(a) the person or group is ascertainable; and

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.

(c) (Repealed by S.C. 1996, c. 21, s. 58(1).)

(d) (Repealed by S.C. 1996, c. 21, s. 58(1).)

 

(5) Where an authorization is granted under subsection 231.2(3), a third party on whom a notice is served under subsection 231.2(1) may, within 15 days after the service of the notice, apply to the judge who granted the authorization or, where the judge is unable to act, to another judge of the same court for a review of the authorization.

 

(6) On hearing an application under subsection 231.2(5), a judge may cancel the authorization previously granted if the judge is not then satisfied that the conditions in paragraphs 231.2(3)(a) and 231.2(3)(b) have been met and the judge may confirm or vary the authorization if the judge is satisfied that those conditions have been met.

 

 

 

[26]           Les autres dispositions pertinentes, comme les articles 231.7, 232 et 238 de la LIR ainsi que les articles 7, 8 et 24 de la Charte et les articles 487 et 488.1 du Code criminel, sont reproduites à l’annexe 1.

 

ANALYSE

 

A- La demande péremptoire devrait-elle être annulée au motif qu’elle n’a pas été demandée pour vérifier le respect de quelque « devoir ou obligation », conformément à l’alinéa 231.2(3)b) de la LIR?

 

[27]           Comme il a été mentionné, la défenderesse soutient que le demandeur n’a pas présenté à la Cour la preuve requise pour établir que la demande péremptoire était nécessaire pour vérifier le respect de quelque « devoir ou obligation » prévu par la LIR. Elle estime que le ministre s’est fondé uniquement sur un manquement allégué à un bulletin d’interprétation non éprouvé qui ne lie ni les tribunaux ni l’ADRC.

 

[28]           Welton Parent fait valoir que le paragraphe 231.2(3) pose des exigences très rigoureuses pour la délivrance d’une autorisation visant une personne non désignée nommément, exigences qu’il convient de mettre en contraste avec le critère prévu au paragraphe 231.2(1), qui permet d’exiger la fourniture de renseignements ou la production de documents « pour l’application et l’exécution de la présente loi ». 

 

[29]           Le ministre, pour sa part, prétend que la demande péremptoire qui a été autorisée est valide parce que les renseignements exigés peuvent être pertinents pour établir la responsabilité fiscale des contribuables non désignés nommément; il est d’avis que, de fait, les critères énoncés à l’article 231.2 sont peu exigeants même en ce qui concerne les personnes non désignées nommément.

 

[30]           Il n’est pas contesté que dans le cas présent, le groupe de contribuables non désignés nommément est identifiable (alinéa 231.2(3)a)). J’estime que l’affidavit de M. Rivet (particulièrement les paragraphes 3, 17, 21 et 25) ainsi que son témoignage (particulièrement le passage consigné depuis la 10e ligne de la page 464 et à la page 465 du volume 4 du dossier de requête de Welton Parent) à l’audition ex parte de la requête ont établi que le ministre cherche à obtenir les renseignements exigés pour vérifier que les employeurs non désignés nommément se sont conformés à leur obligation de payer l’impôt sur tous les revenus, compte tenu des déductions permises par la LIR.  

 

[31]           Les employeurs non désignés nommément sont manifestement les personnes visées par l’enquête du demandeur, et la preuve, à mon avis, démontre qu’il existe peut-être un problème quant aux déductions effectuées par ces employeurs relativement à leurs cotisations aux régimes. 

 

[32]           Cette situation est très semblable à celle qu’a examinée récemment la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (M.R.N.) c. National Foundation for Christian Leadership, [2005] A.C.F. no 1115 (C.A.F.) (QL), dans lequel la juge Sharlow a confirmé qu’il avait été satisfait aux conditions énoncées à l’alinéa 231.2(3)b). Je conclus que l’ordonnance autorisant le ministre à exiger la fourniture de renseignements ou de documents ne devrait pas être annulée pour ce motif. 

 

 

B- Le privilège du secret professionnel de l’avocat peut-il être invoqué à l’égard des renseignements et documents visés par la demande péremptoire?

 

1)         Les renseignements et documents autres que le nom des employeurs

 

[33]           Après avoir examiné la preuve, notamment les affidavits de Gregory Sanders, William Johnston et Hari S. Nesathurai, la transcription de leur contre-interrogatoire respectif et les copies de leurs avis juridiques dont je dispose, je conclus que les rapports d’évaluation réalisés par Welton Parent et les conseils offerts par le cabinet d’actuaires constituent des éléments importants sur lesquels tous les avocats se sont fondés pour donner leur avis quant aux conséquences fiscales des régimes qu’ils avaient reçu mandat d’établir pour le compte de leurs clients. Il ne fait aucun doute que, aux yeux de Me Sanders, il était indispensable que le caractère raisonnable des déductions des clients sous le régime de la LIR soit étayé par une opinion actuarielle (dossier de requête, volume 4, page 558). De même, selon la preuve non contredite de Me Johnston, une opinion actuarielle constituait une condition préalable essentielle pour qu’il puisse se prononcer sur la conformité aux dispositions de la législation fiscale canadienne (dossier de requête, volume 3, page 217). Il est tout aussi évident pour Me Nesathurai que le rapport d’évaluation actuarielle était indispensable pour déterminer si le financement du régime était raisonnable. Il n’était en mesure de fournir un conseil juridique à son client qu’après avoir reçu confirmation du caractère raisonnable des hypothèses actuarielles. Le demandeur lui-même reconnaît que suivant le bulletin d’interprétation, un rapport actuariel est indispensable pour établir si les cotisations peuvent être déduites.

 

[34]           Selon la preuve non contredite, les clients des avocats s’attendaient à ce que les renseignements qu’ils transmettaient à leur avocat pour obtenir un conseil juridique demeurent confidentiels, à ce qu’ils soient protégés par le secret professionnel et ne soient révélés à personne à moins qu’ils n’y consentent expressément.

 

[35]           Ainsi, il appert de la preuve de Gregory Sanders que ce dernier aborde presque toujours la question du secret professionnel dès sa première entrevue avec un client éventuel. Il informe ses clients que tous les renseignements qu’ils lui transmettront seront protégés par le secret professionnel, [traduction] « y compris leur nom et leurs coordonnées », puisqu’il est avocat fiscaliste et que le fait de divulguer leur nom contreviendrait à leur droit au secret professionnel (contre-interrogatoire de Me Sanders, dossier de requête, volume 4, pages 484 à 486, questions 49, 50 et 52).

 

[36]           La preuve indique que Me Johnston conseille même à ses clients de ne pas révéler qu’il est leur avocat, parce qu’Ottawa n’est pas une très grande ville et que les gens savent qu’il est avocat fiscaliste et que sa pratique est spécialisée en fiscalité (dossier de requête, volume 4, page 646).

 

[37]           Les avocats ont aussi affirmé qu’ils ont toujours escompté que tous les renseignements qu’ils communiquaient à Welton Parent au sujet de leurs clients étaient protégés par le secret professionnel, que ces renseignements seraient maintenus dans la confidentialité la plus absolue et qu’ils ne seraient divulgués à personne d’autre qu’à eux-mêmes ou à leur client.

 

[38]           Pour ces motifs, Welton Parent, au nom des employeurs non désignés nommément, prie la Cour de conclure que le privilège des conseils juridiques protège tous les renseignements consignés dans ses dossiers.

 

[39]           J’examinerai le statut du nom des divers employeurs comme une question distincte parce qu’à cet égard, les parties ne semblent pas en désaccord quant au droit. Leurs divergences concernent plutôt la façon dont la loi devrait s’appliquer dans les circonstances particulières de l’espèce. En revanche, leur désaccord quant aux autres renseignements et documents dont il est fait état dans la demande péremptoire touche directement l’étendue de la notion du privilège des conseils juridiques au Canada.

 

[40]           De fait, la défenderesse soutient que le droit canadien reconnaît bel et bien que ses rapports et sa correspondance avec les avocats d’Ottawa sont privilégiés. De l’avis de Welton Parent, la décision du président Jackett dans l’affaire Susan Hosiery Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1969] 2 R.C.É. 27, correctement interprétée, indique que les communications entre le comptable d’un client et un avocat sont protégées par le secret professionnel lorsque les services du comptable ont été retenus dans le contexte de la prestation de conseils juridiques. 

 

[41]           La défenderesse fait valoir que cette décision a été correctement interprétée et appliquée par le juge Gibson dans la décision Interprovincial Pipe Line Inc. c. M.R.N., [1996] 1 C.F. 367 à la page 383, et par la juge Heneghan dans la décision AFS and Co. c. Canada, 2001 D.T.C. 5330.

 

[42]            Par contre, la défenderesse croit que la décision Susan Hosiery a été interprétée de manière trop restrictive dans plusieurs décisions, notamment dans l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario General Accident Assurance Company et al. c. Chrusz et al., [1999] O.J. no 3291. La défenderesse ajoute qu’il convient d’établir une distinction avec l’arrêt Chrusz parce que contrairement aux faits de cette affaire, il n’existe, dans la présente instance, aucune preuve que les contribuables non désignés nommément tentent de se servir du privilège des conseils juridiques pour protéger artificiellement des éléments de preuve qui, autrement, n’auraient pas bénéficié du privilège.

 

[43]           La défenderesse invoque également d’autres décisions, par exemple Long Tractor Inc. c. Canada (Sous-procureur général) (1997), 155 D.L.R. (4th) 747, Methanex Corp. c. Canada (Ministère du Revenu national), [1997] 1 W.W.R. 573, Cineplex Odeon Corp.  c. M.R.N. (1994), 114 D.L.R. (4th) 141, Telus Communications Inc. v. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1918 (C.A.) (QL), qui, à son avis, appuient sa position.

 

[44]           Il est indiscutable, et il n’est pas contesté, que le privilège du secret professionnel de l’avocat est un droit fondamental et une règle de droit substantiel au Canada (Canada c. Solosky, [1980] 1 R.C.S. 821; Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445 et Lavallee, précité). Les tribunaux ont aussi maintes fois reconnu l’importance d’adopter une attitude très libérale quant à l’étendue de ce privilège (Stevens c. Canada (Premier ministre), [1998] 4 C.F. 89 (C.A.) au paragraphe 21).

 

[45]           Compte tenu de l’importance de ce concept et de la portée de la question soulevée par la défenderesse dans le contexte de pratiques multidisciplinaires et dans des domaines du droit qui, comme le droit fiscal, sont devenus extrêmement complexes, la Cour a examiné très attentivement toute la jurisprudence citée, même si les présents motifs ne traitent pas en détail de toutes et chacune des causes évoquées.  

 

[46]           Avant d’aborder la jurisprudence, il importe de mentionner que les parties s’entendent pour dire que Welton Parent n’a pas servi de canal de communication entre les trois avocats en cause et leurs clients. De fait, Welton Parent n’a jamais communiqué qu’avec les avocats eux‑mêmes[5].

 

[47]           En outre, comme je l’ai mentionné, Welton Parent soutient que la Cour n’a pas besoin de modifier l’état du droit pour conclure que ses dossiers sont privilégiés. Il lui suffit d’interpréter correctement la jurisprudence existante.

 

[48]           Le ministre soutient le contraire. À son avis, le droit canadien sur cette question a été résumé avec justesse par le juge Doherty dans l’arrêt Chrusz, et conclure que les documents et renseignements en la possession de Welton Parent en l’espèce sont privilégiés nécessiterait d’étendre la portée du droit en ce qui a trait au privilège des conseils juridiques.

 

[49]           Dans Susan Hosiery, la Cour de l’Échiquier du Canada a utilisé l’arrêt Wheeler c. Le Marchant (1881), 17 Ch. D. 675, comme point de départ de son analyse du droit relatif au privilège du secret professionnel de l’avocat.

 

[50]           Dans Wheeler, un avocat avait retenu les services d’un arpenteur-géomètre pour obtenir les renseignements requis pour pouvoir fournir un conseil juridique demandé par son client.

 

[51]           Comme dans le cas présent, il était clair que l’arpenteur-géomètre n’avait pas été engagé pour servir d’intermédiaire entre l’avocat et son client pour la prestation de conseils juridiques. Il n’était pas un représentant ni un mandataire du client. La Cour d’appel d’Angleterre a jugé que le privilège des conseils juridiques ne pouvait être invoqué à l’égard des communications entre l’avocat et l’expert que celui-ci avait retenu.

 

[52]           Après avoir cité un extrait de la décision du juge Cotton dans l’arrêt Wheeler, le président Jackett a déclaré qu’aucune des décisions ultérieures à cette affaire invoquées devant lui ne semblait avoir modifié l’état du droit ou ajouté au droit applicable en ce qui concerne les questions qu’il devait trancher dans la requête en cause.

 

[53]           En conséquence, je comprends que la Cour, dans Susan Hosiery, a tranché le litige dont elle était saisie en fonction des faits particuliers de l’espèce et du droit applicable à cette époque. La Cour a simplement reformulé les principes énoncés dans l’arrêt Wheeler en exposant au paragraphe 8 : 

[traduction]

(a)        toutes les communications, verbales ou écrites, de nature confidentielle, qui sont échangées entre l’avocat et son client et qui se rapportent directement à la consultation de l’avocat ou aux conseils ou services juridiques que l’avocat donne (y compris les documents de travail de l’avocat qui s’y rapportent directement) sont protégées;

 

(b)        tous les documents qui sont créés ou obtenus spécialement pour le dossier constitué par l’avocat en vue d’un procès en cours ou à venir sont protégés.

 

 

[54]           La Cour a ensuite ajouté, au paragraphe 12 :

[traduction]  Appliquant ces principes, tels que je crois les comprendre, aux pièces préparées par les comptables, il me semble, de façon générale :

 

(a)        que nulle communication, état ou autre pièce établie ou préparée par un comptable en tant que tel pour un homme d’affaires ne peut bénéficier de la protection, à moins qu’elle n’ait été préparée par le comptable à la suite d’une demande de l’avocat de l’homme d’affaires pour être utilisée dans un procès, actuel ou éventuel;

(b)        que, lorsqu’un comptable est engagé comme représentant, ou comme membre d’un groupe de représentants, pour expliquer un ensemble de faits ou un problème à un avocat en vue d’obtenir une consultation juridique ou un service juridique, le fait qu’il soit comptable ou qu’il utilise ses connaissances et ses compétences de comptable dans l’exécution de cette tâche n’empêche pas que les communications qu’il fait ou qu’il contribue à faire en tant que représentant soient des communications du mandant, c'est-à-dire du client, à l’avocat; et de la même façon, les communications faites à ce représentant par l’avocat dont les conseils ont été ainsi sollicités n’en sont pas moins des communications de l’avocat au client.

 

 

[55]           Se fondant sur la preuve dont il disposait et après avoir reconnu que, dans la pratique, les petites sociétés engagent des comptables pour les représenter dans des situations de cette nature, le président Jackett a conclu que M. Pall, l’auditeur retenu par Susan Hosiery, agissait bel et bien à titre de représentant désigné par Susan Hosiery pour obtenir des conseils juridiques de l’avocat de l’entreprise lorsqu’il communiquait avec ce dernier. En conséquence, leurs communications étaient privilégiées.

