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Date : 20050516

Dossier : IMM-3782-04

Référence : 2005 CF 701

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

MOHAMAD HOSAIN GHABRAI-LANGROUDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]      Mohamed Hosain Ghabrai-Langroudi est un citoyen iranien et un réfugié au sens de la Convention. Il a présenté une demande de résidence permanente en 1999. Aucune décision n'a encore été rendue relativement à cette demande. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Ghabrai-Langroudi sollicite une ordonnance de mandamus obligeant le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à prendre une décision relativement à sa demande de résidence permanente.

[2]      L'avocat du défendeur a fait valoir que le solliciteur général du Canada est une partie nécessaire à la présente demande, car la demande de résidence permanente de M. Ghabrai-Langroudi est en suspens jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur sa demande d'exemption ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Sur consentement des parties, l'intitulé a été modifié de manière à y ajouter le solliciteur général à titre de défendeur.

[3]      Bien que j'aie de l'empathie pour M. Ghabrai-Langroudi et que je sois convaincue que le traitement de son dossier accuse un retard déraisonnable, j'en suis malheureusement venue à la conclusion que je ne peux lui accorder le redressement qu'il cherche à obtenir au moyen de la présente demande.

Contexte

[4]      M. Ghabrai-Langroudi est arrivé au Canada en 1998 et a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention l'année suivante. Il a été victime d'une violence extrême et de torture en Iran.

[5]      Le 16 décembre 1999, M. Ghabrai-Langroudi a présenté ce qui était à l'époque une demande d'établissement, en vertu des dispositions de l'ancienne Loi sur l'immigration.

[6]      En septembre 2000, le Service canadien du renseignement de sécurité a interrogé M.Ghabrai-Langroudi sur des questions de sécurité, après quoi son dossier a été envoyé à l'administration centrale du SCRS pour une poursuite de l'enquête.

[7]      En avril 2002, un agent d'immigration a convoqué M. Ghabrai-Langroudi à une entrevue afin d'obtenir des renseignements additionnels sur son appartenance à l'Organisation des Fedayan et au parti Toudeh. Les Fedayan ont pris part à des actes de violence visant à renverser le Shah et son régime.

[8]      M. Ghabrai-Langroudi n'a jamais tenté de cacher son appartenance à l'Organisation des Fedayan ou au parti Toudeh et il a révélé son appartenance à ces deux organisations aux autorités de l'immigration canadienne dans le Formulaire de renseignements personnels qu'il a joint à sa demande de statut de réfugié.

[9]      En mai 2002, M. Ghabrai-Langroudi a été avisé qu'il ne pouvait pas être admis au Canada en vertu de la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi sur l'immigration (maintenant le paragraphe 34(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés), car il était membre d'une organisation dont il y avait des motifs raisonnables de croire qu'elle s'était livrée à des actes de terrorisme. On lui a dit que, par conséquent, on mettait fin à l'examen de sa demande de résidence permanente.

[10]     En même temps, on a invité M. Ghabrai-Langroudi à présenter une demande d'exemption ministérielle qui, s'il l'obtenait, permettrait la reprise du traitement de sa demande de résidence permanente.

[11]     M. Ghabrai-Langroudi a présenté sa demande d'exemption ministérielle le 19 juillet 2002. Cette demande a été soumise au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration qui, à l'époque, avait la responsabilité de telles décisions.

[12]     En vertu du paragraphe 6(3) de la LIPR, le pouvoir discrétionnaire d'accorder une exemption à l'interdiction de territoire est conféré exclusivement au ministre et ne peut pas être délégué.

[13]     En septembre 2003, un analyste de la sécurité avait préparé un rapport à l'intention du ministre concernant le cas de M. Ghabrai-Langroudi. Ce rapport, dans lequel on recommandait manifestement que sa demande soit accueillie, n'a pas été communiqué à M. Ghabrai-Langroudi à l'époque.

[14]     Depuis le 12 décembre 2003, c'est le solliciteur général of Canada qui est désormais chargé des décisions concernant les demandes d'exemption ministérielle présentées en vertu du paragraphe 34(2) de la LIPR.

[15]     De septembre 2003 au printemps de 2005, il semble n'y avoir eu aucun progrès en ce qui concerne la demande d'exemption ministérielle présentée par M. Ghabrai-Langroudi. À plusieurs reprises, ce dernier a cherché à se renseigner sur l'état d'avancement de sa demande et on lui a de nombreuses fois répondu qu'il était impossible de prédire à quel moment une décision serait prise.

[16]     Quelques semaines avant l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, une copie du rapport de l'analyste a été remise à M. Ghabrai-Langroudi à qui on a donné la possibilité de soumettre des observations.