 

[56]           Cette interprétation de l’arrêt Wheeler a été adoptée en Angleterre et en Australie (voir Pratt Holdings Pty Ltd. c. Commissioner of Taxation, [2004] F.C.A.F.C. 122 (C.A.F.) aux paragraphes 23 à 33 et 91 à 97; Price Waterhouse (a firm) c. BCCI Holdings (Luxembourg) SA and other, [1992] BCLC 583 (Ch. Div.) à la page 5; Three Rivers District Counsel and others  c. Governor and Company of the Bank of England (No. 5), [2004] UKHL 48, [2005] 4 All ER 948 (H. L.) au paragraphe 99).

 

[57]           La Cour d’appel de l’Ontario a aussi donné exactement la même interprétation des arrêts Wheeler et Susan Hosiery dans l’arrêt Chrusz (voir la page 22 et les pages 23 à 27).

 

[58]           Ainsi, à la page 23, la Cour énonce : [traduction] « L’arrêt Wheeler c. Le Marchant, précité, illustre le premier principe, suivant lequel les communications faites à un tiers ou par un tiers ne sont pas protégées par le secret professionnel de l’avocat du seul fait qu’elles aident l’avocat à élaborer un conseil juridique pour un client ». À cet égard, le juge Doherty souligne qu’il convient de faire preuve de circonspection en étudiant la jurisprudence sur cette question, parce que la terminologie employée dans les différents jugements manque d’uniformité. Il insiste aussi sur l’importance de s’assurer que les remarques consignées dans un jugement traitant du secret professionnel de l’avocat visent bel et bien les communications avec des tierces parties dans un contexte où aucune poursuite n’est en cours ou envisagée. 

 

[59]           Dans Chrusz, la Cour d’appel devait décider si le rapport d’un expert en sinistres initialement engagé directement par le client, une compagnie d’assurance, était protégé par le secret professionnel parce que, quelque temps après avoir engagé cet expert, la compagnie d’assurance a retenu les services d’un avocat et a donné instructions à l’expert de faire rapport à l’avocat. La Cour d’appel a dû se pencher sur la portée du privilège du secret professionnel de l’avocat non seulement à l’égard de la prestation de conseils juridiques, mais aussi dans le contexte d’une poursuite judiciaire, puisque dans cette affaire, en fin de compte, la compagnie d’assurance a intenté une action pour fraude contre son assuré.

 

[60]           La Cour a examiné le fondement du privilège des conseils juridiques (désigné dans l’arrêt sous le nom de privilège du secret professionnel par opposition au privilège des communications liées à une instance) et a passé en revue la jurisprudence et la doctrine traitant de cette question, plus particulièrement en ce qui a trait à l’application du privilège aux communications faites par un tiers ou à un tiers. La Cour a conclu[6] que le privilège peut être invoqué à l’égard de toute situation dans laquelle l’expertise de la tierce partie est nécessaire pour interpréter, à l’intention de l’avocat, des renseignements fournis par le client ou dans laquelle la tierce partie sert d’intermédiaire pour la transmission des conseils de l’avocat au client ou des instructions du client à l’avocat.

 

[61]           De l’avis du juge Doherty, l’existence du privilège du secret professionnel ne devrait pas dépendre de la notion de mandat; il convient plutôt d’adopter une approche fonctionnelle pour décider de son applicabilité. À cet égard, il écrit à la page 26 :

[traduction] Je partage l’avis de la Cour divisionnaire selon lequel l’applicabilité du privilège du secret professionnel de l’avocat aux communications mettant en cause une tierce partie ne devrait pas dépendre de la question de savoir si M. Bourret peut à juste titre être qualifié de mandataire suivant les principes du droit des mandats. Je crois que l’applicabilité du privilège aux communications mettant en cause une tierce partie devrait dépendre, lorsque le rôle de la tierce partie ne peut être défini comme une voie de communication entre l’avocat et le client, de la nature véritable du rôle confié à cette tierce partie par le client. Si la tierce partie a été engagée pour assurer un service essentiel à l’existence ou au bon fonctionnement de la relation entre le client et l’avocat, le privilège devrait protéger toutes les communications intervenues dans l’exercice de cette fonction qui répondent aux critères du privilège du secret professionnel de l’avocat.

 

   Le privilège du secret professionnel a pour objet de faciliter la sollicitation et la présentation de conseils juridiques. Si un client autorise une tierce partie à donner instructions à un avocat de représenter le client, ou si le client autorise la tierce partie à demander des conseils juridiques à l’avocat au nom du client, la tierce partie exerce alors une fonction qui est essentielle à la relation entre le client et l’avocat. Dans ces circonstances, il convient de considérer la tierce partie comme si elle était le client lui-même pour ce qui est des communications liées à cet aspect des fonctions qui lui ont été confiées.

 

 

[62]           Il est intéressant de remarquer qu’en établissant la distinction entre les fonctions essentielles et non essentielles, le juge Doherty effectue un retour à l’arrêt de principe Wheeler.

 

[63]           Appliquant cette démarche, la Cour, dans l’arrêt Chrusz, a conclu que l’expert en sinistres n’était pas autorisé à demander des conseils juridiques ni à donner des instructions relatives à des questions juridiques au nom de la compagnie d’assurance : son mandat n’intervenait pas dans la relation entre le client et l’avocat. Le rôle de l’expert consistait plutôt à informer l’avocat des circonstances entourant l’incendie, de façon à permettre à l’avocat de donner au client des conseils éclairés et à permettre à ce dernier de donner les instructions appropriées à son avocat quant aux démarches d’ordre juridique à entreprendre. Par conséquent, la correspondance et les communications entre l’expert en sinistres et l’avocat n’étaient pas privilégiées[7].

 

[64]           Dans l’arrêt College of Physicians of British Columbia c. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), [2002] B.C.J. no 2779, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a trouvé convaincante l’analyse du juge Doherty dans l’arrêt Chrusz et l’a adoptée pour décider si les opinions d’experts obtenues par l’avocat du Collège des médecins étaient protégées par le privilège des conseils juridiques.

 

[65]           Dans cette affaire, les experts avaient été engagés pour aider l’avocat à interpréter la preuve et à évaluer si la preuve étayait l’allégation selon laquelle un médecin avait hypnotisé une patiente. Après avoir appliqué la démarche fonctionnelle, la Cour a statué :

[traduction] Les experts n’ont pas été autorisés par le Collège à mandater l’avocate à prendre des mesures ni à lui demander des conseils juridiques. Ils ont été engagés, conformément aux instructions de l’avocate, pour fournir des renseignements et formuler des opinions quant au fondement médical de la plainte déposée par la demanderesse. Bien que l’opinion des experts ait été pertinente, voire indispensable, dans le cadre du problème juridique auquel faisait face le Collège, les experts n’ont jamais agi pour le compte du Collège en vue d’obtenir des conseils juridiques. Leurs services étaient accessoires à la sollicitation et à l’obtention de conseils juridiques.

 

 

[66]           La Cour a conclu que les opinions des experts ne bénéficiaient pas du privilège des conseils juridiques.

 

[67]           Dans ma revue de la jurisprudence, je me suis évidemment penchée sur l’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick Lamey (Litigation Guardian of) c. Rice (2000), 190 D.L.R. (4th) 486 (C.A.N.-B.). La Cour d’appel n’y fait pas mention de l’arrêt Chrusz. Après une brève analyse, elle a conclu que le rapport préparé par un expert en sinistres à la demande de l’avocat ainsi que la correspondance entre l’avocat et l’expert étaient protégés par le secret professionnel.

 

[68]           Après avoir examiné avec soin le raisonnement de la Cour dans cet arrêt, je souscris aux commentaires formulés au paragraphe 14.71.3 du supplément à la deuxième édition préparé par S. Lederman et A. Bryant, The Law of Evidence in Canada, LexisNexis Butterworths, 2004, selon lesquels l’interprétation la plus juste est celle exposée par le juge Doherty dans l’arrêt Chrusz.

 

[69]           Avant de conclure mes observations sur la doctrine et la jurisprudence, je commenterai brièvement les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale[8] invoquées par la défenderesse.

 

[70]           Dans l’arrêt Telus, le juge Linden devait décider si des parties retranchées d’une note de service étaient assujetties au secret professionnel de l’avocat. La Cour a examiné certaines décisions traitant de conseils juridiques communiqués à un client par l’intermédiaire d’un mandataire, et elle a évoqué la décision Susan Hosiery en rappelant que, dans cette affaire, « les communications entre deux comptables et un avocat ont été déclarées privilégiées au motif que le comptable consultait l’avocat pour le compte du client » (paragraphe 15).

 

[71]           La défenderesse a insisté sur le fait que le juge Linden a approuvé la décision du protonotaire Peppiatt dans Sunwell Engineering Co. et al. c. Mogilevski et al. (1986), 9 C.P.C. (3d) 479. Je vois mal en quoi cette décision appuie la position de la défenderesse; en effet, il appert clairement que dans Sunwell, les communications entre l’agent de brevets et le client à l’égard desquelles le privilège était invoqué se résumaient à la transmission et à la reformulation de l’avis juridique que l’agent de brevets avait obtenu de l’avocat pour le compte de son client. Une fois de plus, ce cas mettait en cause un simple intermédiaire, à l’instar de la situation que devait trancher la Cour d’appel dans l’arrêt Telus, précité.

 

[72]            La défenderesse poursuit en disant que le juge Gibson, dans la décision Interprovincial Pipe-Line Inc., précitée, a convenu que le privilège du secret professionnel de l’avocat s’étend « aux avis fournis par des professionnels dont les services ont été retenus par un avocat externe dans le cadre de la préparation d’un avis juridique destiné à son client » (à la page 383).

 

[73]           Il est vrai que le juge, dans ses motifs, a décrit en ces mots le privilège du secret professionnel mais, ce faisant, il ne faisait que répéter le principe tel que les parties l’avaient formulé devant lui. Il a indiqué clairement que cet énoncé du droit n’était pas contesté. En conséquence, il n’a pas procédé à l’analyse de la jurisprudence sur cet aspect de la question. La décision ne contient pas suffisamment de détails pour que je puisse conclure sans l’ombre d’un doute que, dans la décision Interprovincial Pipe-Line Inc., la société comptable Price Waterhouse n’était pas une tierce partie dont le rôle répondait aux critères établis dans les arrêts Chrusz et Susan Hosiery.

 

[74]           Mon propre examen de la jurisprudence m’amène à conclure que l’énoncé de droit proposé par les parties à la Cour dans Interprovincial Pipe-Line Inc. était inexact s’il était censé s’appliquer à des situations dans lesquelles aucune poursuite n’était en cours ou n’était envisagée.

 

[75]           La défenderesse a ensuite invoqué la décision Alliance Communications, précitée, soulignant le paragraphe 21, dans lequel la juge Heneghan écrit : 

 

Il appert de la jurisprudence qu’il existe deux types distincts de privilège des communications entre client et avocat : le privilège des communications liées à une instance et le privilège des conseils juridiques. Le premier protège toutes les communications échangées entre l’avocat, le client ou des tiers dans le cadre d’une instance qui est en cours ou qui est envisagée, tandis que le second protège toutes les communications qui sont échangées entre un avocat et un client ou des tiers et qui concernent directement la demande, la formulation ou la présentation de conseils juridiques.

                                                            (Non souligné dans l’original.)

 

[76]           Encore une fois, la décision offre peu de détails quant aux fonctions précises exercées par la tierce partie dont les communications font l’objet de la requête et quant au rôle qui lui avait été confié. Après un examen minutieux de cette décision, je ne suis pas disposée à dire que la juge Heneghan a voulu étendre la portée du droit existant avant sa décision, tel qu’il a été défini dans les arrêts Susan Hosiery et Chrusz, auxquels elle se réfère.

 

[77]           Quoi qu’il en soit, la juge Heneghan s’est à nouveau prononcée sur cette question dans la décision Belgravia Investments Ltd. c. Canada, [2002] A.C.F. no 870. Dans cette affaire, l’ADRC exigeait la transmission de documents concernant des investissements effectués par Belgravia, et la société contribuable revendiquait le privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard de certains d’entre eux. Ces documents consistaient essentiellement en des communications adressées par Belgravia à ses conseillers – tant juridiques que non juridiques – et en des échanges de documents entre le conseiller juridique et les autres conseillers professionnels, principalement les comptables. 

 

[78]           La juge Heneghan passe en revue les principes généraux applicables ainsi que diverses décisions, notamment Susan Hosiery et Chrusz, afin de décider s’il existe des limites à l’application du privilège du secret professionnel de l’avocat à des communications avec des professionnels qui ne sont pas avocats ou avec des tiers. La juge conclut aux paragraphes 49 et 50 :

Les tribunaux se sont interrogés sur les limites du privilège du secret professionnel de l’avocat dans le cas des professionnels qui ne sont pas avocats. Le principe général veut que les communications, déclarations et autres documents préparés par des tiers pour le compte d’un avocat ne soient assujettis au privilège que lorsque ces documents sont préparés en prévision d’un procès [...]

 

Les pièces comptables ne donnent lieu au privilège que si le client se sert de l’expert-comptable comme représentant pour obtenir des conseils juridiques [...] Lorsque la communication est faite à un mandataire tel qu’un expert-comptable qui doit l’examiner et donner son avis personnel, aucun privilège ne joue. Lorsqu’un document est créé par un avocat qui a été consulté par l’avocat du client lui-même relativement aux affaires de ce client, le principe général veut que ce type de document soit lui aussi protégé [...]

(Non souligné dans l’original.)

 

[79]           Si la position de la juge Heneghan dans Alliance Communications était ambiguë, elle a certes clarifié son opinion dans la décision Belgravia. Je ne vois rien dans son résumé du droit applicable qui diffère de ma propre compréhension de la jurisprudence[9].

[80]           Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que dans le contexte de l’espèce, le dossier de Welton Parent, y compris ses rapports, notes, ébauches et communications avec les avocats des contribuables non désignés nommément, n’est pas compris dans la classe de documents protégés par le privilège du secret professionnel du seul fait que ces avocats ont eu recours aux avis formulés par la défenderesse pour conseiller leur client.

 

[81]           Dès lors, la seule question qu’il reste à résoudre en l’espèce est celle de savoir si le nom des employeurs est protégé par le secret professionnel de l’avocat.

 

 

2)         Le nom des employeurs

 

[82]           Le problème que pose la divulgation du nom des employeurs en l’espèce, tel que je le comprends, découle de ce que, dans les circonstances très particulières de la présente affaire, la divulgation de ces noms aurait pour effet de révéler non seulement le fait que ces employeurs ont demandé des conseils juridiques précisément à ces avocats, mais aussi la nature et la teneur même des conseils formulés par les avocats à l’intention de ces employeurs concernant les régimes d’assurance collective en cause.

 

[83]           Avant d’analyser les circonstances particulières sur lesquelles la défenderesse appuie sa position, j’examinerai rapidement les principes applicables.

 

[84]           En premier lieu, il est concédé que, comme l’a observé la juge Arbour au paragraphe 28 de l’arrêt Lavallee, « [l]e nom de celui-ci [le client] peut fort bien être protégé par le secret professionnel de l’avocat, bien que cela ne soit pas toujours le cas ».

 

[85]           Ces paroles de la juge Arbour font écho aux préoccupations exprimées par le juge Côté de la Cour d’appel de l’Alberta, qui, dans la même affaire ((2000), 184 D.L.R. (4th) 25), a déclaré au paragraphe 56 : 

[traduction]  Le fait même qu’un certain client ait consulté un avocat spécialisé dans un domaine précis peut constituer un renseignement très délicat et révéler indirectement des secrets importants, comme l’objet pour lequel la consultation juridique a été sollicitée : Dorchak c. Krupka (1997), 196 A.R. 81, à la page 90 (C.A.).

 

 

[86]           La juge Veit de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta s’était auparavant exprimée en ces termes, statuant sur la même affaire ((1998), 160 D.L.R. (4th) 508, à la page 525) :

[traduction] [...] dans certaines situations, il peut être d’une importance capitale pour un client d’être certain de ce que personne ne saura qu’il ou elle a consulté un avocat qui s’occupe de divorces, un avocat spécialisé dans les recours en matière de stérilisation ou dans les recours intentés pour le compte de personnes ayant contracté le sida par transfusion sanguine ou un avocat qui défend des personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies. 

 

 

[87]           Le raisonnement à cet égard est exactement le même que celui adopté pour protéger d’autres genres de renseignements dont la divulgation révélerait la nature des conseils juridiques confidentiels donnés (voir l’arrêt Maranda c. Richer, [2003] 3 R.C.S. 193, au paragraphe 22, en ce qui a trait aux renseignements de nature administrative). Ce raisonnement n’est pas nouveau et il a été appliqué dans le contexte de l’impôt sur le revenu (à l’égard de la vérification des déclarations fiscales d’un avocat) il y a plus de quarante ans dans la décision Re Solicitor (1962), 36 D.L.R. (2d) 594 (BCSC), conf. par (1964), 45 D.L.R. (2d) 134, autorisation de pourvoi refusée, [1965] R.C.S. 84. Dans cette décision, la Cour a jugé que le ministre du Revenu national n’est pas habilité à avoir recours à ses pouvoirs coercitifs pour forcer un avocat à divulguer le nom de ses clients, étant donné que ces derniers ont le droit de garder secret et privilégié le fait même qu’ils ont demandé des conseils juridiques.

 

[88]           Dans l’arrêt Legal Services Society  c. British Columbia (Information and Privacy Commissioner) (2003), 226 D.L.R. (4th) 20 (C.A. B.-C.), la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique devait décider si un journaliste devait être autorisé à obtenir le nom des cinq avocats dont la facturation pour des clients de l’aide juridique était la plus élevée. La Cour a jugé que le nom de ces avocats ne pouvait pas être divulgué, parce qu’un journaliste diligent pourrait, à l’aide de ces renseignements, déduire l’identité de clients précis jugés admissibles à l’aide juridique (paragraphes 37 et 38). La Cour a expliqué qu’il faut conserver le privilège comme un droit aussi absolu que possible et qu’en conséquence, il importe d’en fixer les limites de manière à le protéger (paragraphe 40).

 

[89]           Par conséquent, le nom et les coordonnées d’un client seront protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat comme tout autre renseignement transmis confidentiellement par un client à son avocat en vue d’obtenir un conseil juridique, si les circonstances de l’espèce sont telles que le fait de les divulguer révélerait l’objet et la teneur de la consultation juridique.

 

[90]           Le ministre n’a contesté la position de la défenderesse quant à l’état du droit à cet égard ni dans son mémoire ni à l’audience.

 

[91]           De fait, le demandeur, dans son mémoire, n’a présenté aucun commentaire précis quant à la divulgation du nom des employeurs. Lorsqu’il a été prié, à l’audience, de clarifier sa position sur cette question, il a invité la Cour à se référer au paragraphe 38 de ses observations écrites, où il se limite à déclarer que, de toute manière, tout n’est pas privilégié dans la relation entre client et avocat, et aux paragraphes 44 à 47 du même document, dans lesquels le ministre se dit d’avis que même si les renseignements exigés étaient privilégiés, il y a eu renonciation au privilège du fait de la transmission volontaire de ces renseignements à des tiers, en l’occurrence les fiduciaires ou dépositaires des divers régimes ainsi que Welton Parent[10].

 

[92]           Il est intéressant de remarquer que le demandeur n’a pas soutenu, à l’audience, que les noms qu’il exigeait étaient simplement ceux des clients de Welton Parent plutôt que ceux des avocats d’Ottawa. Cet état de fait trouve probablement son explication dans le témoignage de M. Rivet, qui a lui-même reconnu au cours de son contre-interrogatoire que, bien que la demande ait été envoyée à Welton Parent, le ministère cherchait en réalité à obtenir indirectement le nom des clients des avocats d’Ottawa (dossier de requête, volume 5, pages 713 et 714, questions 237 à 240).

[93]           Étant donné que Welton Parent a travaillé uniquement sur les régimes établis par les trois avocats d’Ottawa et qu’elle n’a jamais communiqué qu’avec ceux-ci, la Cour est convaincue de ce que la demande péremptoire visait bel et bien à obtenir le nom des clients de ces avocats.

[94]           Ce qui est particulièrement préoccupant en l’espèce, comme c’était le cas pour la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Legal Services Society (paragraphe 22) et pour le juge LeBel qui s’exprimait au nom de la majorité dans l’arrêt Maranda (paragraphe 24), est le fait qu’il est peu douteux, à mon avis, que si Welton Parent doit divulguer des renseignements en apparence neutres (le nom des différents employeurs), que ce soit dans une liste séparée ou comme partie intégrante des documents échangés avec les avocats, un enquêteur intelligent et diligent de l’ADRC sera en mesure d’établir la nature des conseils juridiques donnés à chacun de ces employeurs. 

[95]           Bien que M. Rivet ait indiqué dans son témoignage que les copies des avis juridiques en sa possession ne font état d’aucun montant, la Cour est convaincue que les copies des avis juridiques que détient l’ADRC révèlent la nature et, en grande partie, la teneur des conseils juridiques rendus par ces avocats[11].

[96]           Il s’agit en l’espèce d’un cas exceptionnel, qui déborde largement les préoccupations exprimées par le juge Coté et par la juge Veit dans les décisions relatives à l’affaire Lavallee.

[97]           Quant à Hari S. Nesathurai, la Cour estime que, même si l’ADRC ne détenait aucun exemplaire de son avis juridique avant le dépôt de la présente requête (moment sur lequel la Cour doit concentrer son analyse), l’ADRC trouvera dans le dossier de Welton Parent suffisamment de renseignements pour identifier précisément, là encore, la nature des services rendus et du conseil juridique donné par l’avocat.

[98]           Comme l’a fait remarquer le tribunal dans la décision Re Solicitor, la common law avait déjà établi, en 1675, que [traduction] « le bénéfice du doute devrait toujours favoriser le respect du privilège du secret professionnel de l’avocat » (page 599).

[99]           En conséquence, la Cour doit décider si les employeurs non désignés nommément ont renoncé au privilège qui protège la nature et la teneur des conseils juridiques qu’ils ont demandés aux trois avocats d’Ottawa du fait que leur nom a été délibérément transmis par leur avocat à Welton Parent et aux fiduciaires ou dépositaires des régimes.

[100]       Tant dans ses observations que dans la preuve qu’elle a présentée, Welton Parent fait valoir que le privilège du secret professionnel de l’avocat appartient au client et que seul ce dernier peut y renoncer en donnant son consentement éclairé (la juge Arbour au paragraphe 39 de l’arrêt Lavallee et le juge Major au paragraphe 37 de l’arrêt R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445).

[101]       Étant donné que la nature du privilège des conseils juridiques est si fondamentale que la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 36 de l’arrêt Lavallee, que le privilège doit demeurer aussi absolu que possible, la Cour convient qu’il ne devrait pas être supprimé à la légère.

[102]       La Cour est consciente de ce que l’intention d’un client de renoncer à ses droits n’est pas toujours déterminante puisque, comme le mentionnent les auteurs J. Sopinka, S. Lederman et A. Bryant dans The Law of Evidence in Canada, deuxième édition, Toronto et Vancouver, Butterworths, 1999, au paragraphe 14.96, page 756, d’autres facteurs particuliers au système adversatif, comme l’équité envers la partie adverse et la cohérence des positions, peuvent entrer en ligne de compte. Cependant, la Cour en l’espèce ne relève la présence d’aucun de ces facteurs. 

[103]       En principe, les éléments essentiels d’une renonciation à un droit (comme un délai de prescription ou des droits contractuels) comprennent l’intention consciente de renoncer à ce droit (voir Saskatchewan River Bungalows Ltd. c. La Maritime, Compagnie d’assurance-vie, [1994] 2 R.C.S. 490, aux paragraphes 19 et 20).

[104]       La Cour ne devrait déroger aux principes généraux qui s’appliquent à la renonciation à d’autres genres de droits qu’en cas de nécessité absolue.

[105]       À mon avis, la nature fondamentale du privilège explique la réticence actuelle grandissante des tribunaux à conclure à la renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat, et plus particulièrement au privilège des conseils juridiques. Cette caractéristique peut aussi expliquer la naissance de concepts comme le privilège de l’intérêt commun et les renonciations limitées. L’exemple le plus récent est la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans Philip Services Corp. (Receiver of) c. Ontario Securities Commission, [2005] O.J. no 4418.

[106]       Les avocats d’Ottawa prétendent que la divulgation aux fiduciaires et dépositaires des plans et à Welton Parent visait une fin limitée, ayant pour objectif unique l’établissement et/ou la mise en place des régimes. Dans leurs affidavits, ils affirment que leurs clients ne leur ont donné aucune autorisation de renoncer au privilège si ce n’est dans ce but limité, et que ni eux ni leurs clients n’ont autorisé Welton Parent à y renoncer.

[107]       La défenderesse invoque aussi le « privilège de l’intérêt commun ». Ce privilège s’applique aux renseignements échangés entre les parties à une transaction commerciale et fait en sorte qu’il ne résulte de cet échange, à l’endroit de tiers, aucune renonciation au privilège ni perte de ce privilège.

[108]       Suivant le témoignage de Hari S. Nesathurai, le fiduciaire ou dépositaire d’une fiducie établie à des fins limitées, comme celles créées pour les régimes en cause, doit savoir de qui il reçoit l’argent parce que la réglementation relative à la lutte contre le recyclage de l’argent impose la divulgation de ce renseignement. Cette explication est tout à fait logique, et le demandeur n’a présenté aucune preuve démontrant que les régimes pouvaient être établis sans que les noms des employeurs qui les ont financés ne soient en aucun cas divulgués.

[109]       À l’audience, le demandeur a aussi soutenu que la Cour devrait tenir compte du fait que ce renseignement était ou pouvait être communiqué également à toute personne associée au régime, comme les employés, les personnes assurant l’application des régimes, etc. Cependant, le demandeur n’a fait état ni dans son mémoire ni à l’audience d’aucun élément de preuve précis qui permette de penser que la communication du nom de l’employeur à ces personnes était suffisante pour permettre à celles-ci de savoir que ces employeurs avaient retenu les services des avocats d’Ottawa pour obtenir un conseil juridique quant à l’assujettissement à l’impôt de leur cotisation ou de connaître la teneur du conseil juridique présenté à cet égard.

[110]       Il n’existe guère de preuve quant à la façon dont le fiduciaire ou le dépositaire a traité ce renseignement[12], et aucun élément de preuve ne permet de savoir si quelque autre personne à qui le nom a été ou pourrait être divulgué serait en mesure de connaître et de vérifier le nom de l’avocat représentant cet employeur ou la nature et la teneur de l’avis juridique qu’il a donné.

[111]       Même s’il y a lieu de penser que Welton Parent pourrait faire un rapport d’évaluation sans connaître le nom des employeurs, il est manifeste que lorsque les avocats, Mes Sanders et Johnston, ont transmis l’information, ils étaient convaincus que cette transmission n’entraînait pas renonciation au privilège de leurs clients respectifs quant à la nature et au contenu du conseil juridique que ces derniers avaient sollicité. Ils avaient tort à cet égard, mais du moins cette situation montre‑t‑elle qu’ils n’ont pas transmis l’information en croyant que leurs clients les avaient expressément ou implicitement autorisés à renoncer à leur privilège.

[112]       De l’avis de la Cour, il était clair pour Welton Parent qu’elle devait préserver le caractère confidentiel et privilégié des renseignements qui lui étaient transmis (entretiens avec les avocats, avis de privilège sur les courriels, etc.). 

[113]       Dans les circonstances de l’espèce, la Cour n’est pas prête à déduire que les clients ont implicitement autorisé leur avocat à renoncer au privilège rattaché à la nature et au contenu de leurs conseils juridiques lorsqu’ils ont autorisé leur avocat à obtenir un rapport actuariel de Welton Parent.

[114]       La Cour n’est pas convaincue que les contribuables non désignés nommément ont renoncé au privilège qui protège le fait qu’ils ont demandé des conseils juridiques relativement aux régimes en cause ainsi que la nature et la teneur des conseils juridiques rendus.

[115]       Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que le nom des employeurs, dans le cas très exceptionnel qui nous occupe, est effectivement protégé par le privilège du secret professionnel de l’avocat.

[116]       En conséquence, à moins que la Cour n’invalide les dispositions contestées de la LIR, l’ordonnance devra être modifiée pour soustraire des renseignements exigibles le nom des employeurs ainsi que toute référence à ces noms ou aux coordonnées de ces employeurs dans les documents que renferme le dossier de Welton Parent[13].

 

C- Les paragraphes 231.2(3), (5) et (6) et l’article 232 de la Loi de l’impôt sur le revenu portent-ils atteinte de manière injustifiable à l’article 8 de la Charte?

 

[117]       Bien que l’avis de requête fasse référence à l’article 7 de la Charte, la défenderesse a confirmé à l’audience que la Cour devrait n’examiner la validité des dispositions contestées qu’au regard de l’article 8 de la Charte. Les parties ont limité leurs observations à l’article 8.

[118]       S’appuyant sur le raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Lavallee, Welton Parent soutient que les paragraphes 231.2(3), (5) et (6) de la LIR sont inconstitutionnels parce qu’ils ne prévoient pas qu’une demande péremptoire puisse être annulée par la Cour au motif qu’elle porte atteinte au secret professionnel de l’avocat.

[119]       La défenderesse prétend aussi que l’article 232 de la LIR est inconstitutionnel parce qu’il admet la perte du privilège sans que le client en ait connaissance ou ait consenti, attaquant de ce fait considérablement leur privilège, contrairement, là encore, aux préceptes de l’arrêt Lavallee

 

[120]       Il est évident qu’en l’espèce, l’article 232 de la LIR ne s’applique pas directement. Aucune demande péremptoire n’a été envoyée à un avocat, aucun document en la possession d’un avocat n’est sur le point d’être saisi et aucun avocat n’est poursuivi pour avoir omis d’obtempérer à une demande péremptoire.

 

[121]       Néanmoins, Welton Parent plaide que la Cour devrait se pencher sur la constitutionnalité de cette disposition parce que celle-ci est indirectement en cause. La défenderesse soutient que le ministre a tenté de contourner le privilège du secret professionnel de l’avocat en adressant la demande péremptoire à Welton Parent plutôt qu’aux avocats d’Ottawa. Elle ajoute que le ministre pourrait convenir que le mécanisme prévu à l’article 232 s’applique puisque, en signifiant la demande péremptoire à Welton Parent, le ministre le signifiait en réalité à ses mandants, les avocats d’Ottawa (voir les paragraphes 190 et 191 des observations écrites de la défenderesse, à la page 1439 de son dossier de requête).