[17]     Comme il a été indiqué plus haut, ce rapport avait été achevé en septembre 2003. Dans les circonstances, il est raisonnable de déduire que la proximité de la date fixée pour le renvoi de la demande de mandamus présentée par M. Ghabrai-Langroudi a réactivé son dossier.

[18]     À l'heure actuelle, la seule chose qui reste à faire en ce qui concerne la demande d'exemption ministérielle de M. Ghabrai-Langroudi est que le solliciteur général du Canada prenne une décision.

[19]     La demande d'exemption ministérielle de M. Ghabrai-Langroudi est en suspens depuis bientôt trois ans. Les parties reconnaissent qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir de renseignements auprès de tiers pour le traitement de la présente demande. En fait, il semble qu'il suffisait qu'un analyste prépare un rapport à l'intention du ministre et que le ministre prenne une décision.

[20]     La seule explication proposée pour le retard dans le traitement de la demande est [traduction] « l'arriéré » . Bien que la demande de M. Ghabrai-Langroudi soit apparemment qualifiée d'[traduction] « urgente » , on ne sait pas encore dans quel délai on pourrait s'attendre à une décision du solliciteur général.

Question en litige

[21]     Il s'agit pour la Cour de décider s'il est approprié d'accorder à M. Ghabrai-Langroudi le redressement qu'il sollicite dans son avis de demande.

Analyse

[22]     Au moyen de son avis de demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, M. Ghabrai-Langroudi veut obtenir une ordonnance de mandamus obligeant le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à prendre une décision concernant sa demande de résidence permanente.

[23]     Il n'y a aucun doute que si le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration devait prendre maintenant une décision sur la demande de résidence permanente de M. Ghabrai-Langroudi, la décision serait défavorable. Il en est ainsi parce que M. Ghabrai-Langroudi est interdit de territoire car il a été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle s'est livrée à des actes de terrorisme.

[24]     Autrement dit, si j'accordais à M. Ghabrai-Langroudi le redressement qu'il demande, il n'obtiendrait pas le résultat qu'il souhaite, soit - évidemment - la résidence permanente au Canada.

[25]     La seule façon pour M. Ghabrai-Langroudi d'obtenir une décision favorable au sujet de sa demande de résidence permanente serait que le solliciteur général du Canada prenne d'abord la décision de lui accorder une exemption ministérielle.

[26]     Ayant examiné le dossier, je suis convaincue qu'il y a eu, dans le traitement de la demande d'exemption ministérielle présentée par M. Ghabrai-Langroudi, un « délai déraisonnable » au sens attribué à cette expression dans la jurisprudence : voir, par exemple, Conille c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1553, et Bhatnager c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 315.

[27]     Il n'y a aucun doute que ce délai a entraîné des difficultés pour M. Ghabrai-Langroudi, car il ne peut être réuni avec sa femme et ses enfants, qui sont encore en Iran. Cette séparation de sa famille est sûrement d'autant plus difficile pour M. Ghabrai-Langroudi parce qu'il souffre d'angoisse, de dépression et du syndrome de stress post-traumatique à la suite de la torture qu'il a subie en Iran.

[28]     Si j'en avais la possibilité, je n'hésiterais pas à ordonner au solliciteur général de rendre une décision concernant la demande d'exemption ministérielle de M. Ghabrai-Langroudi dans un délai raisonnable, par exemple un délai de trois mois.

[29]     Toutefois, la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Ghabrai-Langroudi ne vise pas un tel redressement. En présence d'une demande d'ordonnance de mandamus à l'encontre d'un ministre relativement à une demande, je ne vois pas comment je pourrais ordonner à un autre ministre de rendre une décision relativement à une autre demande.

[30]     Par conséquent, je ne peux que rejeter la présente demande. Je rends cette décision sous réserve du droit de M. Ghabrai-Langroudi de présenter une autre demande de mandamus à l'encontre du solliciteur général relativement à sa demande d'exemption ministérielle. J'espère qu'il ne lui sera pas nécessaire de le faire.


Conclusion

[31]     Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.

Certification

[32]     Aucune des parties n'a proposé de question à certifier et aucune question n'est soulevée dans la présente affaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                   L'intitulé est modifié de manière à ajouter le solliciteur général du Canada à titre de défendeur.

2.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

3.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-3782-04

INTITULÉ :                                                    MOHAMAD HOSAIN GHABRAI-LANGROUDI

demandeur

                                                                        et

                                                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 10 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                   LE 16 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Douglas Lehrer                                                 POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DOUGLAS LEHRER                                                  

Avocat

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice               

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DÉFENDEUR

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