 

[122]       Toutefois, le ministre n’a pas prétendu que la validité constitutionnelle du paragraphe 231.2(3) découle de ce qu’il est complété par la procédure établie à l’article 232. Le ministre soutient que les paragraphes 231.2(3), (5) et (6) sont indépendants et offrent au juge qui décide de l’autorisation ainsi qu’au juge qui procède au réexamen une souplesse suffisante pour garantir leur validité.

 

[123]       La Cour conclut que l’article 232 n’est pas en cause dans le cas présent et qu’il serait en conséquence inapproprié d’examiner la validité constitutionnelle de cette disposition ou de faire des remarques à cet égard.

 

[124]       De toute évidence, cette conclusion complique la tâche de la défenderesse, parce que dans l’arrêt Lavallee, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel l’article 488.1 du Code criminel, qui portait uniquement sur les perquisitions et la saisie de documents en la possession d’un avocat et qui édictait une procédure en grande partie semblable à la procédure prévue à l’article 232 de la LIR. L’intimé, dans cette affaire, avait donc axé ses observations sur cette disposition.

[125]       Comme l’article 487 du Code criminel, qui traite de la délivrance des mandats de perquisition en général, le paragraphe 231.2(3) s’applique à la délivrance des demandes péremptoires de fourniture de renseignements ou de production de documents qui concernent les contribuables non désignés nommément en général.

[126]       La validité de l’article 487 a été confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Piersanti & Co., [2003] O.J. no 23, et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique en a également traité dans l’arrêt Festing c. Canada (A.G.) (2003), 172 C.C.C. (3d) 321. La Cour suprême du Canada n’a pas examiné la validité de cette disposition, si ce n’est lorsqu’elle a rejeté la demande d’autorisation de pourvoi contre l’arrêt Piersanti (R. c. Piersanti & Co., [2003] C.S.C.R. no 105). Je reviendrai sur ces décisions plus tard.

[127]       Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Lavallee ont suivi l’approche établie dans l’arrêt R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128, où le juge Cory a déclaré :

Dans toute attaque fondée sur l’art. 8, il faut répondre à deux questions distinctes. La première est de savoir si l’accusé pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée. La seconde est de savoir si la perquisition constituait une atteinte abusive à ce droit à la vie privée.

 

 

[128]       C’est l’approche que je suivrai.

 

[129]       Le ministre fait valoir que dans l’arrêt R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] A.C.S. no 25, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la constitutionnalité de la disposition qui a précédé le paragraphe 231.2(3) et a distingué l’enquête relative à la conduite criminelle des mesures assurant le respect de la LIR. Au paragraphe 35, la Cour a exposé :

 

À mon sens, le par. 231(3) prescrit la méthode la moins envahissante pour contrôler efficacement le respect de la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle n’entraîne pas la visite du domicile ni des locaux commerciaux du contribuable, elle exige simplement la production de documents qui peuvent être utiles au dépôt des déclarations d’impôt sur le revenu. Le droit du contribuable à la protection de sa vie privée à l’égard de ces documents est relativement faible vis-à-vis le Ministre. Ce dernier est absolument incapable de savoir si certains documents sont utiles avant d’avoir eu la possibilité de les examiner. En même temps, le droit du contribuable à la protection de sa vie privée est garanti autant qu’il est possible de le faire puisque l’art. 241 de la Loi interdit la communication de ses documents et des renseignements qu’ils contiennent à d’autres personnes ou organismes.

 

[130]       La Cour a ensuite conclu que l’envoi d’une demande exigeant la production de documents ne violait pas l’article 8 de la Charte lorsque les renseignements demandés étaient requis pour assurer le respect de la LIR.

 

[131]       Plus récemment, dans l’arrêt Bisaillon c. Canada, [1999] A.C.F. no 1477 (C.A.F.) (QL), la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument selon lequel une demande exigeant la fourniture de renseignements ou la production de documents contrevient aux articles 7 et 8 de la Charte. Le juge Létourneau a résumé les principes énoncés dans l’arrêt McKinlay et a conclu que ces principes étaient encore applicables. Il écrit au paragraphe 3 :

 

De fait, l’arrêt McKinlay Transport Ltd. [...] de la Cour suprême du Canada s’applique en l’espèce et dispose des arguments constitutionnels soulevés par les appelants. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que :

 

a)

 

la Loi est essentiellement une mesure de réglementation;

 

b)

 

le paragraphe 231(3) (qui est l’ancêtre du paragraphe 231.2(1)) ne constitue pas du droit criminel ou quasi criminel;

 

c)

 

l’application de ce paragraphe constitue une saisie puisqu’elle viole les attentes du citoyen en matière de protection de la vie privée;

 

d)

 

seules les saisies déraisonnables contreviennent à l’article 8 de la Charte des droits et libertés;

 

e)

 

la saisie en matière administrative et de réglementation doit être distinguée de la saisie en matière criminelle ou quasi criminelle;

 

f)

 

le Ministre du Revenu doit, dans un système d’impôt fondé sur le principe de l’auto-déclaration et de l’auto-cotisation, pouvoir disposer de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et d’examen des documents qui ont pu servir à préparer ces déclarations;

 

g)

 

le Ministre du Revenu doit être capable d’exercer ces pouvoirs, qu’il ait ou non des motifs raisonnables de croire qu’un certain contribuable a violé la Loi;

 

h)

 

le paragraphe 231(3) prescrit la méthode la moins envahissante pour contrôler efficacement le respect de la Loi; et

 

i)

 

le droit du contribuable à la protection de sa vie privée en rapport avec les documents qui peuvent être utiles aux déclarations d’impôt sur le revenu est relativement faible vis‑à‑vis le Ministre.

 

 

À notre avis, n’est pas sérieuse la prétention des appelants qu’une demande de production de documents ou de renseignements, comme celle en cause, viole les exigences constitutionnelles des articles 7 et 8 de la Charte lorsque cette demande est faite dans le cadre d’une véritable enquête administrative visant à permettre le recouvrement des sommes dues et a pour but réel de recueillir de l’information à cet effet. Elle ne peut, bien sûr, être utilisée sous de faux atours dans le but détourné d’obtenir des informations à des fins de poursuites criminelles. 

 

 

[132]       Cela ne signifie pas, toutefois, que même dans le cadre de mesures visant à assurer l’application de la LIR, le contribuable ne peut avoir que de faibles attentes quant à la protection de sa vie privée à l’égard de documents ou de renseignements protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat. Les arrêts Bisaillon et McKinlay n’ont pas abordé cette question.

 

[133]       Dans l’arrêt Lavallee, la Cour suprême a déclaré que l’attente relative à la protection de la vie privée est du plus haut niveau lorsque le privilège du secret professionnel de l’avocat est en jeu. Même si la Cour doit adopter une approche contextuelle envers cette question, je ne vois pas pourquoi l’attente du contribuable quant au respect du caractère privé de conseils juridiques qu’il a sollicités serait moindre du seul fait que le contexte concerne les mesures d’application de la LIR.

 

[134]        On n’a fait référence à aucun arrêt postérieur à la décision Re Solicitor qui indiquerait que le privilège du secret professionnel de l’avocat ne bénéficie pas du même degré de protection dans le domaine de l’impôt sur le revenu que dans n’importe quel autre domaine. Quiconque s’arrête au libellé de l’alinéa 231.7(1)b), par exemple, conclura que le législateur n’avait pas l’intention de diminuer l’attente des contribuables à cet égard.

 

[135]       J’estime que la déclaration de la juge Arbour dans l’arrêt Lavallee quant à l’attente relative au respect du caractère privé des renseignements protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat s’applique en l’espèce.

 

[136]       Quant à la deuxième question à laquelle il faut répondre, le seul argument soulevé par la défenderesse pour étayer sa position selon laquelle le paragraphe 231.2(3) constitue une atteinte abusive au droit à la vie privée quant aux renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat, est que le paragraphe 231.2(6) ne donne pas la possibilité à la Cour d’annuler son ordonnance autorisant l’envoi d’une demande péremptoire de fourniture de renseignements ou de documents si les conditions énoncées au paragraphe 231.2(3) sont réunies.

 

[137]       Selon la défenderesse, il est important de tenir compte aussi de ce que toute personne qui n’obtempère pas à une demande péremptoire faisant suite à une autorisation judiciaire en application du paragraphe 231.2(3) commet une infraction et encourt un emprisonnement maximal de douze mois ou une amende maximale de 25 000 $ ou les deux (paragraphe 238(1) de la LIR). En l’espèce, l’avis avertissait la défenderesse en toutes lettres de ce qu’elle encourait une peine d’emprisonnement ou une amende si elle ne se conformait pas à la demande dans un délai de 30 jours. 

[138]       Le demandeur fait remarquer qu’en vertu du paragraphe 231.2(3), le juge qui accorde l’autorisation a discrétion pour imposer les modalités d’application ou les conditions qu’il ou elle juge appropriées, y compris toute mesure visant à protéger le privilège du secret professionnel de l’avocat. En l’espèce, dit-il, la Cour a de fait réfléchi à la question avant d’accorder l’autorisation et aurait pu assortir l’autorisation de conditions.

[139]       De surcroît, lorsque le privilège du secret professionnel de l’avocat est soulevé ou devient un problème, un juge peut réviser l’autorisation, la modifier et exempter de divulgation les renseignements ou documents qui bénéficient du privilège. Le demandeur souligne qu’en vertu du paragraphe 231.2(5), aucun document n’est remis au demandeur avant qu’un juge n’ait révisé le dossier pour trancher cette question. Selon lui, la présente requête illustre qu’il est possible d’obtenir une décision relativement à cette question sans dévoiler le nom des clients qui se réclament du privilège et sans porter quelque atteinte à ce privilège. L’article 231.7 prévoit en outre que le juge ne peut rendre une ordonnance permettant d’exiger la fourniture de renseignements ou de documents à moins d’être convaincu, notamment, que les renseignements et documents que le ministre cherche à obtenir ne sont pas privilégiés.

[140]       À l’époque où la Cour suprême du Canada a entendu l’affaire Lavallee, elle était aussi saisie de deux autres cas mettant en cause la validité de l’article 488.1 du Code criminel. L’un de ces cas était l’affaire Festing c. Canada (2001), 159 C.C.C. (3d) 97, dans laquelle la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avait invalidé l’article 488.1. La partie de l’arrêt de la Cour d’appel traitant de cette question a été confirmée par la Cour suprême.

[141]       Cependant, la Cour d’appel, dans Festing, avait aussi conclu que l’article 487 du Code criminel serait inconstitutionnel dans la mesure où il visait des perquisitions dans les cabinets d’avocats et qu’il fallait interpréter l’introduction de cette disposition comme si les mots [traduction] « autre qu’un bureau d’avocats » la complétaient. Le pourvoi devant la Cour suprême ne portait pas sur cette partie de l’arrêt, et la Cour d’appel avait ordonné la suspension des effets de son jugement à cet égard jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce sur la validité de l’article 488.1. Dans l’arrêt faisant suite au renvoi dans cette affaire, Festing c. Canada (A.G.) (2003), 172 C.C.C. (3d) 321, la Cour d’appel a annulé son ordonnance déclarant l’article 487 inconstitutionnel et a simplement élargi la définition de « bureau d’avocats », pour l’application des lignes directrices établies dans l’arrêt Lavallee, à tout lieu où il est raisonnable de penser que pourraient se trouver des documents privilégiés.

[142]       À peu près à la même époque, la Cour d’appel de l’Ontario (la formation comprenait les juges Weiler, Abella et Charron) devait examiner une question semblable dans l’affaire Piersanti & Co.[14]. Dans ce dossier, Piersanti & Co. avait interjeté appel du rejet de sa demande pour l’obtention d’une ordonnance annulant un mandat de perquisition et déclarant l’article 487 inconstitutionnel dans la mesure où il autorisait la perquisition de bureaux d’avocats et la saisie de documents s’y trouvant. Au paragraphe 3 de l’arrêt unanime de la Cour, celle-ci a marqué son accord avec la position du juge des requêtes selon laquelle le raisonnement tenu par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Festing de 2001 ne devrait pas être suivi, compte tenu de l’arrêt que venait de rendre la Cour suprême du Canada dans l’affaire Lavallee. La Cour d’appel de l’Ontario a plutôt jugé qu’il est possible de respecter les impératifs constitutionnels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat en appliquant les principes de common law relatifs à la délivrance des mandats de perquisition.

[143]       S’il a été jugé que les lignes directrices de la common law énoncées dans l’arrêt Lavallee constituent une garantie suffisante contre les perquisitions abusives dans le domaine des poursuites criminelles et de la délivrance de mandats de perquisition décernés en vertu de l’article 487, il est difficile d’imaginer pourquoi elles ne suffiraient pas à appuyer la validité d’une procédure beaucoup moins envahissante dans un contexte administratif ou réglementaire. Les lignes directrices sont reproduites à l’annexe 2 des présents motifs.

[144]       Il n’y a pas de raison pour que les lignes directrices de Lavallee ne puissent pas s’appliquer à un mandat de perquisition décerné en vertu de la LIR (article 232). De même, il n’y a pas de raison de penser que ces lignes directrices, adaptées aux circonstances, ne pourraient pas trouver application dans le contexte d’une demande péremptoire de renseignements ou de documents subséquente à une autorisation accordée en vertu du paragraphe 231.2(3). Comme je l’ai précisé, ces lignes directrices devraient être adaptées; les parties n’ont pas contesté cette assertion. Par exemple, puisque cette disposition traite de contribuables non désignés nommément, le ministre ne pourrait tout simplement pas communiquer avec ces contribuables ni leur donner avis.

[145]       Si l’on applique les lignes directrices énoncées dans Lavallee, aucune autorisation ne sera accordée relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.

[146]       De plus, aucune autorisation ne sera accordée sans qu’il soit fait référence aux lignes directrices dans les cas où l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la documentation requise puisse comprendre des renseignements ou des documents privilégiés ou susceptibles de l’être (arrêt Festing (2003)).

 

[147]       Comme je l’expliquerai plus loin dans ces motifs, si j’avais été au courant de tous les faits connus du demandeur lorsque celui-ci a sollicité l’autorisation ex parte, je n’aurais pas autorisé l’envoi d’une demande péremptoire à moins qu’elle n’ait comporté la précision que Welton Parent n’était pas tenue de divulguer des renseignements ou documents protégés par le secret professionnel de l’avocat et un avis portant que la destinataire devait examiner cette question adéquatement avec ses clients ou ses avocats avant de transmettre quelque renseignement ou document à l’ADRC.

 

[148]       Lorsqu’on examine le paragraphe 231.2(3) à la lumière du régime prévu aux articles 231.1 à 231.7 et à l’article 232, il est évident que le législateur entendait que la Cour prenne les mesures nécessaires pour protéger le secret professionnel de l’avocat. 

[149]       La Cour est aussi convaincue qu’une personne ne peut se voir imposer les sanctions prévues à l’article 238 de la LIR si elle démontre qu’elle ne pouvait obtempérer à la demande péremptoire parce que les renseignements ou documents exigés bénéficiaient du privilège du secret professionnel de l’avocat. L’article 232 ne s’appliquant pas, Welton Parent n’était pas tenue de dévoiler l’identité de la personne au nom de laquelle elle revendiquait le privilège du secret professionnel (R. c. McNeney (1984), 11 C.C.C. (3d) 557). De plus, la Cour partage l’avis du demandeur selon lequel la présente instance illustre bien que Welton Parent et ses clients non désignés nommément peuvent faire valoir leur privilège dans le cadre du régime existant sans devoir dévoiler l’identité de ces derniers.

 

[150]       Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que les paragraphes 231.2(3), (5) et (6) ne portent pas une atteinte injustifiée à l’article 8 de la Charte

 

[151]       Cette conclusion ne signifie pas que la demande péremptoire qui a été envoyée à Welton Parent et qui ne comportait aucune mise en garde ni précaution spéciale quant au privilège du secret professionnel de l’avocat ne constitue pas une perquisition abusive.

 

[152]       J’examinerai cette question, au besoin, en même temps que le dernier argument soulevé, qui concerne la validité de la demande péremptoire et de l’ordonnance ex parte, et au moment d’exercer le pouvoir discrétionnaire que me reconnaît le paragraphe 231.2(6) de la LIR.

 

C- Manquement au devoir de faire une divulgation complète et sincère

 

[153]       Il n’est pas contesté que le demandeur avait le devoir de faire une divulgation complète et sincère, marquée de la bonne foi la plus absolue, dans le cadre de sa demande d’autorisation à la Cour en vertu du paragraphe 231.2(3). 

[154]       Dans l’arrêt R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, au paragraphe 47, la Cour suprême du Canada a déclaré : « En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. » Les parties qui présentent une preuve dans une demande ex parte « devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments ».

[155]       Le juge Gibson, dans la décision Ministre du Revenu national c. 159890 Canada Inc., 97 DTC 5495, à la page 5497, a aussi précisé que le devoir de divulgation complète et sincère exige que le ministre révèle « ce qui pourrait être raisonnablement considéré comme étant les points faibles » dans sa demande en vue d’une ordonnance ex parte. Sa position à cet égard a été confirmée dans un contexte différent par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.S.C. 3, où la juge Arbour a relevé au paragraphe 47 que les faits exposés par une partie doivent comprendre ceux qui pourraient lui être défavorables.

[156]       La défenderesse prétend que la preuve du ministre était incomplète, inexacte et trompeuse. Elle soutient plus particulièrement que :

            i)          la preuve était incomplète en ce que le ministre n’a pas révélé qu’il savait que les renseignements et documents demandés étaient peut-être privilégiés, puisqu’il avait connaissance de ce que les avocats d’Ottawa donnaient des avis juridiques à ces employeurs et parce que Me Johnston avait déjà soulevé la question du privilège pendant une rencontre avec l’ADRC concernant l’une des vingt-cinq enquêtes de vérification mentionnées plus tôt (note de service du 21 mai 2003, à la page 1189 du dossier de requête de la défenderesse);

            ii)         la preuve était incomplète du fait que le ministre a omis de préciser que sa position quant à la validité des régimes n’était pas éprouvée et s’appuyait uniquement sur un bulletin d’interprétation;

            iii)         la preuve était inexacte et trompeuse quant à la manière dont Welton Parent effectuait ses évaluations;

            iv)        la preuve était trompeuse dans sa façon d’exposer que des avocats d’Ottawa agissaient jusqu’à un certain point à titre de promoteurs dans le dossier.

 

[157]       L’affidavit produit au soutien de la requête ex parte ne traite pas de l’autorité relative de la position du ministre par rapport aux régimes, mais la question a été examinée durant le témoignage de M. Rivet lors de l’audition ex parte. Le ministre a reconnu qu’aucune décision n’avait encore sanctionné la position du ministre et expliqué qu’un premier appel portant sur cette question était en instance. La Cour estime qu’il y a eu divulgation complète et sincère sur ce point.

[158]       En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle le ministre a manqué d’exactitude dans la présentation de sa preuve en ce que M. Rivet a écrit au paragraphe 12 de son affidavit que les évaluations n’ont pas été effectuées conformément aux normes actuarielles reconnues, la Cour est d’avis qu’aucune présentation erronée importante justifiant l’annulation de l’ordonnance n’a été faite.

[159]       M. Rivet a admis que même si Mme Laird, l’experte du ministère, met en doute le caractère raisonnable de certains des hypothèses formulées par Welton Parent, elle n’a jamais dit que l’opinion de Welton Parent n’était pas fondée sur des principes actuariels reconnus. M. Rivet a convenu que le libellé de son affidavit à cet égard n’est [traduction] « pas tout à fait conforme à ce qu’il devrait être ».

[160]       Cette exagération a certes teinté le dossier, mais la Cour estime qu’elle est sans conséquence parce que la Cour a clairement compris, en entendant le témoignage de M. Rivet, que c’est le caractère raisonnable des hypothèses que le ministre conteste. Généralement, il s’agit de questions d’opinions. Quoi qu’il en soit, ce point ne représente que l’une des nombreuses questions soulevées par l’ADRC (paragraphe 9 de l’affidavit de M. Rivet).

[161]       Le dernier manquement soulevé par la défenderesse est plus sérieux puisqu’il se rapporte à la possibilité que les renseignements que le ministre cherche à obtenir soient privilégiés. Après avoir examiné avec soin la transcription du contre-interrogatoire de M. Rivet et la preuve documentaire de la défenderesse, la Cour n’est pas convaincue que l’ADRC ou M. Rivet aient su que Welton Parent ou ses mandants considéraient comme privilégiés tous les renseignements et documents dans les dossiers de Welton Parent. La preuve est insuffisante pour étayer l’affirmation de la défenderesse selon laquelle le demandeur a intentionnellement induit la Cour en erreur en ce qui concerne le rôle des avocats dans ce dossier. Il ne fait aucun doute que la Cour a mal compris le rôle des avocats en raison de l’emploi du mot « promoteurs » dans tout l’affidavit et durant le témoignage de M. Rivet, surtout. Mais je reviendrai sur cette question plus tard.

[162]       Il est évident que le ministre devait être réceptif et attentif au privilège du secret professionnel de l’avocat. Il avait l’obligation de s’assurer de communiquer toute l’information disponible susceptible d’influer sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour, particulièrement en ce qui a trait à la nécessité d’imposer des conditions spéciales pour protéger le secret professionnel de l’avocat.

[163]       Selon le témoignage de M. Rivet, l’ADRC ne s’est pas arrêtée au fait que les avocats d’Ottawa agissaient en tout temps en qualité de conseillers juridiques, même s’il avait lui-même examiné un des avis juridiques de Me Johnston quant aux conséquences fiscales de l’un des régimes. Il n’a jamais non plus réfléchi à la question du secret professionnel de l’avocat, parce qu’il a présumé que [traduction] « peu importe qu’elle (l’évaluation de Welton Parent) passe ou non par les mains de l’avocat, elle était destinée au fiduciaire, non à l’élaboration d’un avis juridique » (transcription du contre‑interrogatoire, à la page 738 du dossier de requête de la défenderesse).

[164]       À première vue, cette explication contredit le mémoire présenté par le demandeur en vue de l’audience ex parte. Au paragraphe 13, en effet, le demandeur écrit : [traduction] « il est possible d’identifier le groupe de personnes non désignées nommément, puisque la partie défenderesse a fourni un avis à chacun des employeurs contribuables qui, à notre connaissance, a pris part à ces fiducies de santé et de bien-être [...] ».

[165]       Considérant la complexité de la présente affaire et le fait que l’un des avis dont dispose la Cour indique que l’évaluation est réalisée à l’intention du fiduciaire, la Cour accordera le bénéfice du doute au demandeur.

[166]       Compte tenu des renseignements consignés au paragraphe 15 de l’affidavit de M. Rivet, la Cour estime qu’il n’était pas déraisonnable de penser qu’aucun privilège ne protégeait le rapport de Welton Parent ni son dossier. Welton Parent ne servait manifestement pas d’intermédiaire entre les avocats d’Ottawa et leurs clients, les employeurs, et rien ne permettait de déduire que la défenderesse était indispensable à la relation entre l’avocat et son client. 

[167]       Toutefois, on ne peut appliquer le même raisonnement à la demande de divulguer le nom des employeurs. M. Rivet savait que les « promoteurs » agissaient en qualité de conseillers juridiques des employeurs. Il connaissait la teneur de leurs conseils puisque l’ADRC avait obtenu copie de quelques-uns de ces avis juridiques. Il avait même rencontré Me Johnston à l’occasion de la vérification de l’un des régimes.

[168]       Comme je l’ai mentionné, M. Rivet a aussi reconnu que même si le ministre tentait d’obtenir le nom des employeurs auprès de Welton Parent, il cherchait indirectement à connaître le nom des clients des deux avocats d’Ottawa.

[169]       Ces renseignements, tous pertinents et substantiels, auraient dû être divulgués à la Cour aussi clairement que possible. Ils n’auraient certainement pas dû être camouflés dans l’affidavit au milieu de détails techniques, à l’instar de l’existence des avocats d’Ottawa au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Rivet[15].

[170]       Il s’agit de toute évidence d’un dossier complexe et de circonstances bien particulières. Néanmoins, il n’y avait aucune urgence; le demandeur avait tout le temps voulu pour étudier toutes les questions.

[171]       La Cour ne peut remplir efficacement son rôle lorsqu’on ne lui présente pas toute la preuve susceptible d’indiquer qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les noms demandés soient protégés par le secret professionnel de l’avocat.

[172]       Le demandeur avait certainement le droit de croire qu’il y avait eu renonciation à l’égard de tout privilège qui avait pu protéger le nom des employeurs lorsque ce renseignement a été communiqué à la défenderesse et aux fiduciaires. Il suffisait qu’il le dise à la Cour. Son opinion ne le relevait pas de son obligation d’en informer la Cour. Je le répète, le demandeur qui présente une requête ex parte a une lourde responsabilité. Il doit être attentif à inclure dans la preuve qu’il soumet à la Cour tous les faits qui pourraient lui être défavorables. 

[173]       Le fait que la Cour elle-même a été attentive à l’existence possible d’un privilège et a soulevé la question durant l’audience ne relève pas non plus le demandeur de son obligation, d’autant moins qu’il est manifeste que la Cour a mal compris le rôle des avocats/promoteurs. La Cour a soulevé la question car [traduction] « il se peut que le promoteur ait reçu un avis juridique ». À ce moment, il aurait été facile de corriger la situation et d’expliquer à la Cour qu’en réalité, ce sont plutôt les promoteurs qui donnaient les avis juridiques aux employeurs. Or, le demandeur a clairement axé sa réponse sur la nature de l’opinion actuarielle. Le problème lié à la divulgation du nom des employeurs n’a jamais été abordé. 

[174]       Je suis convaincue que la Cour n’a jamais été en mesure d’apprécier la possibilité que ce renseignement précis puisse être privilégié, et il ne fait aucun doute que la Cour, eût-elle connu tous les faits dont disposait le demandeur avant de solliciter l’autorisation ex parte, n’aurait pas accordé l’autorisation en ce qui a trait au nom des employeurs à moins que la demande péremptoire ne précise clairement que seuls les documents non protégés par le secret professionnel de l’avocat étaient visés par la demande et que Welton Parent devait discuter de cette question avec ses clients et ses avocats, au besoin, avant de répondre à la demande.

[175]       La défenderesse est d’avis que tout manquement au devoir de faire une divulgation complète et sincère serait suffisant pour justifier l’annulation intégrale de l’ordonnance. Dans les circonstances de l’espèce, qui ne révèlent aucune intention d’induire en erreur, la Cour estime que le manquement n’a d’effet sur l’autorisation qu’à l’égard de la demande de divulguer le nom des employeurs.

[176]       Le paragraphe 231.2(6) prévoit que la Cour peut modifier l’ordonnance qu’elle a rendue, et c’est ce que je ferai.

[177]       Étant donné que le nom des employeurs est protégé par le secret professionnel de l’avocat ou étant donné, subsidiairement, le manquement au devoir de faire une divulgation complète et sincère, la Cour conclut que le demandeur ne devrait pas être autorisé à envoyer une demande exigeant la divulgation du nom des employeurs, et conclut également que toute référence à ces noms devrait être supprimée de tous les documents et renseignements qui seront fournis à l’ADRC en réponse à la demande péremptoire. Maintenant que la question du privilège du secret professionnel de l’avocat a été examinée de manière approfondie, point n’est besoin d’y faire référence dans la demande.

[178]       La seule question qu’il reste à décider est celle de savoir si l’ordonnance devrait être annulée intégralement au motif qu’elle constitue une atteinte injustifiée au privilège du secret professionnel de l’avocat dont bénéficient les contribuables non désignés nommément, en violation de l’article 8 de la Charte.

[179]       Il n’est pas nécessaire que j’aborde cette question pour ce qui est du nom des employeurs, puisque cette partie de l’ordonnance a déjà été annulée.

[180]       Quant aux autres renseignements énumérés dans la demande péremptoire, la Cour n’est pas convaincue que l’ordonnance du 30 mars 2004 porte une atteinte injustifiée à l’article 8. Comme je l’ai indiqué, ni les dossiers de Welton Parent ni sa correspondance avec les avocats d’Ottawa ne sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, et le demandeur n’avait aucune raison de penser qu’ils le seraient.

[181]       En conséquence, la requête est accueillie en partie. Les deux parties ont demandé l’adjudication de leurs dépens, mais aucune n’a présenté d’observations à cet égard au terme des deux jours d’audience. La présente instance est quelque peu inhabituelle en ce que trois avocats différents ont représenté les avocats d’Ottawa en cause dans la requête; or, ces derniers, comme je l’ai dit, n’ont eu gain de cause qu’en partie.

[182]       Si les parties ne peuvent s’entendre sur la question des dépens, la défenderesse devra déposer ses observations écrites à cet égard au plus tard le 14 février 2006, et le demandeur devra déposer sa réponse au plus tard le 24 février 2006.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La requête est accueillie en partie.

            2.         L’ordonnance en date du 30 mars 2004 est modifiée de la façon suivante :

le paragraphe a) sera rédigé comme suit :

Le ministre du Revenu national est autorisé à exiger que la défenderesse se conforme à une demande péremptoire établie selon le modèle annexé à la présente décision, sauf que le paragraphe 1a) de cette demande sera retranché et que le nom des employeurs et leurs coordonnées, le cas échéant, seront supprimés des documents qui devront être transmis en réponse aux alinéas b) à f) du paragraphe 1 de la demande.

3.         Au besoin, une ordonnance sera rendue relativement aux dépens après réception des observations écrites des parties.

 

« Johanne Gauthier »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

 



 

ANNEXE 1

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) :

 

231.7 (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l'accès, l'aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s'il est convaincu de ce qui suit:

a) la personne n'a pas fourni l'accès, l'aide, les renseignements ou les documents bien qu'elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

b) s'agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

 

(2) La demande n'est entendue qu'une fois écoulés cinq jours francs après signification d'un avis de la demande à la personne à l'égard de laquelle l'ordonnance est demandée.

 

(3) Le juge peut imposer, à l'égard de l'ordonnance, les conditions qu'il estime indiquées.

 

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d'outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l'ayant ainsi reconnu coupable.

 

(5) L'ordonnance visée au paragraphe (1) est susceptible d'appel devant le tribunal ayant compétence pour entendre les appels des décisions du tribunal ayant rendu l'ordonnance. Toutefois, l'appel n'a pas pour effet de suspendre l'exécution de l'ordonnance, sauf ordonnance contraire d'un juge du tribunal saisi de l'appel.

 

232. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« avocat » "lawyer"

« avocat » Dans la province de Québec, un avocat ou notaire et, dans toute autre province, un barrister ou un solicitor.

« fonctionnaire » "officer"

« fonctionnaire » Personne qui exerce les pouvoirs conférés par les articles 231.1 à 231.5.

« gardien » "custodian"

« gardien » Personne à la garde de qui un colis est confié conformément au paragraphe (3).

« juge » "judge"

« juge » Juge d'une cour supérieure compétente de la province où l'affaire prend naissance ou juge de la Cour fédérale.

« privilège des communications entre client et avocat » "solicitor-client privilege"

« privilège des communications entre client et avocat » Droit qu'une personne peut posséder, devant une cour supérieure de la province où la question a pris naissance, de refuser de divulguer une communication orale ou documentaire pour le motif que celle-ci est une communication entre elle et son avocat en confidence professionnelle sauf que, pour l'application du présent article, un relevé comptable d'un avocat, y compris toute pièces justificative out tout chèque, ne peut être considéré comme une communication de cette nature.

 

(2) L'avocat poursuivi pour n'avoir pas obtempéré à une exigence de fourniture d'un renseignement ou de production d'un document prévue par l'article 231.2 doit être acquitté s'il démontre, à la satisfaction du tribunal, ce qui suit:

a) pour des motifs raisonnables, il croyait qu'un de ses clients bénéficiait du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le renseignement ou le document;

b) il a indiqué au ministre ou à une personne régulièrement autorisée à agir pour celui-ci son refus d'obtempérer à cette exigence et a invoqué devant l'un ou l'autre le privilège des communications entre client et avocat dont bénéficiait un des ses client nommément désigné en ce qui concerne le renseignement ou le document.

 

(3) Le fonctionnaire qui, conformément à l'article 231.3, est sur le point de saisir un document en la possession d'un avocat qui invoque le privilège des communications entre client et avocat au nom d'un de ses clients nommément désigné en ce qui concerne ce document doit, sans inspecter ou examiner celui-ci ni en faire de copies:

a) d'une part, le saisir, ainsi que tout autre document pour lequel l'avocat invoque, en même temps, le même privilège au nom du même client, en faire un colis qu'il doit bien sceller et bien marquer;

b) d'autre part, confier le colis à la garde soit du shérif du district ou du comté où la saisie a été opérée, soit de la personne que le fonctionnaire et l'avocat conviennent par écrit de désigner comme gardien.

 

(3.1) Lorsque, conformément à l'article 231.1, un fonctionnaire est sur le point d'inspecter ou d'examiner un document en la possession d'un avocat ou que, conformément à l'article 231.2, le ministre exige la fourniture ou la production d'un document, et que l'avocat invoque le privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le document au nom d'un de ses client ou anciens clients nommément désigné, aucun fonctionnaire ne peut inspecter ou examiner le document et l'avocat doit:

a) d'une part, faire un colis du document ainsi que de tout autre document pour lequel il invoque, en même temps, le même privilège au nom du même client, bien sceller ce colis et bien le marquer, ou, si le fonctionnaire et l'avocat en conviennent, faire en sorte que les pages du document soient paraphées et numérotées ou autrement bien marquées;

b) d'autre part, retenir le document et s'assurer de sa conservation jusqu'à ce que, conformément au présent article, le document soit produit devant un juge et une ordonnance rendue concernant le document.

 

(4) En cas de saisie et mise sous garde d'un document en vertu du paragraphe (3) ou de rétention d'un document en vertu du paragraphe (3.1), le client ou l'avocat au nom de celui-ci peut:

a) dans les 14 jours suivant la date où le document a ainsi été mis sous garde ou a ainsi commencé à être retenu, après avis au sous-procureur général du Canada au moins trois jours francs avant qu'il soit procédé à cette requête, demander à un juge de rendre une ordonnance qui:

(i) d'une part, fixe la date -- tombant au plus 21 jours après la date de l'ordonnance -- et le lieu où il sera statué sur la question de savoir si le client bénéficie du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le document,

(ii) d'autre part, enjoint de produire le document devant le juge à la date et au lieu fixés;

b) signifier une copie de l'ordonnance au sous-procureur général du Canada et, le cas échéant, au gardien dans les 6 jours suivant la date où elle a été rendue et, dans ce même délai, payer au gardien le montant estimé des frais de transport aller-retour du document entre le lieu où il est gardé ou retenu et le lieu de l'audition et des frais de protection du document;

c) après signification et paiement, demander, à la date et au lieu fixés, une ordonnance où il soit statué sur la question.

 

(5) Une requête présentée en vertu de l'alinéa (4)c) doit être entendue à huis clos. Le juge qui en est saisi:

a) peut, s'il l'estime nécessaire pour statuer sur la question, examiner le document et, dans ce cas, s'assure ensuite qu'un colis du document soit refait et que ce colis soit rescellé;

b) statue sur la question de façon sommaire:

(i) s'il est d'avis que le client bénéficie du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le document, il ordonne la restitution du document à l'avocat ou libère l'avocat de son obligation de le retenir, selon le cas,

(ii) s'il est de l'avis contraire, il ordonne:

(A) au gardien de remettre le document au fonctionnaire ou à quelque autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu, en cas de saisie et mise sous garde du document en vertu du paragraphe (3),

(B) à l'avocat de permettre au fonctionnaire ou à l'autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu d'inspecter ou examiner le document, en cas de rétention de celui-ci en vertu du paragraphe (3.1).

Le juge motive brièvement sa décision en indiquant de quel document il s'agit sans en révéler les détails.

 

(6) En cas de saisie et mise sous garde d'un document en vertu du paragraphe (3) ou de rétention d'un document en vertu du paragraphe (3.1), et s'il est convaincu, sur requête du procureur général du Canada, que ni le client ni l'avocat n'a présenté de requête en vertu de l'alinéa (4)a) ou que, en ayant présenté une, ni l'un ni l'autre n'a présenté de requête en vertu de l'alinéa (4)c), le juge saisi ordonne:

a) au gardien de remettre le document au fonctionnaire ou à quelque autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu, en cas de saisie et mise sous garde du document en vertu du paragraphe (3);

b) à l'avocat de permettre au fonctionnaire ou à l'autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu d'inspecter ou examiner le document, en cas de rétention de celui-ci en vertu du paragraphe (3.1).

 

(7) Le gardien doit:

a) soit remettre le document à l'avocat en conformité, selon le cas, avec:

(i) un consentement souscrit par le fonctionnaire, ou par le sous-procureur général du Canada ou au nom de celui-ci, ou par le commissaire des douanes et du revenu ou au nom de ce dernier,

(ii) une ordonnance d'un juge sous le régime du présent article;

b) soit remettre le document au fonctionnaire ou à quelque autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu en conformité, selon le cas, avec:

(i) un consentement souscrit par l'avocat ou le client,

(ii) une ordonnance d'un juge sous le régime du présent article.

 

(8) Lorsque, pour quelque motif, le juge saisi d'une demande visée à l'alinéa (4)a) ne peut instruire ou continuer d'instruire la requête visée à l'alinéa (4)c), un autre juge peut être saisi de cette dernière.

 

(9) Il ne peut être adjugé de frais sur la décision rendue au sujet d'une requête prévue par le présent article.

 

(10) Si aucune mesure n'est prévue au présent article sur une question à résoudre en rapport avec une chose accomplie ou en voie d'accomplissement selon le présent article -- à l'exception des paragraphes (2), (3) et (3.1) --, un juge peut décider des mesures qu'il estime les plus aptes à atteindre le but du présent article, à savoir, accorder le privilège des communications entre client et avocat à des fins pertinentes.

 

(11) Le gardien ne peut remettre aucun document à qui que ce soit, sauf en conformité avec une ordonnance d'un juge ou d'un consentement donné, en vertu du présent article, ou sauf à l'un de ses fonctionnaires ou préposés, pour protéger le document.

 

(12) Aucun fonctionnaire ne peut inspecter, examiner ou saisir un document en la possession d'un avocat sans donner à celui-ci une occasion raisonnable d'invoquer le privilège des communications entre client et avocat en vertu de présent article.

 

(13) À tout moment, lorsqu'un document est entre les mains d'un gardien selon le présent article, un juge peut, sur la demande ex parte de l'avocat, autoriser celui-ci à examiner le document ou à en faire une copie en présence du gardien ou du juge, au moyen d'une ordonnance qui doit contenir les dispositions nécessaires pour qu'un colis du document soit refait et que ce colis soit rescellé sans modification ni dommage.

 

(14) L'avocat qui, pour l'application du paragraphe (2), (3) ou (3.1), invoque, au nom d'un de ses clients nommément désigné, le privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne un renseignement ou un document, doit en même temps indiquer la dernière adresse connue de ce client au ministre ou à quelque personne régulièrement autorisée à agir au nome de celui-ci, afin que le ministre puisse, d'une part, chercher à informer le client du privilège que est invoqué en son nome et, d'autre part, donner au client l'occasion, si la chose est matériellement possible dans le délai mentionné au présent article, de renoncer à invoquer le privilège avant que la question ne soit soumise à la décision d'un juge ou d'un autre tribunal.

 

(15) Nul ne peut entraver, rudoyer ou contrecarrer une personne qui fait une chose qu'elle est autorisée à faire en vertu du présent article, ni empêcher ou tenter d'empêcher une personne de faire une telle chose. Malgré toute autre loi ou règle de droit, quiconque est tenu par le présent article de faire quelque chose doit le faire, sauf impossibilité.

 

238. (1) La personne qui ne produit ou ne présente pas ou ne remplit pas une déclaration de la manière et dans le délai prévus à la présente loi ou à son règlement ou qui contrevient au paragraphe 116(3), 127(3.1) ou (3.2), 147.1(7) ou 153(1) ou à l'un des articles 230 à 232 ou à une disposition réglementaire prise en vertu du paragraphe 147.1(18) ou encore qui contrevient à une ordonnance rendue en application du paragraphe (2) commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et outre toute pénalité prévue par ailleurs:

a) soit une amende de 1 000 $ à 25 000 $;

b) soit une telle amende et un emprisonnement maximal de 12 mois.

 

(2) Le tribunal qui déclare une personne coupable d'une infraction prévue au paragraphe (1) peut rendre toute ordonnance qu'il estime indiquée pour qu'il soit remédié au défaut visé par l'infraction.

 

(3) La personne déclarée coupable, par application du présent article, d'avoir contrevenu à une disposition de la présente loi ou de son règlement n'est passible d'une pénalité prévue à l'article 162 ou 227 pour la même contravention que si une cotisation pour cette pénalité a été établie à son égard ou que si le paiement en a été exigé d'elle avant que la dénonciation ou la plainte qui a donné lieu à la déclaration de culpabilité ait été déposée ou faite.

 

 

Charte canadienne des droits et libertés, Édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) :

 

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

 

(2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

 

 

Code criminel, L.R. 1985, ch. C-46 :

 

487. (1) Un juge de paix qui est convaincu, à la suite d'une dénonciation faite sous serment selon la formule 1, qu'il existe des motifs raisonnables de croire que, dans un bâtiment, contenant ou lieu, se trouve, selon le cas :

a) une chose à l'égard de laquelle une infraction à la présente loi, ou à toute autre loi fédérale, a été commise ou est présumée avoir été commise;

b) une chose dont on a des motifs raisonnables de croire qu'elle fournira une preuve touchant la commission d'une infraction ou révélera l'endroit où se trouve la personne qui est présumée avoir commis une infraction à la présente loi, ou à toute autre loi fédérale;

c) une chose dont on a des motifs raisonnables de croire qu'elle est destinée à servir aux fins de la perpétration d'une infraction contre la personne, pour laquelle un individu peut être arrêté sans mandat;

c.1) un bien infractionnel,

peut à tout moment décerner un mandat autorisant un agent de la paix ou, dans le cas d'un fonctionnaire public nommé ou désigné pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale, celui qui y est nommé :

d) d'une part, à faire une perquisition dans ce bâtiment, contenant ou lieu, pour rechercher cette chose et la saisir;

e) d'autre part, sous réserve de toute autre loi fédérale, dans les plus brefs délais possible, à transporter la chose devant le juge de paix ou un autre juge de paix de la même circonscription territoriale ou en faire rapport, en conformité avec l'article 489.1.

 

(2) Lorsque le bâtiment, contenant ou lieu, dans lequel est présumée se trouver une chose mentionnée au paragraphe (1), est situé dans une autre circonscription territoriale, le juge de paix peut décerner son mandat dans la même forme, modifiée selon les circonstances, et le mandat peut être exécuté dans l'autre circonscription territoriale après avoir été visé, selon la formule 28, par un juge de paix ayant juridiction dans cette circonscription.

 

(2.1) La personne autorisée à perquisitionner des données contenues dans un ordinateur se trouvant dans un lieu ou un bâtiment peut :

a) utiliser ou faire utiliser tout ordinateur s'y trouvant pour vérifier les données que celui-ci contient ou auxquelles il donne accès;

b) reproduire ou faire reproduire des données sous forme d'imprimé ou toute autre forme intelligible;

c) saisir tout imprimé ou sortie de données pour examen ou reproduction;

d) utiliser ou faire utiliser le matériel s'y trouvant pour reproduire des données.

 

(2.2) Sur présentation du mandat, le responsable du lieu qui fait l'objet de la perquisition doit faire en sorte que la personne qui procède à celle-ci puisse procéder aux opérations mentionnées au paragraphe (2.1).

 

(3) Un mandat de perquisition décerné en vertu du présent article peut être rédigé selon la formule 5 de la partie XXVIII, ajustée selon les circonstances.

 

(4) Un visa apposé à un mandat conformément au paragraphe (2) constitue une autorisation suffisante pour les agents de la paix ou fonctionnaires publics à qui il a été d'abord adressé et à tous les agents de la paix qui ressortissent au juge de paix qui l'a visé d'exécuter le mandat et de s'occuper des choses saisies en conformité avec l'article 489.1 ou d'une autre façon prévue par la loi.

 

 

 

488.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

«avocat» "lawyer"

«avocat» Dans la province de Québec, un avocat ou un notaire, et dans les autres provinces, un barrister ou un solicitor.

«document» "document"

«document» Pour l'application du présent article, s'entend au sens de l'article 321.

«fonctionnaire» "officer"

«fonctionnaire» Agent de la paix ou fonctionnaire public.

«gardien» "custodian"

«gardien» Personne à qui la garde d'un paquet est confiée conformément au paragraphe (2).

«juge» "judge"

«juge» Juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle de la province où la saisie a été faite.

 

(2) Lorsqu'un fonctionnaire agissant sous le régime de la présente loi ou de toute autre loi fédérale est sur le point d'examiner, de copier ou de saisir un document en la possession d'un avocat qui prétend qu'un de ses clients, nommément désigné, jouit du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne ce document, le fonctionnaire doit, sans examiner le document ni le copier :

a) le saisir et en faire un paquet qu'il doit convenablement sceller et identifier;

b) confier le paquet à la garde du shérif du district ou du comté où la saisie a été effectuée ou, s'il existe une entente écrite désignant une personne qui agira en qualité de gardien, à la garde de cette dernière.

 

(3) Lorsqu'un document a été saisi et placé sous garde en vertu du paragraphe (2), le procureur général, le client ou l'avocat au nom de son client, peut :

a) dans un délai de quatorze jours à compter de la date où le document a été placé sous garde, demander à un juge, moyennant un avis de présentation de deux jours adressé à toute autre personne qui pourrait faire une demande, de rendre une ordonnance :

(i) fixant une date, au plus tard vingt et un jours après la date de l'ordonnance, et un endroit, où sera décidée la question de savoir si le document doit être communiqué,

(ii) en outre, exigeant du gardien qu'il présente le document au juge au moment et au lieu fixés;

b) faire signifier une copie de l'ordonnance à toute personne qui pourrait faire une demande et au gardien dans les six jours de la date où elle est rendue;

c) s'il a procédé ainsi que l'alinéa b) l'autorise, demander, au moment et au lieu fixés, une ordonnance qui tranche la question.

 

(4) Suite à une demande prévue à l'alinéa (3)c), le juge :

a) peut examiner le document, s'il l'estime nécessaire, pour établir si le document doit être communiqué;

b) peut, s'il est d'avis que cela l'aidera à rendre sa décision sur le caractère privilégié du document, permettre au procureur général d'examiner le document;

c) doit permettre au procureur général et à toute personne qui s'oppose à la communication du document de lui présenter leurs observations;

d) doit trancher la question de façon sommaire et :

(i) s'il est d'avis que le document ne doit pas être communiqué, s'assurer que celui-ci est remballé et scellé à nouveau et ordonner au gardien de le remettre à l'avocat qui a allégué le privilège des communications entre client et avocat ou à son client,

(ii) s'il est d'avis que le document doit être communiqué, ordonner au gardien de remettre celui-ci au fonctionnaire qui a fait la saisie ou à quelque autre personne désignée par le procureur général, sous réserve des restrictions et conditions qu'il estime appropriées.

Le juge motive brièvement sa décision en décrivant la nature du document sans toutefois en révéler les détails.

 

(5) Lorsque le juge décide, conformément à l'alinéa (4)d), qu'un privilège des communications entre client et avocat existe en ce qui concerne un document, ce document demeure privilégié et inadmissible en preuve, que le juge ait permis ou non au procureur général de l'examiner, conformément à l'alinéa (4)b), à moins que le client n'y consente ou que le privilège ne soit autrement perdu.

 

(6) Lorsqu'un document a été saisi et placé sous garde, en vertu du paragraphe (2) et qu'un juge, sur la demande du procureur général, est convaincu qu'aucune demande prévue à l'alinéa (3)a) n'a été faite, ou, si elle l'a été, qu'elle n'a pas été suivie d'une autre demande prévue à l'alinéa (3)c), il doit ordonner au gardien de remettre le document au fonctionnaire qui a fait la saisie ou à quelque autre personne désignée par le procureur général.

 

(7) Lorsque, pour quelque motif, le juge à qui une demande a été faite selon l'alinéa (3)c) ne peut agir ni continuer d'agir en vertu du présent article, des demandes subséquentes faites en vertu de cet alinéa peuvent être faites à un autre juge.

 

(8) Aucun fonctionnaire ne doit examiner ni saisir un document ou en faire des copies sans donner aux intéressés une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège des communications entre client et avocat en vertu du paragraphe (2).

 

(9) En tout temps, lorsqu'un document est entre les mains d'un gardien selon le présent article, un juge peut, sur une demande ex parte de la personne qui s'oppose à la divulgation du document alléguant le privilège des communications entre client et avocat, autoriser cette dernière à examiner le document ou à en faire une copie en présence du gardien ou du juge; cependant une telle autorisation doit contenir les dispositions nécessaires pour que le document soit remballé et le paquet scellé à nouveau sans modification ni dommage.

 

(10) La demande visée à l'alinéa (3)c) est entendue à huis clos.

 

(11) Le présent article ne s'applique pas lorsque peut être invoqué le privilège des communications entre client et avocat en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ou le secret professionnel du conseiller juridique en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

 

Income Tax Act, R.S.C. 1985, c.1 (5th Supp.):

 

 

231.7 (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

(a) the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor-client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

 

(2) An application under subsection (1) must not be heard before the end of five clear days from the day the notice of application is served on the person against whom the order is sought.

 

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

 

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and the punishments of the court to which the judge is appointed.

 

(5) An order by a judge under subsection (1) may be appealed to a court having appellate jurisdiction over decisions of the court to which the judge is appointed. An appeal does not suspend the execution of the order unless it is so ordered by a judge of the court to which the appeal is made.

 

232. (1) In this section,

"custodian" « gardien »

"custodian" means a person in whose custody a package is placed pursuant to subsection 232(3);

"judge" « juge »

"judge" means a judge of a superior court having jurisdiction in the province where the matter arises or a judge of the Federal Court;

"lawyer" « avocat »

"lawyer" means, in the province of Quebec, an advocate or notary and, in any other province, a barrister or solicitor;

"officer" « fonctionnaire »

"officer" means a person acting under the authority conferred by or under sections 231.1 to 231.5;

"solicitor-client privilege" « privilège des communications entre client et avocat »

"solicitor-client privilege" means the right, if any, that a person has in a superior court in the province where the matter arises to refuse to disclose an oral or documentary communication on the ground that the communication is one passing between the person and the person's lawyer in professional confidence, except that for the purposes of this section an accounting record of a lawyer, including any supporting voucher or cheque, shall be deemed not to be such a communication.

 

(2) Where a lawyer is prosecuted for failure to comply with a requirement under section 231.2 with respect to information or a document, the lawyer shall be acquitted if the lawyer establishes to the satisfaction of the court

(a) that the lawyer, on reasonable grounds, believed that a client of the lawyer had a solicitor-client privilege in respect of the information or document; and

(b) that the lawyer communicated to the Minister, or some person duly authorized to act for the Minister, the lawyer's refusal to comply with the requirement together with a claim that a named client of the lawyer had a solicitor-client privilege in respect of the information or document.

 

(3) Where, pursuant to section 231.3, an officer is about to seize a document in the possession of a lawyer and the lawyer claims that a named client of the lawyer has a solicitor-client privilege in respect of that document, the officer shall, without inspecting, examining or making copies of the document,

(a) seize the document and place it, together with any other document in respect of which the lawyer at the same time makes the same claim on behalf of the same client, in a package and suitably seal and identify the package; and

(b) place the package in the custody of the sheriff of the district or county in which the seizure was made or, if the officer and the lawyer agree in writing on a person to act as custodian, in the custody of that person.

 

(3.1) Where, pursuant to section 231.1, an officer is about to inspect or examine a document in the possession of a lawyer or where, pursuant to section 231.2, the Minister has required provision of a document by a lawyer, and the lawyer claims that a named client or former client of the lawyer has a solicitor-client privilege in respect of the document, no officer shall inspect or examine the document and the lawyer shall

(a) place the document, together with any other document in respect of which the lawyer at the same time makes the same claim on behalf of the same client, in a package and suitably seal and identify the package or, if the officer and the lawyer agree, allow the pages of the document to be initialed and numbered or otherwise suitably identified; and

(b) retain it and ensure that it is preserved until it is produced to a judge as required under this section and an order is issued under this section in respect of the document.

 

(4) Where a document has been seized and placed in custody under subsection 232(3) or is being retained under subsection 232(3.1), the client, or the lawyer on behalf of the client, may

(a) within 14 days after the day the document was so placed in custody or commenced to be so retained apply, on three clear days notice of motion to the Deputy Attorney General of Canada, to a judge for an order

(i) fixing a day, not later than 21 days after the date of the order, and place for the determination of the question whether the client has a solicitor-client privilege in respect of the document, and

(ii) requiring the production of the document to the judge at that time and place;

(b) serve a copy of the order on the Deputy Attorney General of Canada and, where applicable, on the custodian within 6 days of the day on which it was made and, within the same time, pay to the custodian the estimated expenses of transporting the document to and from the place of hearing and of safeguarding it; and

(c) if the client or lawyer has proceeded as authorized by paragraph 232(4)(b), apply at the appointed time and place for an order determining the question.

 

(5) An application under paragraph 232(4)(c) shall be heard in camera, and on the application

(a) the judge may, if the judge considers it necessary to determine the question, inspect the document and, if the judge does so, the judge shall ensure that it is repackaged and resealed; and

(b) the judge shall decide the matter summarily and,

(i) if the judge is of the opinion that the client has a solicitor-client privilege in respect of the document, shall order the release of the document to the lawyer, and

(ii) if the judge is of the opinion that the client does not have a solicitor-client privilege in respect of the document, shall order

(A) that the custodian deliver the document to the officer or some other person designated by the Commissioner of Customs and Revenue, in the case of a document that was seized and placed in custody under subsection 232(3), or

(B) that the lawyer make the document available for inspection or examination by the officer or other person designated by the Commissioner of Customs and Revenue, in the case of a document that was retained under subsection 232(3.1),

and the judge shall, at the same time, deliver concise reasons in which the judge shall identify the document without divulging the details thereof.

 

(6) Where a document has been seized and placed in custody under subsection 232(3) or where a document is being retained under subsection 232(3.1) and a judge, on the application of the Attorney General of Canada, is satisfied that neither the client nor the lawyer has made an application under paragraph 232(4)(a) or, having made that application, neither the client nor the lawyer has made an application under paragraph 232(4)(c), the judge shall order

(a) that the custodian deliver the document to the officer or some other person designated by the Commissioner of Customs and Revenue, in the case of a document that was seized and placed in custody under subsection 232(3); or

(b) that the lawyer make the document available for inspection or examination by the officer or other person designated by the Commissioner of Customs and Revenue, in the case of a document that was retained under subsection 232(3.1).

 

(7) The custodian shall

(a) deliver the document to the lawyer

(i) in accordance with a consent executed by the officer or by or on behalf of the Deputy Attorney General of Canada or the Commissioner of Customs and Revenue, or

(ii) in accordance with an order of a judge under this section; or

(b) deliver the document to the officer or some other person designated by the Commissioner of Customs and Revenue

(i) in accordance with a consent executed by the lawyer or the client, or

(ii) in accordance with an order of a judge under this section.

 

(8) Where the judge to whom an application has been made under paragraph 232(4)(a) cannot for any reason act or continue to act in the application under paragraph 232(4)(c), the application under paragraph 232(4)(c) may be made to another judge.

 

(9) No costs may be awarded on the disposition of any application under this section.

 

(10) Where any question arises as to the course to be followed in connection with anything done or being done under this section, other than subsection 232(2), 232(3) or 232(3.1), and there is no direction in this section with respect thereto, a judge may give such direction with regard thereto as, in the judge's opinion, is most likely to carry out the object of this section of allowing solicitor-client privilege for proper purposes.

 

(11) The custodian shall not deliver a document to any person except in accordance with an order of a judge or a consent under this section or except to any officer or servant of the custodian for the purposes of safeguarding the document.

 

(12) No officer shall inspect, examine or seize a document in the possession of a lawyer without giving the lawyer a reasonable opportunity of making a claim under this section.

 

(13) At any time while a document is in the custody of a custodian under this section, a judge may, on an ex parte application of the lawyer, authorize the lawyer to examine or make a copy of the document in the presence of the custodian or the judge by an order that shall contain such provisions as may be necessary to ensure that the document is repackaged and that the package is resealed without alteration or damage.

 

(14) Where a lawyer has, for the purpose of subsection 232(2), 232(3) or 232(3.1), made a claim that a named client of the lawyer has a solicitor-client privilege in respect of information or a document, the lawyer shall at the same time communicate to the Minister or some person duly authorized to act for the Minister the address of the client last known to the lawyer so that the Minister may endeavour to advise the client of the claim of privilege that has been made on the client's behalf and may thereby afford the client an opportunity, if it is practicable within the time limited by this section, of waiving the claim of privilege before the matter is to be decided by a judge or other tribunal.

 

(15) No person shall hinder, molest or interfere with any person doing anything that that person is authorized to do by or pursuant to this section or prevent or attempt to prevent any person doing any such thing and, notwithstanding any other Act or law, every person shall, unless the person is unable to do so, do everything the person is required to do by or pursuant to this section.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

238. (1) Every person who has failed to file or make a return as and when required by or under this Act or a regulation or who has failed to comply with subsection 116(3), 127(3.1) or 127(3.2), 147.1(7) or 153(1), any of sections 230 to 232 or a regulation made under subsection 147.1(18) or with an order made under subsection 238(2) is guilty of an offence and, in addition to any penalty otherwise provided, is liable on summary conviction to

(a) a fine of not less than $1,000 and not more than $25,000; or

(b) both the fine described in paragraph 238(1)(a) and imprisonment for a term not exceeding 12 months.

 

(2) Where a person has been convicted by a court of an offence under subsection 238(1) for a failure to comply with a provision of this Act or a regulation, the court may make such order as it deems proper in order to enforce compliance with the provision.

 

(3) Where a person has been convicted under this section of failing to comply with a provision of this Act or a regulation, the person is not liable to pay a penalty imposed under section 162 or 227 for the same failure unless the person was assessed for that penalty or that penalty was demanded from the person before the information or complaint giving rise to the conviction was laid or made.

 

 

 

Canadian Charter of Rights and Freedom, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (U.K.), 1982, c.11:

 

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.  

 

8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

 

24. (1) Anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by this Charter, have been infringed or denied may apply to a court of competent jurisdiction to obtain such remedy as the court considers appropriate and just in the circumstances.

 

(2) Where, in proceedings under subsection (1), a court concludes that evidence was obtained in a manner that infringed or denied any rights or freedoms guaranteed by this Charter, the evidence shall be excluded if it is established that, having regard to all the circumstances, the admission of it in the proceedings would bring the administration of justice into disrepute.

 

 

 

Criminal Code, R.S.C. 1985, c. C-46 :

 

487. (1) A justice who is satisfied by information on oath in Form 1 that there are reasonable grounds to believe that there is in a building, receptacle or place

(a) anything on or in respect of which any offence against this Act or any other Act of Parliament has been or is suspected to have been committed,

(b) anything that there are reasonable grounds to believe will afford evidence with respect to the commission of an offence, or will reveal the whereabouts of a person who is believed to have committed an offence, against this Act or any other Act of Parliament,

(c) anything that there are reasonable grounds to believe is intended to be used for the purpose of committing any offence against the person for which a person may be arrested without warrant, or

(c.1) any offence-related property,

may at any time issue a warrant authorizing a peace officer or a public officer who has been appointed or designated to administer or enforce a federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this Act or any other Act of Parliament and who is named in the warrant

(d) to search the building, receptacle or place for any such thing and to seize it, and

(e) subject to any other Act of Parliament, to, as soon as practicable, bring the thing seized before, or make a report in respect thereof to, the justice or some other justice for the same territorial division in accordance with section 489.1.

 

(2) Where the building, receptacle or place in which anything mentioned in subsection (1) is believed to be is in any other territorial division, the justice may issue his warrant in like form modified according to the circumstances, and the warrant may be executed in the other territorial division after it has been endorsed, in Form 28, by a justice having jurisdiction in that territorial division.

 

(2.1) A person authorized under this section to search a computer system in a building or place for data may

(a) use or cause to be used any computer system at the building or place to search any data contained in or available to the computer system;

(b) reproduce or cause to be reproduced any data in the form of a print-out or other intelligible output;

(c) seize the print-out or other output for examination or copying; and

(d) use or cause to be used any copying equipment at the place to make copies of the data.

 

(2.2) Every person who is in possession or control of any building or place in respect of which a search is carried out under this section shall, on presentation of the warrant, permit the person carrying out the search

(a) to use or cause to be used any computer system at the building or place in order to search any data contained in or available to the computer system for data that the person is authorized by this section to search for;

(b) to obtain a hard copy of the data and to seize it; and

(c) to use or cause to be used any copying equipment at the place to make copies of the data.

 

(3) A search warrant issued under this section may be in the form set out as Form 5 in Part XXVIII, varied to suit the case.

 

(4) An endorsement that is made on a warrant as provided for in subsection (2) is sufficient authority to the peace officers or public officers to whom it was originally directed, and to all peace officers within the jurisdiction of the justice by whom it is endorsed, to execute the warrant and to deal with the things seized in accordance with section 489.1 or as otherwise provided by law.

 

488.1 (1) In this section,

"custodian" «gardien»

"custodian" means a person in whose custody a package is placed pursuant to subsection (2);

"document" «document»

"document", for the purposes of this section, has the same meaning as in section 321;

"judge" «juge»

"judge" means a judge of a superior court of criminal jurisdiction of the province where the seizure was made;

"lawyer" «avocat»

"lawyer" means, in the Province of Quebec, an advocate, lawyer or notary and, in any other province, a barrister or solicitor;

"officer" «fonctionnaire»

"officer" means a peace officer or public officer.

 

(2) Where an officer acting under the authority of this or any other Act of Parliament is about to examine, copy or seize a document in the possession of a lawyer who claims that a named client of his has a solicitor-client privilege in respect of that document, the officer shall, without examining or making copies of the document,

(a) seize the document and place it in a package and suitably seal and identify the package; and

(b) place the package in the custody of the sheriff of the district or county in which the seizure was made or, if there is agreement in writing that a specified person act as custodian, in the custody of that person.

 

 (3) Where a document has been seized and placed in custody under subsection (2), the Attorney General or the client or the lawyer on behalf of the client, may

(a) within fourteen days from the day the document was so placed in custody, apply, on two days notice of motion to all other persons entitled to make application, to a judge for an order

(i) appointing a place and a day, not later than twenty-one days after the date of the order, for the determination of the question whether the document should be disclosed, and

(ii) requiring the custodian to produce the document to the judge at that time and place;

(b) serve a copy of the order on all other persons entitled to make application and on the custodian within six days of the date on which it was made; and

(c) if he has proceeded as authorized by paragraph (b), apply, at the appointed time and place, for an order determining the question.

 

(4) On an application under paragraph (3)(c), the judge

(a) may, if the judge considers it necessary to determine the question whether the document should be disclosed, inspect the document;

(b) where the judge is of the opinion that it would materially assist him in deciding whether or not the document is privileged, may allow the Attorney General to inspect the document;

(c) shall allow the Attorney General and the person who objects to the disclosure of the document to make representations; and

(d) shall determine the question summarily and,

(i) if the judge is of the opinion that the document should not be disclosed, ensure that it is repackaged and resealed and order the custodian to deliver the document to the lawyer who claimed the solicitor-client privilege or to the client, or

(ii) if the judge is of the opinion that the document should be disclosed, order the custodian to deliver the document to the officer who seized the document or some other person designated by the Attorney General, subject to such restrictions or conditions as the judge deems appropriate,

and shall, at the same time, deliver concise reasons for the determination in which the nature of the document is described without divulging the details thereof.

 

 (5) Where the judge determines pursuant to paragraph (4)(d) that a solicitor-client privilege exists in respect of a document, whether or not the judge has, pursuant to paragraph (4)(b), allowed the Attorney General to inspect the document, the document remains privileged and inadmissible as evidence unless the client consents to its admission in evidence or the privilege is otherwise lost.

 

 (6) Where a document has been seized and placed in custody under subsection (2) and a judge, on the application of the Attorney General, is satisfied that no application has been made under paragraph (3)(a) or that following such an application no further application has been made under paragraph (3)(c), the judge shall order the custodian to deliver the document to the officer who seized the document or to some other person designated by the Attorney General.

 

 (7) Where the judge to whom an application has been made under paragraph (3)(c) cannot act or continue to act under this section for any reason, subsequent applications under that paragraph may be made to another judge.

 

(8) No officer shall examine, make copies of or seize any document without affording a reasonable opportunity for a claim of solicitor-client privilege to be made under subsection (2).

 

(9) At any time while a document is in the custody of a custodian under this section, a judge may, on an ex parte application of a person claiming a solicitor-client privilege under this section, authorize that person to examine the document or make a copy of it in the presence of the custodian or the judge, but any such authorization shall contain provisions to ensure that the document is repackaged and that the package is resealed without alteration or damage.

 

(10) An application under paragraph (3)(c) shall be heard in private.

 

(11) This section does not apply in circumstances where a claim of solicitor-client privilege may be made under the Income Tax Act or under the Proceeds of Crime (Money Laundering) and Terrorist Financing Act.

 

 

 


 

 

ANNEXE 2

 

Lignes directrices régissant la perquisition dans les bureaux d’avocats énoncées au paragraphe 49 de l’arrêt Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général.), [2002] 3 R.C.S. 209 :

 

1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l'avocat.

 

2. Avant de perquisitionner dans un bureau d'avocats, les autorités chargées de l'enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu'il n'existe aucune solution de rechange raisonnable.

 

3. Lorsqu'il permet la perquisition dans un bureau d'avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.

 

4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l'analyse, la copie et la saisie immédiates d'un document précis, tous les documents en la possession d'un avocat doivent être scellés avant d'être examinés ou de lui être enlevés.

 

5. Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l'avocat et le client au moment de l'exécution du mandat de perquisition. Lorsque l'avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.

 

6. L'enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour [page251] joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.

 

7. S'il est impossible d'aviser les détenteurs potentiels du privilège, l'avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.

 

8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d'examiner les documents à l'avance. L'autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu'un juge conclut qu'ils ne sont pas privilégiés.

 

9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l'enquête.

 

10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour.

 

1. No search warrant can be issued with regards to documents that are known to be protected by solicitor-client privilege.

 

 

2. Before searching a law office, the investigative authorities must satisfy the issuing justice that there exists no other reasonable alternative to the search.

 

 

 

3. When allowing a law office to be searched, the issuing justice must be rigorously demanding so to afford maximum protection of solicitor-client confidentiality.

 

 

 

4. Except when the warrant specifically authorizes the immediate examination, copying and seizure of an identified document, all documents in possession of a lawyer must be sealed before being examined or removed from the lawyer's possession.

 

5. Every effort must be made to contact the lawyer and the client at the time of the execution of the search warrant. Where the lawyer or the client cannot be contacted, a representative of the Bar should be allowed to oversee the sealing and seizure of documents.

 

 

6. The investigative officer executing the warrant should report to the justice of the peace the [page251] efforts made to contact all potential privilege holders, who should then be given a reasonable opportunity to assert a claim of privilege and, if that claim is contested, to have the issue judicially decided.

 

 

7. If notification of potential privilege holders is not possible, the lawyer who had custody of the documents seized, or another lawyer appointed either by the Law Society or by the court, should examine the documents to determine whether a claim of privilege should be asserted, and should be given a reasonable opportunity to do so.

 

8. The Attorney General may make submissions on the issue of privilege, but should not be permitted to inspect the documents beforehand. The prosecuting authority can only inspect the documents if and when it is determined by a judge that the documents are not privileged.

 

9. Where sealed documents are found not to be privileged, they may be used in the normal course of the investigation.

 

10. Where documents are found to be privileged, they are to be returned immediately to the holder of the privilege, or to a person designated by the court.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                 T-506-04

 

INTITULÉ :                               

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

 

WELTON PARENT INC.

défenderesse

LIEU DE L’AUDIENCE :         OTTAWA (ONTARIO)

 

DATES DE L’AUDIENCE :     LES 29 ET 30 AOÛT 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :              LE 24 JANVIER 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Roger Leclaire                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Carole Benoit

 

Al Meghji                                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Mahmud Jamal

Derek Leschinsky

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                               POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)


 

Agence des douanes                                  Canada Customs

et du revenu du Canada                             and Revenue Agency

 

[Traduction]

 

Welton Parent Inc.

210-5310 Canotek Rd.

Ottawa (Ontario)

K1J 9N5

                                                                        Derek Tolmie

                                                                        Division de la validation et de l’exécution

                                                                        Téléphone : (613) 990-7869

                                                                        Télécopie :  (613) 990-3784

 

 

À l’attention de Sylvain Parent et/ou de Joann Williams

 

Madame, Monsieur,

 

Objet : Production de documents ou fourniture de renseignements

 

1. Aux fins de l’application et de l’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu, vous êtes avisés par la présente que vous devrez fournir, conformément aux dispositions de l’alinéa 231.2(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dans un délai de trente (3O) jours suivant la réception du présent avis de production, les renseignements et documents précisés ci-dessous pour la période comprise entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2003 inclusivement :

 

a. la liste de tous les employeurs participants pour lesquels Welton Parent Inc. a réalisé des rapports d’évaluation actuarielle en rapport avec chacun des régimes d’assurance de santé et de bien-être;

 

b. tous les rapports d’évaluation actuarielle (y compris les ébauches) relatifs à tout régime quelconque d’assurance de santé et de bien-être;

 

c. les dossiers actuariels complets au soutien des rapports préparés pour les membres de régimes d’assurance de santé et de bien-être;

 

d. tous les documents à l’appui des hypothèses et des renseignements ayant servi aux calculs relatifs à quelque régime d’assurance de santé et de bien-être que ce soit, y compris les documents de planification, les procès-verbaux de réunions, notes, instructions, notes de service, lettres d’opinion, rapports, documents de travail, programmes, tableaux, diagrammes, messages transmis par courrier électronique, télécopies et enregistrements ou compte rendus de conversations téléphoniques;

 

e. toute correspondance échangée entre Welton Parent Inc. et toute autre personne concernant des services d’évaluation actuarielle exécutés au regard d’un plan d’assurance de santé et de bien-être;

 

f. toutes les factures préparées par Welton Parent Inc. pour des services d’évaluation actuarielle exécutés au regard d’un plan d’assurance de santé et de bien-être.

 

2. Toute mention de Welton Parent Inc. inclut toutes les dénominations sociales détenues par Welton Parent Inc. depuis le 1er janvier 1996.

 

3. Afin de vous conformer au présent avis, vous êtes priés de fournir les renseignements et documents exigés par la présente à un agent de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, qui se rendra à vos bureaux à cette fin.

 

4. Vous pouvez aussi vous conformer au présent avis en postant les documents et les renseignements requis à l’attention de Derek Tolmie, au 1730, boulevard St-Laurent, 7e étage, Ottawa (Ontario), K1G 3H7, dans le délai prescrit au paragraphe 1.

 

5. Si vous faites défaut de vous conformer immédiatement au présent avis de production, vous encourrez, en application du paragraphe 238(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende minimale de 1 000 $ et maximale de 25 000 $, ou à la fois une telle amende et un emprisonnement maximal de 12 mois. Le paragraphe 238(2) prévoit que si vous êtes déclaré coupable par un tribunal, le tribunal peut rendre toute ordonnance qu’il estime indiquée pour qu’il soit remédié au défaut de se conformer aux exigences du paragraphe 231.2(1). L’article 231.7 dispose par ailleurs que, malgré le paragraphe 238(2), un juge peut vous ordonner, sur demande sommaire du ministre, de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir aux termes de l’avis de production, et peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées. 

 

 

Mme Aline Landry

Directrice

Bureau des services fiscaux d’Ottawa

Agences des douanes et du revenu du Canada

333, avenue Laurier Ouest

Ottawa (Ontario)

K1A  0L9

 



[1] Paragraphe 15 de l’affidavit souscrit par M. Rivet le 5 mars 2004.

[2] Ces avocats ne pratiquent pas le droit ensemble.

[3]  Chaque avocat, dans l’affidavit qu’il a souscrit, affirme qu’il n’a ni annoncé ni fait la promotion au public d’un mécanisme fiscal particulier. 

[4] Dans certains cas, il n’a pas été possible de rejoindre les clients; cependant, les avocats d’Ottawa ont déclaré que, puisqu’ils n’ont pas été autorisés à renoncer au privilège du secret professionnel, ils se devaient de préserver les droits de ces clients.

[5] Cette affirmation vaut aussi pour l’avocat au service de la société d’assurance qui a agi pour le compte de Hari S. Nesathurai.

[6] Le juge Rosenberg et le juge Carthy ont approuvé l’analyse du juge Doherty quant au privilège du secret professionnel de l’avocat (le privilège des conseils juridiques).

[7] La démarche fonctionnelle établie dans l’arrêt Chrusz a été appliquée récemment dans la décision Prosperine c. Ottawa‑Carleton (Regional Municipality), [2003] O.J. no 1414.

[8] Les autres décisions citées par la défenderesse, comme Methanex, Cinéplex Odeon et Long tracker, mentionnées au paragraphe 43, peuvent toutes être distinguées en ce qu’elles se rapportent à des tiers qui agissaient en qualité de mandataires des clients pour exposer les faits à l’avocat ou en qualité d’interprètes des faits à l’intention de l’avocat. Elles servent essentiellement, à mon avis, à illustrer les principes établis dans l’arrêt Susan Hosiery.

[9] Cette compréhension semble aussi coïncider avec le résumé présenté au paragraphe 14.71.5 du supplément à la deuxième édition de l’ouvrage Law of Evidence in Canada, précité.

[10] Le demandeur a aussi fait valoir que si la demande péremptoire exigeant la divulgation du nom des employeurs contrevenait à l’article 8 de la Charte, il serait sauvegardé par l’analyse au titre de l’article premier. Cet argument, toutefois, n’est pas pertinent pour la présente partie des motifs.

[11] Il appert clairement qu’avant de solliciter l’autorisation de la Cour, M. Rivet a examiné d’assez près, à tout le moins, l’avis de William Johnston (courrier électronique en date du 21 juin 2004, à la page 1209 du dossier de requête de la défenderesse).

[12] Au paragraphe 32 de son affidavit, Hari S. Nesathurai déclare qu’il informe les fiduciaires et les assureurs du fait qu’ils doivent traiter les renseignements qu’il leur transmet comme des renseignements privilégiés et qu’il n’a aucune raison de penser que les renseignements ainsi transmis ont été dévoilés à des tiers. 

[13] À l’audience, la défenderesse a soutenu que, si la Cour concluait que le dossier lui-même n’était pas assujetti au privilège, le raisonnement applicable à la divulgation du nom des employeurs s’appliquerait aux autres documents et renseignements au dossier de Welton Parent. Sans le nom des employeurs, la Cour ne voit tout simplement pas comment la communication du dossier de Welton Parent pourrait porter atteinte au privilège du secret professionnel de l’avocat.

[14] La Cour, dans l’arrêt Festing, n’a pas examiné cette décision, qui venait tout juste d’être rendue au moment de la nouvelle audience devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique.

[15] L’auteur de l’affidavit lui-même a admis en contre-interrogatoire qu’il n’y avait aucune raison de consigner ces renseignements à cet endroit.

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